Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 13 septembre 2018, n° 16/24867

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Chronologie de l’affaire

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Jean-françois Barbièri · Bulletin Joly Sociétés · 1er janvier 2019
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 9, 13 sept. 2018, n° 16/24867
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/24867
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 12 janvier 2016, N° 14/08527
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARMET DU 13 SEPTEMBRE 2018

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/24867

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2016 – Tribunal de grande instance de Paris – RG n° 14/08527

APPELANT :

Monsieur B Y

Né le […] à Garches

[…]

[…]

Représenté par Me K-L M, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

Représenté par Me Dominique MONDOLONI du LLP WILLKIE, FARR ET GALLAGHER LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J003, avocat substitué par Me Camille BLACHIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur A X

Né le […] à […]

[…]

[…]

SARL MARINE AUDIT pris en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 451 681 753

ayant son […]

[…]

Représentés par Me Maxime DELHOMME de la SCP Société Civile Professionnelle d’Avocats DELHOMME, avocat au barreau de PARIS, toque : P0094, avocat substitué par Me Léa AWAZU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame I J, présidente de chambre, et Madame Christine ROSSI, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame I J, Présidente de chambre

Madame Christine ROSSI, Conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller appelé d’une autre chambre afin de compléter la cour en application de l’article R.312-3 duc ode de l’organisation judiciaire,

Greffier, lors des débats : Madame F G

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame I J, Présidente de chambre et par Madame Hanane H, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 19 mai 2011, la Sarl ADS Serrurerie Métallerie a été transformée en société anonyme, la mission de commissaire à la transformation étant assurée par la société Marine Audit, représentée par M. A X. La mission de commissaire aux comptes a ensuite été confiée à la même société, toujours représentée par M. X.

La société ADS Serrurerie Métallerie, ci-après «'société ADS'» a ensuite réalisé deux augmentations de capital par appel privé à l’épargne, la première le 31 décembre 2011 et la seconde le 15 juin 2012.

Deux documents d’appel à souscription ont été publiés à l’occasion de ces augmentations de capital, le premier le 30 mai 2011 et le second le 4 avril 2012.

La société ADS Serrurerie Métallerie a été placée en redressement judiciaire par jugement du 27 novembre 2012 du tribunal de grande instance de Saverne avec fixation au 1er septembre 2011 de la date de cessation des paiements.

Sa mise en liquidation judiciaire a été prononcée le 7 mai 2013 par le même tribunal avec maintien au 1er septembre 2011 de la date de cessation des paiements.

Estimant que des fautes commises par le commissaire à la transformation et commissaire aux comptes avaient contribué à donner une image erronée de la situation économique de la société, vingt-trois demandeurs ayant souscrit des actions dans le cadre des appels à l’épargne précités ont fait assigner la société Marine Audit et M. X par acte d’huissier en date du 15 mai 2014.

Par un jugement du 13 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a débouté les vingt-trois demandeurs, les a condamnés aux dépens et à payer 1.500 euros à la Sarl Marine Audit et 1.500 euros à M. X.

M. B Y, l’un des vingt-trois demandeurs, a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 décembre 2016.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 13 mars 2017, M. B Y demande à la Cour de :

— infirmer en toute ses dispositions le jugement du 13 janvier 2016 ;

Statuant à nouveau,

— condamner in solidum la société Marine Audit et M. X à payer à M. Y la somme totale de 60.080 euros ;

— les condamner à payer à M. B Y la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de Me K-L M, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 10 mai 2017, M. A X et la société Marine Audit demandent à la Cour :

A titre principal,

— constater qu’ils ont mis en garde et alerté les actionnaires, dont M. B Y, notamment sur les difficultés de trésorerie que rencontrait la société ADS Serrurerie Métallerie, au moment de la souscription des actions, et qu’il n’existe aucune faute en relation avec les préjudices invoqués ;

— confirmer par conséquent en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 janier 2016 par le tribunal de grande instance de Paris en déboutant M. B Y de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

— dire et juger que les pertes réclamées au titre du préjudice lié à une perte de l’investissement, à hauteur de 10.080 euros, ne prennent pas en considération les économies fiscales réalisées par l’opération litigieuse, et sont donc matériellement inexactes ;

— dire et juger que ne peut pas être plus prise en considération la demande, évaluée forfaitairement à 50.000 euros, formulée au titre d’une «'perte de gain'», qui n’était qu’une espérance de toute façon très aléatoire, au gré des circonstances économiques à venir, par définition incertaines,

— confirmer, en conséquence, le jugement intervenu, en ce qu’il a débouté M. B Y de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

— condamner M. B Y à verser à la sarl Marine Audit et M. A X, la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens conformément à l’article 699 du même code.

