Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 12, 8 février 2019, n° 16/04175

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Chronologie de l’affaire

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rocheblave.com · 30 juin 2020

Prud'hommes : pourquoi faut-il déposer des plaintes pénales pour faux témoignages ? Votre employeur / votre salarié a versé au débat des attestations en justice dans le litige prud'homal vous opposant ? Pourquoi faut-il déposer des plaintes pénales pour faux témoignages ? Parce que de très nombreuses juridictions prud'homales considèrent l'absence de dépôt de plainte pour faux témoignages comme un indice de la sincérité des faits attestés. « Si l'employeur met en cause ces attestations, notamment pour leur tardiveté, il ne démontre pas qu'elles soient fausses d'autant qu'elles sont …

 

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témoignage ou encore un certificat médical) puisqu' « en matière prud'homale, la preuve est libre » (). Cette étape est cruciale car « le juge forme sa conviction au vu de tous les éléments fournis par les parties » (article Il peut parfois être tentant de falsifier les éléments de preuve ou d'apporter un faux témoignage pour obtenir gain de cause. Or, la loyauté et la licéité des modes de preuve doivent être respectés, sans quoi ces éléments seront être écartés du débat. Concernant la production de faux témoignages, ceux-ci seront non seulement écartés du débat, mais l'auteur risque …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 12, 8 févr. 2019, n° 16/04175
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/04175
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, 21 février 2016, N° 14-02018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 08 Février 2019

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 16/04175 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BYM4W

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Février 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 14-02018

APPELANT

Monsieur [E] [F]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1] (CONGO)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Leslie HARVEY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0872

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2016/059623 du 27/02/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

Société KUEHNE NAGEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Xavier LAURENT, avocat au barreau de PARIS, toque : R023 substitué par Me Audrey DELIRY, avocat au barreau de PARIS, toque : A372

CPAM [Localité 2]

[Adresse 3]

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 3]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 4]

[Adresse 4]

avisé – non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 novembre 2018, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre, et Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère, chargées du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire CHAUX, présidente de chambre

Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère

Monsieur Lionel LAFON, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. L’arrêt mis à disposition initialement le 1er février 2019 a été prorogé au 08 février 2019.

— signé par madame Claire CHAUX, présidente de chambre et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par M. [F] du jugement rendu par

le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en date du 22 février 2016 dans un litige l’opposant à la société Kuehne Nagell et à la caisse primaire d’assurance maladie [Localité 2].

EXPOSE DU LITIGE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .

Il suffit de rappeler que M. [F], préparateur de commandes au sein de la société Kuehne Nagel, a été victime d’un accident le 12 juillet 2008, reconnu accident du travail par la caisse primaire d’assurance maladie [Localité 2] (ci-après la caisse): 'En reculant avec son chariot électrique, M. [F] en a percuté un autre. Il a été éjecté de celui-ci et s’est tordu la cheville gauche'.

Il a été déclaré consolidé le 20 juin 2010 sans séquelles indemnisables.

Après avoir engagé une procédure de reconnaissance de faute inexcusable contre son employeur devant la caisse, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 27 septembre 2014 aux mêmes fins.

Par jugement rendu le 22 février 2016 , ce tribunal a :

— déclaré irrecevable la société Kuehne Nagell en sa demande d’inopposabilité de la décision de la caisse,

— dit qu’elle n’a commis aucune faute inexcusable dans la survenance de l’accident du 12 juillet 2008,

— débouté M.[F] de l’intégralité de ses demandes,

— condamné M. [F] à payer à la société Kuehne Nagel une somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, M. [F] demande à la cour d’ infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

— dire que l’accident dont il a été victime le 12 juillet 2008 résulte de la faute inexcusable de la société Kuehne Nagel,

En conséquence,

— ordonner la majoration de son capital à un montant maximum,

— désigner un expert pour évaluer ses chefs de préjudices personnels,

— lui allouer une provision de 15 000 €, à valoir sur son indemnisation,

— condamner la société Kuehne Nagel à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société Kuehne Nagel demande à la cour de confirmer le jugement entrepris,

En conséquence,

— débouter M.[F] de toutes ses demandes, et la mettre hors de cause ,

Très subsidiairement,

— statuer ce que de droit sur la demande d’expertise,

— limiter la mission aux seuls préjudices en relation directe avec l’accident du travail de M. [F],

En tout état de cause,

— condamner M.[F] à lui payer une somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses observations soutenues oralement à l’audience par son conseil, la caisse primaire d’assurance maladie [Localité 2] sollicite de la cour de voir :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable la Société Kuehne Nagell en sa demande d’inopposabilité de la décision de la caisse,

— statuer ce que de droit sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable,

Dans l’hypothèse où la cour retiendrait la faute inexcusable,

— débouter M. [F] de sa demande de majoration d’indemnité en capital,

— limiter la mission de l’expert aux chefs de préjudices prévus par l’article L.452-3 du code de sécurité sociale,

— débouter M. [F] de sa demande de provision,

— rappeler qu’elle avancera les sommes éventuellement allouées à M. [F] dont elle récupèrera le montant sur la société Kuehne Nagel, en ce compris les frais d’expertise.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE, LA COUR,

Sur la faute inexcusable

M.[F] sollicite la reconnaissance d’une faute inexcusable de son employeur, expliquant notamment que :

— la société ne verse aucun document unique d’évaluation des risques,

— le président du CHSCT avait alerté la médecine du travail le 2 octobre 2007 d’une réunion relative à une série d’accidents du travail survenus depuis le 1er janvier 2007, dont certains concernaient des salariés qui préparaient des palettes,

