Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 4 octobre 2019, n° 18/23117

  • Pièces et motifs fondant l'ordonnance·
  • Saisies-contrefaçon successives·
  • Rétraction de l'ordonnance·
  • Saisie-contrefaçon·
  • Confidentialité·
  • Ordonnance·
  • Sociétés·
  • Médicaments·
  • Rétractation·
  • Instrumentaire

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La demande de rétractation de l’ordonnance autorisant une saisie-contrefaçon, sur la base d’un brevet européen portant sur un dispositif d’administration d’un médicament, est rejetée. La partie adverse soutient que le requérant ne pouvait ignorer, après une précédente saisie-contrefaçon au cours de laquelle aucun exemplaire du produit litigieux n’avait été saisi, qu’elle n’était pas sur le point de lancer le produit en France. La saisie-contrefaçon aurait ainsi eu un autre but que celui présenté, en visant seulement à accéder à des informations commerciales et logistiques. Cependant, le requérant a indiqué clairement, dans sa présentation des faits au juge des requêtes, que la partie adverse avait obtenu une AMM communautaire pour un produit associé à un stylo d’injection qui serait contrefaisant. Il n’invoquait nullement la réalisation d’autres démarches nécessaires pour permettre une commercialisation du produit en France, comme la procédure dite "blue box". Il faisait, par ailleurs, valoir qu’un communiqué de presse annonçait l’obtention de l’AMM et le lancement du produit en Europe dans les mois à venir. Au vu de l’ensemble des éléments qui lui étaient soumis, le juge était en mesure d’apprécier s’ils étaient suffisants pour justifier l’autorisation sollicitée. Il était parfaitement informé de l’absence de commercialisation en France à la date de l’ordonnance, puisque celle-ci prévoyait la possibilité pour l’huissier de demander à quelle date le produit y serait commercialisé. Le fait de ne pas avoir attiré l’attention du juge sur les éventuelles conséquences juridiques de la situation du titre (limitation de la portée de la partie française du brevet, procédure d’opposition en cours devant l’OEB), qui avait été indiquée dans la requête, ne constitue pas un manquement au devoir de loyauté. Si la portée du brevet n’était pas définitivement fixée, il était bien précisé qu’était en cause le stylo de la partie adverse qui serait identique à un stylo, commercialisé par une société indienne, mettant en ¿uvre chacune des caractéristiques de la revendication 1 du brevet, telle que limitée. Il ne saurait, dès lors, être admis que les mesures autorisées dans des établissements situés sur le territoire national seraient disproportionnées au regard du but poursuivi, à savoir établir l’existence d’actes de contrefaçon.

Chercher les extraits similaires

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.chs-avocat.fr · 4 novembre 2019

La loi de blocage de 1968 fait partie de ces textes souvent invoqués, rarement appliqués. En effet, les lois n°80-538 du 16 juillet 1980 et n°68-678 du 26 juillet 1968 sont des grands classiques devant les tribunaux. Un arrêt récent de la Cour d'appel de Paris (4 octobre 2019, RG n°18/23117) le montre à nouveau. Contenu de la loi de blocage Suite à une saisie-contrefaçon, la personne saisie accusait le saisissant de vouloir utiliser les preuves collectées devant des tribunaux étrangers. Or la loi de blocage de 1968, modifiée par celle de 1980, interdit à toute personne de : demander, …

 

www.chs-avocat.fr · 4 novembre 2019

CA Paris, 4 octobre 2019, RG n°18/23117 saisie-contrefaçon et loi de blocage de 1980

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 4 oct. 2019, n° 18/23117
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/23117
Publication : PIBD 2020, 1133, IIIB-123 (brève)
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 4 octobre 2018, N° 18/07802
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 5 octobre 2018, 2018/07802
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP2346552 ; WO2010043533
Titre du brevet : Dispositif de libération de médicaments et son procédé de fabrication ; Dispositif d'administration de médicament et procédé de fabrication d'un dispositif d'administration de médicament
Classification internationale des brevets : A61M
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : B20190065
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 04 octobre 2019

Pôle 5 – Chambre 2

(n°13,8 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 18/23117 – n° Portalis 35L7-V-B7C-B6TYP Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rétractation du 05 octobre 2018 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 3e section – RG n°18/07802

