Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 19 novembre 2020, n° 17/15960

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 2, 19 nov. 2020, n° 17/15960
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/15960
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 28 mai 2017, N° 16/06331
Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2020

(n° 2020 – 224 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/15960 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B354C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/06331

APPELANTS

Monsieur Z-M X

né le […]

[…]

[…]

LA MEDICALE DE FRANCE, SA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège,

[…]

[…]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : B 5 82 068 698

Tous deux Représentés par Me Olivier LECLERE de l’ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

Ayant pour avocat plaidant, Me Corinne AUBRUN-FRANCOIS, SCP AUBRUN-FRANCOIS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS

L’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM),

Etablissement public administratif, représenté par son Directeur domicilié audit siège,

[…]

[…]

[…]

Représenté et assisté de Me Bertrand JOLIFF de la SELEURL JOLIFF AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0730

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE, CPAM,

Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

[…],

Forme juridique: institution de prévoyance soumise aux dispositions du Livre IX du Code de la sécurité sociale

[…]

[…]

Représentée par Me Charles CUNY de l’AARPI PHI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0026 et plaidant par Me Marion POUZET-GAGLIARDI, AARPI PHI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque P0026, substituant Me Charles CUN.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente

Madame D E, Conseillère

Madame B C,

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame D E dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et par Armand KAZA, Greffier, présent lors du prononcé.

*******

Le 7 janvier 2011, M. F Y, alors âgé de 65 ans, a consulté le docteur Z-M X, chirurgien urologue, auquel il avait été adressé par son médecin traitant, le docteur Z-M O, en raison de la découverte échographique d’un nodule prostatique postéro-latéral du lobe droit et d’une élévation du taux de PSA.

Le docteur X a posé le diagnostic d’adénocarcinome prostatique bilatéral, après avoir réalisé des biopsies prostatiques, le 18 février 2011, et il a proposé à son patient, le 6 avril 2011, une prostatectomie totale chirurgicale, après l’avoir informé des options thérapeutiques (radiothérapie ou chirurgie).

Le 13 mai 2011, le docteur X a réalisé cette intervention qui a duré , selon son compte rendu opératoire sept heures, par chirurgie robotique à la polyclinique de Gentilly à Nancy.

Les suites de l’intervention ont été marquées, dès le lendemain matin, par l’apparition d’une paraplégie complète au niveau D10-D12 due à la thrombose de l’artère d’Adamkewicz et d’une rhabdomyolyse fessière qui a provoqué une tubulonéphrite aigue avec une insuffisance rénale, rétablie le 15 juillet. La paraplégie est restée définitive.

M. Y est décédé le […].

Entre-temps, M. Y, et après son décès, sa s’ur, Madame G A, ont saisi le 9 septembre 2011 la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) de Lorraine d’une demande d’indemnisation. Le président de cette commission a ordonné, le 13 février 2012, une expertise médicale confiée à trois médecins experts, les docteurs Z-M P, Z-H I et Z-K L, respectivement spécialisés en urologie, neurochirurgie et anesthésie-réanimation.

Ces derniers ont déposé leur rapport le 5 juin 2012. Ils ont conclu notamment :

—  ces événements (paraplégie et rhabdomyolyse) qui témoignent d’ischémies (défaut d’oxygénation) multiples apparaissent indiscutablement être la conséquence des conditions hémodynamiques lors des extrêmement longues anesthésies et intervention du 13 mai 2011;

— la réalisation de la prostatectomie totale qui pouvait pourtant parfaitement être indiquée chez M. Y n’a pas été conforme aux données immuables de l’art et de la science médicale lors de l’intervention du 13 mai 2011 en raison du choix de la réaliser en utilisant un robot qui n’a fait que la compliquer ;

— il y a eu une faute dans le choix de la technique utilisée (chirurgie robotique) par le docteur X et une faute dans la prise en charge anesthésique par les deux anesthésistes, les docteurs Cangemi et Fourriere.

