Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 11, 8 novembre 2019, n° 17/17961

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 11, 8 nov. 2019, n° 17/17961
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/17961
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 18 septembre 2017, N° 2017014046
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/17961 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4EKT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2017014046

APPELANTE

SAS CAFOM DISTRIBUTION

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 2]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [Localité 3] sous le numéro 337 810 501

représentée par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757

assistée de Me Thomas DUMONT, avocat plaidant du barreau de Paris

INTIMEE

SAS ECO-MOBILIER

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [Localité 1] sous le numéro 538 495 870

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

assistée de Maître Nicolas CONTIS, avocat plaidant du barreau de Paris, toque : P 412

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise BEL, Présidente de chambre

Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Mme Françoise BEL, Président et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Faits procédure prétentions et moyens des parties :

La société Cafom Distribution est une centrale d’achat distribuant ses produits notamment ménagers et meublants dans les départements et régions d’Outre-Mer.

La SAS Eco-Mobilier a été créée pour répondre aux besoins du décret n°2012-22 du 6 janvier 2012 relatif à la gestion des déchets d’éléments d’ameublement et collecter l’éco participation des metteurs en marché. Par arrêté du 26 décembre 2012 du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, elle a été agréée pour une période de cinq ans, du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017.

Le 24 avril 2013, la société Cafom Distribution a conclu avec la société Eco-Mobilier un contrat d’adhésion d’une durée de 24 mois, renouvelable par tacite reconduction annuelle dans la limite de l’échéance de l’agrément de la société Eco Mobilier.

Le contrat a été régulièrement exécuté jusqu’au 27 juillet 2015. Les factures ultérieures ont subi des retards de paiement. Après diverses mises en demeure et propositions amiables, les factures émises au titre du quatrième trimestre 2015 et des quatre trimestres de l’année 2016 sont demeurées impayées pour un montant de 570.891,05 euros.

Par acte du 24 février 2017, la société Eco-Mobilier a fait assigner à bref délai à la société Cafom Distribution devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner à lui régler, notamment, la somme de 570.891,05 euros au titre du solde des factures impayées, outre intérêts au taux légal majoré de 3 points.

En défense, la société Cafom Distribution a fait valoir la nullité du contrat d’adhésion et, subsidiairement, la résolution dudit contrat et sollicité le remboursement des sommes indûment versées par ses soins ainsi que l’établissement d’avoirs correspondant à la somme de 570.891,05 euros. A titre subsidiaire, elle a sollicité l’exécution forcée du contrat et la condamnation de la société Eco-Mobilier à procéder à la collecte, à l’enlèvement et au traitement de déchets d’éléments d’ameublement. En toute hypothèse, elle a sollicité la condamnation de la société Cafom Distribution à lui payer la somme de 764.285,99 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice au titre de la violation des engagements contractuels.

Par jugement du 9 Septembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

— condamné la société Cafom Distribution à payer à la société Eco-mobilier la somme de 685.674,45 euros avec intérêts au taux égal au taux d’intérêt légal majoré de trois points à compter de la date d’échéance de chaque facture,

— condamné la société Cafom Distribution à payer à la société Eco-Mobilier la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné la société Cafom Distribution aux dépens de l’instance.

Le tribunal a jugé que les stipulations combinées des articles 2.1 et 1er du contrat d’adhésion conclu entre les parties mettaient à la charge de la société Eco-Mobilier la collecte, l’enlèvement et le traitement de l’ensemble des déchets d’éléments d’ameublement (DEA) visés par son agrément, et non pas les seuls DEA spécifiques de Cafom Distribution. Il a retenu que seul le ministre en charge de son agrément était habilité à relever d’éventuels manquements de la société Eco-Mobilier à ses obligations telles que définies dans le cahier des charges figurant en annexe de l’arrêté du 15 juin 2012 relatif à la procédure d’agrément. Il a jugé que la société Caform Distribution ne rapportait pas la preuve de manquements de la société Eco-Mobilier à ses autres obligations telles que définies à l’article 2.1 du contrat, que le contrat, auquel la société Caform-Distribution a adhéré pour remplir ses obligations légales, n’est pas dépourvu de cause, et que les factures litigieuses étaient donc dues.

