Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 9, 16 septembre 2020, n° 16/07309

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 9, 16 sept. 2020, n° 16/07309
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/07309
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Fontainebleau, 2 mai 2016, N° 13/00446
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 6 novembre 2022
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 16/07309 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BY3U3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mai 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FONTAINEBLEAU section RG n° 13/00446

APPELANTES

SAS COMPASS GROUP FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 632 041 042

représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Alexandra VELHO TOME, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SAS SOCIETE DE PRESTATIONS EN GESTION IMMOBILIERE (SOPREGI)

[Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 692 004 120

représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Alexandre DUPREY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

INTIME

M. [J] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né en à

comparant en personne, assisté de Me Olivier DELL’ASINO, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Juillet 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sandra ORUS, première présidente de chambre

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

qui en ont délibéré

Greffier : Anouk ESTAVIANNE, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 3 mai 2016 par lequel le conseil de prud’hommes de Fontainebleau, statuant dans le litige opposant M. [J] [I] à la société Sopregi et la société Compass Group France, a:

fixé le salaire mensuel brut contractuel à la somme de 2 163,57 euros

dit que la société Sopregi a rompu le contrat de travail au 16 septembre 2013,

dit que la société Compass groupe France est le co-employeur de M. [I] ,

condamné solidairement la société Sopregi et la société Compass groupe France à payer les sommes suivantes:

* 4 327,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 432,71 euros à titre de congés payés afférent,

*16 587,36 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

*1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

ordonné à la société Sopregi et la société Compass groupe France de délivrer à M. [I] :

* Un certificat de travail mentionnant la date du 16 septembre 2013 comme date de fin de la relation de travail,

*Une attestation Pôle emploi mentionnant le licenciement comme cause de rupture du contrat de travail.

ordonné l’exécution provisoire du jugement

débouté M. [I] de ses autres demandes,

débouté la société Sopregi de ses demandes reconventionnelles,

condamné la société Sopregi aux entiers dépens.

Vu l’appel interjeté le 17 mai 2016 par la société Compass Group France et la société Sopregi de cette décision qui leur a été notifiée le 3 mai 2016.

Vu les conclusions et les observations orales des parties auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel.

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 27 novembre 2019 et soutenues oralement, la société Sopregi demande à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Fontainebleau du 3 mai 2016 et, statuant à nouveau demande à la cour de:

juger que le contrat de travail de MM. [I], [D], [W] et Mme [H] a été transféré au Syndicat des copropriétaires à compter du 16 septembre 2013 ;

débouter MM. [I], [D], [W] et Mme [H] de l’intégralité de leurs demandes.

Subsidiairement, si par extraordinaire, la Cour devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société Sopregi :

limiter le quantum des demandes formulées par les salariés

fixer l’indemnité compensatrice de préavis à 4 327,14 euros, outre 432,71 euros au titre des congés payés afférents ;

fixer l’indemnité de licenciement à 15 265,19 euros.

Y ajoutant, la société demande à la cour de :

condamner MM. [I], [D], [W] et Mme [H] à payer à la société Sopregi la somme de 2 000,00 euros chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

condamner MM. [I], [D], [W] et Mme [H] aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 27 novembre 2019 et soutenues oralement, la société Compass Group France demande à la cour de réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Fontainebleau du 3 mai 2016 et, statuant à nouveau :

In limine litis,

déclarer nulle l’intervention forcée de la société Compass Group France par MM. [I], [D], [W] et Mme [H],

dire et juger MM. [I], [D], [W] et Mme [H] irrecevables en leurs demandes à l’encontre de la société Compass Group France.

Subsidiairement,

constater que la société Sopregi était parfaitement autonome dans son organisation et son fonctionnement et qu’elle est toujours restée l’unique employeur de ses salariés,

dire et juger que la société Compass Group France n’était pas le co-employeur de MM. [I], [D], [W] et Mme [H], ;

débouter MM. [I], [D], [W] et Mme [H], de l’intégralité de leurs demandes

Y ajoutant, la société demande à la cour de:

condamner MM. [I], [D], [W] et Mme [H] à payer à la société Compass Group France la somme de 2 000,00 euros chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

condamner MM. [I], [D], [W] et Mme [H] aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 27 novembre 2019 et complétées oralement, M. [I] demande à la cour d’écarter le moyen de nullité de son intervention forcée qui n’a pas été soulevé par la société Compass avant toute défense au fond devant le bureau de jugement, fait valoir que la cour peut régulariser et que la société dépourvue de toute volonté de concilier agit de manière abusive et ensuite de :

fixer le salaire mensuel brut contractuel à la somme de 32516,33 euros ;

dire que la société Sopregi a rompu le contrat de travail au 16 septembre 2013;

dire que la société Compass groupe France est le co-employeur de M. [I] ;

prononcer la nullité de la rupture du contrat de travail effectuée le 16 septembre 2013 ;

subsidiairement, dire que la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner solidairement la société Sopregi et la société Compass groupe France à payer à M. [I] les sommes suivantes :

