Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 15, 2 décembre 2020, n° 19/11542

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 15, 2 déc. 2020, n° 19/11542
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/11542
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 10 juin 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 septembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 02 DECEMBRE 2020

(n° 59, 21 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 19/11542 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CACO5

Décision déférée : Ordonnance rendue le 11 Juin 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Juge des libertés et de la détention de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 14 octobre 2020 :

Société NECKER GESTION PRIVEE société de droit de la République de MAURICE

prise en la personne de son représentant légal

Immatriculée au registre des sociétés de l’Ile Maurice sous le n° 127170

Élisant domicile au cabinet de Me Stéphane MALMONTE

[Adresse 4]

[Localité 6]

Société MAG ASSET MANAGEMENT société anonyme de droit suisse

prise en la personne de son représentant légal

immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le n° I CHE105625449

Élisant domicile au cabinet de Me Stéphane MALMONTE

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentées par Me Stéphane MALMONTE de la SELAS HEDEOS, avocat au barreau de PARIS

assistées de Me Fanny PENCHE-DANTHEZ, avocat au barreau de BORDEAUX

APPELANTES

et

LA DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

assistée de Me Marc DO LAGO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 octobre 2020, l’avocat des appelantes, et l’avocat de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 02 Décembre 2020 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 11 juin 2019 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal de grande instance (ci-après TGI) de PARIS a rendu, en application de l’article L 16 B et R 16 B-1 du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :

— La société de droit suisse SA MAG ASSET MANAGEMENT , représentée par [OE] [G], Présidentedu Conseil d’administration , dont le siège social est sis [Adresse 3] en Suisse, et qui a pour objet social la gestion de fortune, toute activités de conseil et d’assistance dans les domaines financiers, du crédit immobilier, de l’assurance vie et la négociation immobilière ;

— La société de droit mauricien NECKER GESTION PRIVEE , dont le siège social est sis [Adresse 15] MAURITIUS( Ile Maurice), et qui a pour objet social la gestion de fortune,

autorisant des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants:

— locaux et dépendances sis [Adresse 5], susceptibles d’être occupés par la SAS TAILOR CAPITAL.

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée au motif que les sociétés SA MAG ASSET MANAGEMENT et NECKER GESTION PRIVEE exerceraient sur le territoire national une activité de gestion de fortune sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

Et ainsi elles seraient présumées s’être soustraites et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).

L’ordonnance était accompagnée de 97 pièces annexées à la requête.

Il résultait du dossier que la SA MAG ASSET MANAGEMENT, constituée le 21/08/2000 et dont l’objet social est la gestion de fortune, aurait son siège social au [Adresse 3] en SUISSE, où seraient répertoriées plusieurs sociétés et que depuis le 21/11/2018, elle disposerait d’une autre adresse au [Adresse 2], où seraient également répertoriées de nombreuses autres sociétés.

Il apparaissait que le conseil d’administration de la SA MAG ASSET MANAGEMENT est composé de son président [OE] [G] et d’un autre membre, [T] [Z], qui exercerait aussi l’activité d’avocat au sein d’un cabinet qu’il aurait fondé en SUISSE.

Dès lors, il pourrait être présumé que ce dernier ne gère pas de façon habituelle la société et que sa présence en tant que membre au sein du conseil d’administration serait à des fins juridiques et non opérationnelles.

Il s’en déduit que la SA MAG ASSET MANAGEMENT est dirigée par [OE] [G], né en 1960 à [Localité 17], lequel aurait communiqué à plusieurs reprises une adresse de domicile en SUISSE correspondant aux adresses successives du siège social de la SA MAG ASSET MANAGEMENT. Ce dernier serait également propriétaire, en nom propre ou via la SCI AVA, de deux maisons sises [Adresse 1], où son épouse indique être domiciliée et serait titulaire d’une ligne téléphonique.

A cette adresse, selon la taxe d’habitation, [OE] [G] est désigné comme occupant des deux maisons et serait titulaire, avec son épouse, d’un compte EDF. Monsieur [G] est aussi titulaire de plusieurs comptes bancaires ayant pour adresse de correspondance le [Adresse 1]. Sa fille [K] [G] aurait également habité à [Localité 16] jusqu’au 20/10/2018 puis en NOUVELLE CALEDONIE.

Il résultait donc de l’ensemble de ces éléments que [OE] [G] est susceptible d’avoir le centre de ses intérêts familiaux et patrimoniaux en FRANCE et son domicile sur le territoire français.

Par ailleurs, la consultation du site www.mag-am.ch laisse apparaître que la SA MAG ASSET MANAGEMENT exerce l’activité de gestionnaire de fortune en proposant à ses clients au moins deux types de mandats de gestion et encadre ses clients dans la gestion de leur fortune dans le respect d’un processus constitué par étape. Elle complète son offre en proposant des services d’optimisation fiscale ou patrimoniale.

En outre, la société de droit suisse MAG ASSET MANAGEMENT fait partie, avec la SAS TAILOR CAPITAL et la société NECKER GESTION PRIVEE, d’un ensemble international de sociétés de gestion.

Selon les services fiscaux, une partie des actions de la SAS TAILOR CAPITAL détenue, au 31 décembre 2014, par [OE] [G] à hauteur de 25% et par la SA MAG ASSET MANAGEMENT à hauteur de 7,34% – le tout représentant 32,34% des actions – ont été cédées et/ou apportées en 2015 à la société de droit mauricien FINANCIERE AVA, qui est devenue actionnaire à hauteur de 32,34% de la société française TAILOR CAPITAL.

Ainsi, [OE] [G] apparaît comme le fondateur de la SAS TAILOR CAPITAL, société de gestion de portefeuilles de droit français et détient toujours, via la société de droit mauricien FINANCIERE AVA, 32,34% des actions de cette société.

En outre, la SA MAG ASSET MANAGEMENT est rémunérée par des commissions versées par la SAS TAILOR CAPITAL.

Dès lors, il pourrait être présumé que la SA MAG ASSET MANAGEMENT développe une partie importante de son activité auprès de clients français.

Il s’avérait que Mme [YY] [P] et M. [I] [V], domiciliés en FRANCE dans les Alpes Maritimes, sont directeurs de la SA MAG ASSET MANAGEMENT et disposent du pouvoir d’engager la société par leur signature individuelle. M. [M] [W], également domicilié dans les Alpes Maritimes, est lui aussi directeur de la SA MAG ASSET MANAGEMENT pour laquelle il dispose de la signature collective à deux, tout comme Mme [A] [R], domiciliée en Haute Savoie, responsable administrative et/ou assistante de direction de la société SA MAG ASSET MANAGEMENT. Monsieur [I] [V] est par ailleurs actionnaire minoritaire de la société française SAS TAILOR CAPITAL.

Ainsi, la société de droit suisse SA MAG ASSET MANAGEMENT est présumée disposer, en FRANCE, de personnels disposant de responsabilités managériales et commerciales constitutifs d’un centre décisionnel et opérationnel.

De surcroît, Mme [S] [J], Mme [B] [X], M. [U] [L] et M. [N] [C], tous domiciliés dans les Alpes Maritimes, sont salariés de la SA MAG ASSET MANAGEMENT en qualité de gestionnaire de fortune, de gestionnaire de patrimoine ou encore de gestionnaire d’actif.

Il résulte de ce qui précède que plusieurs membres de la direction et une partie des opérationnels de la société de droit suisse SA MAG ASSET MANAGEMENT sont des résidents français et que cette dernière dispose en FRANCE de personnels spécialisés pour y exercer son activité.

Par ailleurs, la SA MAG ASSET MANAGEMENT dispose de trois comptes-titres en FRANCE.

Dès lors, il ressort de l’ensemble de ces constatations que la société de droit suisse SA MAG ASSET MANAGEMENT exerce son activité sur le territoire national en recourant à des moyens humains et matériels situés sur le territoire français.

Par conséquent, il pourrait être présumé que la société de droit suisse SA MAG ASSET MANAGEMENT exerce en FRANCE une activité de gestion de fortune sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et en omettant de passer en FRANCE les écritures comptables y afférentes.