Dans un rapport complémentaire en date du 12 septembre 2013, les experts ont précisé qu’il y avait un partage de responsabilité par tiers, entre l’état antérieur du patient, les deux anesthésistes, et le chirurgien, le docteur X.

Dans son avis du 24 septembre 2012, la CRCI de Lorraine a retenu l’existence de fautes commises par les deux médecins anesthésistes et par le docteur X et a procédé au partage de responsabilité suivant :

—  33% du dommage de M. Y dû à son état de santé antérieur,

—  22% du dommage dû aux deux anesthésistes,

—  45% du dommage dû au docteur X.

Elle a évalué les dommages qu’il convenait d’indemniser comme suit :

— déficit fonctionnel temporaire total durant l’hospitalisation,

— déficit fonctionnel temporaire partiel à 80 %,

— souffrances endurées de 5 sur 7,

— préjudice esthétique de 5 sur 7,

— frais médicaux en rapport avec l’intervention,

— aide matérielle par une tierce personne à raison de heures par jour,

— préjudice d’affection pour la s’ur de la victime.

Sur cette base, les deux anesthésistes et la soeur du patient ont transigé, le 17 février 2013.

En revanche, aux termes d’un courrier du 28 novembre 2012, la SA la Médicale de France, assureur de M. X, a indiqué qu’elle contestait les conclusions de l’expertise et l’avis de la CRCI. Elle n’a émis aucune offre et a laissé sans réponse le courrier que lui a adressé l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affection iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), le 14 mai 2014.

L’ONIAM s’est substitué à l’assureur de M. X défaillant et, selon deux protocoles transactionnels en date du 12 février 2014, il a versé la somme de 9 960,03 euros à Mme A se décomposant comme suit :

— assistance tierce personne : 292,65 euros,

— déficit fonctionnel temporaire : 2 377,35 euros,

— souffrances endurées : 4 500 euros,

— préjudice esthétique temporaire : 1 350 euros,

— préjudice d’affection de Mme A : 1 440 euros.

C’est dans ce contexte que, par actes extra-judiciaires en date des 15 et 22 mars 2016, l’ONIAM fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris le docteur X, son assureur la SA la Médicale de France, la Caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe et Moselle, et l’institution de prévoyance Malakoff Mederic, exerçant son recours subrogatoire.

Par jugement en date du 29 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire à hauteur de deux tiers des condamnations :

— rejeté la demande de nouvelle expertise médicale de la victime présentée par le docteur X ;

— dit que le docteur X a commis une faute au sens de l’article L 1142-1 du code de la santé publique dans le cadre de la prise en charge de M. Y le 13 mai 2011, faute qui a concouru à la

réalisation du dommage subi par la victime à hauteur de 45 % ;

— dit que l’ONIAM est subrogé dans les droits de Mme A ;

— condamné in solidum le docteur X et la SA Médicale de France, son assureur, à payer à l’ONIAM la somme de 9 960,03 euros avec intérêts de droit à compter du 12 novembre 2015, celle de 2 100 euros au titre des frais d’expertise médicale et celle de 1 494 euros en application de l’article L 1142-15 du code de la santé publique, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement ;

— condamné in solidum le docteur X et son assureur la SA Médicale de France à payer à la Caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe et Moselle la somme de 60 528,87 euros au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts au taux légal à compter de ses premières conclusions ;

— condamné in solidum le docteur X et la SA Médicale de France à payer au groupe Malakoff Mederic Prévoyance la somme de 7557,16 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

— déclaré le jugement commun à la SA Médicale de France ;

— rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

— condamné solidairement le docteur X et la SA Médicale de France à payer à l’ONIAM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de 1 000 euros au groupe Malakoff Mederic Prévoyance et de 2 500 euros à la CPAM de Meurthe et Moselle sur le même fondement, ainsi qu’aux entiers dépens dont il a autorisé le recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 4 août 2017, M. X et son assureur la SA Médicale de France ont relevé appel de la décision.

