Cour d'appel de Paris, 23 février 2016, n° 13/00902

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 23 févr. 2016, n° 13/00902
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/00902
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 24 octobre 2012, N° 11/13901

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRÊT DU 23 Février 2016

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/00902

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2012 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section commerce RG n° 11/13901

APPELANTE

Madame E C

XXX

XXX

née le XXX à XXX

comparante en personne, assistée de Me Faouzi achraf EL MOUNTASSIR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0158

INTIMEE

ENTREPRISE GUY CHALLANCIN (SAS)

XXX

XXX

représentée par Me David RAYMONDJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0948

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme L M N, et Mme F G Conseillères, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Bruno BLANC, Président

Mme L M N, conseillère

Mme F G, conseillère

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

— Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, prorogé à ce jour.

— signé par Monsieur Bruno BLANC, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La cour est saisie de l’appel interjeté le 01.02.2013 par E C du jugement rendu le 25.10.2012 par le Conseil de Prud’hommes de Paris section Commerce 4, qui a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes.

E C demande à la cour d’infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, de dire nul le licenciement pour inaptitude physique résultant d’une maladie professionnelle prononcé à son encontre et de condamner son employeur au paiement de :

—  60.589,44 € avec intérêts de droit avec capitalisation ;

—  20.000 € en réparation du harcèlement sexuel et moral subi et du non respect par l’employeur de l’obligation de sécurité et de protection ;

—  14.984,34 € représentant le solde de l’indemnité de licenciement doublée ;

—  3.000 € pour frais irrépétibles.

De son côté, la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN demande de confirmer le jugement, de débouter l’appelante de toutes ses demandes et de condamner E C à payer la somme de 1.500 € pour frais irrépétibles.

SUR LES FAITS :

La SAS ENTREPRISE CHALLANCIN a une activité de nettoyage industriel.

E C, née en 1959, a été engagée par contrat à durée indéterminée par la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN le 01.01.2005 en qualité d’ouvrier qualifié à temps complet ; ce contrat constituait la poursuite de précédents contrats de travail conclus à partir du 30.06.1989 et chaque fois transférés, étant précisé que la salariée avait travaillé pour l’entreprise CHALLANCIN en qualité d’agent nettoyeur du 11.06.1992 au 18.08.1993.

L’entreprise est soumise à la convention collective de la manutention ferroviaire et travaux connexes ; elle comprend plus de 11 salariés.

E C a été prise en charge au titre de la maladie professionnelle (bursite sous acrolio deltoïdienne droite) pour des faits survenus le 12.03.2003 ; la consolidation est intervenue le 30.09.05 ; une rechute a été constatée du 04.04.07 au 16.08.08 (tendinite épaule droite), la CPAM 92 admettant qu’il s’agissait d’une rechute de la maladie professionnelle du 12.03.2003 et que la rechute du 02.11.2005 était également imputable à cette maladie professionnelle.

Une pétition a été signée par 4 collègues de E C le 14.04.2006 pour dénoncer le comportement de M. A responsable du chantier de la gare St Lazare à l’encontre de E C.

Le 23.01.2008, E C a déposé une main courante auprès du commissariat de police de Paris 8è en déclarant subir depuis 3 ans un harcèlement moral de la part de Kader B, responsable du local de nettoyage du site de la gare St Lazare où elle travaille depuis 20 ans.

Une nouvelle pétition a été signée par 7 collègues le 29.01.2008 pour s’opposer à une sanction disciplinaire envisagée à l’encontre de la salariée.

Le 12.02.2008, la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN a notifié à la salariée une sanction disciplinaire sous la forme d’une mutation sur le site de la RATP de Championnet Paris 18è en raison de faits intervenus le 19.01.08 au cours desquels l’absence de E C a été constatée par son responsble vers 10h45 et à son retour elle s’est mise à hurler et à l’insulter en des termes indécents à reproduire. E C a contesté cette sanction ; une pétition a été signée par 21 de ses collègues pour la dénoncer.

