Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 3 mars 2020, n° 17/04661

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Chronologie de l’affaire

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Jean-françois Barbièri · Bulletin Joly Sociétés · 1er juillet 2023
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 8, 3 mars 2020, n° 17/04661
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/04661
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évry, 8 janvier 2017, N° 15/04667
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 7 mai 2023
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 3 MARS 2020

(n° / 2020 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/04661 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2Y3J

Décision déférée à la cour : Jugement du 09 Janvier 2017 – Tribunal de Grande Instance d’EVRY – RG n° 15/04667

APPELANT

Monsieur [V] [C]

Né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 12] ([Localité 4])

Demeurant [Adresse 11]

[Adresse 13]

[Localité 6]

Représenté par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Assisté de Me Cécile REBIFFÉ, avocate au barreau des HAUTS DE SEINE, toque : 1701

INTIMÉS

Monsieur [U] [D] [F] [P]

Né le [Date naissance 3] 1957 à LA CHAPELLE SOEUF ([Localité 9])

Demeurant [Adresse 10]

[Localité 7]

Représenté par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assisté de Me Maurice MICHELOT, avocat au barreau de NANTERRE, toque 343

SARL EC2, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

Immatriculée au RCS d’ORLÉANS sous le numéro 405 358 441

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée de Me Olivier BERNABÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée de Me Pierre QUEUDOT, avocat au barreau de PARIS, toque C1641

PARTIE INTERVENANTE

SELARL [14], prise en la personne de Maître [X] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [V] [C], désigné par jugement du tribunal de commerce d’Orléans du 18 avril 2018,

Ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Assistée de Me Cécile REBIFFÉ, avocate au barreau des HAUTS DE SEINE, toque : 1701

COMPOSITION DE LA COUR :

En applications des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Janvier 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [Y] dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, présent lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

Au cours des années 1992, 1993 et 1995, M.[C], exploitant nom propre une double activité de restaurateur et de marchand de biens, a acquis plusieurs fonds de commerce de restaurants et un droit au bail, sous le régime de marchand de biens, qu’il a exploités.

M.[C] avait depuis 1985, comme expert-comptable, M.[P], qui après avoir exercé au sein de la société d’expertise comptable Safrec, a créé en 1996 sa propre société d’expertise-comptable, la société EC2.

En août 1995, après avoir connu des difficultés avec l’un de ses restaurants, M.[C] a souhaité restructurer ses activités dans le but d’individualiser le risque lié à chacune des entreprises. C’est dans ce contexte qu’en 1996, il a constitué trois sociétés, dédiées chacune à l’exploitation d’un fonds de commerce et apporté à chacune des sociétés un fonds de commerce qu’il avait acquis sous le régime de marchand de biens.

M.[C] a alors l’objet d’une vérification fiscale et l’administration fiscale remettant en cause le choix fiscal opéré à l’occasion de ces apports, lui a notifié deux redressements le 15 décembre 1999, au titre d’un rappel de TVA sur la cession du fonds de commerce « L’entracte » et au titre des BIC en 1996.

Ces redressements ont été contestés et ont donné lieu à plusieurs recours devant les juridictions administratives, qui ont abouti en dernier lieu, à une décision du Conseil d’Etat, le 24 octobre 2014, qui a remis à la charge de M.[C] les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre de l’année 1996 et les pénalités correspondantes.

Le 20 avril 2015, l’adminsitration fiscale a notifié à M.[C] un rappel d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu 1996, d’un montant de 665.688 euros.

Parallèlement au contentieux devant les juridictions administratives, M.[C] a en 2001 fait assigner la société EC2 et son gérant M.[P] en responsabilité devant le tribunal de grande Instance d’Evry pour manquement à l’obligation de conseil lors des opérations de restructuration de ses affaires.

Par jugement du 9 janvier 2017, le tribunal de grande instance d’Evry a dit M. [C] recevable en son action, mais l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à payer à la société EC2 et à M.[P], chacun 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [C] a relevé appel de cette décision, selon déclaration du 3 mars 2017.

Le 18 avril 2018, le tribunal de commerce d’Orléans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de M.[C].