Il ressortait du dossier que la société NECKER GESTION PRIVEE est une société de type GBC1 ou GBL1, dont l’activité serait réalisée hors de l’Île Maurice et dont le standard de constitution est reconnu comme étant un type de société particulièrement opaque, dirigée par des non-résidents et administrée par des résidents mauriciens et soumis à un très faible taux d’imposition à l’impôt sur les sociétés.

Il est établi que la NECKER GESTION PRIVEE est dirigée par [OE] [G], qui est présumé avoir le centre de ses intérêts familiaux et patrimoniaux en FRANCE.

D’autres investigations laissent apparaître que la société NECKER GESTION PRIVEE aurait été enregistrée auprès des autorités mauriciennes par l’intermédiaire de la société JURISTAX Limited qui serait une « management company » disposant d’au moins deux adresses sur l’Île Maurice. La première adresse correspondrait à l’adresse déclarée en tant que siège social de la société NECKER GESTION PRIVEE et la seconde correspondrait à l’adresse que la société NECKER GESTION PRIVEE indiquerait sur son site internet.

Selon les services fiscaux, la gestion administrative de la société NECKER GESTION PRIVEE est réalisée en tout ou partie depuis un bureau situé Suite 301, [Adresse 14] à l’Île Maurice qu’elle partage avec NECKER FUND MANAGEMENT LLC, également dirigée par [OE] [G] et une autre société de gestion de fortune.

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que pour exercer son activité la société NECKER GESTION PRIVEE a recours aux services du groupe JURISTAX, qui gére et administre les 3 fonds spéculatifs détenus par NECKER FUND MANAGEMENT LLC et dans lesquels les sociétés MAG ASSET MANAGEMENT SA et NECKER GESTION PRIVEE proposent à leurs clients d’investir.

Il apparaît qu’au moins deux salariés recrutés par la SA MAG ASSET MANAGEMENT en 2015 et en janvier 2016, M. [O] [H] et M. [XW] [Y], exercerent désormais des fonctions au sein de la société NECKER GESTION Limited à l’Île Maurice.

Il s’avère également que la société de droit mauricien NECKER GESTION PRIVEE exerce une activité de gestion de fortune et de conseil en investissement selon des modalités similaires à celles présentées par la société MAG ASSET MANAGEMENT sur son site internet et que, à l’instar de la SA MAG ASSET MANAGEMENT, la société NECKER GESTION PRIVEE est rémunérée par des commissions versées par la SAS TAILOR CAPITAL en contrepartie des prestations de conseil en investissement et de gestion de portefeuille qu’elle réalise auprès d’une clientèle française.

Compte tenu de tout ce qui précède, il pourrait être présumée que la société NECKER GESTION PRIVEE, dirigée par M. [OE] [G], réalise la même activité que la société MAG ASSET MANAGEMENT selon les mêmes modalités de fonctionnement, perçoit des commissions de la SAS TAILOR CAPITAL et développe une partie de son activité en FRANCE en recourant aux personnels de la société MAG ASSET MANAGEMENT situés sur le territoire français.

Dès lors, la société de droit mauricien NECKER GESTION PRIVEE est susceptible d’exercer en FRANCE une activité de gestion de fortune sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et en omettant de passer sur le territoire national les écritures comptables y afférentes.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JLD a autorisé par ordonnance du 11 juin 2019, conformément aux dispositions de l’article L 16B du LPF, les visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés suivants ou des documents et des supports d’informations illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver, à savoir dans les locaux et dépendances sis [Adresse 5], susceptibles d’être occupés par la SAS TAILOR CAPITAL.

Les opérations de visite domiciliaires se déroulaient le 13 juin 2019.

Le 26 juin 2019 les sociétés SA MAG ASSET MANAGEMENT et NECKER GESTION PRIVEE ont interjeté appel de l’ordonnance du JLD ( RG 19/11542).

L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 18 mars 2020, puis renvoyée au 14 octobre 2020 du fait de l’état d’urgence sanitaire ( Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ). A l’audience du 14 octobre 2020, l 'affaire a été plaidée et mise en délibérée pour être rendue le 2 décembre 2020.

Par conclusions n° 1 déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 17 février 2020 et conclusions n° 2 déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 24 février 2020 les sociétés appelantes font valoir :

I ' Sur la régularité de la procédure

A ' S’agissant de la régularité de la saisine du JLD

Les parties appelantes rappellent les termes de l’article L 16 B du LPF.

1 ' Le défaut de pouvoir de la DNEF

Il est soutenu que l’administration fiscale n’a pas communiqué l’habilitation spéciale de M. [D] [XO] de sorte qu’il est impossible de vérifier la régularité de la saisine du JLD.

2 ' L’argumentation de la DNEF ne résiste pas à l’analyse

Il est argué que la requête présentée au JLD par M. [D] [XO] est nulle pour absence de pouvoir d’agir en justice de son signataire et vicie l’intégralité de la procédure subséquente car il résulte de son texte que ce dernier est seulement habilité à effectuer les visites et à procéder aux saisies prévues à l’article L. 16 B du LPF.

Il n’est en aucun cas investi d’un pouvoir spécial pour représenter l’administration fiscale en justice, compétence qui appartient au seul Directeur général des finances publiques en application du décret n° 2008-310 du 3 avril 2008.

Dès lors, le défaut de pouvoir du signataire de la requête emporte nullité de cette requête et de l’ordonnance.

De surcroît, M. [D] [XO] se prévaut d’une habilitation datée du 2 septembre 2015.

Or, à la date de la requête (29 mai 2019), M. [F] [E] était devenu le nouveau Directeur général des finances publiques.

Il est soutenu que toutes les délégations de signature antérieures sont devenues caduques car il est constant que lesdites délégations sont personnelles au délégant et au délégataire et qu’elles doivent donc être renouvelées à chaque changement de l’un d’entre eux.

Contrairement à ce qui est soutenu par l’administration dans ses écritures, l’habilitation de M. [XO] n’est pas une délégation de pouvoir.

En effet, l’article R. 16 B du LPF n’autorise pas le directeur général des finances publiques à consentir une délégation de pouvoirs, mais uniquement une délégation de signature.

En tout état de cause, une telle argumentation de l’administration est contraire aux règles de droit applicables aux délégations consenties par des autorités publiques car en premier lieu, la délégation de pouvoir a lieu d’autorité à autorité, tandis que la délégation de signature est doublement personnalisée.

Dans cette hypothèse, toute modification de l’identité des titulaires des fonctions en cause met nécessairement un terme à la délégation.

En second lieu, même à supposer qu’il s’agisse d’une délégation de pouvoirs, encore faudrait-il que soit justifié : qui a délégué ses pouvoirs ; à qui les pouvoirs ont été délégués ; quels sont les pouvoirs délégués ; quand la délégation de pouvoirs a-t-elle été publiée afin de pouvoir devenir exécutoire.

En l’espèce, la DNEF ne donne aucune précision concernant ces éléments.

B ' L’ordonnance du 11 juin 2019 est nulle et de nul effet et cette nullité emporte la nullité de tous les actes subséquents exécutés en vertu de cette ordonnance nulle

1 ' Le rappel des principes juridiques et procéduraux applicables

Au cas particulier, la minute de l’ordonnance du 11 juin 2019 rendue par le JLD du TGI de PARIS ne comporte ni le nom, ni la signature d’aucun greffier en violation des dispositions susvisées. Ainsi, l’ordonnance signée ne répond pas aux exigences des articles 454, 456 et 458 du code de procédure civile et R. 7-11-1-1 du code de l’Organisation judiciaire.

2 ' L’argumentation de l’administration fiscale ne résiste pas à l’analyse

Il importe peu que l’article L 16 B du LPF ne comporte aucune mention d’une obligation de signature du greffier dès lors que cette exigence résulte des textes régissant l’organisation et le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire et ont pour finalité de garantir l’authenticité des décisions de justice et l’autorité probatoire qui y est attachée.