E C a été placée en arrêt maladie pour cause professionnelle à partir de février 2008 pour TMS, il a été décidé par la CPAM le 10.03.2008 qu’il s’agissait d’une rechute de la maladie professionnelle reconnue le 28.07.04 ; le 04.12.08 il lui a été reconnu un taux d’incapacité permanente de 20%.

Le 01.12.2008 le médecin du travail a rendu un premier avis d’inaptitude au poste d’agent de service et a proposé un reclassement sans contraintes physiques, sans charges de plus de 5 kg, plutôt sédentaire ; le 18.12.2008, il a déclaré la salariée H définitivement au poste, l’étude de son poste et l’avis spécialisé n’ayant pas permis de proposer un autre poste que le poste initial, il a précisé : pas de port de charges supérieures à 5 kg, ni de contraintes physiques et plutôt poste sédentaire.

Le 10.12.2008, la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN s’est adressée aux sociétés CHALLANCIN NETTOYAGE et SAS PANTIA pour leur demander les possibilités de reclassement de E C.

E C a été convoquée par lettre du 26.12.2008 à un entretien préalable fixé le 08.01.2009, puis licenciée par son employeur le 16.01.2009 pour inaptitude physique après une recherche de reclassement qui s’est révélée infructueuse ; il était indiqué que :

'Nous vous avons convoquée à un entretien préalable qui s’est tenu le 8 janvier 2009, à la suite de l’avis d’inaptitude constatée par la médecine du travail lots de votre visite de reprise du 18 décembre 2008» afin d’envisager avec vous les possibilités de reclassement qui pouvaient s’offrir au sein de notre société.

Nous avons longuement étudié votre dossier et les différents postes disponibles au sein de

notre groupe au regard des conclusions de la médecine du travail qui sont les suivantes :

«2e visite selon l’article R 241-51-1 du code du travail. Mme C est H I au poste d’agent de service, l’étude de son poste et l’avis spécialisé ne m’ont pas permis de proposer un autre poste que celui avec les restrictions de la 1

ère visite du 01/12/08. Pas de port de charges > 5 kg, pas de contrainte physique» plutôt poste sédentaire».

Malheureusement aucun reclassement n’est possible au sein du groupe CHALLANCIN. En effet, les seuls postes disponibles sont ceux d’ouvriers ou d’agents de propreté pour lesquels vous êtes précisément déclarée H.

Par courrier du 10 décembre 2008, nous avons écrit aux différentes sociétés de notre groupe afin de les interroger sur les possibilités de reclassement envisageables à votre égard.

Malheureusement aucune de ces sociétés n’a la possibilité d’assurer votre reclassement |

Nous avons également écrit à la société l’Audacieuse dans ce même but Nous n’avons reçu

aucune réponse.

Dans le cadre de l’éventualité de votre reclassement, nous avons envisagé de vous proposer

un poste de gardiennage au sein de ta société CHALLANCIN Gardiennage, à laquelle nous

avons également écrit dans ['optique de votre reclassement, mais un tel poste suppose, en raison des sites sur lesquels elle intervient, l’obligation de disposer de tout son potentiel physique, outre des compétences et des aptitudes spécifiques, ce qui n’est malheureusement pas votre cas. Lors de notre entretien du 8 janvier 2009 dernier vous avez admis ne pas pouvoir remplir un tel poste.

Nous vous confirmons que le nettoyage dans le cadre de l’activité de manutention ferroviaire est beaucoup plus spécialisé et physiquement éprouvant, ce qui explique que nous ne disposions pas de poste compatible avec les prescriptions médicales ci-dessus relatées.

Nous ne disposons d’aucun poste administratif que vous soyez en mesure d’occuper. Vous

avez d’ailleurs admis que vous ne pouviez pas remplir de telles fonctions.

Nous avons également écrit le 9 décembre 2008 au docteur Y du C.MXE. qui a

rendu l’avis d’inaptitude, afin de lui demander que nous soient précisés les postes que le médecin pensait pouvoir convenir ou les aménagements pouvant intervenir sur votre poste de travail, ou sur tout poste du groupe, au regard de ses conclusions et de sa connaissance du groupe CHALLANCIN et des différentes fonctions professionnelles qui y sont exercées.