La SELARL [14], désignée liquidateur judiciaire, est intervenue volontairement à l’instance d’appel.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 décembre 2018, M.[C] et la SELARL [14], és qualitès de liquidateur judiciaire demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré M. [C] recevable en ses demandes, mais de l’infirmer pour le surplus, statuant à nouveau, juger que la SARL EC2 et M. [P] ont manqué à leur devoir d’information et de conseil, engageant de ce fait leur responsabilité professionnelle à l’égard de M. [C], constater l’existence d’un préjudice réel et certain, ainsi qu’un lien de causalité entre le manquement et le dommage, condamner en conséquence la SARL EC2 et M. [P] in solidum au paiement à titre de dommages et intérêts de 748.982 euros correspondant au redressement mis à sa charge en principal, 213.023,11 euros au titre des pénalités de retard et de mauvaise foi, 21.377,14 euros au titre des frais exposés pour la procédure fiscale, 20.000 euros en réparation de son préjudice moral et 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 19 juillet 2017, M. [P] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’il n’avait pas commis de faute engageant sa responsabilité et débouté M.[C] de ses demandes, de débouter M. [C] de l’ensemble de ses prétentions et le condamner au paiement de 20.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 décembre 2018, la SARL EC2 demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et condamner M. [C] à lui payer 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’appel.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

— Sur la responsabilité

M.[C] soutient qu’il est recevable à agir en responsabilité contractuelle, à l’égard tant de la société d’expertise comptable EC2 que de M.[P].

La SARL EC2 soutient qu’elle ne saurait être tenue responsable des dommages provoqués par le défaut de conseil et d’information invoqué, dès lors, d’une part, que l’acquisition des fonds de commerce sous le régime des marchands de biens a eu lieu en 1992 et en 1993, et d’autre part, que les apports de ces fonds sont intervenus en mars et mai 1996, et qu’elle n’a débuté son activité rétroactivement qu’ au 1er juin 1996 et n’a été immatriculée que le 5 juin 1996.

M.[C] recherche la responsabilité de la société EC2 et de M.[P] au titre, non pas des acquisitions qu’il a faites entre 1992 et 1995 sous le régime de marchand de biens, mais à raison d’un manquement à l’obligation de conseil lors des apports en société de ces fonds de commerce. Dès lors, le moyen pris de ce que la société EC2 n’existait pas à la date de ces acquisitions est inopérant.

La société EC2, créée par M.[P], qui était déjà l’expert-comptable de M.[C] lorsqu’il exerçait au sein de la société Safrec, est également mal fondée à solliciter sa mise hors de cause au motif que les traités d’apport, qui constituent le fait générateur du redressement datent des 20 mars 1996 et 28 mai 1996 soit antérieurement à son début d’activité le 1er juin 1996, dès lors qu’il ressort des pièces 3,4 et 5 produites par les appelants, que la SARL EC2 a facturé aux sociétés nouvellement créées par M.[C]:

— le 31 juillet 1996, à la société Horizon 4, les travaux exceptionnels suivants 'Assistance pour apport en société et démarches pour création SARL HORIZON QUATRE’ pour un montant de 15.256,27 francs,

— le 31 juillet 1996, à la SARL L’Entracte, les travaux exceptionnels suivants 'Assistance pour apport en société et démarches pour création SARL L’ENTRACTE ' pour un montant de 15.256,27 francs,

— le 11 février 1997, à la société PP41, des honoraires de 15.823,48 francs correspondant à des travaux juridiques exceptionnels: 'Modification structure AU BUREAU apport en société au 1.10.96", démarches pour publicité légale et débours.

Ainsi, c’est bien dans le cadre de la structure qu’il venait de créer, que M.[P] est intervenu dans cette opération d’apport et de création de nouvelles sociétés.

Les appelants relèvent à juste titre, qu’en facturant ces prestations, la société EC2 a nécessairement accepté de reprendre à son compte les actes accomplis antérieurement à son immatriculation par son dirigeant, étant au demeurant relevé que les formalités relatives à la constitution des nouvelles sociétés et les formalités d’immatriculation ont bien été effectuées postérieurement au 1er juin 1996.

Il n’y a donc pas lieu de mettre hors de cause la société EC2.

Quant à M.[P], il résulte de l’article 12 alinéa 3 de l’ordonnance du 19 septembre 1945, que la responsabilité propre des sociétés membres de l’ordre laisse subsister la responsabilité personnelle de chaque expert-comptable à raison des travaux qu’il exécute lui-même pour le compte de la société, ce que l’intéressé ne conteste pas.

Les fonds de commerce apportés en 1996 aux sociétés Horizon 4, L’Entracte et PP41 ont été acquis par M.[C] sous le régime de marchand de biens, ce dernier exerçant à cette période la double activité de restaurateur et de marchand de biens.

Il ressort de la vérification de comptabilité, que les plus-values réalisées à l’issue de la réalisation des apports, ont été placées en sursis d’imposition en application de l’article 151 octies du code général des impôts.

Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l’occasion de l’apport à une société d’une branche complète d’activité peuvent en vertu de l’article 151 octies du code général des impôts bénéficier d’un report de l’imposition des plus values afférentes aux immobilisations non amortissables jusqu’à la date de la cession, du rachat ou de l’annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport de l’entreprise ou jusqu’à la cession des ces immobilisations par la société si elle est antérieure.

L’intérêt de cette disposition fiscale est donc d’éviter une imposition immédiate des plus-values constatées du fait de l’apport en société d’une entreprise.

L’administration fiscale ayant retenu que les biens avaient été acquis sous le régime de marchand de biens, avaient une nature de stock et non d’actif immobilisé, de sorte que les plus-values sur la vente de ces biens ( l’apport en société étant selon l’administration équivalent à une vente), se trouvaient soumises à l’impôt dans les conditions de droit commun, sans pouvoir bénéficier du régime fiscal des plus-values prévu par les articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts (relatif à la fiscalité de la plus-value lors de la cession des actifs immobilisés).

M.[C] et le liquidateur soutiennent que la société EC2 et M.[P] ont manqué à leur obligation de conseil, en n’informant pas M.[C], alors qu’ils avaient connaissance que les fonds avaient été acquis sous le régime de marchand de biens, que l’article 151 octies du code général des impôts, était incompatible avec la nature de « stock » des fonds apportés et de ne pas avoir mis en garde son client contre les risques fiscaux encourus, ou d’avoir fait une mauvaise interprétation de l’application de ces dispositions fiscales.

Ayant accepté dans l’exercice de ses activités juridiques accessoires d’établir les contrats d’apports en société, et étant de surcroît rémunéré pour ces prestations, l’expert-comptable était tenu d’informer et d’éclairer de manière complète son client sur les effets de l’opération projetée et particulièrement sur les incidences fiscales.

Il résulte du libellé des factures sus visées que M.[P] pour le compte de la société EC2, a établi les contrats d’apports en société des fonds qui avaient été acquis sous le régime de marchand de biens et a fait procéder aux démarches pour faire immatriculer ces sociétés.

La circonstance que les acquisitions sous le régime de marchand de bien, ont été faites à une période (1993-1995) où M.[P] exerçait ses fonctions d’expert-comptable au sein de la société Safrec, n’est pas de nature à exonérer les intimés de leur responsabilité, dès lors qu’il est avéré que M.[P] connaissait le régime juridique sous lequel ces acquisitions avaient été effectuées et qu’en tout état de cause l’expert-comptable devait au moment de l’établissement des actes d’apport se renseigner sur le statut des biens afin de prodiguer un conseil tenant compte du régime antérieurement adopté.

A supposer l’existence d’incertitudes fiscales sur le régime applicable à cette opération, comme le prétendent les intimés, il appartenait à l’expert-comptable d’informer son client sur cet aléa afin qu’il puisse décider en connaissance de cause de donner ou non suite à son projet d’apport en société.

N’est pas davantage opérant le moyen pris de ce que ce montage aurait été arrêté d’un commun accord entre M.[C] et sa banque et de ce que l’expert-comptable n’aurait prêté son concours que pour mettre en forme une telle opération, dès lors qu’un éventuel accord entre M.[C] et son banquier sur ce montage, au demeurant contesté par M.[C] qui affirme qu’il n’était soumis à aucun impératif de la part des banques, ne dispensait aucunement l’expert-comptable, intervenu pour rédiger les actes d’apports et immatriculer les nouvelles sociétés recevant ces apports, de son obligation de conseil.

Les compétences personnelles du client ne déchargent pas non plus le professionnel de son obligation de conseil et de mise en garde, de sorte qu’il importe peu que M.[C], à la fois restaurateur et marchand de biens ait pu disposer de connaissances sur le régime fiscal découlant du régime choisi pour acquérir les fonds.

M.[P] et sa société ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du respect de leur obligation conseil, ni de la moindre mise en garde de M.[C] quant aux conséquences, en terme d’imposition, des plus-values réalisées au titre de ces apports

Le manquement contractuel étant caractérisé, il convient d’examiner les préjudices allégués et leur lien de causalité avec le manquement à l’obligation de conseil.

— Sur le préjudice

Les appelants soutiennent que la SARL EC2 et M. [P] doivent être tenus in solidum du montant total en principal de l’impôt, devenu définitif suite à la décision de la juridiction administrative, ainsi que des majorations et indemnités de retard et en tout état de cause, a minima, de la perte de chance pour M.[C] de renoncer à l’opération et de ne pas subir ces impositions. M.[C] réclame également l’indemnisation des frais exposés pour assurer sa défense devant l’administration fiscale, et du préjudice moral « résultant des désordres engendrés par la survenance d’un redressement inattendu ».