SUR CE

La cour relève à titre liminaire que monsieur Y ne formule plus de demandes à l’encontre des intimés en leur qualité de commissaires à la transformation. Ses demandes sont limitées aux fautes commises par les intimés en leur qualité de commissaire aux comptes.

Sur les fautes reprochées à M. X et de la sarl Marine Audit en leur qualité de commissaire aux comptes

Sur l’information de l’interdiction de gérer de M. Z

M. B Y fait valoir que l’interdiction de gérer dont avait fait l’objet le président-directeur général de la société ADS, M. Z, a été publiée le 5 octobre 2011, soit avant qu’il ne souscrive des bons et actions de la société ADS, le 23 décembre 2011. Il reproche au commissaire aux comptes de n’avoir pas signalé cette interdiction de gérer lors de l’assemblée générale du 9 décembre 2011, en violation des dispositions de l’article L.823-16 du code de commerce, et de n’avoir pas respecté la norme NEP 570 qui met à la charge du commissaire aux comptes une obligation de vigilance sur tout élément susceptible de mettre en cause la continuité d’exploitation.

La société Marine Audit et M. A X soutiennent que l’interdiction de gérer de monsieur Z n’apparaissait pas sur l’extrait Kbis de la société ADS au moment de leur intervention en juin 2011 et qu’ilsi n’avaient ni la charge de solliciter un extrait du casier judiciaire du gérant, ni de mettre en oeuvre des diligences particulières pour rechercher des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale.

La cour constate avec les premiers juges que monsieur Y ne produit aucune pièce qui établirait que la société Marine Audit et monsieur X auraient eu ou pu avoir connaissance au 19 mai 2011, date de la transformation en société anonyme, de l’interdiction de gérer dont monsieur Z était frappé suite à un arrêt de la cour d’appel de Colmar du 15 mars 2011.

Cependant il n’est pas contesté que cette interdiction a été publiée au Bodacc le 5 octobre 2011 soit avant l’assemblée générale du 9 décembre 2011 et donc avant la souscription de monsieur Y mais il n’est pas établi ni soutenu que la société Marine Audit et monsieur X avaient connaissance de cette interdiction après sa publication.

La cour rappelle qu’en vertu de l’article L 823-9 du code de commerce la mission du commissaire aux comptes est de certifier 'que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l’entité à la fin de cet exercice'.

L’article L. 823-12, al. 2 du code de commerce fait obligation au commissaire aux comptes de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il eu connaissance au cours de l’exercice de sa mission : « Ils révèlent au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance, sans que leur responsabilité puisse être engagée par cette révélation. »

Le commissaire aux comptes n’a cependant pas à rechercher activement les faits délictueux commis au sein de l’entité qu’il contrôle et qui ne sont pas en relation avec le contrôle des comptes. S’il lui appartient, du fait de la mission permanente dont il est investit, de mettre en 'uvre les mesures nécessaires à la prise en compte de risques de survenance d’irrégularités ou d’inexactitudes et de se montrer vigilant dans la conduite de sa mission, cette mission est cependant limitée à la situation

financière de la société.

En l’espèce il est reproché au commissaire aux comptes de n’avoir pas surveillé le Bodacc et de n’avoir pas découvert que monsieur Z était frappé d’une interdiction de gérer.

Une telle recherche n’entrait pas dans la mission permanente dont il est investi et monsieur Y sera en conséquence débouté de sa demande.

Sur l’état de cessation des paiements

M. B Y soutient que même à supposer que le commissaire aux comptes ne pouvait, lors de la certification des comptes clos au 30 juin 2011, prévoir que la société serait en état de cessation des paiements au 1er septembre 2011, il n’était pas moins tenu d’une obligation de vigilance lors des mois qui suivaient, et en particulier lors de l’augmentation de capital de décembre 2011. Monsieur Y reproche donc au commissaire aux comptes de ne pas avoir déclenché la procédure d’alerte ou à tout le moins informé les actionnaires dès la constatation de l’état de cessation des paiements.

S’agissant de l’état de cessation des paiements, M. X et la Sarl Marine Audit soutiennent que le commissaire aux comptes n’a certifié que les comptes clos au 30 juin 2011 et qu’à cette date le volume des travaux en cours ne lui permettait pas de savoir que la société serait en état de cessation des paiements au 1er septembre 2011, de sorte qu’il a rempli son obligation de moyens.

Ils ajoutent que les potentiels souscripteurs avaient été alertés des risques inhérents à l’investissement, d’une part par un avertissement figurant en couverture du document d’appel à souscription du 30 mai 2011, et d’autre part par la mise en garde formulée par le commissaire aux comptes dans son rapport à la transformation du 16 mai 2011. Ils ajoutent que le document présenté aux actionnaires avait été agréé par deux organismes reconnus, qui avaient constaté que la société ADS Serrurerie Métallerie offrait de fortes perspectives de croissance, mais toujours soumises à un aléa.