En effet, Madaitae Y est seule habilitée, en qualité de médecin du travail, à faire des propositions de mutation ou de transformation de poste au regard de l’âge, de la résistance physique ou de l’état de santé physique ou mental du salarié concerné.

Nous terminions notre courrier en ces termes : « Votre avis est primordial, puisque vous connaissez précisément la définition des fonctions de Madame C E, ainsi que les tâches qu’elle ne peut accomplir en raison de son état de santé, pour que nous puissions envisager efficacement son reclassement ».

Nous n’avons reçu aucune réponse du médecin du travail.

Nous ne disposons pas d’un poste compatible avec les conclusions de Madame Y.

En conséquence, nous sommes contraints de vous licencier pour inaptitude physique dûment constatée par la médecine du travail.'

Le CPH de Paris a été saisi par E C le 29.09.2011 en contestation de cette décision et indemnisation des préjudices subis.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l’audience.

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

Il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur ; il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Dans son jugement le CPH de Paris a estimé que la lettre de licenciement faisait apparaître le motif d’inaptitude au poste de travail ; il ne pouvait être que constaté que la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN n’avait pas trouvé la possibilité de reclasser la salariée après une recherche restée infructueuse, aucun poste au regard des restrictions n’ayant pu être trouvé.

Pour contester son licenciement, E C constate qu’elle a subi 3 rechutes inhérentes à la maladie professionnelle reconnue initialement comme telle, et alors qu’elle était salariée de la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN ; la lettre de licenciement mentionne le caractère professionnel de sa maladie et le versement d’une indemnité de préavis ; le médecin du travail fait également référence à la maladie professionnelle dans ses avis. E C rappelle que dès lors qu’il existe un lien de causalité entre la rechute de l’accident et ses conditions de travail ou tout autre événement inhérent à ses fonctions au service du nouvel employeur, le salarié peut prétendre au bénéfice de la protection légale. Elle souffre d’une maladie professionnelle de type T57 reconnue par la CPAM dès le 12.03.2003 et elle a été salariée de la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN non seulement avant cette date mais aussi sans discontinuer depuis le 01.01.05 ; le lien de causalité a été expressément et à plusieurs reprises reconnu par le médecin du travail et la CPAM à la suite de 3 rechutes ; les conditions de travail de l’entreprise sont identiques à celle qui l’a précédée : les tâches et le lieu de travail sont pour E C les mêmes, sa pathologie est liées à l’exécution de ses tâches ; le 18.12.08 le médecin du travail a émis des préconisations d’aménagement du poste et dès le 26.12.08 la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Son licenciement est nul à défaut : de consultation des délégués du personnel ce qui est démontré, de recherche de reclassement postérieurement à la visite médicale du 18.12.08, de recherche d’offres de formation en contravention avec l’article L 1226-10, de notification de l’impossibilité de reclassement avant le licenciement, de preuve de cette impossibilité réelle. La SAS ENTREPRISE CHALLANCIN compte plus de 2.600 salariés ; par suite l’indemnité de licenciement devait être doublée et l’indemnité réparant la violation de l’obligation de reclassement portée à 12 mois de salaire.

La SAS ENTREPRISE CHALLANCIN opppose que E C ne peut pas se prévaloir de l’article L 1226-14 en l’absence de rechute en lien avec la maladie professionnelle contratée en 2003 ; il n’y a pas eu d’accident du travail ; la cour de cassation souligne l’autonomie du droit du travail et de la sécurité sociale et le juge prud’homal n’est pas tenu par les constatations faites par la CPAM pour la qualification de maladie professionnelle.

Il n’existait pas dans l’entreprise de poste compatible avec les compétences de la salariée tant physiques qu’intellectuelles ; les postes de surveillance et de contrôle comprennent des tâches de nettoyage pour les cadres et non cadres et l’essentiel du personnel est constitué de personnel ouvrier.

