Cour d'appel de Paris, Pôle 2 chambre 5, 27 mars 2018, n° 17/06909

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 ch. 5, 27 mars 2018, n° 17/06909
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/06909
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 janvier 2017, N° 14/16545
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 5

ARRET DU 27 MARS 2018

(n° 2018/ 078 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/06909

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/16545

APPELANT

Monsieur [G], [S], [R], [Q] [E]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1] (Gard)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Xavier BOUILLOT, avocat au barreau de PARIS

Assisté de Me Jacques VOCHE, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE

FWU LIFE INSURANCE LUX S.A., anciennement dénommée ATLANTICLUX LEBENSVERSICHERUNG S.A., société anonyme de droit luxembourgeois, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés du Grand-Duché du Luxembourg sous le n° B26817, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée de Me Fany BAIZEAU de la SELARL ORID, avocat au barreau de PARIS, toque : G0073

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Christian BYK, Conseiller, entendu en son rapport et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

En application de l’ordonnance de Madame la première Présidente de la Cour d’appel de Paris en date du 5 janvier 2018

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

— signé par Monsieur Christian BYK, Conseiller faisant fonction de président et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors de la mise à disposition.

'''''

M. [G] [E] a souscrit le 4 décembre 2005, par l’intermédiaire de la société de courtage ARCA PATRIMOINE, un contrat d’assurance- vie individuel «VALOPTIS '', proposé par la société ATLANTICLUX, aujourd’hui dénommée FWU LIFE INSURANCE LUX S.A.

Du 1er février 2006 au 1er octobre 2013, il a effectué pour 56 500 euros de versements sur le contrat et le 26 mai 2014, il a fait part à l’assureur de sa décision de renoncer à celui-ci et , en l’absence de réponse, par acte du 29 juillet 2014, il a assigné cet assureur devant le Tribunal de grande instance de Paris, qui, par jugement du 10 janvier 2017, l’a débouté de ses demandes et condamné à payer la somme de 1 000 euros à l’assureur au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration reçue le 30 mars 2017 et enregistrée le 31 mars, il a fait appel de cette décision et, par dernières conclusions notifiées le 5 février 2018, il sollicite l’infirmation, demandant à la cour de condamner la société FWU LIFE à lui payer la somme de 56 500 euros, avec intérêts au taux légal majoré de moitié durant les deux mois suivant l’expiration du délai de trente jours courant à compter de la réception de la lettre recommandée de renonciation, puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal, outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures notifiées le 11 février 2018, la société FWU LIFE sollicite la confirmation et la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

CE SUR QUOI, LA COUR

Sur les manquements à l’obligation d’information pré-contractuelle:

— non conformité de la 'Note d’Information’ aux exigences de l’article A132-4 Code des assurances

Considérant que M. [E] fait valoir que la Note d’Information ne contient pas l’intégralité des informations prévues à cet article ;

Que l’intimée estime, au contraire, avoir satisfait à son obligation ;

*Délai et modalités de renonciation au contrat (A132-4, 2°, d)

Considérant qu’aux termes de ce texte, la note d’information indique le 'd) Délai et modalités de renonciation au contrat, sort de la garantie décès en cas de renonciation’ ;

Considérant que le point 4 révocation et rachat de la note d’information indique que 'vous avez la faculté de renoncer à votre Contrat pendant un délai de trente jours à compter de la date de réception du bulletin de souscription, des Conditions Générales, de la présente Note d’Information, de votre police et du tableau personnalisé illustrant la Valeur du Contrat et la Valeur de Rachat et après encaissement du premier versement’ ;

Considérant que le renvoi à une série de documents, dont les trois premiers constituent le dossier de souscription et ont été remis le 14 décembre 2005 et les deux suivant les conditions particulières, remises le 10 janvier 2006, alors que, pour le dernier, la date d’encaissement du premier versement, qui est distincte, ne figure pas au dossier, n’est pas conforme aux prescriptions légales dans la mesure où sur la question essentielle du point de départ du délai de renonciation, elle crée chez le souscripteur une confusion certaine qui l’empêche de connaître avec exactitude ses droits et risque ainsi de lui faire perdre la possibilité de pouvoir renoncer dans les délais légaux ;

*«frais et indemnités de rachat» prélevés par l’entreprise d’assurance (Article A 132-4-2°f)

Considérant que ce texte fait obligation de fournir les informations suivantes :

f) Précisions complémentaires relatives à certaines catégories de contrats :

' contrats en cas de vie ou de capitalisation : frais et indemnités de rachat et autres frais prélevés par l’entreprise d’assurance, mentionnés au premier alinéa de l’article R. 132-3 ;

' autres contrats comportant des valeurs de rachat : frais prélevés en cas de rachat et autres frais ;