C ' L’ordonnance du 11 juin 2019 est nulle et de nul effet dès lors que le JLD n’a pas accompli les diligences lui incombant en application des dispositions de l’article L. 16 B du LPF et méconnu les exigences de l’article 6 § 1 de la CESDH, en statuant uniquement à charge en tenant pour acquises la licéité des pièces communiquées par l’administration et avérées les présomptions de fraude fiscale alléguées par l’administration

1 ' S’agissant de l’exigence d’impartialité à laquelle le JLD était tenu

Le rappel des principes juridiques applicables et l’application au cas d’espèce

Selon la jurisprudence de la CEDH, la procédure de visite domiciliaire qui ne permet pas aux personnes visitées de discuter de l’opportunité de la saisie des documents ni de prendre connaissance de leur contenu ou de prévenir la saisie de documents étrangers aux besoins de l’enquête( saisie globale des boites de courrier électronique du personnel) , viole les dispositions des articles 6-1 et 8 de la CESDH.

De même, il y a violation desdits articles lorsque le mandat judiciaire est rédigé en termes très larges en ce qu’il autorise, de manière générale et illimitée, la perquisition et la saisie de documents, ordinateurs, disques personnels et de l’ensemble des données électroniques de la personne visée par la perquisition.

L’argumentation de l’administration fiscale ne résiste pas à l’analyse

Il est rappelé que l’obligation d’impartialité est un devoir essentiel du juge et que ce n’est pas parce qu’une voie de recours existe qu’une juridiction doit écarter l’exigence d’un procès impartial et équitable, surtout dans le cas d’une procédure sur requête qui est, par essence, non contradictoire.

Par ailleurs, la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation censure la rédaction unilatérale d’une décision de justice qui est de nature à créer un doute légitime sur la partialité du juge.

2 ' S’agissant de l’obligation de procéder à un contrôle effectif de la licéité des pièces produites par l’administration

L’application au cas d’espèce

Au cas présent, un grand nombre d’informations et de pièces produites par l’administration proviennent de la consultation d’informations nominatives relatives à plusieurs personnes physiques, dont il est allégué qu’elles posséderaient un lieu d’habitation sur le territoire français et que ces lieux d’habitation constitueraient des établissements stables de personnes morales établies hors du territoire français, à partir desquelles les sociétés étrangères développeraient une activité imposable en FRANCE sans satisfaire à leurs obligations déclaratives et de paiement des impositions qui seraient exigibles.

Il est argué qu’il importe peu que l’administration soutienne que ces informations proviendraient de sites d’accès public dès lors qu’elle ne justifie pas que la collecte, la conservation ou la divulgation par lesdits sites ainsi que le recueil et le traitement d’informations nominatives concernant de personnes physiques seraient conformes aux dispositions du Règlement général de protection des données personnelles (ci-après RGPD).

Il est rappelé que par une délibération du 12 septembre 2019, la CNIL a refusé de valider le projet de l’administration de collecter a priori des données nominatives librement accessibles sans justifier de l’existence d’éléments antérieurs susceptibles de fonder l’existence d’une infraction de fraude fiscale.

En l’espèce, alors qu’il n’y avait aucun élément susceptible d’accréditer la thèse d’une fraude fiscale, l’administration a collecté des données nominatives personnelles sur les dirigeants, associés et employés de sociétés étrangères régulièrement déclarées et imposées dans leurs pays respectifs afin de construire de toute pièce la thèse de l’existence d’un établissements stable en FRANCE

Il est soutenu que la production d’informations collectées auprès des banques de données établies hors du territoire de l’Union européenne, tels que la SUISSE ou les ETATS UNIS, apparaît illicite dès lors que le RGPD s’applique à toutes les entités qui collectent, traitent et conservent des données nominatives personnelles relatives à des personnes physiques ressortissantes de l’Union européenne, et que le JLD aurait dû s’interroger sur la licéité des informations personnelles nominatives obtenues sur des citoyens de l’Union européenne à partir du site de la société Dun & Bradstreet, propriétaire du nom de domaine « dnb.com », implantée aux ETATS UNIS et sur le site easymonitoring.ch, implanté en SUISSE mais soumis au RGPD.

Par ailleurs, les abonnements à l’électricité et au téléphone supposés caractériser l’installation en FRANCE des sociétés MAG ASSET MANAGEMENT et NECKER GESTION PRIVEE n’ont été souscrits qu’en 2019.

L’argumentation de la DNEF ne résiste pas à l’analyse.

Il est argué que c’est en vain que l’administration soutient qu’elle n’était pas tenue de respecter les règles de protection des données personnelles puisque les données collectées l’ont été par voie manuelle sans recours à un traitement automatisé.

En effet, l’article 2 du Règlement général de protection des données indique : « Le présent règlement s’applique au traitement des données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier ».

3 ' S’agissant de la régularité des opérations de saisie telles qu’elles sont relatées dans le procès-verbal du 13 juin 2019

L’application au cas d’espèce

Il est fait valoir que dans le procès-verbal il n’est nullement justifié des caractéristiques du logiciel d’investigation numérique ni de sa déclaration préalable auprès de la CNIL ni des mots-clés utilisés pour analyser les messageries électroniques utilisées par les salariés de la société TAILOR CAPITAL.

Dans ces conditions, aucune traçabilité des données collectées ne peut être assurée et la saisie des données numériques effectuées le 13 juin 2019 est donc bien une saisie massive et indifférenciée.

L’argumentation de la DNEF ne résiste pas à l’analyse

Il est d’abord rappelé que le Code des relations entre les particuliers et l’administration (ci-après CRPA) impose à l’administration de faire preuve de transparence dans l’utilisation de techniques automatisées de collecte et de traitement d’informations fondant une décision individuelle.

Il est critiqué la rédaction large de l’ordonnance et il est argué que la notification de l’existence de la possibilité de former recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie n’est effectuée qu’à la personne dont le domicile est visité et non aux requérantes.

Dès lors, celles ci sont recevables à contester par les présentes conclusions la régularité des saisies effectuées chez un tiers.

De surcroît, les sociétés MAG ASSET MANAGEMENT et NECKER GESTION PRIVEE n’ont jamais été avisées de la faculté qu’elles avaient de se faire assister d’un conseil, contrairement à la société TAILOR CAPITAL, dont l’avocat est arrivé à 9h30 et est reparti à 10h, après avoir constaté que sa cliente n’était pas le contribuable visé par l’ordonnance.

Il est demandé l’annulation de l’ordonnance en ce qu’elle ne mentionne pas que toutes les parties concernées pouvaient se faire assister d’un conseil.

II ' Sur le bien fondé de la demande de l’administration fiscale

A ' L’absence de présomption même simple de fraude fiscale à l’égard de la société MAG ASSET MANAGEMENT

1 ' L’activité financière et réglementaire de la société MAG ASSET MANAGEMENT est établie exclusivement en SUISSE

La présentation de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est indiqué que la société MAG ASSET MANAGEMENT est une société anonyme de droit suisse inscrite auprès du registre de commerce de [Localité 12] depuis le 15 août 2000, dont le siège social est sis [Adresse 3] et dont l’objet social est la gestion de fortune et le conseil en investissement.

D’ailleurs, elle dispose d’un acte d’agrément délivré à cet effet par la FINMA, l’Autorité helvétique d’autorégulation des gérants de patrimoines qui a pour mission de contrôler la conformité des activités de ses membres et la bonne application de la loi contre le blanchiment d’argent.

L’activité helvétique de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est indiqué que les locaux de la société MAG ASSET MANAGEMENT à l’adresse susvisée abritent au quotidien 14 salariés et que la société déploie également son activité au sein de ses locaux situés au [Adresse 2], où travaillent à plein temps 4 personnes.

Il en découle que le centre décisionnel et opérationnel de la société se situe en SUISSE.

La gouvernance de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est fait valoir que la gouvernance de la société s’organise de la manière suivante : M. [OE] [G] occupe les fonctions de Président du Conseil d’administration disposant du pouvoir de signature individuelle (il est précisé qu’il n’est pas et n’a jamais été le Directeur général), M. [T] [Z] est administrateur disposant du pouvoir de signature individuelle.

L’équipe dirigeante de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est soutenu que le simple fait que les trois Directeurs ' Mme [P], M. [V] et M. [W] ' soient domiciliés en FRANCE n’est pas suffisant pour en déduire que la société MAG ASSET MANAGEMENT dispose, sur le territoire national, d’un centre décisionnel et opérationnel.