Par déclaration du 26 septembre 2017, la société Cafom Distribution a relevé appel de cette décision.

Vu les conclusions notifiées et déposées le 4 septembre 2019 par la société Cafom Distribution aux fins de voir la cour :

Au visa des articles 1134, 1184, 1147 et suivants du code civil,

Infirmer le jugement rendu le 19 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris, dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclarer recevables ses conclusions, les dire bien fondées,

Condamner la société Eco-Mobilier à lui payer la somme de 921.659,98 euros en remboursement des sommes qui lui ont été versées sans contrepartie de prestations de service depuis le 25 avril 2013,

Condamner la société Eco-Mobilier à lui payer la somme de 685.674,45 euros en remboursement de l’exécution du jugement entrepris du 19 septembre 2017,

Déclarer nulle et inopposable à la société Cafom Distribution la créance alléguée par la société Eco-Mobilier pour un montant de 1.667.554,10 euros et réclamée par ladite société,

Ordonner à la société Eco-Mobilier de procéder à l’annulation des factures n° FC 160101567, n° FA 2016110019, n° FA 2016110021, n° FA 2016110023, n° FM 2017010002, n° FA 2017040004, n° FA2017070006, n° FA 20171000010 et n° FA2018010002 et de toutes autres factures qui auraient pu être émises postérieurement, n° FC 180401954, n° FC180702197, n° FC181002168, n° FC190103083 et n° FC190800127, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

Débouter la société Eco-Mobilier de sa demande en paiement des factures n° FC 160101567, n° FA 2016110019, n° FA 2016110021, n° FA 2016110023, n° FM 2017010002, n° FA 2017040004, n° FA2017070006, n° FA 20171000010, (et) n° FA2018010002, n° FC 180401954, n° FC180702197, n° FC181002168, n° FC190103083 et n° FC190800127,

Dire et juger que la société Eco-Mobilier a engagé sa responsabilité en violant ses engagements contractuels à son égard,

Condamner la société Eco-Mobilier à lui payer la somme de 1.045.675,17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi arrêté au 31 décembre 2017,

Débouter la société Eco-Mobilier de toutes ses demandes,

Condamner la société Eco-Mobilier à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Eco-Mobilier aux entiers dépens.

Elle conclut au rejet de la créance alléguée de la société Eco-Mobilier et au remboursement corollaire des paiements réalisés par ses soins sans contrepartie.

En premier lieu, elle soutient que le contrat d’adhésion en date du 25 avril 2013 constitue un mandat régi par les dispositions de droit commun en vigueur à l’époque de sa conclusion.

A ce titre, elle fait valoir que la Commission européenne a, dans ses décisions n° 2001/463/CE du 20 avril 2001et n°2001/663/CE du 15 juin 2001, identifié trois marchés pertinents liés à l’activité générale des éco-organismes – éco-emballages, dont le marché dit « marché d’adhésion » qui est celui du « service offert aux producteurs utilisant des emballages pour leurs produits destinés aux ménages, dans le cadre de la prise en charge de leurs obligations de contribuer ou de pourvoir à l’élimination des déchets d’emballages, auquel peuvent être rattachés non seulement les systèmes collectifs mais aussi, le cas échéant, les systèmes individuels », et qui rappelle que l’activité générale des éco-organismes constitue un 'service offert aux producteurs'.

Elle précise que cette activité, au titre de laquelle la Commission européenne exerce son contrôle des tarifs appliqués par les éco-organismes à l’égard des producteurs assujettis, est bien de nature économique. Elle relève que la Direction générale de la concurrence de la Commission a en particulier insisté sur le fait que plusieurs types de prestations distinctes, dont la collecte, pouvaient être offertes par les éco-organismes à chacun de leurs membres, et la nécessité que le prix soit corrélé avec la prestation, ces dispositions ayant été transposées par l’arrêté du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en date du 11 juillet 2016, publié au BO n°2016/13 du 25 juillet 2016, qui prévoit au point 49 de "vérifier la corrélation entre le barème amont du titulaire [celui à partir duquel il facture ses adhérents] et ses missions définies dans le cahier des charges".