* 5 032,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

*50 327 euros à titre d’indemnité compensatrice de congé payé sur l’indemnité compensatrice de préavis,

* 17 626,89 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

*51 668,64 euros en réparation du préjudice causé par la perte de l’emploi ;

*15 000 euros en réparation du préjudice de précarité ;

* 2 000 euros en réparation des frais de recherches d’emploi ;

* 5 000 euros sur le fondement de l’article L1222-1 du code du travail ;

* 6 207,24 euros T.T.C. au titre des frais de défense sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Ordonner à la société Sopregi et à la société Compass groupe France de délivrer :

* un certificat de travail mentionnant la date du 16 septembre 2013 comme date de fin de la relation de travail ;

* Une attestation Pôle emploi mentionnant licenciement comme cause de rupture du contrat de travail ;

* Un bulletin de salaire daté septembre 2013 comprenant les indemnités de fin de contrat de travail.

*Fixer une astreinte de trois cents euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la date du jugement pour garantir l’exécution de l’arrêt.

Par arrêt avant dire droit du 19 février 2020, la cour de céans a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 25 mars à 13H30 pour que la cour procède à la tentative de conciliation omise en première instance, réservé les droits et les demandes des parties ainsi que les dépens.

Vu le renvoi pour cause de confinement dû à l’épidémie de la Covid 19 ordonné à l’audience du 8 juillet 2020.

La tentative de conciliation tentée à l’audience du 8 juillet 2020 n’a pas prospéré.

Les parties ont repris leurs prétentions, moyens et demandes formulées dans leurs conclusions déjà déposées à la cour.

SUR CE, LA COUR :

M. [I] a été embauché par la société Sopregi le 14 juillet 1988 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de second de cuisine affecté au sein de la résidence «[6]» à [Localité 5] (77).

Le Cabinet Sopregi a exercé une mission de syndic et de gestionnaires de service hors restauration et bar pour le compte du syndicat des copropriétaires (SDC) de la résidence «[6]», de 1978 au 26 février 2014. Les services exclus étaient alors gérés par la société civile coopérative de consommation des Hespérides de Fontainebleau (SCCC). Par jugement en date du 15 décembre 2010, le tribunal de grande instance de Fontainebleau a validé le transfert des services de restauration de la SCCC au SDC. Ce dernier ayant décidé de poursuivre l’activité de restauration, l’assemblée générale ayant voté contre la suppression de ce service, il a confié suivant avenant pour une durée de six mois, soit jusqu’au 30 juin 2013, une mission au Cabinet Sopregi relative à la restauration, celui-ci prévoyant la mise la disposition du SDC du personnel Sopregi affecté à ce service avec refacturation sans marge et le transfert des contrats de travail au SCD ou au nouveau prestataire succédant à la société Sopregi à l’issue. A l’expiration des six mois, le syndicat des copropriétaires n’a pas pris de décision sur le choix d’un prestataire. La société Sopregi a donc accepté de poursuivre sa mission. Une convention a été signée le 21 octobre 2013 entre elle, la société Compass et le SDC ayant pour objet la mise à disposition du réseau de fournisseurs référencées par la société Compass avec uniquement refacturation à l’identique par le Groupe Compass des achats en vivres et boissons réalisées, sans autre contrepartie financière relative à la gestion même du service. La société Sopregi a dénoncé au conseil syndical du SDC la convention conclue faute de paiement par la copropriété des prestations fournies relatives à la restauration et cette dernière, à défaut d’avoir choisi un autre prestataire, a alors repris la gestion directe du service de restauration, avec reprise des contrats de travail du personnel attaché à cette activité, les salariés étant informés de cette situation par lettre du 30 août 2013. C’est dans ces conditions que le contrat de travail de l’ensemble du personnel de restauration dont MM. [I], [D], [W] et Mme [H] a été transféré au syndicat des copropriétaires le 16 septembre 2013.

