Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 7 juin 2018, n° 15/22985

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Chronologie de l’affaire

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Gouache Avocats · 11 janvier 2019

La faute grave de l'agent commercial est privative de l'indemnité de fin de contrat et est susceptible de causer un préjudice moral au mandant. Si la caractérisation d'une faute grave de l'agent commercial prive celui-ci de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L.134-12 du code de commerce, une telle faute est également susceptible de causer un préjudice au mandant, dont il est fondé à demander réparation. En l'espèce, un mandant, une agence immobilière, résilie sans préavis le contrat de son agent commercial, en faisant valoir deux fautes graves distinctes. Le mandant …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 7 juin 2018, n° 15/22985
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/22985
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 14 octobre 2015, N° 2014058452
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 07 JUIN 2018

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/22985

Décision déférée à la cour : jugement du 15 octobre 2015 – tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2014058452

APPELANTE

Madame D X

[…]

[…]

née le […] à […]

Représentée par Maître Julien DAMAY, avocat au barreau de PARIS, toque : E2055

Ayant pour avocat plaidant Maître Hadrien GILLIER, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE

SARL Z IMMOBILIER

[…]

[…]

N° SIRET : 431 947 027

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Bastien MATHIEU de l’AARPI FOURMENTIN, LE QUINTREC, VEERASAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : R035 substituée à l’audience par Maître Caroline CUMIN, avocate au barreau de PARIS, toque : R035

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Mars 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur O P, Président de chambre

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère

Madame Anne DU BESSET, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame F G

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur O P, Président et par Madame F G, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Z Immobilier (ci-après Z), dont la gérante est Mme H Y, est une agence immobilière située dans le 7e arrondissement de Paris, spécialisée dans la location d’appartements vides ou meublés.

Mme D X (ci-après Mme X) a été embauchée par la société Z en tant que négociatrice dans le cadre d’un CDD du 22 janvier 2010 au 24 octobre 2010.

Après cette date, Mme X a continué à travailler pour la société Z sans interruption jusqu’au 2 mai 2011, en qualité d’apporteur d’affaires.

Puis, par acte sous seing privé du 2 ou 6 mai 2011, elle a conclu un contrat d’agent commercial sans exclusivité avec la société Z.

Le 4 janvier 2013, Mme Y, gérante de Z, a reçu en entretien sur sa convocation Mme X, entretien au cours duquel elle lui a adressé divers reproches.

Par courrier daté du 12 janvier 2013, Mme X a contesté ces griefs et exprimé le souhaité de continuer son mandant d’agent commercial.

Puis, selon courrier RAR et courriel du 15 janvier 2013, la société Z a notifié à Mme A la rupture à effet immédiat de son contrat d’agent commercial pour faute grave, aux motifs notamment qu’elle recherchait un autre emploi, se désinvestissait de son mandat,obtenait des résultats insuffisants, manquait à son devoir de loyauté, et qu’elle avait détourné les honoraires de 3.827,20 euros dus à l’agence concernant le mandat C, ce qu’elle n’avait découvert que très récemment, et copié sur un disque dur externe le contenu de l’ordinateur de l’agence.

Ces griefs ont été contestés par Mme X par courrier de son conseil du 29 janvier 2013t, chaque partie maintenant sa position.

C’est dans ce contexte que par acte du 24 mai 2013, Mme D X a assigné la société Z Immobilier aux fins de voir constater son absence de faute grave et d’obtenir le paiement de diverses indemnités et sommes.

Par jugement du 15 octobre 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

— débouté Mme X de sa demande de paiement de la somme de 109.534,80 euros à titre d’indemnité de résiliation,

— débouté Mme X de sa demande de paiement de la somme de 9.127,90 euros à titre d’indemnité de préavis,

— condamné Mme X à payer à la société Z Immobilier la somme de 1.293,55 toutes taxes comprises avec intérêt au taux légal à compter du 24 mai 2013,

— débouté Mme X de sa demande de 10.000 euros au titre du préjudice moral,

— débouté la société Z Immobilier de sa demande de dommages-intérêts,

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement sans caution,

— débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

— condamné Mme X aux dépens de la présente procédure, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Vu l’appel interjeté le 13 novembre 2015 par Mme X ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 janvier 2016 par Mme X, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l’article L.134-12 du code de commerce

— constater l’absence de faute grave de Mme X,

En conséquence':

— infirmer la décision entreprise,

— condamner la société Z Immobilier à payer à Mme X les sommes de :