Elle ajoute que la jurisprudence judiciaire mentionne l’existence de ce marché spécifique de l’adhésion défini par le juge communautaire et examine les actions des possibles concurrents contre les positions des éco-organismes opérant sur le dit marché pour éviter de nouveaux entrants.

Elle relève que dans son avis n°12-1-17 du 13 juillet 2012 concernant le secteur de la gestion des déchets couvert par le principe de la responsabilité élargie du producteur, l’Autorité de la concurrence retient que « L’activité principale d’un éco-organisme consiste à offrir aux producteurs-payeurs un service de prise en charge de leurs obligations de traitement des déchets », et que la référence à un tel service évoque une prestation de service individualisée.

Elle souligne que par son origine, l’eco-organisme agit pour le compte du metteur sur le marché et est soumis à ce titre à ses obligations en lieu et place. Elle relève que dans un arrêt du 11 juillet 2011, le Conseil d’Etat a retenu que 'la contribution financière versée à l’organisme agréé mentionné à l’article 4 du décret du 1er avril 1992, si elle se rattache à l’exercice d’une mission d’intérêt général qui consiste à organiser sur le territoire national la collecte sélective, le tri, le recyclage et la valorisation énergétique des emballages ménagers, constitue la contrepartie directe du service qui lui est rendu par cet organisme, consistant à réaliser pour son compte les prestations ayant pour but d’éliminer les résidus d’emballages et ne saurait être regardée comme un versement assimilable à une imposition ou à une taxe instituée par l’autorité publique'. Elle soutient que cette jurisprudence a été confirmée par le Conseil d’Etat par arrêt du 28 décembre 2017, selon lequel 'lorsqu’un producteur opte pour la seconde branche de l’alternative prévue par cette dernière disposition, la contribution financière versée à l’organisme agréé constitue la contrepartie directe du service qui lui est rendu par celui-ci, consistant à pourvoir, pour son compte, au traitement des déchets'.

Elle fait encore valoir que dans une décision du 1er juillet 2019, le tribunal des conflits a jugé que 'la convention par laquelle une collectivité territoriale s’engage envers un éco-organisme agissant pour le compte des producteurs, importateurs et distributeurs à collaborer à cette collecte en contrepartie d’un versement financier ne peut être regardée comme confiant à cet organisme l’exécution du service public de la collecte et du traitement des déchets ménagers ni comme le faisant participer à cette exécution ; que l’agrément d’un éco-organisme chargé par les producteurs de s’acquitter pour leur compte de leur obligation légale n’investissant pas cet organisme de missions de service public, la convention n’a pas davantage pour objet de coordonner la mise en 'uvre de missions de service public incombant respectivement à une personne publique et à une personne privée'.

Elle en déduit que les éco-organismes ont pour mission précise la réalisation des obligations légales de leur mandant, laquelle mission diffère d’une mission de service public dès lors qu’elle concerne des opérateurs privés, que le service attendu de l’éco-organisme est de pourvoir au traitement des déchets pour son compte, et que la contribution, qui ne présente pas le caractère d’une taxe détachée de tout rapport avec son objet, est versée en contrepartie d’une prestation qui n’est pas seulement immatérielle (une adhésion assurantielle), mais une prestation matérielle relative au traitement et donc à l’enlèvement, préalable, des déchets.

Elle fait valoir qu’en considérant que les obligations visées à l’article 2.1. du contrat-type concernaient l’ensemble des DEA et n’engageaient la société Eco-Mobilier qu’à l’égard du Ministre en charge de donner l’agrément, le tribunal de commerce a mal apprécié la nature du contrat et que la nécessaire réformation du jugement entrepris s’inscrit directement dans l’évolution du cadre législatif qui tend à préciser cette notion de mandat donné aux éco-organismes en contrepartie d’une contribution des metteurs sur le marché, et qui confirme la corrélation entre l’adhésion payante et la prestation attendue de gestion des déchets par l’éco-organisme.