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES S.A.S. MYLAN, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé […] 69800 SAINT-PRIEST

S.A.S. MYLAN MEDICAL, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé […] 75008 PARIS Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque K 111 Assistées de Me Denis S, avocat au barreau de PARIS, toque A 0948

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE S.A.R.L. SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH, société de droit allemand, prise en la personne de ses directeurs généraux domiciliés en cette qualité au siège social situé Brüningstrasse 50 65926 Frankfurt am Main HESSEN Allemagne Représentée par Me Luca DE MARIA de l PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 0018 Assistée de Me Jean-Hyacinthe DE M plaidant pour l’AARPI GIDE – LOYRETTE – NOUEL, avocat au barreau de PARIS, toque T 03

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 5 juin 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne- Marie GABER, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mmes Anne-Marie G et Laurence L ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Anne-Marie GABER, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère, désignée en remplacement de Mme Françoise BARUTEL, Conseillère, empêchée

Greffière lors des débats : M Carole T

ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par M Carole T, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu l’ordonnance de référé-rétractation contradictoire du 5 octobre 2018 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris (RG 18/07802),

Vu l’appel interjeté le 26 octobre 2018 par les sociétés Mylan et Mylan M (dites ensemble sociétés Mylan),

Vu les dernières conclusions (conclusions d’appel n°2) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 5 avril 2019 par les sociétés Mylan appelantes,

Vu les dernières conclusions (conclusions en réponse n°2) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique le 30 avril 2019 par la société de droit allemand Sanofi-Aventis Deutschland GmbH (Sanofi), intimée et incidemment appelante,

Vu l’ordonnance de clôture du 23 mai 2019,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Sanofi est notamment titulaire d’un brevet européen EP 2346552 désignant la France intitulé « Dispositif d’administration de médicament et procédé de fabrication d’un dispositif d’administration de médicament » issu d’une demande internationale WO 2010/043533, publiée le 22 avril 2010, déposée le 8 octobre 2009 sous priorité d’une demande de brevet européen EP 08017889 du 13 octobre 2008.

Ce brevet a été maintenu sous une forme modifiée le 4 janvier 2016 par la division d’opposition de l’Office Européen des Brevets (OEB), un recours contre cette décision est en cours. La société Sanofi a par ailleurs formé devant l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) le 11 mai 2018 une demande de limitation de la partie française de son titre, laquelle a été acceptée le 13 juin 2018.

La société Sanofi estimait que la société Mylan, représentée pour la France par la société Mylan Médical, qui avait obtenu le 23 mars 2018 de l’agence européenne du médicament une autorisation de mise sur le marché (AMM) sous la dénomination « Semglee » d’un produit (le Semglee),inscrit au registre communautaire des médicaments, associé à un stylo d’injection, s’apprêtait à commercialiser en France et en Europe ce stylo, lequel serait identique au stylo « Basalog One » commercialisé par un groupe indien, et mettrait en œuvre chacune des caractéristiques de la revendication 1du brevet telle que limitée.

Elle précisait avoir fait diligenter à compter du 13 juin 2008 trois opérations de saisie-contrefaçon, autorisées le 8 juin 2018, respectivement dans le centre de 'packaging’ de la société Mylan, au siège social de cette société et au siège social de la société Mylan Médical, et ajoutait que si aucun exemplaire du produit litigieux n’avait pu être saisi le dossier de l’AMM révélerait que l’entité en charge de l’importation dans l’Union Européenne (UE) du produit litigieux serait la société Centre Spécialités Pharmaceutiques (CSP) située à Cournon d’Auvergne (63) laquelle disposerait d’un second site à Moussy-le-Neuf (77) proposant, selon elle, des températures contrôlées susceptibles de permettre de stocker les produits litigieux.

La société Sanofi a, dans ces circonstances, obtenu le 19 juin 2018 sur requêtes, par deux ordonnances du délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris (RG 18/1775 et 18/1776), l’autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon du dispositif incriminé respectivement au siège social de la société CSP et dans son établissement secondaire. Les saisies-contrefaçons ont été diligentées le 21 juin 2018.