— il a eu un 2ème accident le 6 juillet 2009 avec diverses fractures au pied gauche,

— la société prétend qu’il serait à l’origine de son propre dommage sans en rapporter la moindre preuve,

— elle avait nécessairement conscience du danger dans la mesure où de nombreux salariés ont été victimes d’accident du travail, et ce, dans des circonstances similaires à son accident,

— la faute inexcusable résulte du défaut de sécurité et de formation du personnel et de l’auteur des faits, M. [L], intérimaire qui ne disposait pas du CACES et n’était donc pas habilité à conduire des transpalettes,

— la société n’a pas déféré à sa sommation de communiquer différents documents qu’il lui avait réclamés,

et il faudra en tirer toutes conclusions,

— la version de M. [F] n’a jamais varié, il ne conduisait aucun engin au moment de la survenance de l’accident, c’est M. [L] qui est impliqué mais il n’a pas témoigné,

— il en est justifié par les témoignages produits.

Au contraire, la société Kuehne Nagell s’oppose à la reconnaissance d’une faute inexcusable, faisant valoir que :

— c’est à M. [F] de rapporter la preuve des faits qu’il allègue et de la faute inexcusable de l’employeur,

ce qu’il ne fait pas, procédant par affirmations,

— sa version des faits est contredite par la déclaration d’accident du travail,

— les deux accidents de M. [F] sont survenus dans des circonstances similaires, son comportement dans la conduite de son chariot étant à l’origine des accidents,

— les témoignages recueillis 7 ans après les faits sont sujets à caution, et les témoins n’ont pas vu l’accident.

Quant à la caisse, elle s’en rapporte sur ce point.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers lui d’une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage. Dès lors, l’absence d’établissement d’un document unique d’évaluation des risques est insuffisant à lui seul à caractériser une faute inexcusable.

A ce stade, la faute de la victime n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de la responsabilité qu’il encourt en raison de sa faute inexcusable.

En l’espèce, suivant la déclaration établie le 16 juillet 2008 par l’assistante de direction de la société, l’accident du 12 juillet 2008 est survenu à 10 h 15 alors que M.[F] occupait les fonctions de préparateur de commandes et qu’ 'en reculant avec son chariot électrique, M. [F] en a percuté un autre, il a été éjecté de celui-ci et s’est tordu la cheville gauche'. Il était précisé que l’employeur avait été informé le 16 juillet à 16 h et que M. [L] avait été témoin des faits.

Cette déclaration remplie par un représentant de l’employeur ne présente qu’une version de l’accident.

Sur les faits, il est produit une attestation de M. [N] qui indique le 15 septembre 2016: L’intérimaire M. [L] avait écrasé le pied gauche de M. [F] le 12 juillet 2008 avec son appareil chargé d’une palette déjà filmée. M. [F] debout contrôlait sa palette et son bon de commande avant de le coller sur la palette, prêt à filmer(…) Après cet accident, M. [L] se vantait d’avoir envoyé un noir à l’hôpital(..). Lui aussi voulait se faire embaucher et après cet accident, il fut embauché(…) Par ailleurs, M. [E] atteste le 20 avril 2016 avoir accouru le 12 juillet 2008 quand l’intérimaire M. [L] venait d’écraser le pied gauche de M. [F], après avoir filmé sa palette, (…),pendant que son appareil était à l’arrêt(…

Si l’employeur met en cause ces attestations, notamment pour leur tardiveté, il ne démontre pas qu’elles soient fausses d’autant qu’elles sont circonstanciées et qu’il n’a pas déposé plainte pour faux témoignage à l’encontre de leur auteur.

Il y a à l’évidence une divergence d’appréciation des circonstances de l’accident, M. [F] démontrant plutôt avoir été percuté par un appareil conduit par un tiers intérimaire. Cependant, on ignore si l’appareil en question nécessitait un CACES pour le conduire, et si l’intérimaire en était titulaire ou pas. Le défaut de sécurité et de formation du personnel n’est donc pas établi.

Les circonstances du 2ème accident le 6 juillet 2009 importent peu puisqu’il est postérieur à celui en litige et ne peut donc y apporter un éclairage particulier.

On ne saurait tirer de conséquences particulières de l’abstention de la société à déférer à la sommation de communiquer qui lui a été faite, dans la mesure où, dans un premier temps, c’est à la victime de l’accident du travail de rapporter la preuve de la faute de son employeur.

Sur la succession d’accidents, il est versé aux débats, un courrier du président du CHSCT informant le 2 octobre 2007 la médecine du travail d’une réunion du comité le 17 octobre suivant avec pour premier sujet de l’ordre du jour, un point sur les accidents du travail. Mais ce courrier à lui seul ne peut valoir preuve d’une succession d’accidents. Il est également produit une édition au 24 octobre 2007 des accidents du travail, laquelle relève depuis le 30 janvier 2007, 10 accidents. Cependant, un seul vise un accident relatif à une circulation : celui du 26 juin 2007, la victime a été percutée par une palette, dû à une manoeuvre effectuée par un de ses collègues, celui-ci est venu se cogner sur son épaule gauche.

Dès lors, il n’est pas démontré que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger qu’il faisait encourir à son salarié et n’a pas pris les mesures pour l’en préserver, sa faute inexcusable ne peut être reconnue.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé, et M. [F], débouté de l’ensemble de ses demandes.

Eu égard à la décision rendue, aux circonstances et à l’équité, il convient de rejeter les demandes présentées tant par Mr [F] que par la société sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreLa présidente

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