Cour d'appel de Paris, 12 avril 2016, n° 15/10466

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 12 avr. 2016, n° 15/10466
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/10466
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 15 avril 2015, N° 15/00286

Sur les parties

Texte intégral

Notification aux par L.R.A.R.: RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 12 AVRIL 2016

(n°071/2016, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/10466

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance de de Paris – RG n° 15/00286

Saisine sur déclinatoire de compétence

APPELANT

Monsieur A X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assisté de Me Christian HUET, avocat au barreau de PARIS, toque : L226

INTIMÉS

ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA CITE DE LA MUSIQUE – PHILHARMONIE DE PARIS

Etablissement public national à caractère industriel et commercial, créé par le décret n°2015-1178 du 25 septembre 2015 venant aux droits et obligations de l’association Philarmonie de Paris, pris en la personne de son représentant légal en exercice conformément à son statut, ayant son siège social

221 avenue A Jaurès

XXX

Représenté par Me A-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Assisté de Me Thierry DAL FARRA de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

SAS ATELIERS A X

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro B398 163 204

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Mme Y Z, Conseillère

Madame G H, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l’affaire a été communiquée, représenté lors des débats par Brigitte GARRIGUES, substitut général, qui a fait connaître son avis,

ARRÊT :

Réputé contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier.

***

L’association Philharmonie de Paris a été créée par l’Etat et la Ville de Paris conformément à la loi du 1er juillet 1901, afin d’assurer la maîtrise de l’ouvrage de la construction, dans le parc de la Villette (19e arrondissement), d’un grand équipement musical d’environ 20 000 m² utiles, comprenant notamment une salle de concert de près de 2 400 places, consacrée à la musique philharmonique.

La maîtrise d’oeuvre de l’opération (conception et exécution) a été confiée en 2007, à l’issue d’un concours international d’architecture, à la société Ateliers A X (ci-après AJN), créée en 1994 par l’architecte M. A X.

L’acte d’engagement de la construction de la Philharmonie de Paris en date du 17 avril 2007 a été signé par M. E F, alors PDG de la société Ateliers A X, et M. X, architecte DPLG.

Le marché de maîtrise d''uvre, contenant le cahier des clauses administratives particulières, a été signé en avril 2007, par ces mêmes personnes ès qualités et le Directeur Général de l’Association Philarmonie de Paris.

Une annexe n°11 (avenant n°2) de ce marché est consacrée à la convention de cession de droits, conclue entre l’Association Philarmonie de Paris, d’une part, et la société AJN représentée par son PDG et M. X agissant en son nom personnel, d’autre part.

Les études de conception du projet ont été effectuées en 2008 et le permis de construire a été délivré le 11 décembre 2008.

La réalisation des travaux a été confiée en 2011 par l’Association Philarmonie de Paris à un groupement momentané d’entreprises dont le mandataire est la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France.

Des difficultés sont survenues entre l’association Philharmonie de Paris et la société AJN, à propos des modifications opérées par celle-ci à la conception de l’ouvrage telle que résultant des plans définitifs.

A la suite de correspondances très critiques de la société AJN, lui reprochant des immixtions prétendument fautives dans la mission de maître d’oeuvre, l’association Philarmonie de Paris a saisi en référé le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance de Paris qui, par décision du 4 mars 2014, a ordonné, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, une expertise sur les points techniques faisant difficulté entre les parties.

La livraison de la salle de concert, initialement prévue au début de l’année 2014, a été repoussée à plusieurs reprises pour une ouverture au public le 14 janvier 2015.