En second lieu, elle argue du défaut d’exécution de ses obligations contractuelles par la société Eco-Mobilier.

Elle soutient à ce titre que la circonstance que ladite société soit un organisme agréé en vue de délivrer des prestations de services aux metteurs en marché, justifie que ces derniers puissent se plaindre de la carence fautive de leur co-contractant au titre des obligations de prestations de service qu’il a spécifiquement souscrites à leur égard en exécution de son propre cahier des charges.

Elle précise qu’en vertu de l’article 2.1 du contrat d’adhésion, la société Eco-Mobilier était tenue à son égard, de par sa qualité d’éco-organisme intervenant au sein d’une filière opérationnelle et pas seulement financière, à une double obligation consistant, d’une part, à pourvoir ou contribuer, pour son compte, au financement de la collecte, de l’enlèvement et du traitement des déchets, d’autre part, à procéder ou faire procéder, pour son compte, aux dits collecte, enlèvement et traitement des déchets.

Relevant que la société Eco-Mobibilier échoue à démontrer qu’elle a exécuté ses obligations, elle considère que ce défaut d’exécution justifie qu’elle soit dispensée de son obligation de paiement, le remboursement intégral des sommes perçues à tort car nullement justifiées par une contrepartie, ainsi que la réparation de son préjudice financier au titre de l’émission d’avoirs correspondant aux factures effectivement réglées par ses filiales pour le traitement des DEA, et non pas de déchets industriels banals (DIB).

Vu les conclusions notifiées et déposées le 4 septembre 2019 par la société Eco-Mobilier tendant à voir la cour,

au visa notamment l’article 1134 du code civil (nouvellement numéroté 1103 et 1104), et de l’article 1147 du même code (nouvellement 1231-1), de :

Débouter la société Cafom Distribution de l’ensemble de ses demandes,

Confirmer le jugement du 19 septembre 2017 du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamner la société Cafom Distribution à lui payer la somme supplémentaire de 981.879,76 euros en paiement des factures n°FA2017070006, FA20171000010, FA2018010002, FC180401954, FC180702197, FC181002168, (n°) FC190103083 et FC190800127, somme à parfaire d’autres factures qui, en cours d’instance, deviendraient exigibles et non payées,

Dire que ces condamnations porteront intérêt de retard dans les termes des contrats conclus entre les parties (taux d’intérêt légal majoré de 3 points) ;

En tout état de cause :

Condamner la société Cafom Distribution à lui payer la somme supplémentaire de 40.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la débouter de sa demande à ce titre,

Condamner la société Cafom Distribution aux entiers dépens de la présente instance.

Sur la nature du contrat, l’intimée fait valoir que le contrat n’est pas un contrat de prestation de services aux termes duquel elle se serait engagée à collecter et traiter les DEA générés par les 'filiales’ et 'partenaires’ de la société Cafom Distribution, mais un contrat ayant pour objet, d’une part, de permettre à la société Cafom Distribution de respecter ses obligations légales et réglementaires au titre de la REP en finançant un éco-organisme agréé, qui va assurer pour son compte une mission dite collective de traitement des déchets des DEA, d’autre part, de récolter le financement en question, matérialisé par les éco-participations, dont le coût est répercuté à l’identique au client final.

Elle expose que l’éco-participation n’est pas le prix d’une prestation commerciale qui serait fournie par elle, mais le financement de l’éco-organisme au sens de l’article L.541-10-6 du code de l’environnement, qui assure une gestion collective de la filière et permet au metteur en marché de remplir ses obligations réglementaires. Elle ajoute que l’éco-participation n’est pas 'subie’ par le metteur en marché mais financée par le seul consommateur.

Elle indique que les seules obligations à sa charge découlent du cahier des charges, fixé par l’arrêté du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, décrivant sa mission participant à un but d’intérêt général et collectif.