' contrats comportant des garanties exprimées en unités de compte : énonciation des unités de compte de référence et pour chaque unité de compte sélectionnée par le souscripteur ou, en cas de contrat de groupe à adhésion facultative, par l’adhérent, indication des caractéristiques principales, de la somme, d’une part, des frais prélevés par l’entreprise d’assurance sur la provision mathématique ou le capital garanti et, d’autre part, des frais pouvant être supportés par l’unité de compte ainsi que des modalités de versement du produit des droits attachés à la détention de l’unité de compte. Pour chaque unité de compte constituée sous la forme d’une part ou d’une action d’organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), l’indication des caractéristiques principales peut être valablement effectuée par la remise contre récépissé du prospectus simplifié visé par l’Autorité des marchés financiers. En cas de non-remise du prospectus simplifié, l’assuré est informé de ses modalités d’obtention, ainsi que, le cas échéant, de l’adresse électronique où se procurer ce document ;

' contrats de groupe à adhésion facultative : nom et adresse du souscripteur, formalités de résiliation et de transfert ;

' contrats de groupe à adhésion facultative comportant une clause de transférabilité en application de l’article L. 132-23 ou de l’article 108 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites : frais et indemnités de transfert ;

Considérant que M. [E] fait grief à la note d’information de ne pas avoir fourni les « Informations sur les frais et commissions » propres aux OPCVM composant les UC ;

Considérant que l’assureur répond que les frais, y compris ceux supportés par l’UC (soit le fond), sont mentionnés à l’article 4 de la NI § PRIMES, qui renvoie à l’article 1 des conditions générales pour toute précision et que le tableau de valeur de rachat inséré dans la Note d’information est, en outre, « net de frais » de sorte que l’impact de la somme des frais sur la valeur de rachat ne pouvait avoir aucun secret pour M. [E] ;

Considérant, cependant, que, s’agissant d’une note d’information dont les dispositions d’ordre public ont pour but de permettre au futur assuré d’être clairement informé des éléments essentiels du contrat dans un document plus succinct et, si possible, d’une lecture plus pédagogique, la note ne saurait renvoyer pour l’un de ces points essentiels aux conditions générales, dont le législateur a précisément voulu extraire ces informations pour les rendre plus visibles et plus compréhensibles ;

Considérant que, sans qu’il soit nécessaire d’entrer plus dans le détail des griefs soulevés par M. [E], il y a lieu de constater que l’assureur a manqué à ses obligations au regard de l’application de l’article A 1324 du code des assurances ;

— Note d’information non distincte des conditions générales

Considérant que M. [E] invoque également le fait que la Note d’information n’est pas distincte des conditions générales ;

Considérant qu’il n’est pas contestable que cette note est insérée dans le cadre d’un dossier de souscription comprenant en premier lieu le bulletin puis les conditions générales et enfin la note litigieuse sans élément de séparation ni de distinction entre tous ces documents ;

Qu’ainsi, l’objectif du législateur de mettre en valeur la note d’information en obligeant à en faire un document séparé des conditions générales n’est pas rempli et la présentation, qui en est faite, ne permet nullement d’attirer l’attention du souscripteur, lors de la remise du dossier, sur la présence et la spécificité de la note ;

Que là encore, l’assureur a été cause de confusion et d’absence de clarté au regard des informations dues au souscripteur ;

Qu’il en résulte que ces manquements n’ayant pas été régularisés, le délai de renonciation n’a pas commencé à courir ;

— Sur la bonne foi

* le principal

Considérant que M. [E] fait valoir à titre principal que la jurisprudence de la Cour de cassation (Cour de cassation, 2e chambre civile, 19 Mai 2016 ' n° 15-12.767) est inapplicable car la prorogation du délai de renonciation constitue une sanction automatique et un droit discrétionnaire et que dès lors ladite jurisprudence est contraire tant au droit communautaire qu’à la loi française ;

Considérant que l’assureur réplique que la jurisprudence de la Cour de cassation qui vise à lutter contre les comportements déloyaux à laquelle les souscripteurs de contrats d’assurance vie ne sauraient échapper n’est ni contraire au droit européen ni au droit français, comme le souligne le refus de la Cour de cassation de transmettre cette question au Conseil constitutionnel ;

Considérant que si la faculté prorogée de renonciation revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut toutefois dégénérer en abus ;

Qu’en conséquence, nul ne pouvant revendiquer un droit au maintien d’une jurisprudence, il ne saurait être argué que, s’agissant de faits antérieurs au 1er janvier 2015, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014, il n’y aurait pas lieu de tenir compte des quatre arrêts du 19 mai 2016, par lesquels, interprétant la nouvelle loi, la Cour de cassation a renoncé à sa jurisprudence issue de ses arrêts du 7 mars 2006 ;