La cour rappelle que le commissaire aux comptes est investi d’une mission permanente en vertu de l’article L 225-235 du Code du commerce et de la norme 1-200 de la CNCC. Sa mission ne peut se limiter aux seules vérifications effectuées pour l’arrêté des comptes annuels mais les contrôles doivent être effectués tout au long de l’exercice.

Le commissaire aux comptes est tenu par une obligation de moyens et non une obligation de résultat.

Sa responsabilité peut être engagée lorsqu’il certifie des comptes faux par négligence ou par insuffisance de vérifications.

Il appartient au juge d’apprécier la conduite du commissaire aux comptes par référence à celle d’un commissaire aux comptes prudent, diligent et actif au regard de ses obligations.

En l’espèce, la date de cessation des paiements a été fixée au 1er septembre 2011 par le jugement d’ouverture de la procédure collective du 27 novembre 2012 et les augmentations de capital ont eu lieu les 31 décembre 2011 et 15 juin 2012.

Les comptes qui ont été certifiés sont ceux de l’exercice arrêté le 30 juin 2011 dont il n’est pas soutenu qu’ils étaient non sincères ou irréguliers.

Dans son rapport daté du 24 janvier 2013 l’administrateur relève que les difficultés de la société seraient dues à une forte croissance mal maîtrisée de 2008 à juin 2011 et ce tant au niveau de la trésorerie que de l’organisation administrative.

Après le mois de juin 2011 apparaît, selon l’administrateur, une augmentation exponentielle des frais de sous-traitance. Il ajoute que l’absence de tableau de bord ne permettait pas de suivre la rentabilité de l’activité.

L’administrateur conclut son rapport en soulignant l’existence de perspectives de travail mais émet un doute sur la rentabilité de l’entreprise et la possibilité de présenter un plan de redressement.

Le document publié le 30 mai 2011 à l’occasion de l’augmentation de capital comprend une attestation du commissaire aux comptes et un extrait du rapport du commissaire à la transformation/ commissaire aux comptes.

Outre les avertissements d’usage figurant dans le document d’appel à la souscription, l’attestation du commissaire aux comptes figurant en page 4 de ce document précise que ce document a été établi sous la responsabilité du président du conseil d’administration et que les informations économiques et prévisionnelles données dans le document ne sont pas couvertes par son avis et ne sont pas certifiées sincères . Ces informations poursuit-il présentent un caractère incertain et il ajoute que les réalisations différeront parfois de manière significatives des informations prévisionnelles présentées. L’extrait du rapport du commissaire à la transformation/commissaire à la transformation présenté à l’assemblée générale du 19 mai 2011 souligne un recul du résultat d’exploitation, un recul du ratio fonds propres par rapport au total et une trésorerie négative qui augmente de même que l’endettement bancaire.

Une lecture attentive de ce document et des précisions mentionnées qui y figurent auraient certainement du alerter les éventuels souscripteurs des risques de l’investissement. En tout état de cause à aucun moment les commissaires aux comptes ne certifient les perspectives d’activité et de rentabilité de l’investissement.

Par la suite et quand bien même les commissaires aux comptes sont tenus à une obligation de vigilance constante, leur mission n’est pas de refaire la comptabilité de l’entreprise.

Il faut plus pour que la faute existe. Il est nécessaire que l’opinion erronée du commissaire aux comptes résulte de l’insuffisance des vérifications qu’il avait le devoir d’effectuer tout au long de l’exercice.

Le commissaire aux comptes répond de son erreur lorsque celle-ci est le fait de ses négligences mais la preuve de ces négligences doit être rapportée pour le confondre d’avoir manqué à la diligence de certification.

Monsieur Y ne précise pas la faute qui serait à l’origine de son préjudice sinon celle de n’avoir pas vu que la société était en état de cessation des paiements après la certification des comptes et avant l’ouverture de la souscription.

Le tribunal de commerce a statué le 27 novembre 2012 en fixant la date de cessation des paiements au 1er septembre 2011. Cette date a été fixée avec un recul de plus d’un an. La cour ignore les raisons pour lesquelles cette date a été retenue. Ce fait est cependant insuffisant à caractériser une faute du commissaire aux comptes alors que la certification des comptes arrêtés au 30 juin 2011 n’est pas critiquée et qu’il n’est pas démontré que le commissaire aux comptes aurait pu avoir connaissance de la cessation des paiements dans les mois qui ont suivis.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

La société Marine Audit et monsieur X sollicitent le paiement de la somme de 10.000 euros à

ce titre.

Il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais qu’ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 3.000 euros à cet titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 13 janvier 2016,

Y ajoutant,

CONDAMNE monsieur B Y à payer à la société Marine Audit et à monsieur A

X la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNE monsieur B Y aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux

dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. La Greffière La Présidente Hanane H I J

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