Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 16 juin 2020, n° 19/22745

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 8, 16 juin 2020, n° 19/22745
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/22745
Décision précédente : Tribunal de commerce de Melun, 17 novembre 2019, N° 2019L01228
Dispositif : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 16 JUIN 2020

(n° / 2020 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22745 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBE6V

Décision déférée à la cour : Jugement du 18 Novembre 2019 -Tribunal de commerce de MELUN – RG n° 2019L01228

APPELANTE

SARL MATCHING NUMBERS LIMITED, représentée par son gérant Monsieur Z A, domicilié en cette qualité au-dit siège,

Immatriculée au RCS de MELUN sous le numéro 533 147 948

Ayant son siège social […]

[…]

Représentée par Me B DESCAUDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1455

INTIMÉE

SCP B C, représentée par Me B C, ès qualités,

Ayant son siège social […]

[…]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application :

— de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19;

— de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;

— de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;

L’affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 25 mai 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s’y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été

faite de recourir à cette procédure;

La cour composée comme suit en a délibéré :

Madame F-G H-I, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère, chargée du rapport.

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— par Madame F-G H-I, Présidente de chambre, assistée de D E, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame F-G H-I, Présidente de chambre et par Madame D E, greffière présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société Matching numbers limited exerce une activité de négoce automobile et de pièces détachées.

Sur assignation de la SCI La Cathédrale, son bailleur, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard par jugement du 16 décembre 2015, la SCP B C étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 17 mai 2017, le tribunal a arrêté un plan de redressement par voie de continuation prévoyant un règlement du passif sur dix ans, la SCP B C étant désignée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Le 6 juillet 2018, se prévalant d’un nouvel arriéré de loyers, la SCI La Cathédrale a assigné la société Matching numbers limited en liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce de Melun. Par jugement du 24 septembre 2018, le tribunal a ordonné une enquête et renvoyé la cause à l’audience du 22 octobre 2018. Les parties ont ensuite été appelées à comparaître à l’audience du 19 décembre 2018.

Par requête du 23 novembre 2018, la société Matching numbers limited a saisi le premier président de la cour d’appel de Paris d’une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, notamment au motif que l’un des juges composant la formation de jugement était l’associé, dans une société Richard assurances, de M. X, gérant et associé de la SCI La Cathédrale, créancier poursuivant.

Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Matching numbers limited, la SCP B C étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 21 décembre 2018, le premier président de la cour d’appel de Paris a fait droit à la requête de la société Matching numbers limited, ordonné le sursis à statuer dans la procédure de

liquidation judiciaire ouverte à son égard par le tribunal de commerce de Melun et désigné le tribunal de commerce de Paris pour connaître de la dite procédure.

Par jugement du 20 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Matching numbers limited, la SELARL Montravers Yang-Ting étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Matching numbers limited a fait appel de ce jugement du 20 février 2019. Par arrêt du 4 juillet 2019, la cour d’appel de Paris a dit que le jugement « du tribunal de commerce de Paris du 20 février 2019 » (sic) était non avenu, rejeté les autres demandes tendant à faire déclarer nuls et non avenus les jugements intervenus dans le cadre de la procédure collective, infirmé le jugement du 20 février 2019 et dit n’y avoir lieu à ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ni à prononcé de la résolution du plan de continuation. Cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi.

Sur requête du 18 octobre 2019, la SCP B C ès qualités a saisi le tribunal de commerce de Melun d’une demande en résolution du plan et en liquidation judiciaire de la société Matching numbers limited en se prévalant du non paiement des échéances du plan et de la création de nouvelles dettes.

A l’audience, la société Matching numbers limited a soulevé l’inexistence des deux citations au regard du défaut de qualité à agir de la SCP B C et, subsidiairement, la nécessité de renvoyer la SCP B C à mieux se pourvoir compte tenu du dessaisissement du tribunal de commerce de Melun de l’intégralité de la procédure collective intervenu par effet de l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2018. Le ministère public s’est dit favorable au dépaysement du dossier.