Les sociétés Mylan soutenant en particulier que les conditions de délivrance des ordonnances autorisant lesdites saisies n’étaient pas réunies, comme visant seulement à accéder à des informations commerciales et logistiques, ont intenté une procédure en rétractation des ordonnances du 8 juin 2018, laquelle fait l’objet d’une autre décision de la cour de ce jour, puis ont fait assigner le 6 juillet 2018 la société Sanofi aux fins d’obtenir la rétractation des deux ordonnances du 19 juin 2018 en cause dans la présente instance.

La société Sanofi a quant à elle fait assigner au fond les sociétés Mylan en contrefaçon des revendications 1 à 6 de la partie française de son brevet européen devant le tribunal de grande instance de Paris le 13 juillet 2018, étant observé que, contrairement à ce qui est noté

par les sociétés Mylan (notamment en page 19 de leurs conclusions), n’est pas seulement visée la réparation d’un préjudice moral, mais également d’un préjudice commercial (pièce 21 des sociétés Mylan).

Par ordonnance en référé-rétractation, dont appel, le premier juge a :

- débouté les sociétés Mylan de leur demande de rétractation des deux ordonnances du 19 juin 2018,
- ordonné la remise à la société Sanofi par l’huissier de justice instrumentaire à Moussy-le- Neuf des deux documents placés sous séquestre et visés en page 5 du procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 21 juin 2018,

— condamné les sociétés Mylan aux dépens et à payer in solidum à la société Sanofi 15 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les sociétés Mylan, appelantes, soutiennent en particulier que la société Sanofi n’aurait pas fait une présentation loyale des faits au juge des requêtes, qu’à défaut de contrefaçon avérée ou imminente les ordonnances doivent être rétractées, et que les huissiers instrumentaires ont manqué d’impartialité.

Elles réitèrent dès lors à l’encontre de la société Sanofi leur demande de rétractation des deux ordonnances du 19 juin 2018 et de remise des éléments saisis, et à titre subsidiaire leurs demandes de modification des dites ordonnances afin qu’il y soit prévu le maintien de toutes les pièces saisies chez les huissiers instrumentaires, ceux- ci se constituant séquestres de ces pièces jusqu’à l’obtention d’un prix de remboursement en France pour le Semglee.

Elles maintiennent par ailleurs leur demande d’interdiction d’utiliser les documents saisis dans des procédures judiciaires externes à la France, limitant leur demande d’astreinte de ce chef à 100.000 euros par infraction constatée, et la société Mylan réclame le paiement d’une somme de 15 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La société Sanofi, s’oppose à ces prétentions et demande à titre subsidiaire, en cas de mise sous séquestre, d’ordonner aux sociétés Mylan de l’informer de toute décision de lancement du Semglee en France, ainsi que de l’obtention d’un prix de remboursement et de l’accomplissement de la « blue box » pour ce produit, en prévoyant pour chacune de ces informations une pénalité journalière de 100 000 euros en cas de retard. Elle réclame enfin une somme complémentaire de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera relevé que la qualité à agir des sociétés Mylan en rétractation d’autorisations de saisies-contrefaçons dans les locaux de la société CSP n’est pas discutée.

Par ailleurs si les sociétés Mylan mettent en cause l’impartialité des huissiers de justice ayant procédé à ces saisies-contrefaçons réalisées à Cournon-d’Auvergne et à Moussy-le-Neuf, demandant d’en tirer les conséquences en rétractant les ordonnances les ayant autorisées, les intéressés ne sont pas parties au présent recours. La cour ne saurait dès lors apprécier les manquements reprochés à ces tiers à l’instance dans l’exécution de leur mission, étant ajouté que seule une nullité des opérations des saisies-contrefaçons serait le cas échéant susceptible d’être encourue, ce qui ne relève pas de la compétence du juge de la rétractation, ni partant de la cour statuant sur une décision de ce dernier. Les moyens de ce chef sont donc inopérants et ne peuvent qu’être rejetés.

Le recours portant sur une décision relative aux ordonnances sur requêtes critiquées, il appartient à la cour de rechercher si les conditions invoquées par les appelantes, prévues par les textes, pour procéder aux saisies-contrefaçons en cause étaient, ou non, réunies à la lumière d’un réexamen contradictoire, et ce, dans la limite des pouvoirs appartenant au juge ayant autorisé lesdites mesures, étant précisé que des dispositions qui s’avéreraient excessives peuvent également être supprimées.