Se plaignant d’avoir été, avec la société AJN, écartés du contrôle de l’exécution des travaux à partir du mois de septembre 2013 et de la réalisation, sans son accord, de travaux non conformes aux plans et images de l’oeuvre architecturale par lui conçus, M. X, dûment autorisé, a, par actes des 3 et 9 décembre 2014, fait assigner à jour fixe l’association Philarmonie de Paris et la société AJN devant le tribunal de grande instance de Paris, afin de voir, en substance et pour l’essentiel :

juger que l’association Philarmonie de Paris a porté atteinte à son droit moral d’auteur relatif au respect et à l’intégrité de l’oeuvre de la Philarmonie de Paris,

et en conséquence,

condamner, sous astreinte, l’association Philarmonie de Paris à faire exécuter tous les travaux nécessaires à la remise en état de l’oeuvre avec les plans et images initiaux (les éléments en cause étant listés),

à titre subsidiaire,

ordonner une expertise.

L’association Philarmonie de Paris a soulevé in limine litis l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris au profit du tribunal administratif de Paris, présenté à titre subsidiaire des fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir de M. X, faute pour lui d’établir sa qualité d’auteur et d’identifier précisément la création originale sur laquelle il allègue un droit moral d’auteur, et conclu encore plus subsidiairement, sur le fond, au rejet de ses demandes.

Par jugement contradictoire du 16 avril 2015, le tribunal a :

déclaré le tribunal de grande instance de Paris compétent,

écarté la

1:

première

fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. X,

2:

accueillant la seconde fin de non-recevoir,

' déclaré la demande de M. X irrecevable,

ordonné l’exécution provisoire de la décision,

condamné M. X au paiement de la somme de 6 000 € à l’association Philharmonie de Paris, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. X aux dépens, avec bénéfice des dispositions de l’article 699 du même code à l’avocat de la partie adverse.

M. X a interjeté appel de cette décision le 22 mai 2015.

Par décret n°2015-1178 du 25 septembre 2015, les droits et obligations de l’Association Philarmonie de Paris ont été transférés à l’établissement public de la Cité de la musique – Philarmonie de Paris, spécialement créé à cet effet, qui vient donc à ses droits dans la présente instance.

Le 8 décembre 2015, le préfet de la région Ile-de-France, Préfet de Paris, a adressé à la cour d’appel de Paris un déclinatoire de compétence, aux termes duquel il expose, en substance :

que la juridiction judiciaire n’est pas compétente pour connaître de la demande principale du requérant portant, selon lui, sur la réalisation de travaux sur l’ouvrage de la Philarmonie de Paris, dès lors que celui-ci bénéficie, en sa qualité d’ouvrage public, du régime juridique applicable à ces ouvrages, qui 'vise à préserver son intégrité en évitant les éventuelles entraves qui pourraient être apportées à son fonctionnement’ (conclusions du rapporteur public dans l’avis contentieux du Conseil d’Etat du 29 avril 2010 n°323179);

que les dispositions de l’article L331-1 du code de la propriété intellectuelle attribuant au juge judiciaire les contestations fondées notamment sur le droit moral des architectes, n’ont, ni pour objet, ni pour effet, de déroger à la règle protectrice précitée ; – que si, par deux décisions du 7 juillet 2014 (C3954 et C3955), le Tribunal des conflits a jugé que les dispositions de ce dernier texte induisaient la compétence de l’ordre judiciaire pour connaître de la responsabilité des personnes publiques fondées sur la méconnaissance par ces dernières des droits en matière de propriété littéraire et artistique, dont relève le droit moral de l’architecte, il s’agissait d’actions indemnitaires ;

que tant l’association Philarmonie de Paris que l’établissement public Cité de la musique – Philarmonie de Paris, venant aux droits de la première dans les conditions prévues par le décret n°2015-1178 du 24 septembre 2015, sont des pouvoirs adjudicateurs relevant respectivement de l’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005, puis de la nouvelle ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 pour la passation de marchés de travaux, pour lesquels la règle – d’ordre public et prévue à peine de nullité – est la mise en concurrence obligatoire.

