Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 20 décembre 2019, n° 19/19790

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 8, 20 déc. 2019, n° 19/19790
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/19790
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 30 octobre 2019, N° 19R1179
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2019

(n° 399 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/19790 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA33X

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Octobre 2019 -Président du TC de Lyon – RG n° 19R1179

APPELANTE

Société LABA, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domiciliéès qualités de droit audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée par Me Vanessa JAKUBOWICZ-AMBIAUX de la SCP Jakubowicz, Mallet-Guy & Associés, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE

Société A B, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée par Me Emmanuel DUBREUIL, avocat au barreau de BONNEVILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2019, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Thomas VASSEUR, Conseiller conformément aux articles 785, 786 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente

M. Thomas VASSEUR, Conseiller

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Anaïs SCHOEPFER

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Sylvie KERNER-MENAY, Présidente et par Anaïs SCHOEPFER, Greffière.

M. X exploite pendant la saison d’hiver depuis dix-neuf années à Megève, au n°19, Pas des 5 rues, au travers de différentes sociétés dont pour la dernière saison la société Laba, un club de jazz à l’enseigne 'Les 5 rues' au sein d’un immeuble appartenant à la société A B, qui est également propriétaire du fonds de commerce.

Pour les saisons des années passées, les sociétés Laba et A B ont conclu des contrats successifs, passés devant un notaire d’Annecy.

S’agissant de la dernière saison, couvrant la période du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019, les sociétés Laba et A B ont conclu, le 16 novembre 2018, deux contrats notariés :

• un contrat intitulé 'location de courte durée d’immeuble – location de matériel – prêt de service à caractère saisonnier' qui prévoit la location, au sein de l’immeuble en cause, d’un rez-de-chaussée, d’un ensemble de matériels faisant l’objet d’un inventaire établi par les parties et d’un 'prêt' de la licence 4e catégorie. Ce contrat comporte en outre une clause d’attribution de juridiction au profit du 'tribunal compétent du lieu de situation des locaux et biens mobiliers pris à bail'.

• un contrat intitulé 'location meublée saisonnière' qui porte sur les premier et deuxième étages de l’immeuble en cause.

Par courriel du 14 septembre 2019, Mme Y, gérante de la société A B a indiqué à M. X, gérant de la société Laba, qu’elle ne renouvellerait pas son contrat de location, sans préciser lequel, pour l’hiver à venir.

Par acte du 28 octobre 2019, la société Laba a fait assigner d’heure à heure la société A B devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon en sollicitant notamment que soit ordonné, en application des dispositions de l’article L. 442-1 du code de commerce, une poursuite des relations entre les parties jusqu’au 30 avril 2020.

Contestant que ce litige puisse ressortir du dispositif sur les ruptures brutales de relations commerciales, la société A B a soulevé une exception d’incompétence au profit du tribunal de grande instance de Bonneville.

Par ordonnance du 31 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon:

• s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Bonneville statuant en référé ;

• a renvoyé la société Laba à mieux se pourvoir ;

• a condamné la société Laba à payer à la société A B la somme de l.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• a condamné la société Laba aux entiers dépens.

Par déclaration du 6 novembre 2019, la société Laba a relevé appel de cette décision, en joignant à sa déclaration d’appel des conclusions et en sollicitant la possibilité d’assigner son adversaire à jour fixe.

Dans ses dernières conclusions jointes à la déclaration d’appel, qui n’ont pas été suivies d’autres conclusions, et auxquelles il est renvoyé s’agissant des moyens qui y sont développés, la société Laba demande à la cour de :

• dire et juger recevable et bien fondé l’appel principal de la société Laba des chefs de l’ordonnance suivants :

• 'nous déclarons incompétent au profit du tribunal de grande instance de Bonneville statuant en référé ;

• renvoyons la société Laba à mieux se pourvoir ;

• condamnons la société Laba à payer à la société A B la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamnons la société LABA aux entiers dépens.'