' 1.576,55 euros à titre de commissions non réglées,

' 9.127,90 euros à titre d’indemnité de préavis (correspondant à deux mois de préavis),

' 109.534,80 euros à titre d’indemnité de résiliation,

' 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

' 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Z le 21 mars 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X de toutes ses demandes à l’encontre de la société Z ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme X à payer à la société Z la somme de 1.293,55 euros avec intérêts ;

A titre reconventionnel,

— réformer le jugement en ce qu’il a débouté la société Z de sa demande de dommage intérêts et statuant de nouveau condamner Mme X à payer 15.000,00 euros à Z Immobilier en réparation de son préjudice moral et du détournement de son fichier client,

A titre subsidiaire,

— rejeter toutes demandes de Mme X,

En toute hypothèse,

— condamner le demandeur à payer à Z Immobilier la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2018.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

***

MOTIFS :

' Sur l’indemnité de rupture :

' Sur le principe de l’indemnité :

L’article L134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information (alinéa 2) ; que l’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat (alinéa 3).

L’article L 134-12 du même code, dont les dispositions sont d’ordre public, indique qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu’il perd toutefois le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent.

L’article L134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l’article L.134-12 n’est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent

commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence.

Il est admis que la faute grave, privative d’indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

En l’espèce, Mme X ne présente en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnités de préavis et de rupture au motif que la dite rupture était justifiée par sa faute grave, caractérisée par un détournement d’honoraires de 3.827,20 euros dus à l’agence. En effet, il a été estimé à juste titre par les premiers juges que Z, ainsi qu’elle en a la charge, rapportait la preuve de ce détournement commis à son insu et à son préjudice.

Il apparaît ainsi au vu des pièces du dossier que le 20 décembre 2011, Mme I C a confié à Z, représentée alors par un autre de ses agents, Mme B, le mandat non exclusif de louer son bien immobilier meublé sis […], […] ; que ce mandat a été dûment enregistré sur le registre idoine de Z ; que selon acte sous seing privé du 9 janvier 2012, grâce à l’intermédiation de Mme X agissant pour le compte de Z, un bail a été consenti sur ce logement à une ressortissante américaine, Mme J K L, et un état des lieux d’entrée alors dressé, le dit bail fixant à 3.827,20 euros les honoraires dus par la locataire à l’agence Z Immobilier ; que cette somme a alors été remise en espèces contre reçu par la locataire à Mme X, ce que celle-ci ne conteste nullement, faisant valoir qu’elle l’a immédiatement transmise à Mme Y, gérante de Z, ce dont elle ne pourrait pas justifier car Mme Y ne souhaitait pas déclarer cette somme, encaissée par elle 'au black’ et donc hors comptabilité, et exigeait qu’elle s’abstienne de dresser sa facture de commission afférente ; que par la suite, la locataire ayant délivré congé, un état des lieux de sortie a été dressé le 7 janvier 2013 par Mme X, représentant Z.

Or, la thèse de la remise immédiate soutenue par Mme X n’est pas justifiée par celle-ci et ne peut être accréditée dans la mesure où il s’avère au vu de la chronologie des pièces et des explications successives fournies par chaque partie que Mme Y n’a eu connaissance de l’existence de la conclusion de ce bail par l’intermédiaire de Z que le 10 janvier 2013, lorsque elle a surpris Mme X en train d’accomplir les formalités de suivi de l’état des lieux de sortie et découvert alors que celle-ci était également en possession de l’état des lieux d’entrée, ce qui a occasionné une altercation entre elles ; que le même jour en effet, Mme Y a téléphoné 'affolée' (sic) à Mme C (selon l’attestation non discutée de celle-ci) pour obtenir des explications, cette dernière lui confirmant la signature du bail le 9 janvier 2012 par l’intermédiaire de Z représenté par Mme X et lui en fournissant une copie ; que par courriel du 12 janvier 2013, Mme Y a ensuite demandé à Mme J K L si elle avait versé les honoraires prévus au bail, ce que celle-ci lui a confirmé en précisant 'in cash' et contre reçu, transmis ensuite à son employeur pour remboursement ; et qu’enfin, ce n’est que dans son courrier de rupture daté du 15 janvier 2013, que Z évoque pour la première fois le détournement en se basant sur cette chronologie qui corrobore parfaitement sa version.