Saisi d’une demande d’expertise sur pièce confiée à un expert spécialisé en chirurgie urologique robot-assistée par le docteur X et son assureur, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance en date du 11 avril 2018 :

— déclaré irrecevables les conclusions de l’ONIAM notifiées le 29 décembre 2017 et ses conclusions subséquentes,

— déclaré irrecevable la demande d’expertise de M. X et de la SA Médicale de France, jugeant que seule la cour est compétente pour connaître de cette demande.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 27 novembre 2019, M. X et son assureur, la SA Médicale de France, demandent à la cour, au visa de l’article L 1142-1 du code de la santé publique, de les recevoir en leur appel et les déclarer bien fondés et, dès lors, réformer la décision entreprise en ce qu’elle a retenu la responsabilité du docteur X et de débouter l’ONIAM, la caisse de Meurthe et Moselle et le Groupe Malakoff Mederic Prévoyance, de leurs demandes, au constat que le médecin n’a commis aucune faute dans la survenue des dommages subis par son patient, et le cas échéant, ordonner une expertise judiciaire sur pièces confiée à un expert urologue, spécialisé en chirurgie robotique, dont ils précisent la mission.

En tout état de cause, ils demandent à la cour de réduire sensiblement la proportion de dommages retenue dans l’avis de la CCI de Lorraine à hauteur de 45 %, et de condamner l’ONIAM au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 20 octobre 2020, la Caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe et Moselle soutient la confirmation du jugement déféré et réclame la condamnation solidaire du docteur X et de la SA Médicale de France au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 22 décembre 2017, l’institution de prévoyance Groupe Malakoff Mederic Prévoyance demande à la cour, au visa des articles 29 et suivants de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, d’infirmer le jugement en ce qu’il a limité son recours à la somme de 7 557,16 euros et, statuant à nouveau, de condamner in solidum le docteur X et la SA Médicale de France au paiement de la somme de 16 793,70 euros, outre une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 23 septembre 2020.

SUR CE, LA COUR,

Considérant au préalable qu’en application de l’article 914 dans sa version issue du décret 2010-1647 du 28 décembre 2010 -applicable en l’espèce, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant (…) sur l’irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 ont autorité de la chose jugée au principal ;

Que par ordonnance du 11 avril 2018, qui n’a pas été déférée à la cour, le conseiller de la mise en état a, au constat que l’ONIAM n’avait pas conclu dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile, déclaré irrecevables ses conclusions notifiées le 29 décembre 2017 ainsi que ses conclusions subséquentes ; que dès lors, cette irrecevabilité atteint les écritures de l’ONIAM notifiées par voie électronique, le 21 février 2018 ;

Considérant que les appelants soutiennent la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a écarté tout manquement du docteur X à son devoir d’information au motif qu’aucune faute ne peut être retenue au titre d’un défaut d’information sur des complications associées à une technique opératoire dont les experts reconnaissent, par ailleurs, qu’elles sont inconnues ; qu’aucun des intimés ne remet en cause le constat par les premiers juges d’une information loyale et complète du patient sur l’intervention proposée et les alternatives thérapeutiques ;

Considérant les appelants critiquent le déroulement de l’expertise ordonnée par la CRCI au cours de laquelle aucune discussion ne s’est engagée sur la technique opératoire, selon eux manifestement inconnue de l’expert désignée et qui n’a pas été réalisée dans les conditions du respect du contradictoire d’une expertise judiciaire ; qu’ils ajoutent qu’ils n’ont été avisés des conclusions des experts que quelques jours avant le passage en commission de conciliation, qui de surcroît n’a pas tenu compte du mémoire argumenté déposé par le docteur X ; qu’ils contestent que le chirurgien ne maîtrisait pas la technique robotique, dont ils affirment qu’elle n’est pas à l’origine du dommage et précisent les formations qu’il a suivies ; qu’ils font valoir que le décès de M. Y n’est pas un obstacle à une nouvelle mesure d’instruction, d’autant que les experts pourront prendre connaissance de l’enregistrement vidéo de l’intervention, ce que les experts désignés par la CRCI ont négligé de faire ; qu’ils en déduisent qu’ils sont bien fondés à solliciter une nouvelle expertise médicale ;