En conséquence,

• réformer l’ordonnance pour chacun des chefs mentionnés ci-avant et la confirmer pour le surplus ;

Et statuant à nouveau :

• dire et juger que le tribunal de commerce de Lyon était compétent ;

• dire et juger recevables et bien fondées les demandes de la société Laba ;

• dire et juger que l’annonce de la fin de la relation commerciale établie faite par la société A B le 14 septembre 2019 à la société Laba, quelques semaines avant le début de la saison d’hiver, constitue un trouble manifestement illicite susceptible d’entraîner un dommage imminent ;

En conséquence,

• ordonner la poursuite des relations contractuelles entre la société Laba et la société A B pour une durée conforme au préavis qui aurait dû être respecté, soit jusqu’à la fin de la saison d’hiver le 30 avril 2020, et ce, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;

• ordonner la remise des clés du Club de Jazz « Les 5 rues » par la société A B à la société Laba à l’Huissier en charge de la signification de l’arrêt à intervenir, de manière à permettre à la société Laba d’en assurer la gérance à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, et jusqu’au 30 avril 2020, et ce, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;

• dire et juger que le préavis s’effectuera, jusqu’au 30 avril 2020, dans les conditions des contrat de « Location de courte durée d’immeuble, location de matériel et prêt de licence à caractère saisonnier » et de « Location meublée saisonnière », signés devant notaire le 16 novembre 2018 (Pièces n°B4 et B5), en ce compris le « prêt de licence IV », sans qu’il ne soit besoin de régulariser un nouveau contrat, et que le « loyer » versé en contrepartie de l’exploitation, sera

• calculé au prorata de la durée restant à courir entre la remise des clés et le 30 avril 2020 ; faire interdiction à la société A B de faire obstacle directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, à la gestion du Club de Jazz « Les 5 rues» par la société Laba, et ce, sous astreinte de 100.000 euros par infraction constatée ;

En tout état de cause,

• dire et juger que la cour conservera sa compétence pour augmenter et / ou liquider ladite astreinte ;

• débouter la société A B de toutes demandes, fins et conclusions ;

• condamner la société A B à payer à la société Laba la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, ainsi que la somme de 10.000 euros au titre de la présente instance, outre les entiers dépens de la première instance et de la présente instance.

Dans ses conclusions remises le 11 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé s’agissant des moyens qui y sont développés, la société A B demande à la cour de :

• confirmer l’ordonnance du 31 octobre 2019 en toutes ses dispositions ;

• se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de Bonneville statuant en référé ;

• à titre subsidiaire, constater l’absence de saisine du centre de médiation notarial préalable à la présente action judiciaire ;

• dire en conséquence la société Laba irrecevable en ses demandes ;

• à titre infiniment subsidiaire constater l’existence d’un bail saisonnier arrivé à échéance et à son terme contractuel le 30 avril 2019 ;

• en conséquence, constater l’absence de troubles manifestement illicites à faire cesser ou de dommages imminents à prévenir ;

• en conséquence se déclarer incompétente et débouter la société LABA de ses demandes infondées ;

• condamner la société LABA au paiement d’une somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

Selon la société Laba, en indiquant par son courriel du 14 septembre 2019 qu’elle ne renouvellerait pas les contrats de location pour la saison d’hiver à venir, la gérante de la société A B a mis fin brutalement à la relation commerciale établie entre les deux sociétés, ce qui occasionnerait à la première un trouble manifestement illicite auquel il appartiendrait au juge des référés de mettre fin.

Cette demande n’est cependant pas fondée, d’une part parce que les relations des parties n’entrent pas dans le champ du dispositif invoqué et, d’autre part parce que, quand bien même cela aurait été le cas, le non-renouvellement des contrats de location ne caractérisent pas en l’espèce une rupture brutale desdites relations.

En premier lieu, il n’est pas rapporté que les relations qui ont existé entre les sociétés Laba et A B ressortissent au dispositif des ruptures brutales de relations, telles que prévues à l’article L. 442-1, II, du code de commerce.

Cet article dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du

commerce ou aux accords interprofessionnels.

Pour appliquer cette disposition, la question se pose de savoir si la société A B exerce, à l’égard de l’appelante, une activité de production, de distribution ou de services.

