Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 19 juin 2020, n° 19/20962

  • Édition·
  • Sociétés·
  • Tribunal judiciaire·
  • Concurrence déloyale·
  • Magazine·
  • Droit patrimonial·
  • Commerce·
  • Contrat de travail·
  • Qualités·
  • Concurrence

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 19 juin 2020, n° 19/20962
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/20962
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 18 septembre 2019, N° 18/03436
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 19 JUIN 2020

(n°80, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/20962 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CA7M3

sur contredit à l’encontre d’une ordonnance du juge de la mise en état du 19 septembre 2019
-Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 1re section – RG n°18/03436

APPELANT

Me F X DE E, agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. VISUAL PRESS AGENCY

Exerçant la profession de mandataire judiciaire

Domicilé […]

Immatriculé au rcs de Nanterre sous le numéro 434 278 461

Représenté par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125

Assisté de Me Gaëlle DELAIRE plaidant pour la SELARL LEXCASE, avocate au barreau de LYON, toque 851

INTIMES

S.A. ENTREPRENDRE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 403 216 617

Représentée par Me Francis DOMINGUEZ, avocat au barreau de PARIS, toque C 1536

S.A.R.L. STARBIZ ÉDITIONS – prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme J I Z demeurant 149 rue Louis Rouquier 92300 Levallois-Perret – ayant son siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 451 399 653

Mme J I Z, prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la S.A.R.L. STARBIZ EDITIONS

Née le […] à […]

De nationalité française

Demeurant 149, rue Louis Rouquier – 92300 LEVALLOIS-PERRET

M. F Z

Né le […]

De nationalité française

Exerçant la profession de dirigeant de société

Demeurant 149, rue Louis Rouquier – 92300 LEVALLOIS-PERRET

Représentés par Me Frank AIDAN, avocat au barreau de PARIS, toque E 1084

Assistés de Me Claire GROSPERRIN plaidant pour et substituant Me Frank AIDAN, avocate au barreau de PARIS, toque E 1084

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 5 février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne-Marie GABER, Présidente de chambre

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu l’ordonnance contradictoire rendue le 19 septembre 2019 par le juge de la mise en état de la 3e

chambre 1re section du tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté par voie électronique le 22 novembre 2019 par M. X de Y ès qualités de liquidateur de la société Visual Press Agency,

Vu l’ordonnance présidentielle en date du 27 novembre 2019 autorisant M. X de Y ès qualités à assigner à jour fixe pour l’audience du 5 février 2020,

Vu les assignations pour plaider à jour fixe délivrées les 3 et 4 décembre 2020 à M. F Z, à la société Starbiz Editions et à Mme J I Z ès qualités de liquidatrice de la société Starbiz Editions et à la société Entreprendre,

Vu les conclusions d’appel remises au greffe et notifiées en dernier lieu, par voie électronique, le 3 février 2020 par la société Visual Press Agency,

Vu les conclusions d’intimée remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 janvier 2020 par la société Entreprendre,

Vu les conclusions d’intimés remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 février 2020 par M. F Z, la société Starbiz Editions et Mme J I Z ès qualités de liquidatrice de la société Starbiz Editions,

Vu l’audience collégiale du 5 février 2020,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera seulement rappelé que la société Visual Press Agency inscrite au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 392 660 510 a été placée en redressement judiciaire le 30 juillet 2015 par jugement du tribunal de commerce de Nanterre. Cette société à responsabilité limitée à associé unique créée en 1993 était spécialisée dans la création et la vente de photos destinées aux supports de presse et aux médias et avait pour gérant M. Z.

Le 21 juin 2016, M. Z et M. H A, candidat à la reprise des actifs de la société Visual Press Agency, ont conclu un accord aux termes duquel M. A, sous condition suspensive de ce que son offre de reprise avec faculté de substitution soit acceptée par le tribunal, s’engageait à conclure avec M. Z un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur de la rédaction.

Par jugement du 30 juin 2016, le tribunal de commerce a autorisé la cession des actifs au profit de M. A avec faculté de substitution pour une société dont il serait l’unique associé et dirigeant.

Cette nouvelle société gérée par M. A a été inscrite le 26 juillet 2016 au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 821 746 096 et a repris la même dénomination sociale Visual Press Agency. Le contrat de travail de M. Z a pris effet le 1er juillet 2016.

Le 6 juillet 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde puis a prononcé, le 12 janvier 2018, la liquidation judiciaire de cette société.

Il a été mis fin par rupture conventionnelle au contrat de travail de M. Z à effet au 15 novembre 2017.

