Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 2 juillet 2020, n° 19/22158

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Chronologie de l’affaire

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CMS Bureau Francis Lefebvre · 18 octobre 2023

Par deux arrêts en date du 19 avril 2023 (Cass. soc., 19 avril 2023, n°21-25.563 et n°21-24.208), la Cour de cassation a apporté des précisions importantes sur les contours de l'accès de l'expert-comptable désigné par le comité social et économique (CSE) aux documents et informations nécessaires à l'exercice de sa mission, lors de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi de l'entreprise. Face aux demandes de communication d'informations adressées par l'expert-comptable du CSE, les employeurs peuvent être tentés de refuser ces demandes en opposant …

 

CMS · 18 octobre 2023

Par deux arrêts en date du 19 avril 2023 (Cass. soc., 19 avril 2023, n°21-25.563 et n°21-24.208), la Cour de cassation a apporté des précisions importantes sur les contours de l'accès de l'expert-comptable désigné par le comité social et économique (CSE) aux documents et informations nécessaires à l'exercice de sa mission, lors de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi de l'entreprise. Face aux demandes de communication d'informations adressées par l'expert-comptable du CSE, les employeurs peuvent être tentés de refuser ces demandes en opposant deux …

 

Derriennic & Associés · 29 septembre 2020

Télécharger La responsabilité de l'employeur au temps du coronavirus La crise sanitaire a profondément bouleversé le droit social, exposant aujourd'hui l'entreprise sur deux terrains. En premier lieu, les entreprises ont dû et doivent encore adapter leur réflexe de prévention afin de préserver leur salarié de toute exposition directe au virus. En second lieu, elles doivent également veiller à ce que les droits des salariés, nécessairement impactés dans ce contexte, n'engendrent pas de nouveaux risques, notamment psychosociaux. Lire l'article L'activité partielle de longue durée …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 2, 2 juill. 2020, n° 19/22158
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/22158
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 11 novembre 2019, N° 19/55426
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 02 JUILLET 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22158 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDCR

Décision déférée à la Cour : Ordonnance rendue le 12 Novembre 2019 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 19/55426

APPELANTE

SAS X prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Représentée par Me Anne-sophie MARCELLINO, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant

INTIMEE

LA SOCIETE MUTUALISTE INTERPROFESSIONNELLE(SMI)

prise en la personne de ses représentants légaux

N° SIRET : 784 669 954

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-michel GONDINET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0544, avocat postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application :

— de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;

— de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;

— de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus

pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;

L’affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 15 mai 2020, les avocats y ayant consenti

expressément ou ne s’y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;

La cour composée comme suit en a délibéré :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Madame Brigitte CHOKRON, Présidente

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Brigitte CHOKRON, Président et par Madame FOULON, greffier .

**********

Vu l’ordonnance contradictoire rendue le 12 novembre 2019 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui a :

— débouté la SAS X de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société Société Mutualiste Interprofessionnelle (SMI) ,

— condamné la SAS X à payer au profit de la SAS X une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société SMI du surplus de ses demandes,

— condamné la SAS X aux entiers dépens de l’instance .

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par la société X ( SAS) suivant déclaration remise au greffe de la cour le 3 décembre 2019 .

Vu l’avis de fixation de l’affaire à bref délai adressé par le greffe le 20 décembre 2019 aux avocats constitués .

Vu les dernières conclusions de la société X, appelante, notifiées le 24 avril 2020 tendant à voir la cour :

— infirmer l’ordonnance déférée,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que la délibération du Comité d’entreprise de la société SMI désignant le cabinet X aux fins d’analyse de la situation économique, financière et de la politique sociale de l’entreprise, bien fondée,

— constater que la société SMI n’a pas communiqué de manière abusive les documents et informations nécessaires à la réalisation de la mission ,

— faire injonction à la société SMI de communiquer au cabinet X la base non nominative du personnel pour les années 2015, 2016 et 2017 avec :

*matricule ou n°SS

*sexe

*date de naissance

*date d’entrée

*date de sortie (éventuellement)

*type de contrat (CDI,CDD)

*fonction, poste

*statut (CSP) (cadre, employé, AM, etc..)