Les appelantes soutiennent que la société Sanofi ne pouvait plus ignorer après les saisies-contrefaçons du 13 juin 2018 qu’elles n’étaient pas sur le point de lancer le Semglee, que les saisies- contrefaçons du 21 juin 2019 auraient confirmé l’absence de contrefaçon, que le brevet n’aurait pas de portée certaine, et que les saisies avaient un but autre que celui présenté.

La procédure non contradictoire de saisie-contrefaçon permet d’apporter la preuve de la contrefaçon notamment en matière de brevet d’invention sans que le saisi soit préalablement informé, les saisies ne sont par ailleurs qu’un moyen probatoire.

Les sociétés Mylan prétendent qu’en l’espèce la présentation des faits réalisée par la société Sanofi tendait à tromper le juge des requêtes, que non seulement cette société savait qu’elles n’étaient pas sur le point de contrefaire en France le brevet, ne pouvant pas y commercialiser le Semglee sans procédure nationale, ni prix de remboursement, mais qu’un conseil en propriété industrielle avait déclaré lors d’une des précédentes saisies- contrefaçons à Saint- Priest que n’avait pas été demandé par la procédure appelée 'blue box’ de numéro d’AMM en France.

Une AMM communautaire vaut pour l’ensemble de l’UE mais ne signifie certes pas nécessairement que le médicament bénéficiant d’une telle autorisation de mise sur le marché est disponible dans l’ensemble des États membres, requérant en particulier pour sa commercialisation en France d’autres démarches (procédure dite 'blue

box’ précitée auprès de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé et d’obtention du prix nécessaire au remboursement du médicament auprès de la Haute Autorité de Santé et du Comité Économique des Produits de Santé).

Toutefois, la société Sanofi indiquait clairement dans la présentation des faits soumise au juge des requêtes que la société Mylan avait obtenu une AMM communautaire, et ne se prévalait nullement de la réalisation par les sociétés Mylan d’autres démarches en France précisant par contre qu’en Croatie elles avaient été entreprises afin que le Semglee puisse faire l’objet d’un remboursement.

Elle faisait par ailleurs valoir que la publication d’un communiqué de presse du 27 mars 2018 annonçait l’obtention de l’AMM communautaire ainsi que le lancement en Europe du Semglee à compter du second semestre 2018 et que ce communiqué avait été repris dans la presse, soumettant l’ensemble de ces éléments au juge des requêtes ainsi en mesure d’apprécier s’ils étaient, ou non, suffisants à justifier les autorisations sollicitées de saisies- contrefaçons en France.

Il sera ajouté que ce magistrat était parfaitement informé de l’absence de commercialisation en France à la date des ordonnances puisque celles-ci prévoient, ainsi que le soulignent les sociétés Mylan, la possibilité pour l’huissier instrumentaire de demander à quelle date le Semglee y serait commercialisé avec le stylo injecteur pour son administration, et qu’étaient joints à chacune des deux requêtes en cause, ainsi qu’il ressort des pièces produites par les sociétés Mylan, les documents afférents aux précédentes opérations de saisie- contrefaçon et notamment, en pièce 28-2, le procès-verbal de la saisie opérée dans les locaux de la société Mylan à Saint-Priest précitée permettant de prendre connaissance des déclarations faites à cette occasion.

Le juge des requêtes était dès lors en capacité d’évaluer si certains éléments précédemment saisis pouvaient, ou non, permettre de considérer que le projet de lancement du Semglee était arrêté et si de nouvelles saisies-contrefaçons n’étaient pas nécessairement vouées à l’échec.

Le simple fait pour le requérant de soutenir que des stocks de produits litigieux pouvaient être détenus en vue de leur commercialisation, au motif que le second semestre 2018, visé dans le communiqué de presse susvisé, commençait à courir le 1er juillet 2018, ne saurait suffire à caractériser en de telles circonstances une déloyauté pour obtenir du juges des requêtes les autorisations de procéder aux opérations en cause.

La poursuite de celles-ci par la société Sanofi n’est pas plus déloyale dès lors que les mesures avaient été autorisées en l’absence de toute

commercialisation actuelle du Semglee, étant observé que les requêtes rappelaient expressément (point 35) que l’importation ou les détentions en France aux fins de mise sur le marché du produit objet d’un brevet constituent un acte de contrefaçon.