Si l’article L. 1226-6 du code du travail exclut l’application de la législation protectrice des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle aux rapports entre un employeur et un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle survenu ou contractée au service d’un autre employeur, le salarié peut prétendre au bénéfice de la protection légale dès lors qu’il existe un lien de causalité entre la rechute de l’accident du travail initial et ses conditions de travail ou tout autre événement inhérent à ses fonctions au service du nouvel employeur.

Or E C a bénéficié de la part de la sécurité sociale de la législation sur les maladies professionnelles dès le 12.03.2003 et a continué à l’être au titre des trois rechutes intervenues les 02.11.2005, 04.04.2007 et 17.01.2008 alors que la salariée exerçait les mêmes fonctions sur le même lieu de travail, et que ces conditions de travail identiques ont à chaque fois provoqué des douleurs notamment de type tendinopathie résultant nécessairement du travail accompli en qualité d’agent nettoyeur. L’employeur a lui même reconnu dans ses écritures que ce n’était pas l’état psychique de E C qui avait conduit aux deux avis d’inaptitude de décembre 2008, c’était donc bien son état physique. Le médecin du travail a coché sur la fiche d’aptitude la case 'maladie professionnelle', la seconde visite étant intervenue 'sur demande du médecin'. Enfin la lettre de licenciement mentionne que les 'derniers arrêts étaient justifiés par une maladie professionnelle’ et l’employeur a de ce fait réglé son indemnité de préavis et l’lindemnité de licenciement à la salariée.

Quelle que soit l’indépendance entre les qualifications reconnues par le droit du travail et celui de la sécurité sociale, la maladie de E C avait donc la qualification de maladie professionnelle au sens du droit du travail et était rattachée à la maladie professionnelle reconnue initialement par l’employeur.

De ce fait, la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN devait consulter les délégués du personnel, non seulement avant d’engager la procédure de licenciement mais encore avant toute proposition au salarié d’un emploi de reclassement, ce qu’il n’a pas fait. La recherche de reclassement résultant des deux courriers adressés par l’employeur le 10.12.2008 était antérieure à l’avis d’inaptitude définitive du 18 décembre.

L’obligation de reclassement est impérative et la recherche doit être loyale et sérieuse ; l’obligation n’est pas remplie en l’espèce dès lors que l’employeur ne démontre aucune recherche dans ses différents établissement mais aussi n’a pas produit les réponses des deux seules entreprises sollicitées et ne justifie pas du périmètre du groupe auquel il appartient au sein duquel aurait dû s’effectuer la recherche de reclassement alors qu’est produite aux débats une décision (CA de Paris 26.02.2015 Pôle 6 chambre 5) démontrant que les sociétés MNS et l’Audacieuse devaient être interrogées ; en effet, la recherche de reclassement doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Il lui appartenait certes d’informer la salariée des motifs s’opposant au reclassement avant que la procédure ne soit lancée, ce qui en soi ne justifierait qu’une réparation pécuniaire.

Par suite le licenciement de E C doit être déclaré nul et le jugement en cause infirmé.

En conséquence, la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN sera condamnée à verser à la salariée à titre de dommages intérêts la somme de 30.000 € eu égard à son ancienneté, son expérience professionnelle, ses chances de retrouver un emploi et son âge, la moyenne des salaires ayant été fixée à 1.383,23 €.

La salariée doit percevoir, en outre une indemnité spéciale de licenciement. Elle est égale au double de l’indemnité légale de licenciement (C. trav., art. L. 1226-14). la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN devra verser à la salariée la somme de 14.984,34 € au titre du reliquat, montant non contesté.

Sur le harcèlement sexuel et moral et le non respect par l’employeur de l’obligation de sécurité de résultat :

Par ailleurs, E C invoque un harcèlement sexuel et déclare qu’elle avait alerté par écrit son employeur sur le comportement de son supérieur ; elle avait fait l’objet d’une tentative de viol sur le lieu de travail, son agresseur a reconnu les faits devant la police.

