Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 27 février 2019, n° 17/17990

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 27 févr. 2019, n° 17/17990
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/17990
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 27 janvier 2014, N° 13/07212
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/17990 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4ENP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2014 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 13/07212

APPELANTE

Madame G B veuve X

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me AD-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

assistée de Me Arlette BARDON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

Madame F V Z ès qualités de représentante légale d’I X, née le […] à Q Antananarivo (Y)

Mandrosa U

Y

représentée par Me Philippe GALLAND de GRV ASSOCIES AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

assistée du Cabinet PARR, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme J K, Conseiller

Mme G GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme J K dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme L M

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme L M, Greffier.

PRETENTIONS DES PARTIES ET PROCEDURE

Le 19 décembre 2006, N X et Madame G B se sont mariés à la mairie de PARIS 15e. Préalablement à cette union, ils ont conclu un contrat de mariage, stipulant la communauté universelle.

Le 22 février 2010, Maître O P, notaire, a dressé un contrat stipulant une donation entre époux de la totalité des biens qui composeront la succession de N X, ce qui a été accepté par Madame G B.

N X est décédé le […] à la clinique Ambroise Paré de Neuilly sur Seine.

De ses relations avec Madame F Z, de nationalité malgache et résidente à Y, Monsieur N X a eu une fille, I X, qui est née à Q E (4e arrondissement) le […] et qui a été reconnue par son père le 20 novembre 2009.

Selon un acte de notoriété en date du 10 février 2012, il a été indiqué qu’en raison de la donation entre époux, l’enfant 'n’a pas vocation à recueillir les biens meubles corporels ou incorporels composant la succession mais sera héritière des biens immobiliers sis en France conformément à l’article 3 du code civil'.

Le 22 août 2012, Madame Z a contesté les mentions de l’acte de notoriété et révoqué le pouvoir conféré au notaire.

En sa qualité de représentante légale de sa fille mineure I X, Madame F Z a, par acte d’huissier en date du 31 octobre 2012, assigné Madame G B veuve X devant le tribunal de grande instance de PARIS, afin de voir constater l’inexactitude de l’acte de notoriété du 10 février 2012. Elle contestait l’application du droit malgache, qui ne reconnaît pas de droits successoraux aux enfants adultérins.

Dans son jugement rendu le 28 janvier 2014, le tribunal de grande instance de PARIS a retenu que la succession de N X s’était ouverte à PARIS et qu’I X disposait des droits réservataires dans l’ensemble de la succession de son père. L’acte de notoriété dressé le 10 février 2012 a été déclaré non conforme aux droits héréditaires des parties. Le président de la chambre interdépartementale des notaires de PARIS a donc été commis pour procéder au partage judiciaire de la communauté ayant existé entre les époux X et dresser un projet d’état liquidatif.

Madame G B a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 21 février 2014.

L’affaire a fait l’objet d’un retrait du rôle par arrêt en date du 4 novembre 2015.

Elle a été rétablie le 22 septembre 2017 sur la demande de Madame B.

*******************

Dans ses conclusions régularisées le 3 décembre 2018, Madame G B veuve X sollicite l’infirmation du jugement. Elle demande à la cour de :

— débouter Madame C ès qualités de tutrice de l’enfant I X de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

— infirmer le jugement du 23 janvier 2014 et statuant à nouveau ;

— prononcer une fin de non recevoir de la présente procédure ;

— dire que l’ordre public français n’est pas contraire à l’application de la loi malgache en matière de dévolution successorale des enfants adultérins ;

— dire et juger conformes aux lois française et malgache l’acte de notoriété dressé par la SCP Ivaldi, R S et Monier, notaires à Châteauneuf-de-Grasse le 10 février 2012 ;

— dire et juger que l’ordre public française ne heurte pas l’application de la loi ;

— dire et juger que Madame G B épouse légitime de N X apporte la preuve que celui-ci était domicilié à Y ;

— dire que l’enfant I X n’a jamais eu aucun lien avec la France ;

— dire qu’il sera fait application au présent litige de la loi malgache ;

— condamner Madame F C ès qualités à lui payer une somme de 300 000€ au titre du préjudice moral subi ;

— condamner Madame F C ès qualités à payer une somme de 40 000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Madame G B fait valoir que :

' les prétentions de Madame C, ès qualités, sont irrecevables, en vertu du principe de l’estoppel, parce qu’elle a d’abord soutenu que N X vivait maritalement avec elle à Y.