Elle considère que les décisions visées par l’appelante ne sont pas pertinentes, car non afférentes à la définition de la nature du contrat d’adhésion conclu avec les éco-organismes.

Sur l’exécution du contrat, elle fait valoir qu’elle a parfaitement exécuté ses obligations à l’égard de son adhérent, en mettant à sa disposition les outils informatiques pour déclarer les quantités d’éléments d’ameublement mises sur le marché, et en inscrivant l’appelante sur le registre national des metteurs en marché, prouvant son adhésion au système collectif lui permettant de respecter ses obligations. Elle fait observer que le respect de ses obligations a conduit l’appelante à signer un second contrat après avoir payé, sans les contester, les factures afférentes au premier contrat.

Elle soutient que sa proposition portant sur la conclusion d’une convention de services portant soutiens financiers, n’est pas l’aveu de sa carence, mais une démarche unilatérale, non inscrite dans le cahier des charges, reflétant son souci d’apporter un soutien financier aux metteurs en marché. Elle précise que la société Cafom Distribution n’a jamais adressé les éléments sollicités par ses soins pour pouvoir bénéficier de cette participation financière.

Elle fait valoir qu’elle n’a pas de comptes à rendre aux metteurs en marché adhérents mais au Ministre en charge de donner l’agrément, et qu’elle a correctement rempli sa mission définie au cahier des charges, ainsi qu’en justifient ses rapports d’activité, le renouvellement de son agrément, la ré-adhésion de l’appelante et les actions engagées par ses soins, et dans la limite du possible compte tenu des infrastructures existantes dans les départements et régions d’Outre-Mer sur lesquelles elle doit s’appuyer pour l’accomplissement de sa mission.

Sur le préjudice, elle fait valoir que la société Caform Distribution ne s’est pas acquittée de nombreuses factures en dépit de relances.

Elle considère que l’appelante n’a subi aucun préjudice, puisqu’elle s’est contentée de collecter la contribution sur le consommateur final, et que la rembourser serait constitutif d’un enrichissement sans cause. Elle souligne que l’appelante ne peut simultanément demander le remboursement des contributions et le versement d’aides à la gestion des déchets. Enfin, elle fait observer que l’appelante ne justifie pas de ses liens avec ses prétendues filiales, que les avoirs dont celle-ci sollicite le remboursement ont tous été opportunément émis le 31 janvier 2017, à la naissance du litige, et que l’intimée n’avait aucune relation contractuelle avec lesdites filiales. Enfin, elle indique que le remboursement de l’éco participation est illégal, et que les factures censées justifiées de frais de traitement sont inexploitables, antérieures au contrat ou sans rapport avec lui.

Elle conclut donc à la confirmation du jugement avec mise à jour des quantum d’éco participation dus.

L’ordonnance de clôture prise le 5 septembre 2019 a été révoquée d’accord entre les parties avant l’ouverture des débats, et une nouvelle clôture a été fixée par mention au dossier, avis étant donné verbalement aux conseils des parties.

Motifs

La Cour renvoie, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées,

Il est constant que le principe de la Responsabilité Élargie du Producteur résulte des dispositions de l’ article L.541-10 et suivants du code de l’environnement, selon lequel « il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ».

La Responsabilité Élargie du Producteur appliquée à la filière des déchets d’éléments d’ameublement est codifiée à l’article L.541-10-6 alinéa 1er du code de l’environnement qui dispose : « À compter du 1er janvier 2012, toute personne physique ou morale qui fabrique, importe ou introduit sur le marché des éléments d’ameublement assure la prise en charge de la collecte, et du traitement des déchets issus desdits produits en fin de vie soit sous la forme d’initiative individuelle, soit sous la forme d’un financement des éco-organismes agréés qui en assurent la gestion. »

Le décret n°2012-22 du 6 janvier 2012 applicable aux faits de la cause, relatif à la gestion des déchets d’éléments d’ameublement a déterminé le champ d’application de la responsabilité élargie des producteurs en définissant les notions d’élément d’ameublement, de déchet d’élément d’ameublement, de metteur sur le marché et de distributeur.