Par jugement du 18 novembre 2019, le tribunal de commerce de Melun a sursis à statuer dans l’attente de la décision de « la cour d’appel de Paris », ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 20 janvier 2020 et dit que les comptes annuels clos aux 31 décembre 2017 et 2018 devront être déposés aux services du greffe avant ce jour.

Par ordonnance du 27 novembre 2019, le président du tribunal de commerce de Melun a ordonné la transmission du dossier au premier président de la cour d’appel de Paris aux fins de renvoi de la procédure initiée sur la requête de la SCP B C ès qualités devant une autre juridiction de la cour d’appel de Paris en application de l’article L. 662-2 du code de commerce et, par ordonnance du 14 janvier 2020, le premier président a désigné le tribunal de commerce de Paris pour connaître de la requête en résolution du plan de redressement judiciaire.

Entre temps, par déclaration du 9 décembre 2019, la société Matching numbers limited a fait appel du jugement tribunal de commerce de Melun du 18 novembre 2019. La déclaration mentionne « appel du jugement du tribunal de commerce de Melun du 18 novembre 2019 ayant sursis à statuer, ordonné le renvoi de l’affaire et dit que les comptes annuels devront être déposés au service du greffe ».

Par dernières conclusions déposées au greffe et signifiées à la SCP B C ès qualités le 6 mars 2020, elle demande à la cour :

— de déclarer recevable et bien fondé l’appel-nullité pour excès de pouvoir,

— de constater que les conditions de recevabilité de l’appel-nullité pour excès de pouvoir sont réunies puisque le jugement querellé du 18 novembre 2019 est une décision qui sursoit à statuer,

— au regard de la citation à comparaître du 30 octobre 2019, de constater en tout état de cause la violation délibérée par la SCP B C de l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’ordonnance de renvoi pour cause de suspicion légitime du 21 décembre 2018, insusceptible de

recours et qui s’imposait aux parties, et au dispositif de l’arrêt du 4 juillet 2019 qui stipulait n’y avoir lieu à liquidation judiciaire ni à prononcé de la résolution du plan,

— de constater que son appel interjeté le 9 décembre 2019 interrompt la procédure de dépaysement initié par l’ordonnance du 14 janvier 2020 du premier président de la cour d’appel de Paris à la demande du « président de Melun » en date du 27 novembre 2019,

— à titre principal, de dire nulle et de nul effet la citation à comparaître devant le tribunal de commerce de Melun initiée à la demande de la SCP B C, de constater la nécessaire et entière rétroactivité de la nullité pour cause de suspicion légitime à la date du 16 décembre 2015, date du premier jugement de redressement judiciaire au regard du seul critère matériel à retenir pour les jugements tels que posé par l’article 347 du code de procédure civile, de dire et juger que ledit jugement ordonnant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est une décision tranchant le principal et qu’elle est en même temps exécutoire à titre provisoire de sorte que le critère matériel est seul applicable « aux jugements » rendus dans le cadre de la procédure collective et non le critère temporel applicable aux seuls « actes de procédure » comme jugés à tort par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 4 juillet 2019, de constater, dès lors qu’il est avéré que M. Y, associé de M. X, gérant de la SCI La Cathédrale, appartenait à la formation ayant rendu le jugement du 16 décembre 2015 prononçant le redressement judiciaire puis celui du 17 mai 2017 arrêtant le plan de continuation, la procédure collective est toute entière frappée de nullité et au premier chef le jugement du 16 décembre 2015 rendu par le tribunal de commerce de Melun, de dire par voie de conséquence nulle et de nul effet la requête en « conversion du redressement en liquidation judiciaire », de plus fort de dire nul pour excès de pouvoir le jugement querellé en date du 18 novembre 2019,

— en tout état de cause, de condamner la SCP B C à lui payer une somme de 5.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel,

— à titre subsidiaire, d’ordonner la suspension de toute la procédure de dépaysement devant le tribunal de commerce de Paris dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi qu’elle a formé à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 4 juillet 2019, ceci pour éviter des contrariétés de décisions à venir et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, et de réserver les dépens.

Le ministère public est d’avis que la cour déclare irrecevable l’appel formé par la société Matching numbers limited à l’encontre du jugement du 18 novembre 2019 considérant que ce jugement se borne à ordonner des mesures d’administration judiciaire et que de telles mesures ne sont sujettes à aucun recours. Cet avis a été communiqué par RPVA le 2 mars 2020.