En effet, leur domiciliation dans les Alpes maritimes se justifie parfaitement par la proximité avec la principauté de Monaco où se situent tant les banques dépositaires partenaires de la société MAG ASSET MANAGEMENT que les clients avec lesquels cette société travaille.

Par ailleurs, ces trois Directeurs ne disposent en FRANCE d’aucun bureau et d’aucune capacité d’arbitrage, la salle de marché étant exclusivement localisée à [Localité 12].

Il est précisé que le titre de « Directeur » ne donne aucune fonction de direction mais correspond plutôt à un degré de positionnement dans la hiérarchie du personnel.

Enfin, s’agissant de Mme [A] [R], assistante de direction, sa domiciliation en Haute-Savoie n’est que le reflet de sa condition de travailleur frontalier.

Les salariés de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est fait valoir que tous les salariés ' M. [J], Mme [X], M. [L] et M. [C] ' sont soumis au droit suisse et disposent d’un permis de travail de type G permettant ainsi, depuis le 1er juillet 2007, une mobilité géographique et professionnelle totale, que la présence de ces gestionnaires salariés dans le département des Alpes maritimes est commercialement justifiée dès lors que la société MAG ASSET MANAGEMENT gère de très nombreux clients dont les actifs sont déposés au sein de diverses banques de la principauté de Monaco et qu’en tout état de cause, ils ne pourraient pas résider à Monaco tout en étant salariés d’une société suisse.

Ainsi, la domiciliation en FRANCE d’une partie des gestionnaires de la société MAG ASSET MANAGEMENT ne suffit pas, à elle seule, à caractériser l’exercice d’une activité financière sur le territoire français.

L’activité financière étrangère de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Le cadre réglementaire de l’activité financière de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est argué que la société réalise, pour le compte de ses clients, tous les actes de gestion et d’allocation d’actifs et complète son offre en proposant des conseils en optimisation fiscale, patrimoniale ou successorale. A ce titre, elle dispose d’un agrément délivré par le régulateur suisse.

L’activité financière française de la société MAG ASSET MANAGEMENT est résiduelle

Il est soutenu qu’en sa qualité de gestionnaire de fortunes, la société MAG ASSET MANAGEMENT gère des clients sous mandat. Dans le cadre de ces mandats, elle est amenée à souscrire des fonds de la société TAILOR CAPITAL, qui rétrocède donc une partie des commissions qu’elle encaisse.

Il est argué que ce flux financier (rétrocessions de commissions) a une base juridique et contractuelle car il est basé sur un contrat de rétrocession de commissions et correspond à un taux de rétrocession que la société TAILOR CAPITAL applique à tous ses partenaires. Il est d’autant moins suspicieux qu’il est réalisé sous le contrôle et l’aval de l’AMF, la société TAILOR CAPITAL ayant fait l’objet d’un contrôle AMF au cours des années 2016 et 2017.

En tout état de cause, l’activité auprès de clients français est résiduelle, ces derniers représentant seulement les 16,5% de ses clients et ayant tous déposé leurs capitaux auprès de banques étrangères soumises aux règles de l’échange automatique d’informations.

Concernant le chiffre d’affaires de la société TAILOR CAPITAL, s’il est exclusivement réalisé en FRANCE c’est uniquement en raison du fait que les fonds gérés sont soumis au droit français et que, par conséquent, ces revenus sont générés par des commissions de gestion prélevées sur lesdits fonds.

Enfin, les trois comptes-titres ouverts auprès d’un établissement bancaire français sont uniquement des comptes ouverts par des brokers (et non par la société MAG ASSET MANAGEMENT) avec qui la société passait des ordres sur le marché des actions européennes pour le compte de ses clients. En tout état de cause, ils ont été purgés des bases de la banque concernée (filiale de la Société Générale).

' Les liens capitalistiques entre la société TAILOR CAPITAL et la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est argué que dans chacune des sociétés concernées ' MAG ASSET MANAGEMENT, NECKER GESTION PRIVEE et TAILOR CAPITAL ' l’actionnariat est nominatif et les différents régulateurs (FINMA pour la SUISSE, la FSCP pour l’Île Maurice et l’AMF pour la FRANCE) en sont parfaitement informés et savent que la holding mauricienne est contrôlée à 100% par M. [OE] [G].

C’est donc en toute transparence que la société TAILOR CAPITAL a porté à la connaissance de son régulateur la modification de son capital social et les motifs de cette opération (une réorganisation du patrimoine personnel de M. [G] avant de s’installer à l’Île Maurice courant 2016).

L’interdiction réglementaire suisse pour les sociétés de gestion de fortune d’exercer directement une activité sur le territoire français (les règles CROSS BORDER)

Il est indiqué que l’agrément de la société MAG ASSET MANAGEMENT auprès de FINMA est conditionné au respect par cette dernière du cadre réglementaire et juridique et notamment des règles CROSS BORDER (règles transfrontalières).

En effet, à partir du moment où l’activité de la société MAG ASSET MANAGEMENT dépasse les seules frontières helvétiques, cette dernière doit strictement se conformer à ce corpus de règles lui interdisant, en substance, de démarcher activement et de réaliser des opérations auprès de clients français sur le territoire français.

Or, au cours de son audit de mars 2019, l’organe réviseur suisse a considéré que les gestionnaires de la société MAG ASSET MANAGEMENT présents à l’étranger étaient parfaitement formés et respectueux de ces règles CROSS BORDER, la société leur mettant à disposition des manuels de rappel sur ce qui est autorisé ou non sur le territoire français en vertu de ces règles.

2 ' La situation personnelle de M. [G] est totalement déconnectée de la FRANCE

Il est soutenu que M. [OE] [G], qui n’est pas Directeur général de la société MAG ASSET MANAGEMENT, n’a absolument pas le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux en FRANCE.

En effet, avant de déménager à l’Île Maurice en juillet 2015, ce dernier a vécu de nombreuses années en SUISSE (il est argué que s’il a communiqué l’adresse du siège social de la société MAG ASSET MANAGEMENT à certains établissements bancaires, c’est uniquement pour des raisons administratives) et il s’est séparé de son épouse [FU] [IF], laquelle a décidé de quitter la SUISSE avec ses enfants pour s’installer dans la résidence secondaire du couple à [Localité 11], ce qui explique les consommations électriques et téléphoniques. S’agissant de la fille de M. [G], [K], elle vit aujourd’hui en NOUVELLE CALEDONIE.

Concernant les comptes bancaires ouverts en FRANCE, il s’agit des comptes ouverts lors de l’acquisition de la résidence secondaire à [Localité 11] et de comptes courants utilisés par M. [OE] [G] pour ses dépenses courantes lors de ces déplacement en FRANCE.

Par ailleurs, M. [G] est aujourd’hui domicilié au [Adresse 7] à l’Île Maurice, où il est propriétaire d’une maison de 800 m² sur un terrain de 3200 m². Il déclare ses revenus salariés et règle ses impôts à l’Île Maurice, où il dispose d’ailleurs d’une attestation de résidence fiscale.

Il est précisé que le fait que l’épouse de M. [G], dont il est séparé, vive sur le territoire national à ce jour ne contraint pas M. [G] à souscrire une déclaration de revenus en FRANCE puisque les époux mariés sous le régime de la séparation des biens et qui ne vivent pas sous le même toit font l’objet d’impositions distinctes.

En outre, la convention fiscale conclue entre la FRANCE et l’Île Maurice prévoit des critères alternatifs afin de déterminer la résidence fiscale d’une personne physique. Son article 4 dispose ainsi que la personne est considérée comme un résidant de l’État avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) lorsque cette personne dispose d’un foyer d 'habitation permanent dans les deux États.

En l’espèce, M. [G] ne possède aucun lien économique avec la FRANCE, étant donné qu’il ne possède aucune source de revenus en FRANCE.

De surcroît, la convention précitée dispose que « si l’État où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé ['] elle est considérée comme un résident de l’État où elle séjourne de façon habituelle ».

Au cas présent, il ne fait aucun doute que [OE] [G] séjourne de façon habituelle à l’Île Maurice depuis juillet 2015 et que, précédemment à ce déménagement, il séjournait en SUISSE où il vivait avec Mme [FU] [IF] et ses enfants.