Or, force est de constater que pour sa part, Mme X, d’une part, n’a reconnu que tardivement s’être vue remise en mains propres la somme litigieuse en espèces, ne le reconnaissant pour la première fois que par le courrier de son conseil du 29 janvier 2013 (en page 3), et, d’autre part, n’a évoqué que tardivement aussi la raison prétendue de son impossibilité de justifier de la remise des fonds à Mme Y qui serait leur encaissement hors comptabilité, ne le faisant que dans le cadre de la présente instance.

La cour observe sur ce point que rien n’empêchait Mme X de porter cette accusation dans son courrier détaillé du 12 janvier 2013 dans lequel elle répond point par point aux griefs formulés contre elle par Mme Y lors de l’entretien du 4 janvier 2013 et formule elle-même différents reproches graves à son endroit (et notamment de lui avoir coupé l’accès à ses moyens de travail), courrier dans lequel elle évoque pourtant la dispute du 10 janvier 2013 à propos de l’état des lieux de sortie, ce, nonobstant son intention annoncée de poursuivre la collaboration.

Par ailleurs, la découverte tardive par Mme Y de l’existence du bail est confirmée par les témoignages réguliers en la forme de Mmes B et M-N, autres agents de Z, dont les liens avec celle-ci sont insuffisants à les priver de force probante, étant corroborés par les autres pièces du dossier, témoignages selon lesquels Mme B ne s’est pas inquiétée du retrait de l’appartement à louer du site internet de Z quelques semaines après la signature le 20 décembre 2011 du mandat sans exclusivité qu’elle avait obtenu, compte tenu de ce que le bien était proposé dans d’autres agences, et selon lesquels Mme X a déclaré, lors de la dispute du 10 janvier 2013 avec Mme Y et de la découverte par celle-ci de l’état des lieux d’entrée, qu’elle avait le droit de travailler pour son propre compte n’étant pas tenue par une clause de non concurrence, ce qui contredit sa position ultérieure.

De même, étant rappelé que l’état des lieux de sortie a été dressé le 7 janvier 2013, le fait que Mme X ait utilisé l’adresse structurelle scandicimmo@wanadoo.fr pour échanger à compter du 4 décembre 2012 avec la locataire en vue de préparer le dit état des lieux et les formalités annexes, est sans incidence, puisque c’est la dissimulation non pas de cet état des lieux, m²ais du bail et de l’état des lieux d’entrée qui lui est reprochée.

Enfin, il n’est pas contesté que le 11 janvier 2013, Mme X a été surprise par Mme Y en train de transférer des éléments de l’ordinateur de l’agence à son disque dur externe, que Mme Y l’accusant alors de voler les fichiers de l’agence, elle a prétendu récupérer ainsi ses seuls documents professionnels personnels, à savoir ses factures de commissions, position ici maintenue. Or, le manquement de Mme X à son devoir de loyauté, constitué par cette captation de clientèle dénoncée par Z, se trouve établi, compte tenu de la disproportion entre le support employé (disque dur externe) par rapport au faible volume des fichiers prétendument exclusivement chargés, et en ce que cette captation est corroborée par le fait qu’une vingtaine de clients de Z sont devenus les clients de l’employeur à compter du 12 août 2013 de Mme X, la société Adgestis, dont le site internet est commun avec celui de Lodgis d’après la pièce n°19 de l’intimée, étant indifférent sur ce point que Mme X n’ait pas été tenue à une clause de non concurrence envers Z, le manquement ayant été commis pendant l’exécution du mandat.

En revanche, le développement du réseau professionnel Viadeo de Mme X au fil de ses différentes expériences professionnelles ne peut en aucun cas lui être reproché ; de même, l’analyse des premiers juges sur les autres fautes reprochées à l’appelante n’est pas utilement critiquée.

En conséquence, le jugement entrepris, non contesté sur la compensation effectuée, sera confirmé par motifs adoptés et propres, excepté en ce qu’il a débouté Z de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral du fait du détournement et du manquement au devoir de déloyauté qui sont avérés, préjudice qui sera justement réparé par l’allocation d’une indemnité de 1.500 euros.

Mme X qui succombe supportera les dépens d’appel. L’équité commande d’allouer à Scndic la somme de 3.500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qu’il a débouté la société Z Immobilier de sa demande de dommages intérêts ;

Statuant de nouveau sur le point réformé,

CONDAMNE Mme X à payer à la société Z Immobilier la somme de 1.500 euros, à titre de dommages intérêts ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme X à payer à la société Z Immobilier la somme de 3.500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE Mme X aux dépens.

La Greffière Le Président

F G O P

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