Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 11 avril 2019, n° 18/21475

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 2, 11 avr. 2019, n° 18/21475
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/21475
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Créteil, 20 décembre 2015, N° 15/01604
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 11 AVRIL 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/21475 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6OKP

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 21 décembre 2015 par le tribunal de grande instance de Créteil RG n° 15/01604, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 9 janvier 2017, lui-même cassé par un arrêt de la cour de cassation en date du 20 septembre 2018,

DEMANDEUR

Comité d’établissement Maisons Alfort Sanofi Winthrop Industrie

[…]

[…]

Représentée par Me Abdelkader X, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

INTIMÉE

SA Sanofi Winthrop Industrie

[…]

[…]

N° SIREN : 775 66 2 2 57

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020, substituée à l’audience par Me Olivier GIOVENAL, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Mariella LUXARDO, Présidente, chargée du rapport et Madame Monique CHAULET, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Mme Monique CHAULET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Y Z

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Mariella LUXARDO, présidente et par Madame Y Z, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’ordonnance rendue le 21 décembre 2015 par le président du tribunal de grande instance de Créteil statuant en référé qui a dit n’y avoir lieu à référé ni à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné le comité d’établissement de Maisons-Alfort aux dépens de l’instance ;

Vu l’appel interjeté contre cette décision par le comité d’établissement de Maisons-Alfort le 21 décembre 2015 ;

Vu l’arrêt rendu le 9 janvier 2017 par la cour d’appel de Paris qui a 'confirmé le jugement en toutes ses dispositions et condamné le comité d’entreprise de la société Sanofi Winthrop Industrie à payer à la société la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile',

Vu le pourvoi en cassation formé par le comité d’établissement Sanofi SWI,

Vu l’arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la Cour de cassation qui a :

— cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 9 janvier 2017 par la cour d’appel de Paris et a en conséquence remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris autrement composée,

— condamné la société Sanofi Winthrop Industrie aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu la déclaration de saisine de la cour faite le 28 septembre 2018 par le comité d’établissement de Maisons-Alfort ;

Vu l’avis de fixation du 19 octobre 2018 ;

Vu l’ordonnance rendue le 22 février 2019 qui a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 14 février 2019 par Me X dans l’intérêt du comité d’établissement de Maisons-Alfort et l’a invité à déposer les dernières conclusions signifiées devant la cour d’appel de Paris qui a statué le 9 janvier 2017,

Vu ces dernières conclusions signifiées le 14 juin 2016 aux fins de voir :

Constater que la société défenderesse a violé son obligation d’informer et consulter le comité d’établissement sur la dénonciation de l’accord sur le droit syndical du 21 décembre 2006 et de son avenant du 7 juillet 2008,

Infirmer l’ordonnance du 21 décembre 2015,

Juger que la dénonciation de l’accord sur le droit syndical du 21 décembre 2006 et son avenant du 7 juillet 2008 est sans effet et que ces accords demeurent applicables jusqu’à leur dénonciation régulière,

Ordonner la mise en place d’une procédure d’information-consultation du comité d’établissement sur la dénonciation de l’accord sur le droit syndical du 21 décembre 2006 et son avenant du 7 juillet 2008 et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 7e jour suivant le prononcé de l’ordonnance à intervenir,

Condamner la société Sanofi Winthrop Industrie aux entiers dépens et à verser au comité d’établissement la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 février 2019 par la société Sanofi Winthrop Industrie aux fins de voir :

Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 21 décembre 2015,

Y ajoutant,

Condamner le comité d’établissement de Maisons-Alfort de la société Sanofi Winthrop Industrie à verser à la société Sanofi Winthrop Industrie 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 15 mars 2019 ;

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la régularité des conclusions du comité d’établissement Sanofi SWI de Maisons-Alfort

La société Sanofi Winthrop Industrie fait valoir à l’audience que les dernières conclusions du comité d’établissement de Maisons-Alfort sont irrégulières en ce qu’elles ont été signifiées hors délai et après l’arrêt de la cour de cassation ; le comité d’établissement expose qu’il reprend les termes de ses conclusions soumises à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.

La cour relève en effet que l’ordonnance rendue le 22 février 2019 du président de la chambre, qui a autorité de la chose jugée puisque non soumise à déféré, a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 14 février 2019 dans l’intérêt du comité d’établissement de Maisons-Alfort, comme étant postérieures au délai de deux mois de l’article 1037-1 du code de procédure civile.