' la réserve héréditaire ne relève pas de l’ordre public international français. L’article 21 du règlement européen n°650/2012 sur les successions internationales prévoit que les règles gouvernant la succession d’un ressortissant de l’Union Européenne sont celles de l’état où le défunt réside et non celles de son pays d’origine. L’ordre public international français ne peut pas être invoqué, lorsque la partie à protéger n’entretient pas de liens étroits avec la France. En l’espèce I X de nationalité française par son père, a toujours vécu à Y avec sa mère, de nationalité malgache, depuis sa naissance.

' en droit français comme à Y, la loi applicable à la succession est celle du domicile du défunt, sous réserve des biens immobiliers, dont le statut dépend de leur situation. Monsieur X vivait à Y et ne venait à PARIS que pour des raisons médicales. Il ne s’est jamais occupé de son épouse légitime et il n’est aucunement établi qu’il ait eu l’intention de s’installer à

PARIS de 2008 à 2011. Il a été inscrit au registre des français établis hors de France jusqu’à son décès. Il a conservé une ligne téléphonique ORANGE à Y. Il a bénéficié d’une carte de résident malgache depuis le 30 novembre 2007 valable jusqu’en 2017. Il a reçu des soins médicaux à Y. Il a été inscrit sur le registre des français établis hors de France jusqu’au 7 septembre 2011 ainsi qu’il résulte d’un certificat du consulat général de France à E. Il a été habitant de la commune de D depuis 2002 jusqu’à 2011. La transcription de l’acte de naissance d’I X auprès du consul général de France à E, en date du 12 février 2010, indique que son père est domicilié à Y. Par ailleurs, N X gérait plusieurs sociétés à Y et son domicile déclaré se situait bien à Y. Son avis d’imposition des revenus 2010 a été établi par le SIP des non résidents de NOISY LE GRAND. Les relevés bancaires ainsi que plusieurs attestations révèlent que la vie quotidienne de Monsieur X se déroulait à Y.

' l’attitude de Madame C lui a causé un préjudice moral, qui doit être évalué à 300000€.

******************

Dans ses conclusions régularisées le 26 février 2018, Madame F Z agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure I X née le […] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Elle fait valoir que :

' le principe de l’estoppel est invoqué à mauvais escient, puisqu’elle a toujours soutenu que son ex-compagnon était domicilié en France.

' depuis l’arrêt Mazureck contre France, rendu le 1er février 2000 par la cour européenne des droits de l’homme, il n’y a plus de distinction entre les enfants légitimes et adultérins et la France doit assurer l’égalité successorale entre les enfants, peu important la nature de leur filiation. La loi étrangère qui opère une discrimination entre les enfants selon leur filiation est contraire à la conception française de l’ordre public international.

' le domicile du père de sa fille n’était pas fixé à Y au jour de son décès. En effet, N X a informé l’administration malgache de son intention de changer de domicile pour s’installer à PARIS. Il n’était d’ailleurs plus imposable sur les revenus à Y. L’acte de donation du 22 février 2010 confirme que son domicile était fixé à PARIS.

' l’appelante ne peut se prévaloir de faits qui auraient été commis par l’intimée à Y, pour la SOCIETE FARASANDS puisqu’elle n’agit qu’en qualité de représentante de sa fille et non en son nom propre. Au surplus, le premier président de la cour suprême de Y a, le 25 juillet 2017, suspendu l’exécution de l’arrêt du 24 novembre 2016 rendu par la chambre commerciale de la cour d’appel de E. Madame B n’a pas été privée de ses droits dans la SOCIETE FARASANDS.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le mardi 18 décembre 2018.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Sur l’irrecevabilité invoquée par Madame G B, veuve X, sur le fondement de la règle de l’estoppel

Madame G B veuve X soutient, qu’en vertu du principe, destiné à assurer la loyauté des débats, que ' nul ne peut se contredire au détriment d’autrui', les prétentions de Madame F

Z, en qualité de représentante légale d’I X, doivent être déclarées irrecevables, au visa de l’article 122 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que Madame Z, ès qualités, a d’abord prétendu que le défunt avait vécu maritalement avec elle à Y, depuis 2002 jusqu’à son décès, aux termes d’un courriel en date du 4 octobre 2011 (pièce 49 appelante). Postérieurement à l’établissement de l’acte de notoriété n°424904 en date du 10 février 2012, elle avait, toutefois, adopté une position inverse, consistant à prétendre que N X était, en réalité, domicilié en France.

