Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 16 décembre 2020, n° 18/09317

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 10, 16 déc. 2020, n° 18/09317
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/09317
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 17 juin 2018, N° F16/04457
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 16 DECEMBRE 2020

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/09317 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6FX4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 16/04457

APPELANTE

Organisme UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISS ES D’ASSURANCE MALADIE D’ILE DE FRANCE (UGECAMIF)

[…]

[…]

Représentée par Me Clarence SAUTERON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1311

Rep légal : Mme Béatrice Z (DIRECTRICE)

INTIMEE

Madame A X

[…]

[…]

Représentée par Me Béatrice BURSZTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0469

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 31 août 2020

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 27 août 2020

Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY

ARRET :

— Contradictoire

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame X a été engagée par l’UGECAM Ile de France selon un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2001, en qualité de directrice du centre de réadaptation professionnelle (CRP) d’Aubervilliers.

Madame X a été mutée au mois de février 2013 au siège pour occuper le poste de directrice des relations institutionnelles rattachée au directeur général.

Elle a ensuite été rattachée à la direction de la stratégie médicale créée au mois de mai 2014.

A compter de juin 2014, elle a débuté une formation à raison d’une semaine par mois.

Au dernier état, elle percevait un salaire mensuel brut de 5 503,35 euros.

Par une lettre du 25 juin 2015, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 6 juillet 2015.

Son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié par lettre du 9 juillet 2015.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 25 avril 2016 qui, par un jugement prononcé le 18 juin 2018, notifié le 28 juin 2018, a condamné l’UGECAM Ile de France au paiement des sommes de 40 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’UGECAM Ile de France a interjeté appel de cette décision selon une déclaration d’appel transmise au greffe de la Cour d’appel de Paris par le réseau privé virtuel des avocats le 23 juillet 2018.

Dans ses dernières écritures, transmises et notifiées par voie électronique le 22 octobre 2018, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, elle demande à la cour de réformer le jugement, de débouter Madame X de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’UGECAM Ile de France fait valoir que :

— l’insuffisance professionnelle de la salariée se manifeste par :

— un volume de travail insuffisant et des dossiers non aboutis

— l’absence d’analyse et de restitution personnelle des sujets abordés

— un défaut de conceptualisation des dossiers, un manque d’autonomie et d’esprit d’analyse

— un manque de résultat sur l’activité de recherche de fonds

— une communication inadaptée

— la salariée n’est pas intervenue sur un secteur nouveau et avait les compétences requises pour remplir ses fonctions.

Dans ses dernières écritures, transmises et notifiées par voie électronique le 4 janvier 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, Madame X demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner l’UGECAM Ile de France au paiement des sommes de 90 000 euros nets à titre de dommages et intérêts et de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Madame X fait valoir que :

— l’employeur ne l’a pas mise en mesure d’exercer correctement ses fonctions alors qu’elle n’avait aucune expérience sur le secteur sanitaire et que ses missions n’étaient pas précisément définies,

— ses demandes de formation en adéquation avec ses nouvelles missions n’ont pas été accueillies et l’employeur ne lui a pas proposé de formations,

— elle a pris des initiatives sur des projets et a accompli un travail de qualité malgré ses connaissances limitées,

— les entretiens d’évaluation sont positifs, sauf le dernier mis en 'uvre 4 mois après le précédent et 3 mois avant le licenciement,

— son volume de travail doit être apprécié au regard de son absence une semaine par mois,

— l’employeur n’apporte aucun élément permettant de justifier de manière objective son insuffisance,

— son licenciement est lié à l’obligation de l’UGECAM Ile de France de réduire les frais de siège et, en particulier, les frais liés au poste de directrice des relations institutionnelles.

La clôture a été prononcée le 2 septembre 2020.

MOTIFS

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.

Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de ce dernier.

La lettre de licenciement, datée du 19 décembre 2016, qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée:

« Depuis ma prise de fonction et en dépit de l’accompagnement dont vous avez bénéficié, je n’ai pu que constater votre insuffisance professionnelle. Celle-ci se traduit, entre autre, par des productions inacceptables et par une inadéquation de posture avec celle attendue d’un cadre supérieur.

Je peux citer à titre d’illustrations: la note méthodologique sur la recherche de financement ou bien celle sur les parcours de santé, dans lesquelles il n’y a manifestement aucun effort de conceptualisation de votre part. Depuis mon arrivée il y a 17 mois, je n’ai vu aucun de vos dossiers aboutir. Lors de l’entretien préalable, vous avez mentionné de nombreuses actions et contributions, dont je n’aurais pas tenu compte et je vous ai naturellement invitée à me les transmettre. En prenant connaissance de l’intégralité des productions depuis un an de collaboration à la DSM, je suis malheureusement confortée dans mon appréciation d’insuffisance professionnelle, considérant que votre volume de travail est notoirement insuffisant et souvent inutilisable. Concernant votre posture: une direction est en droit d’attendre d’un cadre supérieur, de l’implication, du dialogue et de l’exemplarité.