*qualification

*taux d’activité

*salaire de base

*primes (avec détail des primes : ancienneté, mérite, prime sur objectif, commissions éventuellement)

*toutes autres primes conventionnelles

*brut fiscal

*établissement ou service de rattachement

et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir,

— se réserver la liquidation de l’astreinte,

— condamner la société SMI à verser au cabinet X la somme provisionnelle de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,

— condamner la société SMI à verser au cabinet X la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens .

Vu les dernières conclusions, notifiées le 15 janvier 2020 , de la société Société Mutualiste Interprofessionnelle (SMI) , intimée, qui demande à la cour de :

— confirmer l’ordonnance entreprise,

— dire n’y avoir lieu à référé en l’absence d’urgence,

— dire n’y avoir lieu à référé en l’absence de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite,

— débouter la société X de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

— constater que la société SMI n’est pas tenue d’établir une base de données sociales telle que demandée par X,

— débouter la société X de toutes ses demandes,

A titre très subsidiaire,

— constater que les éléments permettant l’identification personnelle des salariés de SMI n’ont pas à être communiqués à l’expert , comme l’exige le RGPD,

— débouter X de toutes ses demandes de communication d’éléments permettant l’identification personnelle des salariés de SMI ,

En tout état de cause,

— condamner X à payer à SMI la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner X aux dépens .

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 24 avril 2020 .

Vu l’accord des parties sur le recours à la procédure sans audience du 15 mai 2020 en application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 .

SUR CE :

Par application des dispositions de l’article L. 2325-35 (ancien) du code du travail, le Comité d’entreprise de la Société Mutualiste Interprofessionnelle, ci-après la SMI, a confié à la société d’expertise-comptable X une mission d’assistance en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2323-12 du même code, ainsi que de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi définie à l’article L. 2323-15 ;

Par courrier recommandé AR du 19 novembre 2018, la société X a fait connaître à la société SMI le contenu de sa mission, les modalités de son intervention et le montant prévisionnel de ses honoraires ; à ce courrier était joint une liste non exhaustive des documents demandés pour l’accomplissement de sa mission ;

Par courrier recommandé de son avocat du 28 mars 2019, la société X a mis en demeure la SMI de lui communiquer la base non nominative du Personnel pour les années 2015, 2016 et 2017 et fait valoir que le refus persistant de la SMI de lui communiquer ce document constituait une obstruction volontaire à l’accomplissement de sa mission ; une nouvelle mise en demeure du 15 avril 2019 est restée vaine ; c’est dans ces circonstances que la société X a saisi le juge des référés qui a rendu l’ordonnance entreprise ;

Pour s’opposer à la demande de la société X, la SMI soutient qu’elle se heurte à une contestation sérieuse dès lors que l’employeur ne peut être tenu de communiquer une base de

données dont la constitution n’est pas obligatoire et dont il ne dispose pas ; qu’en outre, la demande, en ce qu’elle vise le numéro de sécurité sociale, est contraire au principe de non identification des personnes issu du règlement 2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 ( RGPD), de sorte que la société X n’est pas fondée à se prévaloir d’un trouble manifestement illicite à raison de son refus d’y accéder ;

Or, l’article L. 2325-36 (ancien) du code du travail précise que la mission de l’expert-comptable désigné en vertu des dispositions de l’article L. 2325-35 porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise ; à cette fin, l’expert-comptable a accès à l’ensemble des informations qu’il estime utile et dont il est le seul juge de l’utilité ;

Il importe de rappeler, en outre, que l’expert-comptable est lié par l’obligation de secret professionnel impartie aux membres de la profession par les dispositions de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables réglementant le titre et la profession d’expert-comptable ( article 21) ainsi que, selon les dispositions de l’article L. 2315-84 du code du travail, aux obligations de secret et de discrétion définies à l’article L. 2315-3 du même code ;

Force est de constater que la SMI ne montre pas que la demande de communication de la société X serait contraire au RGPD ;