Il doit, tout d’abord, être relevé que le principe de l’estoppel suppose qu’une même partie adopte des positions contradictoires, au détriment d’autrui, au cours d’une même procédure. A l’époque du courriel du 4 octobre 2011, il n’existait aucune procédure, puisque Madame C, ès qualités, n’a assigné Madame G B veuve X devant le tribunal de grande instance de PARIS que, par acte en date du 31 octobre 2012, soit quelques mois après l’établissement de l’acte de notoriété du 10 février 2012 (pièce 8 appelante), lequel n’était pas conforme à un premier projet d’acte de notoriété établi sous le numéro 424902 (pièce 14 intimée), qui reconnaissait, sans restriction, la qualité d’héritière à I X, née le […] à E (Q) et reconnue par son père N X (acte de naissance transcrit le 12 février 2010 au consulat général de France à E – pièce 3 intimée).

Aucune contradiction n’est donc caractérisée à l’encontre de Madame C, ès qualités, depuis l’engagement de son action, puisqu’elle a toujours cherché à faire appliquer la loi française en soutenant notamment, qu’à la date de son décès, le défunt avait son domicile à Paris.

Au surplus, il doit être rappelé que le principe de l’estoppel n’a vocation à s’appliquer qu’aux seules prétentions, qui sont l’objet du litige. L’exigence de cohérence s’appliquant à ces prétentions ne s’étend pas aux allégations qui sont formulées pour soutenir les prétentions. En l’occurrence, la détermination du domicile du défunt ne constitue qu’une allégation ou un moyen permettant d’obtenir l’application de la loi française plus favorable à I X que la loi malgache, dès lors que celle-ci ne reconnaît pas de droits successoraux aux enfants adultérins.

La fin de non recevoir invoquée par Madame G B veuve X doit donc être rejetée.

Sur la détermination du domicile du défunt à l’époque de son décès

Selon l’article 720 du code civil 'les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt'. L’article 3 al2 du code civil dispose que 'les immeubles, même ceux possédés par des étrangers sont régis par la loi française'. Ainsi qu’il est rappelé par l’acte de notoriété dressé le 10 février 2012, tant la loi française que la loi malgache prévoient que la loi du domicile du défunt régit la succession mobilière, tandis que c’est la loi du lieu de situation des immeubles, qui régit la succession des biens immobiliers (pièce 11 appelante).

C’est donc la loi française qui doit s’appliquer pour les biens immobiliers sis en France.

En revanche, il est nécessaire de déterminer où était le domicile du défunt à l’époque de son décès pour désigner la loi applicable à la succession mobilière de N X. Selon l’acte de notoriété dressé le 10 février 2012 (pièce 8 appelante – page 2), le domicile de N X était à Y, ce qui privait I X de tous droits sur la succession mobilière de son père, car la loi applicable à Y n’admet pas les enfants adultérins comme héritiers.

Madame C, ès qualités, soutient qu’à l’époque de son décès, N X n’avait plus sa résidence habituelle à Y, depuis plusieurs années. Elle fait ainsi valoir que l’acte de donation consenti le 22 février 2010 par N X au profit de son épouse, révèle qu’il était alors domicilié au […] à PARIS 15e (pièce 5 intimée). Elle considère que l’attestation de non imposition à l’impôt sur les revenus établie le 28 août 2012 par les services des impôts de Y, pour les revenus 2008 à 2012 (pièce 8 intimée), démontre qu’il ne vivait plus à Y, ainsi qu’il résulte, par ailleurs, des certificats des autorités locales indiquant que le défunt avait quitté la commune de T U, depuis la fin de l’année 2008 (pièces 7 et 11 intimée).