La société Starbiz Editions avait initialement pour associés Mme B, Mme C et M. D possédant 1 000 parts chacun et la société Visual Press Agency pour 7 000 parts. A une date inconnue mais antérieure au 3 octobre 2016 des transferts de parts sociales ont été opérés et la société a eu pour unique associé M. Z, également gérant. A compter du 11 octobre 2017, Mme I Z a été nommée gérante en remplacement de M. Z.

L’appelante indique avoir découvert que la société Starbiz Editions éditait des magazines intitulés «INTIMITE» en exploitant ses ressources à savoir ses clients et notamment la société Entreprendre (Editions Lafont), ses salariés en publiant des articles rédigés par eux, son fond photographique. Elle qualifiait ces agissements de concurrence déloyale et parasitaire par pillage de son fonds de commerce, exploitation de ses ressources et de son savoir faire.

Par actes d’huissier de justice des 15 février et 5 mars 2018, M. X de Y ès qualités de liquidateur de la société Visual Press Agency a fait assigner la société Starbiz Editions, M. Z et la société Entreprendre devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de :

— recevoir la société Visual Press Agency en ses demandes avant dire droit,

— constater que le magazine INTIMITÉ édité par la société Starbiz Editions dont M. Z est le seul associé utilise sans droit les ressources de la société Visual Press Agency, notamment ses photos, ses salariés, et ses clients,

— constater que l’édition des numéros de ces magazines est intervenue alors que M. Z était employé par la société Visual Press Agency, et soumis en conséquence à une obligation de loyauté,

— constater que M. Z et la société Starbiz Editions ont, sans bourse déliée, sciemment détourné des actifs de la société Visual Press Agency aux seules fins de leur enrichissement personnel,

En conséquence,

A titre liminaire,

— prendre acte du fait que la société Visual Press Agency entend rendre pleinement opposable la présente procédure à la société Lafont Presse (Entreprendre) mais réserve ses demandes à son encontre, qui seront à parfaire dans le cadre de la procédure,

A titre principal,

— dire que M. Z a manqué à son obligation générale de loyauté en qualité de dirigeant de Visual Press Agency, d’ancien dirigeant de Visual Press Agency, de dirigeant de la société Starbiz et de salarié de la société Visual Press Agency,

— dire que M. Z et la société Starbiz Editions ont commis des actes constitutifs d’une concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Visual Press Agency dont le fonds de commerce a été détourné, qui engagent leur responsabilité civile délictuelle,

— condamner M. Z à verser à la société Visual Press Agency une somme de 216 629,68 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire, correspondant aux sommes supportées par la société Visual Press Agency au titre des fonctions salariées de M. Z,

— condamner la société Starbiz Editions à verser à la société Visual Press Agency une somme de 212 400 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire,

— condamner in solidum M. Z et la société Starbiz Editions au paiement de la somme de 10 000

euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, – ordonner l’exécution provisoire.

Par acte d’huissier du 23 août 2018, Mme I Z a été appelée dans la cause en sa qualité de liquidateur amiable de la société Starbiz Editions.

Les défendeurs ont soulevé devant le juge de la mise en état l’incompétence du tribunal de grande instance.

L’ordonnance du juge de la mise en état déférée a :

— Dit le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître des demandes, y compris d’expertise informatique ;

— Dit qu’à l’expiration du délai d’appel, le dossier de l’affaire sera transmis par le greffier :

* au conseil des prud’hommes de Nanterre s’agissant des demandes dirigées contre M. Z et,

* au tribunal de commerce de Paris s’agissant des demandes dirigées contre la société Starbiz Editions,

— Condamné M. X de E ès qualités de liquidateur de la société Visual Press Agency aux dépens et à payer à M. Z, à la société Starbiz Editions et à la société Entreprendre, la somme de 1 500 euros chacun, soit 4 500 euros au total, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante soutient que le litige n’entre pas dans le cadre des différends qui peuvent s’élever à l’occasion d’un contrat de travail dont la compétence est donnée au conseil des prud’hommes en vertu de l’article L1411-1 du code du travail, ni dans celui des contestations relatives aux sociétés commerciales qui ressortent du tribunal de commerce en vertu de l’article L721-3 du code du commerce.

Elle soutient que le litige porte sur les droits de la propriété littéraire et artistique et demandes connexes en concurrence déloyale relevant dès lors de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris en vertu de l’article L 331-1 du code de la propriété intellectuelle.

Les intimés sollicitent à titre principal la confirmation de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

L’article L 211-3 du code de l’organisation judiciaire dispose que le tribunal de grande instance devenu depuis le 1er janvier 2020, tribunal judiciaire,«connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction».