Qu’ils discutent chacun des griefs retenu par les experts : l’inclinaison de la table (qui est simplement relevée par les experts sans en faire un grief), la durée de l’intervention dont ils écrivent qu’elle a pu participer à la survenue de la rhabdomyolyse, le mécanisme de la paraplégie liée à une thrombose de l’artère d’Admakiewicz qui n’a pas été élucidé de manière certaine et cette paraplégie jamais décrite

comme une complication de ce type d’intervention chirurgicale et enfin l’hypotension qui relève de la responsabilité exclusive des anesthésistes car il n’a jamais sollicité qu’elle soit mise en place pour limiter la perte sanguine ;

Que ni la caisse ni l’institution de prévoyance ne concluent sur ces points ;

Considérant que les critiques des appelants quant au déroulement de la consultation de la CRCI sont inopérantes dans la mesure où l’avis rendu par cette commission est dépourvu de valeur contraignante et ne s’impose pas au juge judiciaire ; que la méconnaissance par l’expert urologue de la technique chirurgicale employée est uniquement affirmée et ne repose sur aucune démonstration et, à la supposer établie, elle est dépourvue d’intérêt dès lors, ainsi qu’il sera dit ci-dessous, qu’aucune maladresse dans le geste chirurgical n’est retenue par les experts, lesquels mettent en exergue la durée de l’intervention induite par le choix de la chirurgie robotique, alors que le patient présentait des facteurs de risque particuliers ;

Que le seul fait que l’expertise diligentée à la demande du président de la CRCI n’ait pas été conduite selon les standards de l’expertise médicale judiciaire, faute du dépôt d’un pré-rapport ne suffit pas à caractériser une méconnaissance du principe du contradictoire ;

Considérant qu’en application de l’article L.1142-1 paragraphe I du code de la santé publique, les médecins et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de ces actes qu’en cas de faute, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un produit de santé ;

Considérant que les experts retiennent que les investigations et les actes annexes ont été conduits conformément aux règles de l’art et aux données acquises de la science médicale à l’époque où ils ont été pratiqués et en particulier dans l’établissement du diagnostic et ils estiment que l'obstruction prostatique dont souffrait M. Y J pour une prostatectomie totale ;

Que sur le choix de la technique opératoire, les experts concluent que la prostatectomie totale à l’aide d’un robot a nui à M. Y puisqu’elIe l’a exposé en raison de son excessive durée aux risques qui se sont réalisés d’ischémies multiples ; qu’après avoir rappelé que l’une des règles immuables de la médecine est d’abord de ne pas nuire à son patient, ils estiment que la réalisation de la prostatectomie totale qui pouvait pourtant parfaitement être indiquée chez M. Y n’a pas été conforme aux données immuables de fait et de la science médicale lors de l’intervention du 13 mai 2011 en raison du choix de la réaliser en utilisant un robot qui n’a fait que la compliquer ;

Qu’ils poursuivent comme suit : le docteur X était à l’époque au tout début de sa courbe d’apprentissage de réalisation d’une telle intervention à l’aide d’un robot et qu’il n’avait que très peu d’expérience de la prostatectomie coélioscopique à laquelle il avait renoncé en raison de difficultés de réalisation (..) De plus, le docteur X a décidé de l’effectuer par l’intermédiaire d’un robot censé la faciliter uniquement par voie coelioscopique dont il n’avait, selon ses propres dires aucune expérience. Selon les différentes déclarations du dr X et des anesthésistes qui endorment ses patients la durée d’une prostatectomie totale par voie classique de de laparotomie oscille entre 3 h 30 et 4 heures. Le dr X indique qu’il n’a jamais observé de complication d’ischémie médullaire et/ou musculaire lors de telles interventions classiques. Les données de la littérature confirment qu’il n’a jamais été observé d’ischémie ni médullaire ni musculaire lors d’interventions ne dépassant pas 3 heures. Les anesthésistes déclarent avoir maintenu une pression artérielle basse sur les recommandations des chirurgiens lors de la réalisation de ces prostatectomies robot assistées. Le docteur X réfute formellement ces affirmations. Toutefois à la demande des experts concernant les mesures qui ont été prises à la polyclinique de Gentilly à la suite de l’accident dont a été victime M. Y, le dr X répond qu’il a été décidé d’une part de maintenir désormais une tension artérielle maximale supérieure a 100 mm de mercure et d’autre part, d’effectuer un bilan au bout de