Aucune valeur probatoire ne peut être accordée à ces certificats, dans la mesure où il est établi que leur auteur, Monsieur AA AB AC, a d’abord signé un certificat dressé le 5 novembre 2012 (pièce 24 appelante) indiquant que N X avait été 'habitant de notre D depuis 2002 jusqu’à 2011', avant de signer un second certificat, en date du 5 juin 2013, indiquant que le premier était 'faux' et que N X avait quitté le quartier à la fin de l’année 2008, en remplissant un certificat de changement de domicile (pièce 11 intimée). Ce certificat de changement de domicile, qui aurait été rempli par le défunt, n’a pas été joint au certificat du 5 juin 2013. L’attestation de non imposition établie le 28 août 2012 prouve simplement que N X a été pris en compte à Y pour la période des années 2008 à 2012, même s’il n’était pas imposable, ce qui n’a pas d’incidence significative sur sa domiciliation. Quant à l’acte de donation du 22 février 2010, il ne suffit pas à prouver que N X aurait été domicilié avec son épouse au […] à PARIS 15e, étant souligné que l’acte raturé avait d’abord mentionné un domicile à Y et que le contrat de mariage conclu le 18 décembre 2006 (pièce 4 appelante) révèle que les lots 101 et 151 de l’immeuble sis […] à PARIS 15e, consistent en une pièce de 12m² avec WC en rez de chaussée, outre trois caves, dont une avec douche. Les nombreuses attestations produites par Madame G B veuve X (pièces 16, 41, 42, 43, 44, 45 et 46 appelante), parfaitement concordantes entre elles, ainsi qu’avec le courriel en date du 4 octobre 2011 (pièce 49 appelante), déjà évoqué, démontrent que N X revenait à PARIS essentiellement pour des raisons médicales et était hébergé par son ami Monsieur AD-AE AF, lors de ses séjours à Paris.

Il est, d’autre part, établi que :

— le défunt a été inscrit sur le registre des français établis hors de France, car il a figuré sur les registres du Consulat Général de France à E du 18 janvier 2002 au 7 septembre 2011 (pièce 17 appelante) ;

— il était titulaire d’une carte de résident à Y, valable depuis la fin de l’année 2007 jusqu’au 30 novembre 2017, faisant apparaître un domicile à Villa Kanto T U (pièce 22 appelante) ;

— depuis 2002 jusqu’en 2010 inclus, il a dépendu pour son imposition (ainsi que son épouse résidant au Maroc) du centre des non résidents de NOISY LE GRAND (pièces 30 à 32 appelante) ;

— son passeport français révèle qu’il a été délivré, en 2004, par les services dédiés aux français de l’étranger (pièce 26 appelante) ;

— le Kbis de la société malgache FARASANDS, dont il était le gérant, montre que, dès 2003, il était domicilié Villa Kanto T U à Y ;

— il a disposé d’un compte non résident ouvert auprès de la banque HSBC, depuis l’année 1986 jusqu’au 29 août 2011 faisant apparaître une domiciliation à Villa Kanto U à E (pièce 19 appelante) ;

— il a disposé d’un abonnement téléphonique en mai et juin 2011 indiquant une domiciliation à Y (pièces 20 et 20bis appelante) ;

— les relevés de son compte bancaire démontrent qu’il a effectué des opérations personnelles à

Y (notamment retraits par chèques) entre le mois de novembre 2008 et le mois de mai 2011 (pièces 34 appelante) ;

— les dépenses concernant le club de golf du Rova, figurant sur les relevés du compte bancaire, sont confirmées par un courriel de l’administrateur de ce golf, qui indique que N X a été membre du club de 2003 à 2011 (pièce 33 appelante) ;

— les courriels échangés avec son épouse en octobre 2009 et mars 2011 (pièces 38 appelante) tendent à démontrer que la résidence habituelle de N X était à Y. Il indique ainsi le 17 mars 2011 à son épouse '…. les dialyses m’épuisent mais j’ai le temps de me reposer. Je m’occupe et je me sens moins stressé qu’à Paris, cette ville est pour moi trop difficile et puis pas de golf aussi sympa!…'.

Ces multiples éléments et circonstances concordants démontrent, qu’à la date de son décès, N X ne s’est trouvé en France que pour des raisons strictement médicales, ayant justifié son hospitalisation à la clinique Ambroise Paré à NEUILLY SUR SEINE. S’il est exact que l’acte de décès fait état d’un domicile au […] à Paris 15e, ce domicile n’était que virtuel, ainsi qu’il résulte de l’ensemble des attestations et pièces produites et le véritable domicile de N X, depuis 2002 jusqu’à son décès, était situé à Y.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a retenu que la succession de N X s’était ouverte à PARIS.

La loi malgache a donc vocation à s’appliquer à la succession mobilière de N X, sauf à être écartée, en France, si elle est incompatible avec l’ordre public international français.

Sur la compatibilité de la loi malgache avec l’ordre public international français;

Il a été démontré que la loi malgache avait vocation à s’appliquer à la succession mobilière de N X pour la définition des droits successoraux de sa fille adultérine I X, née le […] à Y.

Les parties s’accordent sur le fait que la loi malgache ne reconnaît aucun droit successoral à I X sur la succession de son père, en raison de sa filiation adultérine.