Les deux derniers contrats, souscrits le 16 novembre 2018, sont intitulés respectivement 'location de courte durée d’immeuble – location de matériel – prêt de service à caractère saisonnier' et 'location meublée saisonnière'. Ces qualifications n’ont pas lieu d’être remises en cause par le juge des référés : ces contrats sont signés devant notaire ; le premier prévoit la location, au sein de l’immeuble en cause, du rez-de-chaussée, d’un ensemble de matériels faisant l’objet d’un inventaire établi par les parties et d’un prêt de la licence 4e catégorie cependant que le second porte sur la location de deux étages de l’immeuble en cause. Il n’y a pas lieu en référé de considérer que nonobstant cette qualification, ce formalisme et ces prestations essentielles les relations des parties correspondraient, comme le prétend la société Laba à une relation de services au sens de l’article L. 442-1, II du code de commerce au motif que la société A B concéderait l’exploitation du fonds de commerce et 'prêterait' la licence IV. Au demeurant, comme le stipule le premier contrat cité, le bail n’ouvre pas droit au bénéfice du statut des baux commerciaux. En tout état de cause, ces éléments sont insuffisants pour permettre au juge des référés de considérer que cette dénomination des contrats serait fallacieuse avec une certitude telle que le trouble qui résulterait de la prétendue rupture revêtirait un caractère manifestement illicite.

Au surplus, à supposer même qu’il serait considéré que les relations des parties puissent relever de ce dispositif du code de commerce, il ne pourrait être retenu au cas d’espèce que la rupture des relations entre les parties revêtirait un caractère brutal.

En effet, les contrats souscrits, qui ont tous été saisonniers, stipulaient qu’ils étaient conclus pour une durée non renouvelable, non reconductible et non susceptible de prorogation. C’est ainsi ce qu’indique en son article 2 le contrat, conclu le 16 novembre 2018, dit de 'location de courte durée d’immeuble – location de matériel – prêt de service à caractère saisonnier', lequel ajoute encore que le contrat est 'consenti à titre provisoire et précaire'. De même le contrat, conclu à la même date, dit de 'location meublée saisonnière', stipule qu’il n’est susceptible d’aucune reconduction, sauf accord contraire des parties. Qui plus est, au terme de ces contrats, la société A B a fait procéder, par procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 30 avril 2019, un état des lieux, afin que ceux-ci puissent être reloués à une société tierce pendant l’état.

Enfin, la rupture est d’autant moins susceptible de revêtir un caractère brutal pour la société Laba que celle-ci n’a pas toujours été signataire, au cours des années passées, des contrats passés pour la saison d’hiver avec la société A B. Ainsi, pour la saison d’hiver 2017/2018, la location a été consentie à la SARL CCL, qui certes était représentée par M. X (l’acte notarié en question, du 5 décembre 2017, orthographie ce nom comme étant M. Z), lequel est également le gérant de la société Laba, mais qui n’en est pas moins une personne morale différente.

Le présent litige ne relevant pas de l’application de l’article L. 442-1, II, du code de commerce, la règle d’attribution des litiges prévue à l’article L. 442-4, III du même code n’est pas applicable. La société Laba sera donc déboutée de sa demande tendant à dire et juger que le tribunal de commerce de Lyon était compétent. Au-delà de cette demande sur la compétence spéciale de la juridiction commerciale lyonnaise, la société Laba ne critique pas l’ordonnance dont elle a interjeté appel pour le fait que c’est le tribunal de grande instance, en l’occurrence celui de Bonneville, qui a été déclaré compétent, étant observé que la société A B demande expressément que ce même tribunal de grande instance soit déclaré compétent.

Aussi convient-il de confirmer l’ordonnance entreprise. Compte-tenu de cette confirmation, les demandes formulées par la société Laba au titre d’une évocation de l’affaire devant la cour deviennent sans objet.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise ;

Dit que les demandes formulées par la société Laba au titre d’une évocation de l’affaire devant la cour sont en conséquence sans objet ;

Condamne la société Laba aux dépens ;

Condamne la société Laba à verser à la société A B la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

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