Par conséquent, M. [G] ne peut pas être considéré résident fiscal français.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la société MAG ASSET MANAGEMENT ne saurait donc être présumée exercer en FRANCE une activité de gestion de fortune sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes.

B ' L’absence de présomption même simple de fraude à l’égard de la société NECKER GESTION PRIVEE

1 ' L’activité réglementaire de gestion de fortune de la société NECKER GESTION PRIVEE à l’Île Maurice

Il est indiqué que la société NECKER GESTION PRIVEE est une société mauricienne exerçant une activité de gestion de fortune et disposant à cet égard d’un agrément délivré par le régulateur mauricien, le FSC.

Il est argué que sa forme sociale ' le type GBL1 ' n’est pas opaque puisque tous les actionnaires sont parfaitement connus et identifiés par le régulateur, les autorités locales et l’administration fiscale mauricienne.

Il est souligné qu’elle est soumise pour l’essentiel au taux d’imposition de 15%.

Enfin, bien que la société JURISTAX ' qui est une « management company » – ait assisté la société NECKER GESTION PRIVEE dans son implantation administrative et financière sur l’Île Maurice, cette dernière dispose d’une réelle activité sur place avec ses propres locaux situés à [Localité 13] et à [Localité 10], ses propres salariés, dont trois expatriés, et sa propre clientèle, qui est essentiellement africaine. C’est d’ailleurs pour cette raison que M. [G] avait fait le choix d’étendre ses activités à l’Île Maurice, plus proche du continent africain.

2 ' La perception de commissions versées par la société TAILOR CAPITAL

Il est renvoyé aux arguments développés supra et il est précisé, en tout état de cause, que cette rémunération n’apporte aucun élément de preuve quant à la nationalité des clients finaux ou de l’activité de la société NECKER en FRANCE puisqu’on peut sélectionner un fonds français depuis n’importe quel pays (hormis les ETATS UNIS).

3 ' La société NECKER GESTION PRIVEE dispose de sa propre équipe salariale

La société NECKER GESTION PRIVEE verse aux débats l’intégralité des contrats de travail de ses salariés.

C ' La violation des principes de loyauté et du contradictoire par l’administration fiscale

1 ' Le rappel des principes juridiques applicables

Selon la jurisprudence, pour apprécier le bien-fondé des mesures autorisées, le juge d’appel doit se placer à la date à laquelle l’autorisation a été donnée et ne doit pas tenir compte de faits ou circonstances postérieures à l’ordonnance contestée telle que les résultats de la visite.

2 ' L’appréciation des pièces déposées par l’administration fiscale à l’appui de sa requête

Il est soutenu que les éléments présentés par l’administration à l’appui de sa requête ne permettent en aucun cas de prouver de manière irréfutable qu’il y aurait un établissement stable en FRANCE ou que [OE] [G] serait résident fiscal français.

En outre, l’administration ne produit aucun élément à décharge qu’elle aurait pourtant pu aisément obtenir grâce à l’échange des renseignements prévu par les conventions fiscales bilatérales conclues avec la SUISSE et l’Île Maurice, tel que les avis d’imposition des revenus de M. [OE] [G] à l’Île Maurice.

Il est rappelé que selon une jurisprudence constante, l’administration doit produire l’ensemble des informations qu’elle peut détenir, et notamment celles susceptibles de contredire la thèse qu’elle soutient.

3 ' Le raisonnement de l’administration fiscale est erroné

Il est argué qu’en l’état des documents produits, il est impossible d’établir ne serait-ce qu’un commencement de preuve de fraude fiscale.

Au cas présent, les pièces présentées par l’administration ne permettent pas de démontrer l’existence d’un établissement stable en FRANCE des sociétés MAG ASSET MANAGEMENT et NECKER GESTION PRIVEE, ni que la résidence fiscale de M. [G] s’établit sur le territoire national.

En conclusion, il est demandé de :

Sur la régularité de la procédure

— considérer que la requête du 29 mai 2019 signée par M. [D] [XO] sans habilitation spéciale valide du Directeur général des finances publiques alors en fonction n’a pas valablement saisi le JLD ;

— annuler l’ordonnance du JLD de PARIS en date du 11 juin 2019 et l’ensemble de la procédure subséquente ;

S’agissant du bien-fondé de la demande de l’administration fiscale

— dire et juger qu’au jour où le JLD de PARIS a rendu son ordonnance, ce dernier ne disposait d’aucune pièce suffisante pour caractériser une quelconque présomption de fraude à l’égard des sociétés MAG ASSET MANAGEMENT et NECKER GESTION PRIVEE ;

— dire et juger que l’administration fiscale a délibérément manqué à son obligation de loyauté en ne présentant au JLD de PARIS qu’une version orientée et à charge du dossier ;

— dire et juger que les sociétés MAG ASSET MANAGEMENT et NECKER GESTION PRIVEE établissent, au contraire, la démonstration de ce qu’elles ne peuvent être présumées exercer une activité de gestion de fortune en FRANCE auprès de clients français ;

En conséquence,

— débouter la DGFP de l’intégralité de ses demandes ;

— reformer en tous points l’ordonnance rendue le 11 juin 2019 par le JLD de PARIS, dont les motifs sont tirés des éléments incomplets ou inexacts qui lui ont été soumis par l’administration fiscale qui a manqué à son obligation de loyauté et ne peuvent donc être approuvés ;

En conséquence et en tout état de cause,

— ordonner la restitution par l’administration fiscale de l’intégralité des pièces et documents saisis ;

— interdire à l’administration fiscale d’utiliser les pièces saisies au cours des opérations de visite domiciliaire pour établir une quelconque imposition ;

— condamner l’administration fiscale à verser la somme de 10 000 € à chacune des deux sociétés concluantes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 16 janvier 2020, l’administration fait valoir :

A ' Sur la régularité de la saisine du JLD

Il est indiqué que lors d’une demande d’autorisation, les agents déposent les pièces constituant les éléments soumis à l’appréciation du JLD et présentent les habilitations des personnes appelées à intervenir.

L’ordonnance du JLD mentionne, en son dispositif, que les copies des habilitations nominatives, de l’agent qui a présenté la requête et de ceux désignés pour l’exécution des opérations « tous spécialement habilités par le Directeur général des Impôts ou le Directeur général des Finances Publiques en application des dispositions de l’article L. 16 B du LPF » ont été présentées au juge et, en page 1, que la copie de l’habilitation nominative de l’agent qui a présenté la requête, à savoir M. [D] [XO] « spécialement habilité par le Directeur général des Finances Publiques en application des articles L. 16 B et R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales » a été présentée au juge.

Selon la jurisprudence, en énonçant dans le dispositif de l’ordonnance que les copies des habilitations nominatives des agents autorisés lui ont été présentées, le juge satisfait aux exigences légales.

En tout état de cause, l’administration communique les habilitations avec ses conclusions.

B ' Sur la nullité de l’ordonnance du JLD

Il est fait valoir que d’après la jurisprudence, l’absence de signature d’un greffier n’entache pas la décision d’irrégularité.

C ' Sur l’exigence d’impartialité du JLD

Les appelantes soutiennent que l’ordonnance devrait être annulée au motif qu’elle méconnaîtrait les garanties énoncées aux articles 6-1 et 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Il est soutenu que la conformité de l’article L. 16 B du LPF dans sa rédaction actuelle à la CESDH a été jugée à plusieurs reprises tant par la CEDH que par les juridictions nationales.

D ' Sur le contrôle effectif de la licéité des pièces produites par l’administration

En premier lieu, il est argué que même à supposer que la consultation des sites d’accès public de la base de données Dun & Bradstreet et www.easymonitoring.ch soit illicite au motif que ces sites ne respecteraient pas le RGPD, ce seul élément n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation de l’ordonnance.

En effet, dans le cadre dévolutif de l’appel, le Premier président constatera que la requête contenait d’autres éléments laissant présumer des agissements frauduleux.

En second lieu, il est souligné que la Cour de cassation a validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics.

Enfin, l’administration relève que les appelantes procèdent par affirmations.