La déclaration d’appel a été signifiée à la SCP B C le 20 janvier 2020 par acte remis à une personne habilitée à le recevoir. La SCP B C n’a pas constitué avocat.

En application de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, la société Matching numbers limited a consenti le 4 mai 2020 à ce que la procédure se déroule sans audience de plaidoirie.

Par ordonnance du 25 mai 2020, la clôture a été prononcée et la date de mise à disposition de l’arrêt fixée au 16 juin 2020.

SUR CE,

Le ministère public est d’avis que la cour prononce l’irrecevabilité de l’appel sur le fondement de l’article 537 du code de procédure civile au motif que le jugement déféré ordonne des mesures

d’administration judiciaire insusceptibles de recours.

Selon les mentions de la déclaration d’appel, la société Matching numbers limited a fait « appel du jugement du tribunal de commerce de Melun du 18 novembre 2019 ayant sursis à statuer, ordonné le renvoi de l’affaire et dit que les comptes annuels devront être déposés au service du greffe ». Dans ses conclusions, elle qualifie son appel d’appel-nullité pour excès de pouvoir et demande à la cour de le déclarer recevable au motif que le jugement déféré est une décision de sursis à statuer.

Si aux termes de l’article 380 du code de procédure civile, la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime, une telle décision peut également être immédiatement frappée d’un appel-nullité lorsqu’elle est entachée d’un excès de pouvoir, un tel appel n’étant pas soumis à l’article 380 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande d’annulation du jugement du 18 novembre 2019, la société Matching numbers limited invoque « l’excès de pouvoir » de Me C, qu’elle considère être dépourvu de qualité à agir depuis l’ordonnance du 21 décembre 2018 du premier président de la cour d’appel de Paris qui a désigné le tribunal de commerce de Paris pour connaître de l’instance initiée par la SCI La Cathédrale, l’excès de pouvoir du tribunal de commerce de Melun qu’elle considère comme dessaisi de l’intégralité de la procédure collective depuis cette même ordonnance, le déni de justice du président du tribunal de commerce de Melun qui n’a pas tenu compte du conflit d’intérêts affectant la juridiction et a rendu le jugement de liquidation du 19 décembre 2018 sans attendre l’ordonnance du premier président saisi de sa requête en renvoi pour suspicion légitime, et le manque de diligence du greffe du tribunal de commerce de Melun dans les modifications devant être apportées à l’extrait-Kbis depuis l’arrêt du 4 juillet 2019 ayant dit n’y avoir lieu à résolution du plan et à liquidation judiciaire.

Le déni de justice reproché au président du tribunal de commerce de Melun et les critiques portées aux diligences accomplies par le greffe à la suite de l’arrêt du 4 juillet 2019 sont propres non à l’instance ayant conduit au jugement faisant l’objet du présent appel-nullité mais à la procédure initiée par la SCI La Cathédrale.

Le prétendu défaut de qualité à agir de la SCP B C est quant à lui susceptible de caractériser une fin de non-recevoir et non d’établir un quelconque excès de pouvoir de la juridiction saisie.

Enfin, en se bornant à surseoir à statuer dans l’attente de la décision du premier président de la cour d’appel, appelé à se prononcer sur la demande de renvoi de l’affaire devant une autre juridiction du ressort fondée sur l’article L. 662-2 du code de commerce que le tribunal entendait former et qu’il a effectivement formée le 27 novembre 2019, sans au préalable statuer sur les fins de non-recevoir ou exceptions de procédure soulevées par la société Matching numbers limited, le tribunal n’a pas commis d’excès de pouvoir.

Il s’ensuit que l’appel-nullité interjeté par la société Matching numbers limited à l’encontre du jugement rendu le 18 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Melun n’est pas recevable.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt réputé contradictoire,

Déclare irrecevable l’appel-nullité interjeté par la société Matching numbers limited à l’encontre du jugement rendu le 18 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Melun;

Laisse les dépens d’appel à la charge de la société Matching numbers limited.

La greffière, Le présidente,

D E F-G H-I

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