Au surplus, ainsi que le relève le premier juge, des produits ont effectivement été saisis lors des opérations du 21 juin 2018 et il appartient au seul juge du fond de se prononcer notamment sur la valeur ou la portée probatoire de la saisie des dits produits au regard de l’exception dite 'Bolar’ invoquée par les sociétés Mylan.

Il n’est par ailleurs pas discuté que la société Sanofi indiquait bien dans ses requêtes que la limitation de la partie française du brevet avait été acceptée par l’INPI et qu’il existait une procédure d’opposition contre la délivrance du brevet européen, un maintien du dit brevet sous une forme modifiée et un recours contre cette décision devant l’OEB.

Dès lors, il ne peut pas être considéré que le fait de ne pas avoir particulièrement attiré l’attention du juge des requêtes, professionnel du droit, sur les éventuelles conséquences juridiques de cette situation particulière concernant le titre invoqué constituerait un manquement au devoir de loyauté de la société Sanofi.

La loi permet de faire constater une atteinte portée à une demande de brevet publiée ou notifiée au tiers à l’encontre duquel un requérant entend obtenir une autorisation de saisie-contrefaçon et si, en l’état des procédures visées dans les requêtes, la portée du brevet dont était propriétaire la société Sanofi n’était pas nécessairement définitivement fixée il était bien précisé qu’était en cause le stylo Semglee, lequel serait identique au stylo Basalog One et qu’était invoquée la mise en œuvre supposée dans ce stylo de chacune des caractéristiques de la revendication 1 du brevet tel que limitée. La requérante comparait par ailleurs ce stylo avec le stylo du Semglee, en se fondant sur la notice du médicament et son mode d’emploi.

Il ne saurait dès lors être admis que les mesures autorisées le 19 juin 2018 dans des établissements situés sur le territoire national seraient disproportionnées au regard du but poursuivi, à savoir établir l’existence d’actes de contrefaçon susceptibles d’exister au jour de la requête, étant rappelé que les opérations de saisie-contrefaçon sont toujours réalisées sous la responsabilité de celui qui a obtenu l’autorisation d’y procéder et qu’il appartiendra au juge du fond d’apprécier si les éléments saisis permettent, ou non, de caractériser l’existence d’actes de contrefaçon en France.

Les sociétés appelantes soutiennent encore que les autorisations aux fins des deux saisies-contrefaçons en cause avaient en réalité pour but de collecter des informations confidentielles et de récupérer des éléments en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures à l’étranger. À cet égard il n’est pas sans intérêt de relever que le point

34 des requêtes dont s’agit faisait état de la suspicion de détentions de produits en vue non seulement de leur commercialisation en France mais également dans d’autres pays de l’UE, laquelle était ainsi présentée au juge des requêtes.

La société Sanofi fournissait, par ailleurs, des informations pouvant permettre d’apprécier l’intérêt de rechercher des éléments de preuve de l’existence d’une contrefaçon en France et, partant, d’apprécier si des mesures de saisie-contrefaçon n’excédaient pas le but probatoire invoqué, à savoir la constatation 'de la matérialité, de l’origine, de la consistance et de l’étendue de la contrefaçon’ telle qu’alléguée (point 35 des requêtes) et partant ne contrevenaient pas au principe de proportionnalité.

Il sera ajouté que les ordonnances sur requêtes prévoyaient expressément, ainsi que l’indiquent au demeurant les sociétés Mylan, le cas d’occultation de documents ou d’informations que la partie saisie considérerait comme étant de nature confidentielle et le premier juge a pertinemment rappelé que l’éventuel dépassement du cadre de la mission par l’huissier instrumentaire relève de l’appréciation du juge du fond.

Il s’infère du sens de la présente décision que l’ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de rétractation des deux ordonnances du 19 juin 2018 et la demande de remise des éléments saisis formée par la société Mylan ne peut qu’être rejetée.

Les sociétés Mylan, contestent subsidiairement la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas ordonné le maintien de toutes les pièces saisies au sein des études des huissiers instrumentaires ni fait droit à leur demande de non utilisation des dites pièces à l’étranger dans le cadre d’autres procédures.