3 heures d’anesthésie dans le but de déterminer s’il était convenable de poursuivre l’intervention robot assistée ou au contraire si mieux valait convertir intervention pour la terminer plus rapidement par voie classique c’est-à-dire par laparotomie ;

(…Au cours de l’intervention ) La pression sanguine a été maintenue à un niveau bas pour un hypertendu (aux alentoursde 85/90 mm Hg de pression systolique pendant 4 heures) puis encore plus bas pendant 2 heures (pression systoliques entre 70 et 80 mm Hg), pour légèrement remonter à 85 mm HG de systolique enfin d’intervention. Les médecins anesthésistes déclarent avoir maintenu ce niveau de pression artérielle à la demande du chirurgien pour diminuer les pertes sanguines. Le chirurgien contredit oralement cette demande. Le lendemain les suites opératoires étaient marquées par un syndrome de lyse musculaire majeur (…) par une paraplégie au niveau de D 10 – D 12 due à une thrombose de l’artére d’Adamkievvicz. Ces deux accidents sont liés à une ischémie per opératoire musculaire et médullaire. Les accidents de posture peropératoire sont bien connus par les anesthésistes et les chirurgiens et leurs préventions sont une priorité pour chacun.

De nombreux articles ont signalé ces accidents afin d’y remédier.

(…) Les lésions musculaires dues à la posture sont bien connues dans la littérature notamment dans les chirurgies longues, plusieurs publications récentes les recensent dans la chirurgie robotique longue. La survenue de rhabdomyolyse est favorisée par l’association dune augmentation de la pression interstitielle sous-cutanée et la diminution de la pression de perfusion tissulaire. Les auteurs s’accordent a dire que la position de Trendelenburg par baisse de pression de perfusion, l’hypotension artérielle, l’obésité, les antécédents cardiovasculaires du patient et la durée d’intervention majorent le risque de rhabdomyolyse.

Tous ces éléments sont retrouvés dans le cas de Mr Y.

Que les experts notent,s’agissant de la paraplégie de M. Y, qu’il s’agit d’une complication inhabituelle. Il n’a pas encore été publié de paraplégie après prostatectomie radicale par thrombose de l’artère d’adamkiewiz mais naturellement de tels accidents ne sont pas spontanément publiés. Deux des experts connaissent au moins un autre cas de paraplégie post prostatectomie radicale mais il s’agit vraisemblablement d’un accident dû à une posture en hyperlordose. Les accidents type paraplégies basses ont habituellement été attribués aux accidents d’anesthésies locorégionales, à la chirurgie vasculaire (anévrismes …) ou à la position en hyperlordose. (…) Dans le le cas de M Y, cet accident est explicable par les antécédents du patient (l’lRM a montré une artère très athéromateuse), les faits précédemment exposés expliquant la rhabdomyolyse : Trendelenburg, pression systolique insuffisante, durée l’intervention et par l’ischémie musculaire, elle-même, qui a provoqué une stase veineuse lombaire ;

Considérant que le fait que le docteur X était, au mois de mai 2011, peu familiarisé avec la technique robotique ressort tant des certificats qu’il produit pour justifier de sa formation (ses pièces 9 à 11), lesquels font état de formation suivies ou réglées au cours du premier semestre 2011, que de son silence quant au nombre d’interventions qu’il avait personnellement pratiquées, selon cette technique, avant celle de M. Y en 2011 ; qu’en effet, il se contente de reprendre devant la cour, l’allégation selon laquelle l’intervention de M. Y était la quinzième intervention pratiquée en chirurgie robotique et ne dément pas qu’il s’agit du nombre d’opérations menées au sein de la clinique au moyen d’un robot;