Votre communication est inadaptée (mails lapidaires, positionnement de réunion dans votre agenda en dernière minute afin d’éviter des propositions de rendez-vous,…)Vous ne prévenez pas de vos absences ou réunions extérieures, laissant votre employeur dans l’incertitude sur votre temps de travail réel.

L’UGECAM Ile de France ne peut que constater aujourd’hui cette insuffisance professionnelle, qui emporte des conséquences préjudiciables pour l’entreprise. »

Il ressort des pièces produites que Madame Y, directrice de la stratégie médicale, a dû demander à Madame X de reprendre plusieurs fois sa note méthodologique sur le parcours santé et que la première version de cette note reprenait largement et essentiellement les informations se trouvant sur le site de la Haute Autorité de Santé.

L’UGECAM Ile de France produit aux débats les versions successives de la note rédigée par Madame X sur la recherche de financements européens que cette dernière a dû retravailler mais qui n’a pu être présentée au comité de direction. A propos de cette note, Madame Y indiquait à Madame X « telle que présentée je ne pense pas pouvoir la soumettre à la direction générale pour validation aux fins de présentation au conseil stratégique des directeurs du 18 juin 2015. En dépit des conseils formulés à l’occasion de la première note sur les parcours de santé je ne constate aucune amélioration sur le fond. En effet à la lecture du document je ne comprend pas le plan d’action que tu proposes afin de récolter des fonds au profit des établissements ».

Madame Y écrivait également dans un mail à Madame Z, directrice de l’UGECAM, « vous avez décidé de ne pas inscrire ce point à l’ordre du jour du CSD, car A ne propose pas de plan d’actions à soumettre aux directeurs. Je suis d’accord avec vous et encore, vous ne savez pas tout. Ce que vous ignorez, c’est qu’entre la version définitive et la première version que m’avait soumise A, il y a un GOUFFRE. Cette première version était absolument inacceptable (copie jointe) et j’ai dû « prendre A par la main » pour qu’elle l’améliore et tout cela pour parvenir à une note méthodologique très insuffisante, sans véritable plan d’actions ».

Il résulte des différentes versions des notes produites aux débats et des échanges de mails que Madame X n’a pas été en mesure de rédiger des notes exploitables en dépit du soutien que lui a apporté Madame Y.

En ce qui concerne la recherche de financements européens,Madame X a certes pris contact avec des membres de l’UGECAM Normandie afin de s’informer sur ce type de financement mais par la suite aucune démarche concrète visant l’obtention de fonds n’a été mise en oeuvre.

Il ressort également des pièces produites que Madame X, en charge du projet PARTHAGE a été très lente dans la conduite de ce projet et n’a pas repris contact avec les interlocuteurs intéressés. Quand ceux-ci l’ont relancée, elle a transmis à d’autres salariés de l’UGECAM leurs contacts pour qu’il leur soit apporté une réponse.

Madame X soutient que l’UGECAM Ile de France ne lui a pas permis de suivre les formations nécessaires à l’exercice de ses fonctions. Elle évoque notamment sa demande de suivre une formation Word et Powerpoint. La cour relève que le fait de ne pas avoir bénéficié de cette formation est sans incidence alors que ce n’est pas la forme des notes rédigées qui est remise en cause par l’employeur mais leur fond. En outre, il ressort des pièces produites par l’employeur que Madame X a bénéficié d’une formation Excel de trois jours en 2013 et d’une formation interne sur Word de 3 jours en 2015. En ce qui concerne la formation Mécénat d’entreprise, l’UGECAM ne disposait pas des fonds nécessaires au moment où Madame X l’a sollicitée en septembre 2013 et celle-ci ne l''a plus sollicité par la suite. La cour relève que les formations évoquées n’étaient pas indispensables à l’exercice de ses fonctions par Madame X.

Madame X soutient encore que ses évaluations 2013 et 2014 étaient bonnes. L’évaluation 2013 concerne sa fonction précédente et en ce qui concerne son nouveau poste au siège, elle ne comporte que des objectifs parmi lesquels figure la production du plan d’action sur la recherche de financement. En ce qui concerne l’évaluation 2014, la cour relève que deux objectifs, à savoir le plan d’action sur la recherche de financement et la mise au point d’un outil argumentaire, sont indiqués comme partiellement atteints. Seul le pilotage du groupe consacré aux relations institutionnelles est considéré comme atteint. En ce qui concerne l’efficience de Madame X, il est indiqué: « pas suffisamment de recul pour évaluer cette compétence. Elaboration d’une synthèse du PRS qui reste à formaliser et à décliner sous forme d’objectifs ». Au titre des objectifs pour l’année N+1, figure « contribuer à l’élaboration et à la formalisation des orientations stratégiques de prise en charge: travailler ».

Madame X ne saurait donc raisonnablement soutenir que les difficultés ne seraient apparues que quelques mois avant son licenciement lors de l’entretien d’avril 2015.

L’insuffisance professionnelle de Madame X est caractérisée.

Il s’en déduit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

Madame X succombant dans ses prétentions sera condamnée aux dépens.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

Déboute Madame A X de toutes ses demandes,

Condamne Madame A X aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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