Ainsi, c’est en vain qu’il est cité la décision de la CNIL n° 2019-114 du 12 septembre 2019 dès lors qu’en l’espèce, l’administration n’a procédé à aucune collecte d’informations au moyen de traitement informatisé mais s’est bornée à consulter manuellement, dans le cadre d’une démarche individualisée et ciblée, les sites d’accès public.

Par ailleurs, les appelantes ne produisent aucun élément justifiant du caractère illicite des consultations des deux sites visés, dès lors qu’elles ne concernent aucunement le traitement des données personnelles mais uniquement des informations publiées relatives aux sociétés visées par les présomptions de fraude.

E ' Sur la régularité des opérations de visite

Il est fait valoir que le Premier président ne peut être saisi de la contestation des conditions dans lesquelles les opérations ont été effectuées que dans le cadre du recours spécifiquement prévu par la loi.

Or, il apparaît de la déclaration reçue par le greffe de la Cour d’appel de PARIS le 26 juin 2019 que les appelantes ont entendu interjeter appel de l’ordonnance du JLD rendue le 11 juin 2019 mais n’ont pas formé de recours.

Dès lors, elles ne sont pas recevables à critiquer le déroulement des opérations de visite et saisie.

Subsidiairement, l’administration constate que les appelantes ne donnent aucun fondement à l’obligation qu’aurait l’administration de déclarer à la CNIL son logiciel de saisie, faisant une application erronée de la réglementation RGPD.

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l’administration n’a aucune obligation d’indiquer un protocole d’intervention et il n’existe d’ailleurs aucune méthode légale imposée en matière d’informatique.

Au contraire, la Cour de cassation a rappelé « qu’il ne résulte ni des dispositions de l’article L. 16 B du LPF, ni d’aucun autre texte, que les enquêteurs aient l’obligation de révéler les modalités techniques, les mots de passe et les moteurs de recherche utilisés lors des opérations ».

En outre, il est inexact d’affirmer que les appelantes ne peuvent pas contrôler que les fichiers saisis correspondent à ceux inventoriés.

En effet, les fichiers informatiques sont saisis en copie et font l’objet d’un inventaire et sont restitués dans un délai de 6 mois permettant le contrôle des documents.

S’agissant de la critique d’une saisie massive de documents soit personnels soit couverts par le secret professionnel, selon une jurisprudence constante, les pièces contestées doivent être versées aux débats.

F ' Sur les présomptions concernant la société MAG ASSET MANAGEMENT

Sur l’existence de bureaux en SUISSE

Cet élément n’a jamais été contesté par l’administration qui a indiqué au JLD que la société avait son siège social à une adresse où sont également répertoriées 9 autres sociétés.

Sur la gouvernance de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Les appelantes confirment les informations communiquées par l’administration, cependant le JLD relevait également que M. [Z] exerçait la profession d’avocat au sein du cabinet DGE Avocats à [Localité 12] en SUISSE, dirigeant le département « legal affairs management » et il en déduisait que, du fait de son activité professionnelle, M. [Z] ne gérait pas de façon habituelle la société et que sa présence en tant que membre au sein du conseil d’administration se limitait à des fins juridiques et non opérationnelles.

Sur l’équipe dirigeante de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est argué que le fait, non contesté, que Mme [P], M. [V], M. [W] et Mme [R] perçoivent des salaires suisses ne contrevient en rien aux présomptions retenues par le JLD.

Sur les salariés de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est fait observer que les appelantes ne remettent pas en cause les éléments retenus par le JLD, à savoir que des salariés de la société MAG ASSET MANAGEMENT, gestionnaires de fortune, d’actifs ou de patrimoine sont domiciliés en FRANCE.

D’ailleurs, selon la pièce n° 9 communiquée par les appelantes, les gestionnaires de fortune sont en grande majorité résidents à l’étranger, dont 13 en FRANCE.

Sur l’activité financière française de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il est indiqué que le chiffre d’affaires déclaré de la société française TAILOR CAPITAL ressort à 5 646 969 € en 2016, 8 499 480 € en 2017 et 7 380 123 € en 2018.

Les rétrocessions de commissions à la société MAG ASSET MANAGEMENT par la société française TAILOR CAPITAL représentent donc une part significative du chiffre d’affaires de cette dernière, soit 36% en 2016 et 26,31% en 2017.

Dès lors, il pouvait être légitimement présumé qu’une partie des commissions rétrocédées pouvait correspondre à des opérations réalisées avec des clients français, étant précisé qu’une partie des clients de la TAILOR CAPITAL sont français.

Par ailleurs, il était également constaté que la société MAG ASSET MANAGEMENT percevait, pour des montants sensiblement inférieurs, des commissions d’autres sociétés françaises, à savoir ROUVIER ASSOCIES, SKYLAR FINANCE et DNCA FINANCE.

Il est argué que ces éléments étaient de nature à conforter l’existence de clients français.

Sur les liens capitalistiques entre la société TAILOR CAPITAL et la société MAG ASSET MANAGEMENT

Contrairement aux allégations des appelantes, l’administration a normalement informé le juge de la composition du capital de la société TAILOR CAPITAL et des liens capitalistiques unissant cette dernière avec la société MAG ASSET MANAGEMENT, la société de droit mauricien FINANCIERE AVA et M. [OE] [G].

Sur l’interdiction réglementaire suisse pour les sociétés de gestion de fortune d’exercer directement une activité sur le territoire français (règles du CROSS BORDER)

Il est fait observer que la pièce n° 21 présentée par les appelantes prend la forme d’un mémo indiquant en fonction du lieu où elles sont effectuées, à [Localité 12] ou en FRANCE, les démarches et autres opérations pouvant être autorisées ou non.

Il est soutenu que l’action de l’administration fiscale, dans ses prérogatives de contrôle de l’impôt, ne saurait être réduite ou contrainte en fonction de tels éléments.

Sur la situation personnelle de M. [G]

Il est rappelé les éléments concernant la situation personnelle de M. [G] retenus par le JLD dans son ordonnance et il est argué que contrairement aux argumentations des appelantes, la requête déposée par l’administration n’a aucunement pour objet de déterminer le lieu de résidence fiscale de M. [OE] [G] mais de solliciter l’autorisation du juge pour mettre en 'uvre la procédure de visite et de saisie à l’encontre d’une société de droit suisse, la société MAG ASSET MANAGEMENT et d’une société de droit mauricien, la société NECKER GESTION PRIVEE, demande d’autorisation fondée sur une présomption d’exercice d’activité de gestion de fortune sur le territoire national sans y souscrire les déclarations fiscales correspondantes.

Parmi les éléments constitutifs de cette présomption, figure notamment l’existence d’un centre décisionnel en FRANCE.

Concernant la société MAG ASSET MANAGEMENT, il est soutenu que M. [G] est le président du conseil d’administration depuis le 4/09/2015 et il a également exercé cette fonction du 18/02/2009 au 23/05/2012. Depuis la création de la société, il en est l’administrateur et dispose de la signature individuelle.

Par ailleurs, plusieurs salariés de la société MAG ASSET MANAGEMENT (Mme [P], M. [V], M. [W] et Mme [R]) disposent de la signature individuelle ou collective, exercent des postes à responsabilité au sein de la société et sont tous domiciliés sur le territoire national.

Il est argué que ces éléments ont pu légitimement être retenus par le JLD pour présumer l’existence d’un centre décisionnel en FRANCE de la société MAG ASSET MANAGEMENT.

Sur la société NECKER GESTION PRIVEE

Il est rappelé que l’administration a constaté que la société NECKER GESTION PRIVEE, dirigée par M. [OE] [G], avait perçu des commissions conséquentes de la part de la société française TAILOR CAPITAL, à savoir 263 761 € en 2016 et 895 546 € en 2017 ; qu’elle exerçait une activité de gestion de fortune et de conseil en investissement selon des modalités similaires à celles présentées par la société MAG ASSET MANAGEMENT sur son site internet ; qu’elle envoyait régulièrement des documents ou des colis vers la FRANCE ou vers MONACO soit vers des entreprises privées (banques et avocat) soit vers des particuliers.

