Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 5, 5 avril 2018, n° 18/00745

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  • Fins de non-recevoir·
  • Procédure civile

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 5, 5 avr. 2018, n° 18/00745
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/00745
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bobigny, 17 octobre 2017, N° 16/13638
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires délivrées

aux parties le

République française

Au nom du Peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 05 AVRIL 2018

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/00745

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2017 du Tribunal de Grande Instance de

BOBIGNY – RG N° 16/13638

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Bernard CHEVALIER, Président, agissant par délégation du Premier Président de cette

Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

[…]

[…]

[…]

Monsieur Z X, es qualité de président de la SASU La Mandoline

[…]

[…]

Représentés par Me David SEMHOUN de l’AARPI NAHMIAS SEMHOUN AVOCATS, avocat au

barreau de PARIS, toque : D100

DEMANDEURS

à

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Amine TRIDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0493

DÉFENDERESSE

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 08 Mars 2018 :

La SCI Menaa, suivant contrat du 2 janvier 2010, a donné à bail commercial, à titre de

renouvellement, à M. X et à M. Y, preneurs solidaires, des locaux situés […]

Anatole France à Aubervilliers pour y exercer l’activité de « café, restaurant, hôtel meublé », exploitée

sous l’enseigne commerciale « A la mandoline ». Ce bail a été conclu pour une durée de neuf ans allant

du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2016, moyennant un loyer annuel de 14 400 euros.

Le 5 juillet 2016, la SCI Menaa a fait signifier à M. X et à M. Y un commandement

visant la clause résolutoire leur faisant sommation de libérer les lieux loués et de lui remettre les clés

dans un délai d’un mois aux motifs, principalement, qu’elle n’avait pas été appelée à la cession par M.

Y de ses parts à M. X ni à la cession, par ce dernier et son épouse, de leur fonds de

commerce à la SASU La Mandoline. Elle faisait également grief à M. X de s’être fait radier du

RCS le 9 mai 2016 après une cessation d’activité à compter du 3 avril 2016 alors qu’il était tenu

d’exploiter les lieux personnellement.

Par jugement rendu le 18 octobre 2017 rendu au contradictoire de la SASU La Mandoline, le tribunal

de grande instance de Bobigny a notamment :

— déclaré irrecevables les demandes faites au nom de M. Y ;

— reçu l’intervention volontaire de la SASU La Mandoline ;

— constaté la résiliation du bail conclu par la SCI Menaa avec M. X et M. Y intervenue

en application de la clause résolutoire, ordonné l’expulsion des locataires et de tous occupants de leur

chef, notamment de la SASU La Mandoline, et autorisé la séquestration des meubles,

— condamné solidairement M. X et M. Y à verser à la SCI Menaa la somme de 3 129

euros et dit que le dépôt de garantie de 3 600 euros lui resterait acquis ;

— condamné in solidum M. X et M. Y aux dépens et à payer à la SCI Menaa la somme de

800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le 2 novembre 2017, M. X, M. Y et la SASU La Mandoline ont fait appel de cette

décision.

Par acte en date du 9 janvier 2018, la SASU La Mandoline et M. X en qualité de président de

celle-ci ont fait assigner la SCI Menaa sur le fondement des articles 517, 521 et 524 du code de

procédure civile devant le premier président de la cour d’appel de Paris.

A l’audience du 8 mars 2018, la SASU La Mandoline et M. X ont demandé à la présente

juridiction, au vu des conséquences manifestement excessives qu’aurait pour M. X l’exécution

provisoire du jugement, d’ordonner la suspension de celle-ci et, à titre subsidiaire, de la subordonner

à la fourniture par la SCI Menaa, dans les huit jours du prononcé de l’ordonnance à intervenir, d’une

caution bancaire de 200 000 euros valable jusqu’à l’issue de la procédure d’appel. Ils ont demandé en

outre la condamnation de la SCI Menaa à leur verser la somme de 1 500 euros en application de

l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

La SCI Menaa a fait reprendre aussi les écritures qu’elle a déposées, au terme desquelles elle

demande de :

— à titre principal, accueillir sa fin de non-recevoir opposée à l’action de la SASU La Mandoline pour

défaut de droit d’agir ;

— subsidiairement, débouter la SASU La Mandoline de toutes ses réclamations ;

— à titre infiniment subsidiaire, subordonner la suspension de l’exécution provisoire à la constitution,

dans le délai de 15 jours du prononcé de l’ordonnance à intervenir, d’une garantie à première

demande d’un montant de 26 643,60 euros destinée à répondre de toute condamnation à venir par la

cour d’appel statuant sur le recours contre le jugement au fond du 18 octobre 2017 ;

— dire que cette somme devra être versée sur le sous-compte CARPA ouvert au nom du conseil de la

concluante auprès du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris ;

— dire que cette somme devra encore être augmentée, le 5 de chaque mois, et pour la première fois le

5 mars 2018 et jusqu’à l’issue de la procédure pendante devant la cour d’appel de Paris, d’une somme

de 1 480,80 euros, correspondant à l’indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle qu’elle avait

réclamée ;

— dite qu’à défaut de règlement de la moindre somme l’exécution du jugement sera reprise et les

sommes versées lui seront acquises ;

— dire que les sommes ainsi consignées seront reversées à qui de droit et à concurrence des

éventuelles condamnations sur justification par la partie bénéficiaire de la signification de l’arrêt à

intervenir au fond ;

— condamner la SASU La Mandoline à lui payer une somme de 2 000 euros par application de

l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l’instance.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

La SCI Menaa expose que la présente juridiction ne peut pas remettre en cause ce qui a été jugé, que

la SASU La Mandoline a été déclarée occupante sans droit ni titre et qu’elle ne saurait donc

valablement solliciter la suspension de l’exécution provisoire attachée au jugement de première

instance afin de se maintenir dans les lieux, de sorte qu’elle doit être déclarée irrecevable en

l’ensemble de ses réclamations pour défaut de droit d’agir, par application des dispositions de l’article

122 du code de procédure civile.

