Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 17 septembre 2020, n° 18/15495

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Chronologie de l’affaire

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Laurent Garcia · Actualités du Droit · 23 septembre 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 17 sept. 2020, n° 18/15495
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/15495
Décision précédente : Tribunal de commerce de Créteil, 15 janvier 2018, N° 2017F00128
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/15495 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B54U2

Décision déférée à la cour : jugement du 16 janvier 2018 -tribunal de commerce de CRETEIL - RG n° 2017F00128

APPELANTE

SASU COPPERNIC

Ayant son siège […]

13857 AIX-EN-PROVENCE CEDEX 3

N° SIRET : 509 059 572

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jennifer DALVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0199

Ayant pour avocat plaidant Me Lucien SIMON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

substitué à l'audience par Me Jennifer DALVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0199

INTIMÉE

SAS CIBLEX FRANCE

Ayant son siège social […]

94200 IVRY-SUR-SEINE

N° SIRET : 310 996 178

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Rozenn LOPIN du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0429 substitué à l'audience par Me Anne HERZOG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0429

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme B-C D, présidente

Mme Christine SOUDRY, conseillère

Mme Camille X, conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme X dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Y Z-A

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme B-C D, présidente et par Mme Y Z-A, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Coppernic est spécialisée dans la production et commercialisation de matériels et de solutions dédiés aux applications d'informatique mobile professionnelle.

La société Ciblex France exerce l'activité de transport public routier de marchandises.

Le 19 septembre 2013, la société Coppernic et la société Ciblex France ont conclu un contrat-cadre de transport. Dans le cadre de ce contrat, la société Coppernic lui a confié, le 5 octobre 2016, un lot de tablettes numériques en vue de la livraison à la société Legendre Holding 35, acheteur des tablettes pour une valeur de 100.890 euros.

La livraison devait avoir lieu en date du 6 octobre 2016, or, les colis ont disparu et la société Coppernic n'a jamais été payée de sa facture.

La société Coppernic a fait assigner, par acte d'huissier de justice du 25 janvier 2017, la société Ciblex France devant le tribunal de commerce de Créteil aux fins d'obtenir sa condamnation à lui régler la somme de 100.890 euros, valeur de lot de tablettes perdu.

Par jugement rendu le 16 janvier 2018, le tribunal de commerce de Créteil a :

-débouté la société Coppernic de l'ensemble de ses demandes ;

-dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire de ce jugement ;

-condamné la société Coppertnic à payer à la société Ciblex France la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a débouté la société Ciblex France du surplus de

sa demande et la société Coppernic de sa demande de ce chef ;

-condamné la société Coppernic aux dépens ;

-liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 77,08 euros TTC (dont 20,00% de TVA).

Par déclaration du 21 juin 2018, la société Coppernic a interjeté un appel total de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 septembre 2018, la société Coppernic, appelante, demande à la cour de :

Vu le jugement au 16 janvier 2018 rendu par le tribunal de commerce de Créteil, jugement dont appel,

-réformer la décision entreprise en tous ses chefs de dispositif,

Sur le fondement des articles 1779 du code civil, L 133-1, L 133-8 du code de commerce,

-dire et juger la société Ciblex France entièrement responsable du défaut de remise des marchandises qui lui avaient été confiées par la SAS Coppernic, à son destinataire et de la disparition subséquente de ces dernières,

-dire et juger que la société Ciblex France est tenue d'indemniser la SASU Coppernic de la perte qu'elle lui a fait subir,

-condamner la société Ciblex France à indemniser la SAS Coppernic de la perte subie par cette dernière du chef de la faute commise par elle dans l'exécution du contrat de transport les lient, et pour ce faire s'entendre condamner au paiement de la somme de 100.890,00 euros avec intérêts de droit à compter du jour de la délivrance de l'assignation introductive d'instance,

-dire et juger que les dispositions contractuelles limitatives de responsabilité du transporteur ne trouvent pas application en l'espèce, les marchandises n'ayant été ni perdues, ni avariées, mais livrées à une adresse qui n'était pas celle du destinataire et entre les mains d'une autre société de transports qui n'en était pas le destinataire,

-la condamner au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 octobre 2018, la société Ciblex France, intimée, demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.133-1 et suivants du Code de Commerce,

-confirmer le jugement entrepris et de débouter Coppernic de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

-limiter toute condamnation à l'encontre de Ciblex à la somme de 3.571,90 euros ;

A titre très subsidiaire,

-limiter toute condamnation à l'encontre de Ciblex à la somme de 84.075 euros ;

-condamner Coppernic aux entiers dépens de la présente instance ainsi qu'à 5.000 euros sur le

fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 juin 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

***

MOTIFS :

Sur la responsabilité du transporteur

La société Coppernic critique la décision rendue en première instance en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la société Ciblex France. Elle soutient à cet effet que le transporteur est tenu d'une obligation de résultat et qu'en l'espèce la société Ciblex France a livré une marchandise de valeur dans un local qui n'était pas le siège de la société destinataire de la livraison entre les mains d'une autre société de transport qui n'était pas le destinataire ; que ceci caractérise un comportement fautif de la part du transporteur.

Selon l'appelante, il n'existe pas de cas de force majeure en l'espèce et les restrictions à la responsabilité du transporteur au sens de l'article 3 du contrat-cadre liant les parties ne peuvent trouver application, au motif qu'en l'espèce il n'y a eu ni perte, ni avarie mais la remise volontaire des marchandises à une tierce personne.

La société Ciblex France réplique que le jugement doit être confirmé en ce qu'elle n'a commis aucune faute en effectuant une livraison conforme au bon de livraison.