De son côté l’employeur conteste la réalité du harcèlement sexuel invoqué qui serait intervenu en novembre 1992 alors que l’article 1153-1 du code du travail dans sa dernière formulation n’a été introduit qu’en 2012 ; il n’est prouvé que par une lettre du 01.03.1993 aux termes ambigües.

Le harcèlement sexuel était interdit dans les entreprises bien avant la loi n° 2012-954 du 06.08.2012 ; cependant au soutien de son argumentation E C produit : un courrier non daté et non signé adressé à l’employeur dénonçant des faits de tentative de viol de la part de M. Z, qui en tant que tel n’est pas recevable ; un courrier adressé au responsable de l’entreprise, rédigé à l’encontre de M. Z, daté du 18.11.1992 et signé de 4 salariés dont E C, dénonçant les 'avances’ du salarié ; le courrier de B. ERRAMI du 01.0.1993 adressé à 'Mr le Commissaire’ dont les termes ne sont pas circonstanciés. Ces seuls éléments ne peuvent démontrer l’existence d’un harcèlement sexuel qu’aurait subi la salariée.

E C déclare avoir été victime également d’un harcèlement moral répété de la part de son nouveau supérieur hiérarchique dans le cadre de son travail, et en dehors sur son téléphone personnel ; ces agissements ont été dénoncés par ses collègues et les syndicats, elle produit des pétitions et attestations de collègues ; le médecin du travail a constaté l’apparition brutale de difficultés de respiration ; cependant aucune mesure ou sanction n’a été prise par l’employeur pour faire cesser cette situation.

Le harcèlement moral n’a été révélé par E C que 7 ans après sa survenance ; il n’y a pas eu de répétition des propos tenus par M. A le 28.03.2006 ; sur les faits du 19.01.2008, E C ne peut pas reprocher à l’employeur des réprimandes faites à bon escient ; les conséquences sur sa santé ne sont pas davantages prouvées alors que E C a subi un drame personnel qui a seul provoqué un syndrome anxio dépressif ; ce n’est pas l’état psychique de E C qui a conduit aux deux avis d’inaptitude de décembre 2008.

A l’appui de ses allégations, E C verse aux débats une pétition signée de 4 de ses collègues salariés rédigée par le syndicat FGTE CFDT le 14.04.2006 dénonçant le comportement de M. A, mais aussi dans un second temps la plainte déposée par E C en 2008 à l’encontre de K. B, accompagnée d’une déclaration de main courante du 23.01.2008, de la lettre rédigée le 28.01.2008 par le syndicat FGTE CFDT, de la pétition relative à l’attitude déplacée du responsable du chantier de St Lazare signée de 7 salariés, de l’attestation de A. NAKHI agent de sécurité selon le quel le 19.01.08 le responsable du chantier aurait injurié E C ce qui est confirmé par P. X chef de service SNCF et B. KHALAS.

L’employeur a le 12.02.2008 notifié sa mutation disciplinaire à la salariée pour des faits commis le 19.01.08 en raison de son comportement, sanction contestée dans une pétition signée de nombreux salariés et par E C dans une lettre non datée et non signée.

Les faits de 2008 sont de nature à porter atteinte à sa dignité, étant précisé que les éléments médicaux fournis sont postérieurs et non pertinents sur ce point.

Ainsi tandis que E C évoque des faits qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, au vu de ces éléments, la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN ne prouve pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision serait justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral est par suite constitué ; l’employeur sera condamné à payer à sa salariée la somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi.

La capitalisation des intérêts est de droit.

Il serait inéquitable que E C supporte l’intégralité des frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l’appel recevable ;

Infirme le jugement rendu le 25.10.2012 par le Conseil de Prud’hommes de Paris section Commerce 4 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Déclare nul le licenciement de E C par la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN en date du 16.01.2009 et en conséquence, condamne l’employeur à payer à la salariée :

—  30.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement nul,

—  14.984,34 € au titre du reliquat d’indemnité de licenciement spéciale,

—  10.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral subi,

avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne la SAS ENTREPRISE CHALLANCIN aux dépens d’appel et à payer à E C la somme de 2.000 € en vertu de l’article 700 CPC au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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