Vu les observations transmises le 26 janvier 2016 par l’établissement public de la Cité de la musique – Philarmonie de Paris, venant aux droits de l’association Philarmonie de Paris, qui demande à la cour de :

accueillir le déclinatoire de compétence,

infirmer le jugement entrepris, sauf en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens,

dire la juridiction judiciaire et à ce titre, le tribunal de grande instance comme la cour d’appel de Paris, incompétents au profit du tribunal administratif de Paris,

renvoyer M. X à mieux se pourvoir et le débouter de toutes ses demandes,

le condamner au paiement d’une somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec bénéfice des dispositions de l’article 699 du même code ;

Vu les observations transmises le 20 janvier 2016 par M. X, qui demande à la cour de :

rejeter le déclinatoire de compétence,

déclarer compétente la juridiction judiciaire ;

Vu l’absence de constitution de la société AJN, à qui la déclaration d’appel a été signifiée à personne par acte du 6 juillet 2015 ;

Vu l’avis du Ministère public du 11 janvier 2016, tendant à voir écarter le déclinatoire de compétence et retenir la compétence de la cour d’appel ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que selon le premier alinéa de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 dite 'de simplification et d’amélioration de la qualité du droit', « Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire » ;

Que dans plusieurs décisions récentes des 7 juillet 2014 (n°14-03.954 et 14-03.955) et 12 octobre 2015 (n°15-04.023), le Tribunal des conflits a reconnu que ce texte, accordant aux tribunaux de grande instance déterminés par voie réglementaire une compétence exclusive pour 'les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique', avait une portée dépassant la sphère de l’ordre judiciaire et était susceptible de déroger à d’autres principes ou dispositions législatives attribuant compétence au juge administratif dans certaines matières ;

Considérant qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que l’oeuvre de la Philarmonie de Paris est un ouvrage public ;

Que néanmoins, l’action engagée par M. X tend principalement à voir reconnaître la responsabilité de l’association Philarmonie de Paris, aux droits de laquelle vient l’établissement public Cité de la musique – Philarmonie de Paris, du fait des atteintes prétendument portées à son droit moral d’auteur relatif au respect et à l’intégrité de l’oeuvre de la Philarmonie de Paris ;

Qu’elle suppose, d’abord, que M. X justifie de sa qualité d’auteur, qui lui est contestée, et qu’il identifie précisément la création originale sur laquelle il allègue un droit moral d’auteur, en l’occurrence, les plans, maquettes, croquis et visuels finalisés par lui, prétendument non respectés par l’Association Philarmonie de Paris dans les travaux qu’elle a fait réaliser, ce à quoi il a échoué en première instance ;

Qu’elle suppose, ensuite, qu’il justifie des actes de dénaturation allégués, dont la constitution doit être appréciée au regard notamment du respect par les parties de leurs obligations contractuelles réciproques ;

Qu’il s’agit donc bien d’une action civile relative à la propriété littéraire et artistique relevant par nature, en vertu du texte susvisé, de la compétence exclusive du juge judiciaire ;

Considérant qu’il importe donc peu que la demande subséquente de M. X tende, non pas à l’indemnisation de son préjudice, mais à sa réparation en nature par l’exécution de travaux de remise en état, dont la prescription relève en principe, de par la nature d’ouvrage public de l’édifice concerné, – et sauf voie de fait ou rattachement à une obligation de voisinage, non invoqués en l’espèce – de la compétence du juge administratif ;

Que la compétence exclusive du juge judiciaire instaurée pour l’action principale emporte en effet sa compétence pour connaître des questions qui en sont dépendantes ;

Considérant qu’il se déduit de l’ensemble de ces éléments que le juge judiciaire est compétent pour examiner le litige ; qu’il convient donc de rejeter le déclinatoire de compétence ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Rejette le déclinatoire de compétence,

Se dit compétente,

Renvoie les parties à l’audience de mise en état du 10 mai 2016 (pôle 5, chambre 1 à 13 heures) pour qu’il soit décidé d’un sursis à statuer ou de la poursuite de l’instance, selon l’existence ou non d’un arrêté de conflit.

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’établissement public de la Cité de la musique – Philarmonie de Paris,

Réserve les dépens.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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Cour d'appel de Paris, 12 avril 2016, n° 15/10466