En application de l’alinéa 6 de ce texte, le comité d’établissement est réputé s’en tenir aux moyens et prétentions soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.

La cour doit par suite se prononcer au regard de ces conclusions, et les conclusions déposées ensuite le 26 février 2019 par le comité d’établissement qui a renouvelé la signification des mêmes conclusions que celles signifiées le 14 février 2019, après l’expiration du délai pour conclure, sont également irrégulières.

Elles seront écartées du débat.

Sur le trouble manifestement illicite

A l’appui de son appel, le comité d’établissement de Maisons-Alfort fait valoir que la société Sanofi Winthrop Industrie a dénoncé le 27 mars 2014 un protocole d’accord sur le droit syndical du 21 décembre 2006 et son avenant du 7 juillet 2008 ; que la dénonciation est irrégulière en ce qu’elle n’a

pas été précédée d’une information consultation des instances de représentation du personnel ; qu’à l’expiration du délai de survie de quinze mois arrivé à terme le 15 juin 2015, la société a opéré des retenues sur les salaires du secrétaire et du trésorier du comité d’établissement qui sont irrégulières dès lors que la dénonciation irrégulière se trouve privée d’effets.

La société Sanofi Winthrop Industrie fait valoir que le juge des référés n’est pas compétent en l’absence d’urgence puisque la dénonciation des accords litigieux remonte à plusieurs mois ; que le trouble manifestement illicite n’est pas caractérisé puisque la consultation ne s’impose pas pour la dénonciation d’un accord portant sur le droit syndical, un tel accord ne concernant pas l’organisation, la gestion ou la marche générale de l’entreprise ; que l’information consultation est dépourvue d’intérêt depuis la réforme du 20 août 2008 puisque les délégués syndicaux sont habilités à négocier les accords collectifs, depuis la loi du 17 août 2015 qui a supprimé définitivement l’obligation de consulter le CE pour la négociation et la dénonciation des accords collectifs, et depuis l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 qui prévoit que les accords relatifs aux anciennes instances représentatives du personnel cessent de produire leurs effets à compter du premier tour des élections du nouveau CSE ; qu’au surplus le trouble a disparu au jour où la cour doit statuer puisqu’un nouvel accord portant sur le droit syndical a été signé le 31 janvier 2017.

En droit il ressort des articles 808 et 809 du code de procédure civile que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ; qu’il peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Pour rappel, la société SWI a dénoncé par lettres recommandées du 27 mars 2014 adressées aux cinq organisations syndicales représentatives de l’entreprise, le protocole d’accord sur le droit syndical du 21 décembre 2006 et son avenant du 7 juillet 2008.

Le 16 avril 2014, les organisations syndicales représentatives ont été invitées à négocier un accord de substitution.

Cette négociation n’ayant pas abouti, la société a considéré que les accords dénoncés cessaient de produire leurs effets à l’issue du délai de survie de quinze mois, soit au 15 juin 2015.

Elle a ensuite opéré le 19 octobre 2015 des retenues sur salaire rétroactives, pour le secrétaire et le trésorier du comité d’établissement, du fait de la disparition des accords dénoncés.

Les élus se sont opposés à cette décision au motif que la dénonciation non précédée d’une information consultation, était irrégulière, et ont voté le 28 mai 2015 une résolution en vue de saisir le juge des référés de Créteil.

L’ordonnance du 21 décembre 2015 a dit n’y avoir lieu à référé au motif que l’accord dénoncé ne portait pas sur le statut de l’ensemble des salariés mais uniquement sur celui des représentants du personnel, et qu’il n’entrait pas par suite dans le champ d’application de l’article L.2323-6 du code du travail.

Or les accords des 21 décembre 2006 et 7 juillet 2008 qui ont pour objet de définir les conditions d’exercice des responsabilités syndicales, de préciser les règles de diffusion des tracts au sein de l’entreprise, les modalités d’organisation de réunions d’information à destination des salariés, et d’accorder des crédits d’heures supplémentaires aux élus du CHSCT et du comité d’établissement, portent sur des questions qui intéressent l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.