L’article R.543-245 du décret susdit précise que les « Metteurs en marché » de ces produits doivent soit pourvoir à la collecte séparée et au traitement des déchets, soit contribuer à la collecte, à l’enlèvement et au traitement des déchets en adhérant à un éco-organisme agréé dans les conditions prévues à l’article R.543-252 du décret précité et en lui versant une contribution financière.

Il est constant également que la société intimée a bénéficié d’un agrément en date du 26 décembre 2012 dans le respect du cahier des charges figurant en annexe de l’arrêté du 15 juin 2012 auquel cette société était soumise jusqu’au 31 décembre 2017, aux fins de collecte de l’éco participation pour le compte de ses adhérents.

La société intimée a bénéficié d’un nouvel agrément par arrêté du 26 décembre 2017 pour la période courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2023.

Pour s’opposer à la demande en payement des factures litigieuses, l’appelante fait valoir que le contrat d’adhésion conclu le 24 avril 2013 est un contrat de mandat dont les obligations sont celles d’un contrat de prestations de service et que la société intimée n’a pas fourni de contrepartie à l’obligation financière sollicitée, ce qui l’exonère de tout payement.

L’intimée réplique que le contrat permet aux metteurs en marché de respecter leurs obligations légales et réglementaires et que ce contrat a été parfaitement exécuté.

En l’espèce les dispositions légales et réglementaires édictant un principe de Responsabilité Élargie des Metteurs en marché selon lequel ces derniers assurent la prise en charge de la collecte, et du traitement des déchets soit sous la forme d’initiative individuelle, soit sous la forme d’un financement des éco-organismes agréés qui en assurent la gestion, en adhérant à un éco-organisme agréé dans les conditions prévues à l’article R.543-252 du décret précité et en lui versant une contribution financière, sont rappelées à l’adhérent par le contrat litigieux lequel précise que l’objet du contrat est de permettre à l’adhérent de satisfaire aux obligations mises à sa charge par les articles R.543-240 à 256 du code de l’environnement, de sorte que le contrat en cause ne présente pas la nature d’un contrat de mandat mais d’un contrat d’adhésion permettant de s’acquitter pour le compte du metteur en marché de son obligation légale.

La collecte collective à laquelle adhère l’appelante permet le transfert à un organisme tiers de l’obligation légale de collecte par le versement d’une contribution financière.

L’article 6.1 'principes généraux’ rappelle que le Metteur en marché adhérent verse une contribution afin de permettre à Eco-mobilier de procéder à la prise en charge des déchets d’éléments d’ameublement.

Le versement de cette contribution par l’adhérent représente la contrepartie de la prise en charge de l’obligation de réaliser pour son compte par le financement de l’organisme qui assure la gestion collective de la filière.

Il est ainsi clairement mentionné à l’article 1er 'objet du contrat', que 'sous réserve du payement des contributions, l’adhésion établit la preuve au regard des autorités compétentes du respect par le Metteur en marché adhérent, de ses obligations telles que prévues par le Code de l’environnement et dans le cadre de l’article 2 du contrat'.

A défaut du versement par l’adhérent de sa contribution financière, l’adhérent ne peut justifier remplir son obligation légale.

Le payement de la contribution n’est pas stipulé comme la contrepartie d’une prestation commerciale fournie par l’intimée.

Il constitue le financement de l’éco-organisme agréé qui en assure la gestion ainsi qu’il résulte de l’article L.541-10-6 du Code de l’environnement.

L’exécution de l’obligation pour le compte du Metteur en marché adhérent ne constitue pas davantage l’exécution d’une prestation de service.

Les mentions du contrat du 24 avril 2013 rappellent justement en préambule, que la mission de l’organisme agréé est de proposer aux metteurs en marchés un contrat d’adhésion afin de répondre aux obligations réglementaires qui leur incombent par le financement de la collecte et du traitement des déchets.