*le subsidiaire

Considérant que l’appelant estime être de bonne foi car les défauts d’information légale ne lui ont pas permis d’être «parfaitement informé des caractéristiques de l’assurance sur la vie souscrite » et que ce défaut n’a pas été compensé par les autres informations contenues dans les conditions générales et la Note d’information ;

Qu’en outre, la mention selon laquelle « la liste et les caractéristiques des Fonds Sous-jacents sont disponibles auprès de l’assureur et vous seront communiquées sur simple demande » (Article 1 NI in fine) inverse les rôles des parties et constitue une pratique abusive de la part du professionnel ;

Qu’il ajoute que la société Arca Patrimoine n’est pas intervenue en qualité de « courtier indépendant » mais en qualité de distributeur exclusif du contrat Valoptis ;

Qu’aucun élément contemporain de la conclusion du contrat ne démontre sa parfaite compréhension du fonctionnement du contrat et du risque qu’il présentait ;

Qu’enfin, tel ne saurait être le cas du fait qu’il ait attendu 8 ans pour exercer son droit de renonciation ;

Considérant que l’intimée réplique que M. [E] est parfaitement conscient que sa demande de renonciation prorogée est sans lien avec une possible insuffisance des documents d’information du contrat Valoptis, voire avec leur éventuelle non-conformité par rapport aux dispositions légales ;

Qu’il ajoute que la suppression des termes « de plein droit » laisse clairement entendre que la prorogation du délai de renonciation n’est plus automatique et doit être justifiée au préalable par le demandeur par la preuve de sa bonne foi ;

Qu’en tout état de cause, tel n’est pas le cas, l’appelant ayant reçu l’information pré-contractuelle lui permettant de comprendre le fonctionnement du contrat, son caractère risqué et l’impact des frais sur la valeur de rachat les premières années ;

Qu’en outre, la présence d’un courtier à ses côtés confirme qu’il n’était pas isolé lors de la conclusion du contrat et qu’il était en mesure de poser des questions ;

Qu’enfin, s’agissant de la valeur de rachat, celle-ci apparaissait dès la première lettre d’information reçue en 2007 et était de 0 euro telle qu’annoncée dans les tableaux remis à titre pré-contractuel et qu’il avait, en outre, opté pour un profil dynamique de sorte qu’il y a lieu de déduire de l’extrême tardiveté de la rétractation qu’elle n’est motivée que par l’existence de pertes en capital ;

Considérant que l’abus de droit, qui conduit à priver d’efficacité une renonciation déjà effectuée, est établi lorsque l’exercice de cette prérogative a été détourné de sa finalité par un souscripteur qui, suffisamment informé, a été en mesure d’apprécier la portée de son engagement ;

Considérant qu’au regard des manquements substantiels, constatés par la cour, de l’assureur à des éléments essentiels au contrat, il ne saurait être dit que M. [E] a été suffisamment informé ;

Qu’en outre, le fait que celui-ci ait opté pour une gestion dynamique ne saurait contredire ce constat, étant précisé que l’assureur n’établit pas que par sa profession ou ses compétences M. [E] possède des connaissances financières précises dans le domaine de l’assurance-vie ;

Que le fait d’avoir été assisté d’un courtier est indifférent dès lors qu’il n’appartient pas à ce dernier de se substituer à l’assureur dans l’information à fournir au souscripteur, celle-ci étant d’ailleurs entre les mains du seul assureur, qui est l’auteur du produit souscrit et des documents réglementaires y afférent ;

Qu’en outre, le nombre d’années écoulées entre la souscription et l’exercice de la faculté de renoncer ne saurait pas plus être seul caractéristique de la mauvaise foi ;

Qu’enfin, le seul constat de ce que la renonciation est exercée après la perte d’une partie du capital ne saurait à lui seul établir la mauvaise foi, dont la preuve appartient à l’assureur, que si tel était le cas, il en résulterait que la prorogation de la faculté de renoncer ne pourrait être exercée qu’en cas de hausse ou de maintien du capital investi ;

Qu’il convient donc de débouter l’assureur de ce chef et de faire droit à la demande de M. [E] en condamnant la société FWU LIFE à lui payer la somme de 56 500 euros, avec intérêts au taux légal majoré de moitié durant les deux mois suivant l’expiration du délai de trente jours courant à compter de la réception de la lettre recommandée de renonciation, puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile:

Considérant que l’équité commande de condamner la société FWU LIFE à payer la somme de 3 500 euros à M. [E], qu’en revanche, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et, y ajoutant,

Condamne la société FWU LIFE INSURANCE LUX à payer à M. [G] [E] la somme de 56 500 euros, avec intérêts au taux légal majoré de moitié durant les deux mois suivant l’expiration du délai de trente jours courant à compter de la réception de la lettre recommandée de renonciation, puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal, outre la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Déboute la société FWU LIFE INSURANCE LUX de ses demandes et la condamne aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

F.F. de Président

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