Elle invoque à cet égard l’article 5 du RGPD qui prévoit que les données à caractère personnel doivent être ' collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités’ ; tel est le cas de la demande de communication de la société X qui a pour finalité légitime l’accomplissement, pour le compte du Comité d’entreprise de la SMI , dans le cadre du pouvoir consultatif conféré par la loi à cette instance de représentation du personnel, de la mission d’analyse de la politique sociale de l’entreprise, des conditions de travail et de l’emploi ;

Elle invoque en outre l’article 28 du RGPD qui engage les personnes autorisées à traiter les données à caractère personnel ' à respecter la confidentialité’ ; or, une obligation légale de confidentialité est en l’espèce impartie à l’expert-comptable dans l’exercice de ses missions accomplies pour le compte du Comité d’entreprise en vertu de l’article L. 2325-35 (ancien) du code du travail ;

La SMI se prévaut par ailleurs du décret n°2019 -341 du 19 avril 2019 interdisant toute collecte et transmission du NIR mais, ainsi qu’il ressort de ses propres écritures, 'dans un traitement de données personnelles de santé’ qui est étranger à la mission poursuivie par la société X dans le cadre des attributions consultatives du Comité d’entreprise de la SMI sur la politique sociale de l’entreprise ;

En toute hypothèse, la société X demande communication du n° de sécurité de sociale ou du matricule et force est de constater que si la SMI discute la communication du n° de sécurité sociale, elle n’oppose aucune objection de principe à la communication du matricule ;

Enfin, la SMI soutient ne pas disposer de la base de données sollicitée qu’elle n’était pas tenue d’établir ;

Force est toutefois de relever que la SMI a d’emblée refusé d’accéder à la demande d’informations de la société X sans prétendre ne pas disposer de ces informations ; il est patent au vu des courriels échangés avec la directrice des ressources humaines , qui avait expressément demandé à être considérée comme la seule interlocutrice de la société X, que les seules contestations opposées était tirées d’une part, de la contrariété avec le RGPD qui 'renforce nos obligations en tant qu’employeur quant à la préservation et au traitement des données personnelles de nos salariés’ , d’autre part, de l’absence de pertinence des informations demandées au regard de la mission

d’expertise qui ' ne nécessite pas que vous puissiez obtenir même de façon indirecte la rémunération de chaque salarié de SMI’ ;

Or, ainsi qu’il résulte des développements qui précèdent, la contestation fondée sur le RGPD n’est pas sérieuse ; en outre, ainsi qu’il a été rappelé, l’appréciation de l’employeur ne saurait être substituée à celle de l’expert-comptable qui est seul juge pour déterminer les informations utiles et nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

Il s’ensuit que la société X , empêchée de mener à bien sa mission, est fondée à invoquer le trouble manifestement illicite résultant de cet empêchement ; il convient en conséquence , par infirmation de l’ordonnance déférée , de faire droit à la société X dans les termes du dispositif ci-après ;

En l’absence de justification d’un préjudice propre subi par la société X, la demande de dommages-intérêts provisionnels ne saurait prospérer ;

L’équité commande en revanche de condamner la société SMI à verser à la société X une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Partie perdante, la SMI est condamnée aux dépens de première instance et d’appel .

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par ordonnance contradictoire ,

Infirme l’ordonnance déférée,

Ordonne à la SMI de communiquer à la société X sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt :

— La base non nominative du personnel pour les années 2015, 2016 et 2017 avec :

*matricule ou n°SS

*sexe

*date de naissance

*date d’entrée

*date de sortie (éventuellement)

*type de contrat (CDI,CDD)

*fonction, poste

*statut (CSP) (cadre, employé, AM, etc..)

*qualification

*taux d’activité

*salaire de base

*primes (avec détail des primes : ancienneté, mérite, prime sur objectif, commissions éventuellement)

*toutes autres primes conventionnelles

*brut fiscal

*établissement ou service de rattachement ,

Dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte,

Condamne la SMI à verser à la société X une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens de première instance et d’appel ,

Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties .

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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