Un avenant au contrat de travail conclu en application de l’avenant N°3 de la convention collective nationale de la restauration de collectivités a été signé à cette dernière date entre le salarié et la SDC Hespérides de Fontainebleau pour transférer le contrat de travail avec reprise d’ancienneté.

Le salarié a, par lettre datée du 20 septembre suivant, contesté auprès de la société Sopregi les conditions de ce transfert au motif qu’il n’a pas été avisé de son droit à le refuser.

Le 27 septembre 2013 , le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Fontainebleau pour contester le transfert de son contrat de travail et invoquant l’existence d’un co-emploi, a formé diverses demandes contre la société Sopregi et la société Compass, groupe auquel appartient la société Sopregi, appelée en intervention forcée.

Le salarié a été ensuite licencié pour motif économique le 23 février 2016 par le syndicat des copropriétaires.

Sur le transfert du contrat de travail :

L’article L. 1224'1 du code du travail dispose que s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. Ces dispositions s’appliquent si trois conditions sont réunies cumulativement, soit l’existence d’une entité économique autonome, le transfert de cette identité et le maintien de l’identité de cette entité après le transfert. A cet égard, constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre. Enfin le transfert d’entité peut être partiel.

Le transfert peut aussi résulter de l’application d’un accord collectif.

Le transfert peut enfin résulter de l’application volontaire de l’article L. 1224-1 précité par les deux entreprises. Dans un tel cas, le salarié doit consentir de manière expresse à la modification de son contrat de travail.

En l’espèce, il résulte des constatations précédentes et des éléments du dossier que l’activité de restauration constituait une entité économique autonome, distincte des missions de syndic par ailleurs confiées à la société Sopregi, avec un personnel, des locaux et des matériels (mobilier, appareils de cuisine, vaisselles… etc) dédiés, que cette activité a été reprise par le syndicat de copropriétaires à la suite de la dénonciation par la société Sopregi pour non-paiement du coût des prestations exécutées de restauration, étant observé que cette dernière n’avait accepté de se charger de l’activité que temporairement, dans l’attente de la décision de l’assemblée générale des copropriétaires sur les conditions de poursuite de la restauration après le transfert des services de restauration de la SCCC au SDC décidé par le tribunal de grande instance le 15 décembre 2010. Le SDC a ainsi repris la gestion directe de l’activité qui a perduré au moins jusqu’aux licenciements notifiés pour motif économique de MM. [I], [D], [W] et Mme [H] en février 2016. Les conditions du transfert légal étaient donc réunies en l’espèce.

Au surplus, le transfert des contrats de travail avait aussi été prévu par l’avenant N°1 au contrat de syndic et de gestionnaire des services conclu avec le SDC pour une durée de six mois jusqu’au 30 juin 2013 et le salarié a signé avec le SDC un avenant à son contrat de travail le 16 septembre 2013, prévoyant son transfert en application de l’avenant N° 3 de la convention collective nationale de la restauration collective et ainsi a accepté le changement d’employeur.

Il est enfin établi et non contesté que le salarié a continué à travailler dans les mêmes conditions, avec reprise totale de son ancienneté et sans qu’une perte de rémunération ne soit invoquée. Le salarié ne démontre pas ainsi avoir été personnellement trompé par la société Sopregi, sur laquelle ne pesait aucune obligation information particulière, à qui il ne peut être reproché de n’avoir pas continué à assurer l’activité de restauration qu’elle avait temporairement pris en charge pour pallier l’absence de décision de l’assemblée générale des copropriétaires sur le choix d’un nouveau prestataire. Le salarié ne démontre pas davantage avoir subi un préjudice au moment du transfert auquel il a de surcroît expressément consenti.

Il doit en conséquence être retenu, contrairement aux premiers juges, que le transfert du contrat de travail du salarié au SDC Hespérides de Fontainebleau est régulier et est opposable au salarié.

Le jugement sera ainsi infirmé en toutes ses dispositions et le salarié débouté de toutes les demandes formées à l’encontre des sociétés Sopregi et Compass.

Le salarié, qui succombe, sera condamné à supporter les dépens de première instance et d’appel et débouté de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les situations économiques respectives des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article précité au profit des sociétés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute M. [J] [I] de toutes ses demandes ;

Condamne M. [J] [I] aux dépens de première instance et d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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