Il ne peut se déduire de l’Avis n°12-1-17 du 13 juillet 2012 émis par l’Autorité de la concurrence concernant le secteur de la gestion des déchets couvert par le principe de la responsabilité élargie du producteur, point 9 page 5, énonçant que « L’activité principale d’un éco-organisme consiste à offrir aux producteurs-payeurs un service de prise en charge de leurs obligations de traitement des déchets », que le contrat d’adhésion au système de collecte, enlèvement et traitement des déchets d’éléments d’ameublement et en particulier le contrat litigieux, présente la nature d’un contrat de prestations de service, la société appelante cherchant à étendre la notion retenue de service rendu par les éco-organismes dans le traitement des déchets à la nature du contrat.

Or, les obligations essentielles du contrat, de nature réglementaires , s’opposent à ce que le contrat litigieux soit qualifié de contrat de prestations de service présentant des obligations réciproques, dont l’obligation de collecte et de traitement individualisé des déchets produits par l’appelante.

Il est constant que les éventuelles sanctions relèvent de l’autorité administrative, par le non-renouvellement de l’agrément ou le prononcé de sanctions pécuniaires.

Il en résulte que le contrat en cause ne présente pas la nature d’un contrat de mandat ayant pour objet la réalisation de prestations de service, mais d’un contrat d’adhésion permettant de s’acquitter pour le compte du metteur en marché de son obligation légale. |

Aucune faute autre que l’absence de contrepartie n’est reprochée à l’intimée.

En l’absence de démonstration d’une faute constituée par un manquement de l’intimée dans l’exécution de ses obligations justifiant le défaut de versement par l’appelante de sa contribution financière pour absence de contrepartie, il s’ensuit que l’intimée est bien fondée à solliciter la condamnation de l’appelante à payer les factures litigieuses de sorte qu’est confirmée la condamnation de la société Cafom Distribution à payer à la société Éco-mobilier la somme en principal de 685.674,45 euros assortie des intérêts contractuels.

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

En cause d’appel, l’intimée sollicite la condamnation de l’appelante au payement des factures postérieures au prononcé du jugement, fondée sur la nature de la créance à exécution successive.

Le défaut de payement par la société appelante des contributions financières objet des factures n°FA2017070006 du 16 juillet 2017 d’un montant de 119.745,15 euros , n° FA20171000010 du 23 octobre 2017 d’un montant de 115.899,55 euros, n° FA2018010002 du 31 janvier 2018 d’un montant de 159.272,45 euros, n° FC180401954 du 30 avril 2018 d’un montant de 98.162,82 euros TTC , n° FC180702197 du 31 juillet 2018 d’un montant de 141.469,30 euros TTC, n°FC181002168 du 31 octobre 2018 d’un montant de 162.064,74 euros TTC, n°FC190103083 du 29 janvier 2019 d’un montant de 120.611,48 euros TTC et n° FC190800127 du 20 août 2019 d’un montant de 64.654,22 € TTC , fondé sur un vain défaut d’exécution des obligations de l’intimée, conduit en conséquence à la condamnation de la société appelante au payement de ces montants représentant la somme totale de 981.879,76 euros, condamnation assortie des intérêts au taux légal majoré de trois points (article 6.10 du second contrat), à compter du lendemain de la date d’échéance contractuelle de chacune des factures.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Condamne la société CAFOM DISTRIBUTION à payer à la société ECO-MOBILIER la somme de 981.879,76 euros en paiement des factures n°FA2017070006, n° FA20171000010, n°FA2018010002, n° FC180401954, n° FC180702197, n°FC181002168, n°FC190103083 et n°FC190800127 ;

Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du lendemain de la date d’échéance contractuelle de chacune des factures ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société CAFOM DISTRIBUTION à payer à la société ECO-MOBILIER la somme de 20.000 euros ;

Rejette toute demande autre ou plus ample ;

Condamne la société CAFOM DISTRIBUTION aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 11, 8 novembre 2019, n° 17/17961