Considérant que l’accroissement considérable de la durée opératoire présentée par les experts comme une conséquence du choix du recours à la chirurgie robotique est confortée par l’analyse statistique de la durée des interventions d’un article publié en 2009 de l’Association française d’urologie (la pièce 17 des appelants) qui retient pour ce type d’intervention une durée de 300 à 500 minutes (contre 180 minutes lors d’une intervention classique) ;

Qu’il ressort également de cet article, d’une part, que cette technique est apparue au début des années 1990, qu’elle a pour finalité de palier aux difficultés techniques et à la longue courbe d’apprentissage des prostatectomies coellosocopiques, et d’autre part, qu’elle est sans réel bénéfice pour les patients en l’absence de différence évidentes par rapport aux autres techniques opératoires dans les résultats carcinologiques et fonctionnels (sur la continence et la fonction érectile) ; que ses auteurs rejoignent les experts sur l’absence de bénéfice pour le patient et concluent qu'il revient aux urologues de s’organiser pour évaluer objectivement et scientifiquement les résultats de cette technique plutôt que de se la voir imposer de façon irréversible au détriment des patients par une industrie avide de nouveaux marchés ;

Que dès lors que le choix de la technique chirurgicale était sans bénéfice attendu pour le patient, le chirurgien ne pouvait envisager d’y recourir que si elle n’était pas un facteur de risque de complication supplémentaire, or ainsi que l’écrivent les experts, sans être contredits par le docteur X, son patient était déjà exposé à un risque d’hypoxie musculaire du fait des contraintes de l’intervention (position de Trendlenburg notamment) et de son état antérieur (hypertension artérielle, obésité modérée, tabac et athéromatose);

Considérant que les mesures prises par l’équipe chirurgicale de la clinique de Gentilly, après l’intervention litigieuse (maintien de la tension artérielle du patient opéré à un niveau plus conséquent et bilan au bout de trois heures d’anesthésie) viennent corroborer l’analyse des experts d’un lien entre les complications ischémiques dont a été victime M. Y et la durée de l’intervention, complications dont le docteur X doit répondre ;

Considérant que les appelants admettent d’ailleurs ce lien entre durée de l’opération et rhadbdomyolyse et ils n’argumentent pas leur dénégation du lien entre durée d’intervention et paraplégie due à l’ischémie musculaire, elle-même, qui a provoqué une stase veineuse lombaire, le fait que des interventions par technique robotique puissent atteindre des durées comparables voire supérieures à celle de M. Y sans que des complications surviennent ne constituant nullement un argument pertinent ;

Considérant qu’il s’ensuit que le chirurgien a fait le choix d’une technique opératoire inadéquate eu égard à l’état de santé de son patient et de son installation sur la table en position de Tredelenburg avec une inclinaison de 20 ou 30°, puisque l’exposant inutilement -compte tenu de la durée d’intervention induite par cette technique – à un risque de complication d’ischémie musculaire et/ou médullaire jamais observé lors d’interventions ne dépassant pas trois heures ; que ce choix fautif constitue un manquement au devoir du médecin de prodiguer à son patient des soins consciencieux ;

Considérant que s’agissant de l’imputabilité des dommages subis par M. Y, le tribunal a retenu qu’il était consécutif à l’état antérieur du patient (33%) et aux fautes des anesthésistes (22%) et du chirurgien (45%) ; que les appelants n’élèvent aucune contestation s’agissant de l’incidence de l’état antérieur du patient et ils se contentent de demander à la cour de constater que le docteur X n’est pas responsable des dommages subis par M. Y et en particulier dans la proportion de 45% retenu par la CRCI de lorraine et également par l’ONIAM (sic) ;

Que l’imputation des dommages dans une proportion de 33% à l’état antérieur du patient, compte tenu des facteurs de risque qu’il présentait de présenter des complications sera confirmée ; que la réparation de la part imputable aux fautes de l’équipe chirurgicale (77%), dont il convient de rappeler qu’elle a pour mesure la gravité respective de leurs fautes, sera également confirmée dans la mesure où la durée de l’intervention induite par la technique choisie a conduit les anesthésistes – d’initiative selon le docteur X – à maintenir le patient en hypotension pour réduire les pertes sanguines évaluées par les experts à 400 ml ;