M. [C] expose que les redressements qui lui ont été adressés, du fait de l’erreur d’interprétation de l’expert-comptable, sont de nature à lui faire perdre l’intégralité de ses avoirs puisqu’il n’a pas été en mesure de régler les sommes réclamées et qu’il fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire.

La société EC2 sur le principal, conteste tout préjudice faisant valoir d’une part, que M.[C] était contraint de procéder de la sorte compte tenu d’une part des exigences de sa banque, aucune autre solution n’étant possible pour satisfaire son banquier, d’autre part du régime d’acquisition pour lequel il avait opté, lui imposant une revente dans le délai de 4 ans.

M.[P] soutient quant à lui que M.[C] a délibérement pris le risque d’être redressé en prenant lors de l’acquisition des fonds des engagements qu’il savait être incompatibles avec sa fonction de restaurateur.

M.[C] s’est vu refuser la possibilité de bénéficier d’un sursis à paiement sur les plus-values réalisées, ce qui a entrainé la réintégration des plus-values dans les bénéfices imposables de l’année 1996. Cette imposition correspond à une plus-value effectivement réalisée par M.[C] et donc à des droits réellement dûs par l’intéressé.

L’impossibilité de se prévaloir des dispositions de l’article 151 octies du code général des impôts résulte du choix de M.[C] d’acquérir les fonds sous le régime de marchand de biens et non d’une erreur d’inscription commise par l’expert-comptable, de sorte que le paiement des droits, des intérêts et pénalités, ne constitue pas un préjudice résultant du manquement de l’expert-comptable à son obligation de conseil.

D’ ailleurs, s’ il n’est pas établi que M.[C] se serait trouvé contraint par sa banque de finaliser l’opération litigieuse, il n’est pas contestable en revanche, qu’en optant pour une acquisition sous le régime de marchand de biens, M.[C] était de toutes les façons tenu de revendre les fonds (ayant la nature de stock) acquis en 1992,1993 et 1995 dans un délai de 4 ans, ainsi qu’il s’y était engagé à l’occasion de chacune des acquisitions, ces ventes générant une imposition sur les plus-values, sans pouvoir prétendre à un sursis à paiement.

En définitive, le préjudice en lien avec le manquement relevé, réside uniquement dans la perte de chance pour M.[C], d’avoir pu évaluer correctement l’incidence fiscale de l’opération, d’appréhender le fait qu’elle n’était pas éligible au sursis à paiement et de préparer dans de meilleures conditions financières son projet. Il n’est en revanche pas établi que M.[C] disposait de réelles alternatives pour éviter une imposition des plus-values, compte tenu de son obligation de vendre à bref délai les fonds acquis sous le régime de marchand de biens.

Prenant en considération le caractère très limité de cette perte de chance, la cour l’évaluera à 10.000 euros et, infirmant le jugement sur ce point, condamnera in solidum la société EC2 et M.[P] à payer cette somme à la liquidation judiciaire, le liquidateur étant débouté de sa demande en paiement du montant de l’imposition en principal, intérêts et pénalités.

Ni les frais exposés devant l’administration pour contester l’imposition des plus-values, ni le préjudice moral allégué par M.[C] ne justifient l’octroi de dommages et intérêts, dès lors qu’en faisant le choix à plusieurs reprises d’opter pour une acquisition des fonds sous le régime de marchand de biens, il s’est volontairement placé dans une situation le contraignant à suivre ce régime juridique.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a dit M.[V] [C] recevable en ses demandes et sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de M.[C] au titre des frais exposés pour les besoins de la procédure administrative et au titre de son préjudice moral.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne in solidum la SARL EC2 et M.[U] [P] à payer à la Selarl [14], prise en la personne de Maître [X] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de M.[V] [C] 10.000 euros de dommages au titre de la perte de chance,

Déboute la Selarl [14], prise en la personne de Maître [X] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de M.[V] [C] de sa plus ample demande d’indemnisation,

Condamne in solidum la SARL EC2 et M.[U] [P] à payer à la Selarl [14], prise en la personne de Maître [X] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de M.[V] [C] 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M.[P] et la SARL EC2 de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SARL EC2 et M.[U] [P] aux entiers dépens et dit qu’ils pourront être recouvrés directement par Maître Valentie, avocat.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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