Cour d'appel de Paris, 10 février 2016, n° 15/01022

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 10 févr. 2016, n° 15/01022
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/01022
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 28 octobre 2014, N° F12/14245

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 10 Février 2016

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/01022 CB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 octobre 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° F 12/14245

APPELANT

Monsieur B C X

XXX

XXX

représenté par Me Sonia SPASOJEVIC, avocat au barreau de PARIS, toque : E1662

INTIMEE

SNC LIDL

XXX

XXX

représentée par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171 substitué par Me Clémentine DEBECQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Décembre 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Z A, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benoît DE CHARRY, Président

Madame Z A, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Greffier : Mme Eva TACNET, greffière stagiaire en pré-affectation, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Eva TACNET, greffière stagiaire en pré-affectation à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur B C X a été engagé par la société LIDL par un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er octobre 2012 en qualité de responsable de réseaux, statut cadre.

Ce contrat stipulait une période d’essai de 6 mois.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

La société LIDL occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre en date du 7 novembre 2012, la société a rompu la période d’essai en ces termes: « (…) Cette période ne nous a pas permis de conclure à votre aptitude à remplir les fonctions envisagées, nous vous informons que nous mettons un terme à nos relations contractuelles.(…) ».

Considérant la rupture de la période d’essai comme abusive, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement en date du 29 octobre 2014 auquel la Cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a condamné la société LIDL à lui payer la somme de:

—  384,75 euros à titre de remboursement de frais professionnels (frais de repas),

avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation en bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement, étant rappelé qu’en vertu de l’article R 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, fixée à la somme de 3 355,45 euros ,

et a débouté Monsieur X du surplus de ses prétentions, la société étant condamnée aux dépens.

Monsieur B C X a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 27 janvier 2015.

Il soutient que la rupture de la période d’essai est abusive.

En conséquence, il sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail et en ce qu’il n’a pas fait droit à l’intégralité de la somme sollicitée au titre du remboursement des frais professionnels. Il sollicite la confirmation du jugement entrepris pour ce qui concerne la part de remboursement de frais octroyée. Il demande à la cour de condamner la société à lui payer la somme de:

—  6 215 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai,

—  172,05 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

—  2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

outre les dépens.

En réponse, la société LIDL fait valoir qu’elle n’a pas rompu de manière abusive la période d’essai et que les frais professionnels ne sont pas dus.

En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris pour ce qui concerne la rupture de la période d’essai et son infirmation pour ce qui concerne les frais professionnels.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l’audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture de la période d’essai

Monsieur X soutient que cette rupture est abusive car elle est en lien avec une conversation entre le directeur régional de la société, Monsieur Y, et un membre de la direction de la société CSF France, son précédent employeur, avec l’entretien qu’il a eu avec Monsieur Y le 20 octobre 2012 et avec la lettre qu’il a adressée à son employeur à ce titre le 26 octobre 2012.

Il fait valoir que cette période d’essai a été rompue alors qu’il était au début de son parcours de formation et occupait le poste de caissier et que ses difficultés d’adaptation au poste de responsable de réseau évoquées pour fonder la rupture ne peuvent qu’être mensongères puisqu’il n’avait occupé que le poste de caissier. Il souligne que la société ne produit aucun élément sur ces difficultés.

En réponse, la société soutient que la rupture de la période d’essai n’est pas abusive car il ne lui était pas interdit de s’intéresser aux raisons du départ de Monsieur X de chez son précédent employeur et de demander au salarié ces raisons non obtenues auprès de celui-ci, il n’y a aucun rapport entre ces faits et la rupture de la période d’essai intervenue plus tard, cette rupture étant fondée sur le constat du manque de compétence de Monsieur X pour occuper un poste de plus haute responsabilité que celui de caissier employé libre-service qui lui était confié dans le cadre de son parcours de formation.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1221-20 et L 1231-1 du code du travail que la période d’essai permet à l’employeur notamment d’évaluer les compétences du salarié dans son travail et que les dispositions relatives à la rupture du contrat de travail ne sont pas applicables à la période d’essai.

Ainsi, la rupture de la période d’essai ne requiert pas un formalisme particulier. Pour autant, la liberté de rompre le contrat de travail au cours de la période d’essai ne doit pas dégénérer en abus.

Il appartient au salarié qui invoque cet abus, de le démontrer.