L’article L 1411 du code du travail que «le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.

Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti».

L’article L331-1 du code de la propriété intellectuelle donne compétence exclusive à certains des tribunaux de grande instance, devenus depuis le 1er janvier 2020 tribunaux judiciaires, pour «connaître des actions civiles et des demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale».

La cour observe que l’appelante explicite dans ses dernières conclusions d’appel de manière beaucoup plus complète qu’elle ne le faisait dans l’acte introductif d’instance, sans pour autant en modifier la teneur, les reproches précis qu’elle formule aux titre de ses demandes qualifiées de déloyauté vis à vis de M. Z et de concurrence déloyale et parasitaire vis à vis de ce dernier et de la société Starbiz Editions.

Les faits reprochés à M. Z sont pour l’essentiel antérieurs à son contrat de travail s’agissant des conditions dans lesquelles il aurait supposément caché la participation de la société Visual Press Agency dont il était le gérant dans la société Starbiz Editions qu’il gérait également, l’acquisition par lui des parts de la société Visual Press Agency, l’utilisation pour la réalisation des numéros INTIMITE d’avril 2015 et d’avril/mai 2016 de photographies sur lesquelles elle prétend être titulaire de droits d’auteurs et de publication d’articles rédigés par des salariés de la société Visual Press Agency.

Les mêmes faits qualifiés de concurrence déloyale et parasitaire par notamment utilisation d’articles et de photographies en fraude des droits patrimoniaux d’auteur sont également reprochés à la société Starbiz Editions et à M. Z en qualité de gérant et d’associé unique de cette société pour une période allant d’avril 2015 à Octobre 2017.

Même si le visa des articles du code de la propriété intellectuelle était absent de l’acte introductif d’instance, il était néanmoins expressément fait référence aux droits patrimoniaux de l’auteur dans le paragraphe relatif au «chiffrage provisoire du préjudice». Il était alors explicitement mentionné des droits patrimoniaux relatifs à la reproduction des 'uvres devant faire l’objet d’une redevance due à la société Visual Press Agency, du fait que la société Starbiz Editions avait reproduit des articles et photos sur lesquels elle n’avait pas de droits d’auteur sans verser de redevance à la société Visual Press Agency et du fait que les salariés avaient concédé l’intégralité de leurs droits patrimoniaux à leur employeur.

Ainsi, il apparaît que l’appréciation de la faute alléguée oblige la juridiction saisie à apprécier les droits d’auteurs allégués par la société Visual Press Agency et leur reproduction illicite par les numéros contestés du magazine INTIMITE.

Dès lors, c’est à tort que le juge de la mise en état a déclaré incompétent le tribunal de grande instance de Paris pour connaître de la procédure qui lui était soumise sauf s’agissant des actes de déloyauté reprochés à M. Z alors qu’il était salarié de la société Visual Press Agency qui sont effectivement de la compétence du conseil des prud’hommes de Nanterre.

C’est pourquoi l’ordonnance soumise à la cour sera infirmée sauf s’agissant du renvoi de la procédure devant le conseil des prud’hommes de Nanterre lequel doit toutefois être limité aux seules demandes dirigées à l’encontre M. Z pour des faits de déloyauté commis durant l’exécution de son contrat de travail, c’est-à-dire entre le 1er juillet 2016 et le 15 novembre 2017.

Pour le surplus, s’agissant de la demande présentée avant dire droit de la désignation d’un expert judiciaire en informatique, la cour constate qu’il n’y a pas lieu d’évoquer et renvoie au tribunal judiciaire ou au conseil des prud’hommes saisi de trancher du bien fondé de cette demande.

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du 19 septembre 2019 sauf en ce qu’elle a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour les seules demandes dirigées à l’encontre M. Z pour des faits de déloyauté commis durant l’exécution de son contrat de travail entre le 1er juillet 2016 et le 15 novembre 2017,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Déclare le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître de l’entier litige qui lui est soumis à l’exception des demandes dirigées à l’encontre de M. Z pour des faits de déloyauté commis durant l’exécution de son contrat de travail, soit entre le 1er juillet 2016 et le 15 novembre 2017, pour lesquels le dossier de l’affaire est renvoyé au conseil des prud’hommes de Nanterre,

Dit n’y avoir lieu à évocation de la demande d’expertise présentée par la société Visual Press Agency,

Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens et frais par elle engagés de première instance et d’appel du présent incident de compétence.

La Greffière La Présidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 19 juin 2020, n° 19/20962