La présent juridiction retiendra que la SASU La Mandoline est partie au jugement dont l’exécution

provisoire est en cause et qu’elle en a fait appel.

En outre, ce jugement a ordonné l’expulsion des locataires ainsi que celle de tous occupants de leur

chef, notamment de la SASU La Mandoline.

Il s’ensuit que la circonstance que la SASU La Mandoline a été déclarée occupante sans droit ni titre

de ces locaux dans ce jugement ne saurait constituer une fin de non-recevoir à sa demande de

suspension de l’exécution provisoire de celui-ci en ce qu’il ordonne son expulsion.

La demande de la SASU La Mandoline visant à obtenir la suspension de l’exécution provisoire du

jugement du 18 octobre 2017 en ce qu’il a ordonné son expulsion sera donc déclarée recevable.

Sur le principal

Il est de jurisprudence établie que les pouvoirs conférés à la présente juridiction par les articles 517,

521 et 524 du code de procédure civile sur lesquels la SASU La Mandoline et M. X fondent

leurs réclamations ne lui permettent pas de remettre en cause les actes d’exécution déjà accomplis ou

les paiements effectués antérieurement à sa décision.

Les parties s’accordent pour admettre que les condamnations pécuniaires prononcées par le tribunal

de grande instance de Bobigny dans son jugement du 18 octobre 2017 ont été réglées.

Il s’ensuit que la demande de suspension de l’exécution provisoire de ce jugement en ce qui concerne

ces condamnations à paiement sera déclarée sans objet.

En ce qui concerne l’expulsion des preneurs et des occupants de leur chef, notamment de la SASU la

Mandoline, il résulte de l’article 524, premier alinéa, 2°, du code de procédure civile que, lorsque

l’exécution provisoire a été ordonnée, le premier président statuant en référé peut l’arrêter si elle

risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces conséquences manifestement excessives s’apprécient notamment par rapport aux facultés de

paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la

décision assortie de l’exécution provisoire.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une

situation irréversible en cas d’infirmation.

Dans l’affaire examinée, la SASU La Mandoline et M. X ont exposé en substance ce qui suit :

M. X a racheté les parts de M. Y ; il exerce son activité depuis 27 ans ; le fonds de

commerce constitue sa seule source de revenus avec sa retraite de 1 000 euros par mois ; l’expulsion

aurait des conséquences manifestement excessives au regard de son état de santé et de sa situation

familiale, ayant la charge de son enfant majeur parce qu’il ne pourrait pas retrouver un emploi ; en

outre, son fonds de commerce perdrait toute valeur ; le juge de l’exécution a admis le bien fondé de

son argumentation, puisque, dans son jugement du 21 décembre 2017, il lui a accordé un délai

jusqu’au 21 décembre 2018 pour se maintenir dans les lieux.

La SCI Menaa s’est opposée à la suspension demandée au motif, premièrement, que M. X avait

accompli des manoeuvres frauduleuses en ce qu’il a déclaré cesser toute activité à compter du 3 avril

2016 tout en poursuivant celle-ci sous le couvert de la SASU La Mandoline, cela afin d’échapper aux

oppositions du RSI, des créanciers inscrits et d’elle-même, qui était créditrice des taxes foncières des

années 2015 et 2016.

Elle a soutenu, deuxièmement, que le risque de conséquences manifestement excessives n’était pas

démontré dès lors que la trésorerie de la SASU La Mandoline était débitrice lorsqu’elle a fait

diligenter une saisie attribution, que l’expulsion de locaux commerciaux ne constitue pas en soi un tel

risque et qu’elle-même ne perçoit plus aucune somme depuis le mois d’août 2016 de la part des

occupants de ses locaux, lesquels constituent son seul patrimoine.

La cour retiendra que le risque de conséquences manifestement excessives est allégué par les

requérants uniquement au regard de la situation de M. X et que celui-ci ne produit pas ses

déclarations de revenus ni ne précise la consistance de son patrimoine alors qu’il expose vivre

également sur ses réserves personnelles constituées au fil de ses 27 années d’activité.

Le risque de conséquences manifestement excessives que représenterait pour lui l’expulsion de la

SASU La Mandoline des locaux qu’il avait pris à bail ne saurait donc être tenu pour établi à

suffisance de droit. Et aucun élément ne permet d’établir qu’elle le serait pour la SASU La

Mandoline.

La SASU La Madoline et M. X demandent, à titre subsidiaire, que l’exécution provisoire soit

subordonnée à la fourniture par la SCI Menaa d’une caution bancaire à hauteur de 200 000 euros.

Mais compte tenu de ce que cette dernière est propriétaire de l’immeuble donné à bail, il n’y a pas

lieu de subordonner l’exécution à cette garantie.

La SASU La Mandoline et M. X seront par conséquent déboutés de leurs réclamations.

Ils devront supporter la charge des dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure

civile.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement ;

Déboutons la SASU La Mandoline et M. X de leur demande de constitution d’une garantie

bancaire ;

Disons n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons in solidum la SASU La Mandoline et M. X aux dépens.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de

procédure civile.

La Greffière

Le Président

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Textes cités dans la décision

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