Dès lors, il pouvait être légitimement présumé qu’une partie des commissions rétrocédées pouvait correspondre à des opérations réalisées avec des clients français, étant précisé qu’une partie des clients de la société TAILOR CAPITAL sont français.

G ' Sur le principe de loyauté

Il est fait valoir que la Cour de cassation a rappelé à de multiples reprises que l’article L. 16 B du LPF n’exigeait que de simples présomptions.

S’agissant du recours à l’échange de renseignements prévu par les conventions bilatérales, outre le fait que les conventions ne comprennent aucune disposition énonçant une telle obligation pour l’administration, il est rappelé que la discussion de l’application d’une convention fiscale relève de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le magistrat saisi d’une demande d’autorisation de visite domiciliaire.

Par ailleurs, aucun texte ne subordonne la saisine de l’autorité judiciaire, pour l’application des dispositions de l’article L. 16 B du LPF, au recours préalable à d’autres procédures.

En conclusion, il est demandé de :

— confirmer ne toutes ses dispositions l’ordonnance du JLD du TGI de PARIS du 11 juin 2019 ;

— rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ;

— condamner les appelantes au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

I ' Sur la régularité de la procédure

A ' sur la régularité de la saisine du JLD

L’administration fiscale précise que lors d’une demande d’autorisation, les agents déposent les pièces constituant les éléments soumis à l’appréciation du JLD et présentent au juge les habilitations des personnes appelées à intervenir.

En l’espèce, l’ordonnance rendue par le JLD du TGI de Paris vise la requête de l’administration fiscale qui a été présentée le 4 juin 2019 par [D] [XO]. Le JLD précise dans sa décision que les copies des habilitations nominatives de l’agent qui a présenté la requête et de ceux désignés pour l’exécution des opérations « tous spécialement habilités par le Directeur général des Impôts ou le Directeur général des Finances Publiques en application des dispositions de l’article L. 16 B du LPF » lui ont été présentées et il précise en page 1, que la copie de l’habilitation nominative de l’agent qui a présenté la requête, à savoir M. [D] [XO] « spécialement habilité par le Directeur général des Finances Publiques en application des articles L. 16 B et R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales » lui a été présentée.

Ainsi, en énonçant dans le dispositif de l’ordonnance que les copies des habilitations nominatives des agents autorisés lui ont été présentées, le juge satisfait aux exigences légales.

Ce moyen sera rejeté et la saisine du JLD sera donc déclarée régulière.

B ' Sur l’argument selon lequel l’ordonnance du 11 juin 2019 est nulle et de nul effet et cette nullité emporte la nullité de tous les actes subséquents exécutés en vertu de cette ordonnance nulle

l’appelante soulève la nullité de l’ordonnance du 11 juin 2019 rendue par le JLD du TGI de PARIS du fait de l’absence du nom et de la signature du greffier en violation des dispositions des articles 454, 456 et 458 du code de procédure civile et R. 7-11-1-1 du code de l’Organisation judiciaire.

Or il convient de rappeler que l’article 454 du CPC concerne la signature du jugement, que s’agissant d’une ordonnance rendue sur requête elle obéit à un régime propre, qu’en l’espèce l’ordonnance a été rendue sur le fondement de l’article L16 B du LPF, que cet article n’impose pas la signature du greffier.

Ce moyen sera rejeté.

C 'Sur l’argument selon lequel l’ordonnance du 11 juin 2019 est nulle et de nul effet dès lors que le JLD n’a pas accompli les diligences lui incombant en application des dispositions de l’article L. 16 B du LPF et méconnu les exigences de l’article 6 § 1 de la CESDH, en statuant uniquement à charge en tenant pour acquises la licéité des pièces communiquées par l’administration et avérées les présomptions de fraude fiscale alléguées par l’administration.

1 ' S’agissant de l’exigence d’impartialité à laquelle le JLD était tenu.

Les sociétés appelantes reprochent au JLD d’avoir méconnu les garanties énoncées aux articles 6-1 et 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et de ne pas avoir fait peuve d’impartialité. Or il convient de rappeler que le JLD a rendu sa décision dans le cadre de l’article L 16 B du LPF, que cet article dans sa rédaction actuelle, a été déclaré conforme à la CESDH a plusieurs reprises tant par la CEDH que par les juridictions nationales.

En l’espèce le JLD a rendu sa décision après un examen concret et précis des pièces soumises par l’administration, à son appréciation, aucun élément ne permet de mettre en doute son impartialité, le JLD ayant toujours la possibilité de refuser de rendre une ordonnance s’il estime que la requête est insuffisamment motivée.

Ce moyen sera rejeté.

2 ' S’agissant de l’obligation de procéder à un contrôle effectif de la licéité des pièces produites par l’administration.

Les sociétés appelantes contestent la licéité des pièces produites à l’appui de la requête du fait qu’un grand nombre d’informations et de pièces produites par l’administration proviennent de la consultation d’informations nominatives personnelles, que selon elles leur recueil n 'est pas conforme aux règles dans le cadre du RGPD. Or il convient de rappeler que la Cour de cassation ( Cour de cassation 30/03/2016 N° 14-25483) a validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics. Les sociétés appelantes citent la décision de la CNIL n° 2019-114 du 12 septembre 2019 ( problématique de mise en oeuvre de collecte d’informations au moyen d’un traitement informatisé) alors qu’en l’espèce, l’administration n’a procédé à aucune collecte d’informations au moyen d’un traitement informatisé mais les agents se sont contentés de consulter de façon manuelle les sites d’accès public dans le cadre d’une recherche individualisée et circonscrite.

Le règlement UE N° 2016/679 du 27 avril 2016 concernant le traitement des données à caractère personnel et la libre circulation de ces données, dans son article 14, dispose que la protection conférée par ce règlement devrait s’appliquer aux personnes physiques et ne couvre pas le traitement des données à caractère personnel qui concernent les personnes morales, y compris les entreprises.

Ainsi les appelantes ne produisent aucun élément justifiant du caractère illicite des consultations des deux sites visés, dès lors qu’elles ne concernent aucunement le traitement des données personnelles mais uniquement des informations publiées relatives aux sociétés visées par l’ordonnance et qui sont accessibles au public.

Ce moyen sera rejeté.

3 ' S’agissant de la régularité des opérations de saisie telles qu’elles sont relatées dans le procès-verbal du 13 juin 2019.

Les sociétés NECKER GESTION PRIVEE et MAG ASSET MANAGEMENT ont interjeté appel de l’ordonnance du JLD du 11 juin 2019, elles n’ont exercé aucun recours contre le procès-verbal de visite et saisie du 13 juin 2019, elles ne peuvent donc soulever dans le cadre de l’appel une quelconque irrégularité concernant le procès-verbal des opérations de visite du 13 juin 2019.

Ce moyen sera déclaré irrecevable.

II ' Sur le bien fondé de la demande de l’administration fiscale.

A ' Sur l’absence de présomption même simple de fraude fiscale à l’égard de la société MAG ASSET MANAGEMENT

Il convient de rappeler que le JLD dans son ordonnance a relevé après un examen in concreto des pièces qui lui étaient soumises selon la méthode dit 'du faisceau d’indices’ qu’il existait des indices laissant apparaître des présomptions simples de manquements à certaines obligations fiscales justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite domiciliaire.

Ainsi, le premier juge a examiné l’ensemble des annexes jointes à la requête en confrontant certaines pièces qui par leur comparaison et rattachement peuvent établir des présomptions d’agissements frauduleux , dès lors si des indices ont été relevés sur des sites internet ou sur un réseau social, ces éléments mis en perspective avec d’autres informations permettent de relever des présomptions d’agissements frauduleux.