La loi étrangère peut, cependant, être privée d’efficacité en France, et écartée au profit de l’application de la loi française, lorsqu’elle heurte la conception française de l’ordre public international français.

Il s’agit de déterminer si la privation de tous droits successoraux d’I X dans la succession mobilière de son père, en raison du caractère adultérin de sa filiation, est compatible avec les principes juridiques français en ce domaine, qui posent, en particulier, le principe de l’égalité des filiations. Ce n’est pas la qualité d’héritière réservataire d’I X qui est en litige, mais l’existence même de sa vocation successorale, en raison de la nature de sa filiation.

L’article 310 du code civil rappelle le principe d’égalité des filiations, puisqu’il dispose en des termes très clairs que ' tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d’eux'. L’article 733 rappelle le principe en indiquant que ' la loi ne distingue pas selon les modes d’établissement de la filiation pour déterminer les parents appelés à succéder'. L’égalité des droits des différents types de filiations correspond ainsi à une conception fondamentale actuelle du droit français de la famille, qui peut justifier l’éviction de la loi étrangère contraire.

Madame G B veuve X soutient néanmoins que l’ordre public français ne saurait être

directement heurté par la loi malgache, parce que celle-ci est en adéquation avec la situation réelle de l’enfant et la culture du pays où elle grandit. En d’autres termes, elle estime qu’il n’existe pas de proximité entre l’enfant et la France justifiant la protection des valeurs du for.

En l’espèce, il est constant que le défunt a reconnu sa fille et qu’il a fait transcrire son acte de naissance au consulat général de France à E. La mineure I X est de plein droit de nationalité française, par la filiation paternelle, et il est établi qu’une carte nationale d’identité a été délivrée à son nom, le 7 mai 2012, par la sous-préfecture d’ARGENTEUIL, ce document faisant référence à une adresse de la mineure au 6 rue de Calais à ARGENTEUIL (pièce 5 intimée). Il a, par ailleurs, été démontré que le domicile habituel du défunt s’est trouvé à Y depuis l’année 2002 jusqu’à l’année de son décès (2011) et qu’il a pu connaître affectivement sa fille jusqu’à ses 18 mois.

Les liens avec la France sont donc établis par la nationalité française de l’enfant, par le nom qu’elle porte, par le début de sa vie qui a été marqué par la présence régulière d’un parent français dans son foyer et même, après le décès, par l’attribution d’une carte nationale d’identité française mentionnant un domicile en France, peu important qu’elle ne soit éventuellement jamais venue en France en qualité de mineure, dès lors que la possibilité de se rendre sur le territoire français ne peut lui être contestée, en sa double qualité de française et d’héritière non contestée des biens immobiliers, faisant partie de la succession de son père français.

Le principe fondamental d’égalité des filiations en droit français et l’existence de liens d’I X avec la France, même si ces liens sont en devenir compte tenu de sa minorité, conduisent à écarter la loi malgache ne reconnaissant pas de droit successoral à l’enfant adultérin, pour appliquer la loi française en ses lieu et place. L’application de la loi française signifie qu’I X doit bénéficier des mêmes droits qu’un héritier français en ligne directe, ce qui intègre le droit à la réserve héréditaire, même si ce droit ne fait pas partie de l’ordre public international français. Ce droit n’est, en effet, que la conséquence directe de l’application de la loi du for, résultant de l’impossibilité de prendre en compte, en France, une discrimination entre les filiations.

La loi française s’applique donc, tant aux biens mobiliers, qu’aux biens immobiliers, situés en France, le jugement étant réformé en ce sens.

Sur les prétentions accessoires

La situation respective des parties ne justifie pas qu’une condamnation soit prononcée en cause d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à l’encontre de Madame G B veuve X.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit que la succession de N X s’est ouverte à Paris et qu’elle est soumise à la loi française de sorte qu’I X dispose des droits réservataires dans l’ensemble de la succession de son père ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant

DIT que la succession de N X s’est ouverte à Y, lieu du domicile habituel du défunt à l’époque de son décès ;

DIT que l’application de la loi malgache doit être écartée en FRANCE, en ce qu’elle prive l’enfant adultérin de droits successoraux, ce qui est contraire à l’ordre public international français, qui

consacre le principe de l’égalité des filiations ;

DIT, en conséquence, que la loi française doit s’appliquer aux biens mobiliers et immobiliers, situés en FRANCE, dépendant de la succession de N X, décédé le […] ;

DÉBOUTE Madame F Z de ses prétentions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

CONDAMNE Madame G B veuve X aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

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