En l’espèce, il est établi que Monsieur X devait suivre un parcours de formation au cours duquel il était affecté aux différents postes du magasin. Au moment de la rupture de la période d’essai, il était affecté au poste de caissier selon la pièce 8/1 qu’il verse aux débats. Il n’est pas contesté par la société qu’elle a été en relation avec l’ancien employeur de Monsieur X, qu’elle s’est entretenu avec lui et qu’elle a demandé au salarié les circonstances de la rupture de son contrat de travail antérieur ce le 20 octobre 2012. La société reconnaît avoir reçu la lettre de Monsieur X en date du 26 octobre 2012 ainsi rédigée:

« (…) Ce samedi 20 octobre, vous êtes venu me demander des explications sur les événements entourant la rupture de mon contrat de travail avec Carrefour Market, mon dernier employeur. La Direction de Carrefour Market venait de vous contacter pour vous parler de moi, et des circonstances de la rupture. Vous ne m’avez donné aucune précision sur leurs dires. Je vous ai quant à moi livré ma version des faits, en toute transparence, n’ayant rien à cacher, et trouvant tout à fait normal de vous rassurer. J’espère que vous l’êtes et j’espère de tout coeur que vous ne tirerez aucune conséquence de cet appel téléphonique. (…) ».

Elle n’a pas répondu à ce courrier.

La période d’essai a pour seul objet d’évaluer les compétences du salarié pour les fonctions qui vont lui être dévolues aux termes de l’article L 1221-20 du code du travail. Les seuls éléments que l’employeur peut prendre en compte pour rompre la période d’essai sont donc liés à la compétence du salarié à partir des constatations qu’il a effectuées au cours de la période d’essai.

Il en résulte qu’il ne peut pas déduire d’une expérience antérieure du salarié, son incompétence au poste occupé, qu’il doit apprécier la compétence du salarié aux fonctions pour lesquelles il a été engagé et qu’un délai suffisant doit être laissé au salarié pour qu’il fasse ses preuves.

D’une part, il résulte de la chronologie des faits que la rupture de la période d’essai est survenue 17 jours après que la société a eu un contact avec le précédent employeur de Monsieur X et s’est entretenu avec ce dernier des circonstances de la rupture de la période d’essai chez ce précédent employeur et seulement 11 jours au plus après la réception de la lettre du salarié.

D’autre part, le contrat de travail a été rompu alors que Monsieur X était au début de son parcours de formation de 6 mois soit au terme de 5 semaines et qu’il effectuait les fonctions de caissier. La période d’essai avait pour objet d’apprécier les compétences du salarié aux fonctions de responsable de réseaux, statut cadre, et la rupture de cette période d’essai ne pouvait intervenir qu’en raison de la constatation par la société de son incompétence à exercer ces fonctions de cadre. S’il peut être utile pour être un bon manager de découvrir les fonctions exercées par les personnes coordonnées, il ne peut être déduit d’une incompétence éventuelle à exercer les fonctions de caissier, une incompétence à exercer les fonctions de responsable réseaux, les aptitudes mobilisées et les fonctions à exercer étant nécessairement différentes. En tout état de cause, la rupture prématurée de cette période d’essai ne pouvait pas permettre à la société d’évaluer les compétences de Monsieur X au poste pour lequel il était recruté.

Dès lors, la cour retient le caractère abusif de la rupture de la période d’essai.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Cette rupture abusive a créé à Monsieur X un préjudice qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le remboursement des frais professionnels

Monsieur X soutient que les autres responsables de réseaux ont perçu des frais de repas à raison de 17,40 euros par jours sur 6 jours par semaine car ils travaillaient comme lui du lundi au samedi inclus. Il souligne qu’il a demandé à la société de communiquer les bulletins de salaire de ces responsables réseaux et le registre du personnel ce que la société a refusé. Il critique la décision entreprise en ce qu’elle a considéré que ces frais de repas étaient dus pour 5 jours par semaine.

La société fait valoir que, pour percevoir cette indemnisation, Monsieur X devait produire des justificatifs ce qu’il n’a pas fait et que le remboursement des frais est effectué sur la base de 17,10 euros par jour, 5 jours par semaine, le salarié travaillant 5 jours au maximum. Elle conclut au débouté du salarié.

Le contrat de travail liant les parties stipule que les remboursements de frais professionnels se feront selon les modalités décrites par note interne. La société produit une note intitulée « remboursement des frais de déplacement » définissant les conditions de prise en charge des frais notamment de repas, fixant le remboursement à la somme de 17,10 euros par jour et indiquant que le remboursement des frais de repas pour les responsables réseaux se fait de manière forfaitaire sur la base d’un décompte établi par le salarié (pièce 1 de la société, page 6). Monsieur X ne fait valoir aucune observation sur ces documents.

Il résulte de ceux-ci que le salarié devait indiquer de manière précise, le nombre de repas dont il sollicitait le remboursement. Monsieur X ne justifie pas avoir effectué ce décompte. Il sera débouté de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera infirmée.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, la société LIDL sera condamnée à payer à Monsieur B C X la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel.

Sur les dépens

Partie succombante, la société LIDL sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit abusive la rupture de la période d’essai,

Condamne la société LIDL à verser à Monsieur B C X la somme de :

—  3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai,

Condamne la société LIDL à payer à Monsieur B C X la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société LIDL aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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