La société SWI ne peut sérieusement soutenir que les dispositions de ces accords sont de nature essentiellement économique, alors que la question des moyens accordés aux élus et aux organisations syndicales est déterminée par les dispositions légales, et susceptibles de faire l’objet de dispositions plus favorables par un accord d’entreprise, dans l’intérêt des salariés, et par suite a nécessairement un impact sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.

La société SWI ne peut pas conclure à l’absence d’urgence alors que la régularité de la dénonciation de l’accord, doit être appréciée au jour de cette dénonciation, soit au 27 mars 2014, et à cette date, la dénonciation devait être soumise en application de l’article L. 2323-6 du code du travail, dans sa version alors applicable, à la consultation préalable du comité d’établissement.

Cette irrégularité est constitutive d’un trouble manifestement illicite en ce qu’elle porte une atteinte manifeste aux prérogatives des instances représentatives du personnel et justifie la compétence de la juridiction de référé.

La société SWI ne peut pas conclure à la disparition de ce trouble en raison des différentes modifications législatives intervenues depuis 2014 et à la signature d’un nouvel accord portant sur le droit syndical le 31 janvier 2017.

Les dispositions de la loi du 17 août 2015 qui ont supprimé l’obligation de consulter le CE en matière de signature et de dénonciation des accords collectifs, ne sont pas applicables puisque postérieures à la dénonciation intervenue le 27 mars 2014, comme celles de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, alors au surplus que la mise en place d’un nouveau CSE n’est pas effective au sein de la société SWI et prévue dans le courant de l’année 2019 selon les dernières conclusions d’appel de la société.

La signature d’un nouvel accord portant sur le droit syndical le 31 janvier 2017 a pour effet de rendre sans objet la demande du comité d’établissement d’organiser une nouvelle procédure de consultation sous astreinte.

En revanche elle ne fait pas disparaître le trouble manifestement illicite qui résulte de la dénonciation irrégulière des accords ni l’irrégularité de la situation issue de cette dénonciation, sur la période du 15 juin 2015 au 1er février 2017, date d’entrée en vigueur du nouvel accord.

Cette irrégularité concerne en particulier les crédits d’heures accordés aux élus et par voie de conséquence le calcul de leurs salaires, qui restent affectés par une irrégularité sur cette période.

En définitive, l’ordonnance du 21 décembre 2015 doit être infirmée en toutes ses dispositions en ce qu’elle a considéré à tort qu’il n’y avait pas lieu à référé.

Il convient par suite de faire droit à la demande du comité d’établissement de Maisons-Alfort tendant à faire constater que la dénonciation au 27 mars 2014 est affectée d’une irrégularité et que les accords des 21 décembre 2006 et 7 juillet 2008 ont continué à produire leurs effets jusqu’au 1er février 2017.

La demande d’organisation d’une nouvelle procédure de consultation sera rejetée compte tenu de la mise en oeuvre d’un nouvel accord sur le droit syndical applicable depuis le 1er février 2017, qui s’est substitué aux accords de 2006 et 2008.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, l’action du comité d’établissement de Maisons-Alfort étant justifiée, la société Sanofi Winthrop Industrie doit supporter les entiers dépens de l’instance et devra payer au comité d’établissement de Maisons-Alfort la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevables les conclusions signifiées le 26 février 2019 par le comité d’établissement de Maisons-Alfort,

Infirme l’ordonnance du 21 décembre 2015 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Constate l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de la dénonciation au 27 mars 2014 des accords des 21 décembre 2006 et 7 juillet 2008 sans consultation préalable du comité d’établissement de Maisons-Alfort,

Constate que le trouble a persisté jusqu’au 1er février 2017 date de l’entrée en vigueur d’un nouvel accord portant sur le droit syndial qui s’est substitué aux accords des 21 décembre 2006 et 7 juillet 2008,

Dit que les accords du 21 décembre 2006 et 7 juillet 2008 demeurent applicables au sein du comité d’établissement de Maisons-Alfort de la société SWI jusqu’au 1er février 2017,

Rejette la demande du comité d’établissement de Maisons-Alfort de la société SWI tendant à la mise en oeuvre d’une nouvelle procédure de consultation sous astreinte,

Condamne la société Sanofi Winthrop Industrie aux entiers dépens de l’instance et à payer au comité d’établissement de Maisons-Alfort la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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