A cet effet, elle fait valoir que :

-il était matériellement impossible de livrer les marchandises à la société Legendre Holding 35 puisqu'à destination, aucune société à ce nom n'existait à l'adresse indiquée,

-un transporteur dénommé Société Française de Transports Gondrand Frères y était domicilié ;

-M.Puccini, contact mentionné sur le bon de livraison, en était le commercial ;

-le numéro de téléphone mentionné sur le bon de livraison correspondait à celui de la société Transports Gondrand, laquelle a apposé son tampon sur la feuille de tournée de Ciblex.

La société Ciblex France, pour s'exonérer de sa responsabilité de transporteur, invoque une faute du donneur d'ordre qui n'a pas vérifié le siège social de son acheteur avant de conclure la vente des tablettes, objets de la livraison, et a indiqué une adresse erronée sur la lettre de voiture.

La société Ciblex France soulève enfin, à titre subsidiaire, l'existence d'un cas de force majeure, s'agissant d'une fraude en vue de voler la marchandise objet de la livraison litigieuse. Elle revendique le bénéfice d'une limitation de sa responsabilité.

Sur ce ;

Aux termes de l'article L 133-1 du code de commerce,

« Le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure.Toute clause contraire insérée dans toute lettre de voiture, tarif ou autre pièce quelconque, est nulle. »

Le contrat-cadre de transport qui lie les parties prévoit dans son article 6 intitulé « Empêchement à la livraison » que « s'il y a empêchement à la livraison du fait d'une adresse erronée ou du refus de prendre livraison par le destinataire, le Transporteur s'engage à en informer l'expéditeur dans les meilleurs délais. Cette information est transmise par e-mail au service ou au responsable désigné par l'expéditeur. »

S'il est vrai que le bon de livraison (pièce 5 de Coppernic) indique une adresse qui ne correspond pas au siège social du destinataire, il n'en demeure pas moins que le nom de la société destinataire était bien « Legendre Holding 35 » et que le tampon apposé lors de la livraison sur la feuille de route (pièce 7 de Coppernic) est celui d'une société tierce, soit la société « Gondrand », ce qui aurait dû attirer l'attention du transporteur lequel aurait dû refuser de livrer et, conformément à l'article 6 du contrat, informer de cette difficulté l'expéditeur, ce qui n'a pas été fait.

La faute du donneur d'ordre invoquée par la société Ciblex France ne peut en l'espèce exonérer le transporteur en ce que le nom du destinataire était indiqué correctement sur le bon de livraison et que cette seule indication permettait au transporteur de vérifier qu'il n'avait pas livré la marchandise au bon destinataire puisque le tampon apposé sur sa feuille de route ne correspondait pas à ce nom.

Il ne s'agit donc pas non plus d'un cas de force majeure exonératoire de responsabilité, la situation n'étant pas extérieure et imprévisible puisque le transporteur s'il avait été suffisamment vigilant aurait pu se rendre compte au vu de la feuille de route qu'il n'avait pas livré au destinataire indiqué sur le bon de livraison.

La société Ciblex France a donc engagé sa responsabilité envers la société Coppernic du fait d'une livraison défaillante de la marchandise, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la société Coppernic.

Sur l'application de la clause limitative pour l'indemnisation due par le transporteur

Aux termes de l'article 3-1 sur la « responsabilité contractuelle » du contrat-cadre de transport liant les parties, « la responsabilité du Transporteur en cas de perte ou d'avarie ne pourra être engagée au delà d'une limite de 23 euros par kilo de poids brut de marchandise sinistrée avec un maximum de 750 euros par colis quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur en transport national ».

La société Ciblex France invoque l'application de l'article 3-1 du contrat de transport signé par les parties concernant le quantum de l'indemnisation, alors que la société Coppernic fait valoir que cette clause ne peut s'appliquer en l'espèce puisqu'il s'agit ni de perte ni d' avarie de la marchandise, celle-ci ayant été effectivement livrée.

Or, la livraison fautivement faite à un tiers d' une marchandise qui a disparu doit être assimilée à une perte totale.

En l'espèce, à défaut d'une déclaration de valeur de marchandise pour le transport litigieux qui ferait obstacle à l'application des limitations d'indemnités prévues au contrat cadre de transport, il convient d'appliquer la limitation contractuelle pour le calcul de l'indemnisation due par le transporteur.

Au vu de la feuille de tournée, la livraison litigieuse portait sur 21 colis pour un poids total de 166,3 kg, l'indemnisation due par la société Ciblex France à la société Coppernic sera donc limitée à 3.824,90 euros (soit 23 euros par kilo).

Sur les frais et dépens

La société Ciblex France qui succombe au principal en appel sera condamnée à payer les entiers dépens et les frais irrépétibles engagés par la société Coppernic à hauteur de la somme globale de 6.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Coppernic de sa demande en indemnisation pour la perte de la marchandise transportée et l'a condamnée au paiement des frais irrépétibles et aux dépens,

Statuant à nouveau,

DIT que la société Ciblex France a engagé sa responsabilité de transporteur envers la société Coppernic dans le transport de 21 colis de tablettes numériques livrées à une tierce personne que le destinataire le 6 octobre 2016,

CONDAMNE la société Ciblex France à payer à la société Coppernic la somme de 3.824,90 euros en indemnisation du préjudice subi,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Ciblex France à payer à la société Coppernic la somme de 6000 euros au titre de frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Ciblex France aux entiers dépens.

Y Z-A B-C D

Greffière Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 17 septembre 2020, n° 18/15495