Considérant que le montant de l’indemnisation versée à Mme A, soeur et ayant droit de M. Y, par l’ONIAM en réparation des dommages imputables au docteur X n’est pas contestée (9

600 euros) ;

Considérant qu’en application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique qui prévoit, lorsque l’ONIAM s’est substitué à l’assureur qui a notamment explicitement refusé de faire une offre, que l’office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l’article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d’expertise ;

Qu’il convient de confirmer, en application de ce texte, le remboursement des honoraires des experts réglés par l’ONIAM, sans l’affecter du pourcentage de responsabilité retenu;

Considérant que l’article susmentionné énonce également qu'en cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l’assureur ou le responsable à verser à l’office une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue ;

Que ce texte prévoit une condamnation alternative selon que l’absence d’indemnisation de la victime est consécutive au refus ou au silence de l’assureur ou un défaut d’assurance du praticien, seul l’assureur répondant de son silence ou de son refus de garantie ;

Qu’en l’espèce, l’assureur n’avait aucun motif de passer outre l’avis de la CRCI et de refuser de faire une offre, d’autant qu’il pouvait se convaincre, à la lecture du rapport d’expertise, de la pertinence des conclusions rendues après des opérations d’expertise auxquelles le docteur X, assisté d’un conseil et d’un médecin conseil, a participé et au cours desquelles il a pu s’expliquer et faire valoir sa position ; que la décision déférée sera également confirmée sur le principe et le montant de l’indemnité allouée et infirmée en ce qu’elle est mise à la charge in solidum du médecin et de son assureur, puisque seul ce dernier en est redevable en l’espèce ;

Considérant enfin, que le montant de la créance de la Caisse primaire d’assurance maladie de meurthe et Moselle n’est pas contestée ; que la décision déférée sera confirmée de ce chef ;

Considérant que le groupe Malakoff Médéric demande à la cour de porter le montant de sa créance de la somme de 7 557,16 euros à la somme de 16 793,70 euros montant des dépenses de santé actuelles qu’il a remboursé à son assuré ; que les appelants ne concluent pas sur ce point ;

Considérant, ainsi qu’il a été jugé ci-dessus, que les dommages subis par M. Y sont partiellement imputables à son état antérieur et dans la proportion retenue la cour (33%) les frais médicaux supportés par le tiers payeur ont pour cause cet état dont les praticiens n’ont pas à répondre ;

Qu’en revanche, le partage de responsabilité n’est pas opposable à la victime et aux tiers subrogé dans ses droits, qu’il s’ensuit que le groupe Malakoff Médéric peut choisir son débiteur et réclamer au docteur X et à son assureur la somme de 12 931,15 euros correspondant à 77% de ses débours ; que la décision déférée sera infirmée pour prendre en compte cette condamnation ;

Considérant que les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées ; que les appelants seront condamnés aux dépens d’appel et à payer une indemnité complémentaire au titre des frais exposés par le groupe Malakoff Médéric et la Caisse primaire d’assurance maladie pour assurer leur défense devant la cour ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 29 mai 2017, sauf en ce qu’il a condamné M. Z-M X à payer à l’ONIAM la somme de 1 494 euros en application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique et en ce qu’il a condamné in solidum M. Z-M X et La Médicale de France à payer au Groupe Malakoff Médéric prévoyance la somme de 7 557,16 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum M. Z-M X et La Médicale de France à payer au Groupe Malakoff Médéric prévoyance la somme de 12 931,15 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

Condamne in solidum M. Z-M X et La Médicale de France à payer au Groupe Malakoff Médéric prévoyance la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à la Caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe et Moselle la somme de 1 000 euros sur ce même fondement ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne in solidum M. Z-M X et La Médicale de France aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 19 novembre 2020, n° 17/15960