En l’espèce le JLD a relevé que la gouvernance de la société MAG ASSET MANAGEMENT

n’était pas assurée de façon habituelle par monsieur [Z],( avocat au sein du cabinet DGE Avocats à [Localité 12] en SUISSE, dirigeant le département « legal affairs management ») qui du fait de son activité professionnelle ne gérait pas de façon habituelle la société et que sa présence en tant que membre au sein du conseil d’administration se limitait à des fins juridiques et non opérationnelles. Le JLD a retenu comme éléments que des salariés de la société MAG ASSET MANAGEMENT, gestionnaires de fortune, d’actifs ou de patrimoine sont domiciliés en FRANCE, que d’ailleurs selon la pièce n° 9 communiquée par les appelantes, les gestionnaires de fortune sont en grande majorité résidents à l’étranger, dont 13 en FRANCE. En ce qui concerne l’activité financière française de la société MAG ASSET MANAGEMENT, il est indiqué que le chiffre d’affaires déclaré de la société française TAILOR CAPITAL ressort à 5 646 969 € en 2016, 8 499 480 € en 2017 et 7 380 123 € en 2018. Les rétrocessions de commissions à la société MAG ASSET MANAGEMENT par la société française TAILOR CAPITAL représentent donc une part significative du chiffre d’affaires de cette dernière, soit 36% en 2016 et 26,31% en 2017, ainsi il pouvait être présumé qu’une partie des commissions rétrocédées pouvait correspondre à des opérations réalisées avec des clients français, étant précisé qu’une partie des clients de la TAILOR CAPITAL sont français. Le JLD a de plus constaté dans sa décision que la société MAG ASSET MANAGEMENT percevait, pour des montants sensiblement inférieurs, des commissions d’autres sociétés françaises, à savoir ROUVIER ASSOCIES, SKYLAR FINANCE et DNCA FINANCE et que ces éléments étaient de nature à conforter l’existence de clients français.

Il ressort de l’analyse des pièces de l’administration que des liens capitalistiques forts unissaient la société TAILOR CAPITAL avec la société MAG ASSET MANAGEMENT la société de droit mauricien FINANCIERE AVA et M. [OE] [G].

En ce qui concerne la situation personnelle de monsieur [G], le JLD a retenu à juste titre dans son ordonnance que celui-ci est propriétaire et occupe deux maisons avec son épouse à Chens Sur Leman, qu’il est titulaire de plusieurs comptes bancaires en France, qu’il dirige la société NECKER GESTION PRIVEE et la société SA MAG ASSET MANAGEMENT, qu’il est présumé avoir le centre de ses intérêts familiaux et patrimoniaux en France.

Il convient de rappeler que la requête déposée par l’administration n’a pas pour objet de déterminer le lieu de résidence fiscale de monsieur [OE] [G] mais de solliciter l’autorisation du juge pour mettre en 'uvre la procédure de visite et de saisie à l’encontre d’une société de droit suisse, la société MAG ASSET MANAGEMENT et d’une société de droit mauricien, sur le fondement de l’article L16B du LPF.

Dans sa décision le JLD rappelle concernant la société MAG ASSET MANAGEMENT que Monsieur [G] est le président du conseil d’administration depuis le 4/09/2015 et il a également exercé cette fonction du 18/02/2009 au 23/05/2012. Depuis la création de la société, il en est l’administrateur et dispose de la signature individuelle. Par ailleurs, plusieurs salariés de la société MAG ASSET MANAGEMENT (Mme [P], M. [V], M. [W] et Mme [R]) disposent de la signature individuelle ou collective, exercent des postes à responsabilité au sein de la société et sont tous domiciliés sur le territoire national. Il apparaît ainsi que ces éléments ont été retenus à juste titre par le JLD pour présumer l’existence d’un centre décisionnel en FRANCE de la société MAG ASSET MANAGEMENT.

L’ensemble de ces éléments justifie que soit accordée l’autorisation de visite domiciliaire fondée sur une présomption d’exercice d’activité de gestion de fortune sur le territoire national sans y souscrire les déclarations fiscales correspondantes.

Ce moyen sera rejeté.

B ' Sur l 'absence de présomption même simple de fraude à l’égard de la société NECKER GESTION PRIVEE.

Il convient de rappeler que le JLD dans son ordonnance a relevé après un examen in concreto des pièces qui lui étaient soumises selon la méthode dite 'du faisceau d’indices’ qu’il existait des indices laissant apparaître des présomptions simples de manquements à certaines obligations fiscales justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite domiciliaire.

Ainsi, le premier juge a examiné l’ensemble des annexes jointes à la requête en confrontant certaines pièces qui par leur comparaison et rattachement peuvent établir des présomptions d’agissements frauduleux, dès lors si des indices ont été relevés sur des sites internet ou sur un réseau social, ces éléments mis en perspective avec d’autres informations permettent de relever des présomptions d’agissements frauduleux.

En l’espèce le JLD a relevé que concernant la société NECKER GESTION PRIVEE, celle -ci était dirigée par Monsieur [OE] [G], que ce dernier avait perçu des commissions conséquentes de la part de la société française TAILOR CAPITAL, à savoir 263 761 € en 2016 et 895 546 € en 2017, que selon les pièces produites par l’administration fiscale cette société exerçait une activité de gestion de fortune et de conseil en investissement selon des modalités similaires à celles présentées par la société MAG ASSET MANAGEMENT sur son site internet, que de plus elle envoyait régulièrement des documents ou des colis vers la FRANCE ou vers MONACO soit vers des entreprises privées (banques et avocat) soit vers des particuliers, qu’il pouvait être présumé qu’une partie des commissions rétrocédées pouvait correspondre à des opérations réalisées avec des clients français, étant précisé qu’une partie des clients de la société TAILOR CAPITAL sont français, que c’est à bon droit que le JLD a estimé que l’ensemble de ces éléments suffisaient à établir de simples présomptions de fraude, conformément à l’article L16B du LPF .

L’ensemble de ces éléments justifie que soit accordée l’autorisation de visite domiciliaire fondée sur une présomption d’exercice d’activité de gestion de fortune sur le territoire national sans y souscrire les déclarations fiscales correspondantes.

Ce moyen sera rejeté.

C 'Sur la violation des principes de loyauté et du contradictoire par l’administration fiscale.

Les sociétés appelantes arguent que selon la jurisprudence, pour apprécier le bien-fondé des mesures autorisées, le juge d’appel doit se placer à la date à laquelle l’autorisation a été donnée et ne doit pas tenir compte de faits ou circonstances postérieures à l’ordonnance contestée tels que les résultats de la visite, que le premier président de la Cour d’appel doit apprécier avec soin la manière dont l’administration fiscale a sciemment délivré une version orientée, tronquée et partielle du dossier.

Il est argué que les éléments de l’administration ne permettent pas de prouver de manière irréfutable qu’il y aurait un établissement stable en France ou que [OE] [G] serait résident fiscal français, et que l’administration fiscale ne produit aucun élément à décharge.

Il convient de rappeler que lors de la présentation de la requête par l’administration fiscale, il est demandé au juge des libertés et de la détention de vérifier si la requête et les annexes jointes font apparaître des présomptions simples d’agissements frauduleux et non pas de vérifier l’existence effective d’une fraude fiscale, ou bien de démontrer l’établissement stable en France des sociétés visées. D’ailleurs la Cour de cassation a rappelé à de multiples reprises que l’article L. 16 B du LPF n’exigeait que de simples présomptions.

Ainsi au stade de l’enquête aucun délit de fraude fiscale n 'est imputé aux sociétés visées dans la requête, la notion d’élément 'à charge’ ou ' à décharge’ ne prend pas sens, s’agissant de simples présomptions qui sont évoquées au stade de l’enquête.

En l’espèce, aucun élément ne peut laisser supposer que l’administration fiscale n’a pas respecté le principe de loyauté en présentant sa requête et les pièces jointes.

Ce moyen sera rejeté.

En conséquence, la saisine du JLD sera déclarée régulière et l’ordonnance du JLD du Tribunal de grande instance de PARIS rendue le 11 juin 2019 sera confirmée en toutes ses dispositions.

Il convient de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’administration fiscale.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

— Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de PARIS en date du 11 juin 2019 ;

— Déclarons régulières les opérations de visite et saisies subséquentes en date du 13 juin 2019 effectuées dans les locaux et dépendances sis [Adresse 5], susceptibles d’être occupés par la SAS TAILOR CAPITAL ;

— Rejetons toute autre demande ;

— Accordons à l’administration fiscale la somme de 1000 euros (mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Disons que la charge des dépens sera supportée par les sociétés appelantes.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 15, 2 décembre 2020, n° 19/11542