Il sera relevé que le premier juge a exactement énoncé (page 13 du jugement) quels étaient les éléments saisis dans les locaux situés à Cournon d’Auvergne et à Moussy-le-Neuf.

Il n’est pas sérieusement contesté que ces éléments, en ce compris les deux mails placés sous scellés lors des opérations de saisies réalisées à Moussy-le-Neuf relatifs à la livraison du produit et depuis remis à la société Sanofi en exécution de l’ordonnance entreprise, concernent bien le stylo d’injection litigieux, qui reproduirait un stylo injecteur commercialisé hors de l’Europe.

Il ne peut dès lors pas être considéré que les produits ou documents saisis ne présenteraient pas d’utilité au regard des informations fournies (stock, quantité de produit insérée dans le stylo, conditionnement, assemblage du stylo, approvisionnement ou distribution de ce stylo) pour la défense des droits de la société Sanofi

dans le cadre d’une action en contrefaçon de son brevet sur le territoire français.

Il sera ajouté que si les échantillons du stylo Semglee ont été saisis avec leurs cartouches, sans que celles-ci soient vidées de leur contenu, il importe peu qu’elles aient ou non été détachables du système d’injection, les requêtes rappelant bien que la revendication 1 du brevet comprenait une cartouche conçue pour recevoir un médicament, laquelle fait ainsi partie intégrante du dispositif revendiqué. Il n’est par ailleurs pas démontré que le contenu tel que saisi serait susceptible de fournir des renseignements relevant du secret des affaires.

En définitive, il n’est nullement établi que des éléments saisis seraient confidentiels ou susceptibles de conférer un avantage concurrentiel excédant la nécessité d’obtenir des moyens probatoires pour agir sur le territoire national en contrefaçon d’un brevet couvrant un dispositif d’administration de médicament ainsi que le procédé de fabrication du dit dispositif.

Il n’y a donc pas lieu à placement sous séquestre de toutes les pièces saisies jusqu’à l’obtention d’un prix de remboursement du Semglee en France ni partant à modification des deux ordonnances du 19 juin 2018.

Les demandes de ces chefs seront en conséquence rejetées et l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a ordonné la remise à la société Sanofi des deux documents précités placés sous scellé par l’huissier instrumentaire à l’occasion de la saisie- contrefaçon opérée le 21 juin 2018 à Moussy-le-Neuf et listés en page 5 de son procès-verbal.

Il n’y a pas plus lieu d’interdire l’utilisation des moyens de preuve régulièrement obtenus en France au soutien d’autres actions à l’étranger sur la contrefaçon alléguée, étant observé qu’il a été précédemment retenu que les autorisations de saisies-contrefaçons ont été loyalement obtenues et ne contreviennent pas au principe de proportionnalité.

Il ne saurait en effet être considéré que des éléments saisis aux fins d’établir une atteinte aux droits de propriété en France ne pourraient pas ensuite être utilisés dans d’autres instances en contrefaçon du stylo en cause à l’étranger, aux risques et péril du saisissant, en application des dispositions de la loi n°80-538 du 16 juillet 1980.

A cet égard, il sera ajouté qu’aucun élément ne permet de suspecter une utilisation à d’autres fins que la poursuite de la contrefaçon ou la prévention d’une commercialisation du stylo injecteur en cause, ni partant susceptibles de ne pas respecter le principe de

proportionnalité tel qu’invoqué, alors que des actions à l’étranger sont actuellement en cours ainsi qu’il en est fait état par la société Sanofi.

La décision entreprise sera dès lors également approuvée en ce qu’elle n’a pas fait droit à ce chef de prétention.

Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’examiner les demandes de la société Sanofi formées à titre subsidiaire, en cas de mise sous séquestre, lesquelles s’avèrent sans objet.

PAR CES MOTIFS.

Statuant dans les limites de l’appel et de l’appel incident,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne in solidum les sociétés Mylan SAS et Mylan Médical SAS aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et, vu l’article 700 dudit code, les condamne in solidum à verser à ce titre à la société Sanofi-Aventis Deutschland GmbH une somme complémentaire totale de 3 000 euros pour les frais irrépétibles d’appel.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 4 octobre 2019, n° 18/23117