Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 16 décembre 2020, n° 18/05682

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 3, 16 déc. 2020, n° 18/05682
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/05682
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 27 mars 2018, N° 16/01695
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 16 DECEMBRE 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/05682 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5R25

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 16/01695

APPELANT

Monsieur F Y

[…]

[…]

Représenté par Me France BUREAU POUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0777

INTIMEE

SAS COURIR FRANCE Représentée par son Président

[…]

[…]

Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, Président de Chambre

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nasra ZADA

ARRET :

—  CONTRADICTOIRE

— Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Nasra ZADA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur F Y, engagé par la société COURIR FRANCE, à compter du 31 décembre 2004, en qualité de vendeur puis en dernier lieu responsable de magasin, au salaire mensuel brut de 3001 euros, a été licencié par un courrier du 22 avril 2016 pour faute grave.

La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants:

'Nous faisons suite à notre entretien préalable qui s’est déroulé en date du 23 mars 2016, en présence de G H, Responsable Ressources Humaines, et au cours duquel vous étiez assisté de Billy NORELUS, Représentant du Personnel.

Nous vous confirmons par la présente, les faits qui vous sont reprochés et qui vous ont été exposés lors de l’entretien, à savoir :

Vous nous avez informé, courant février 2016, que les relations entre vous et Madame I X étaient tendues. Aussi, nous avons souhaité vous rencontrer le 25 février 2016 afin de comprendre la situation et de trouver des solutions pour pouvoir continuer à collaborer sereinement. Toutefois, lors de cet entretien, alors que Madame X et moi-même tentions de comprendre les raisons de ces tensions et abordaient avec vous le contenu de votre courrier reçu le 12 avril 2016, vous vous êtes permis de me traiter, je vous cite « vieux mafieux hors la loi ''.

Parallèlement, nous avons reçu de la part de vos collaborateurs des courriers nous relatant des dysfonctionnements au sein de votre magasin et nous demandant même de pouvoir changer de magasin par crainte de votre réaction. Par conséquent, nous nous sommes vus contraints de vous placer en dispense d’activité en date du 10 mars 2016 afin de faire la lumière sur cette situation.

Au cours de notre entretien préalable, nous avons abordé les termes que vous avez tenus lors de notre entretien du 25 février dernier, à mon encontre. Contre toute attente, vous avez nié ces faits.

Pourtant, vous avez bien utilisé les propos suivants avant de quitter l’entretien, à savoir: «vieux mafieux hors la Ioi''. Nous ne pouvons tolérer qu’un collaborateur puisse s’adresser ainsi à sa hiérarchie. Votre réaction témoigne d’un manque de respect vis-à-vis de l’encaclrement et nous ne saurions l’admettre.

Nous avons ensuite abordé les problématiques que vos collaborateurs nous ont rapportées, à savoir:

1. Planning équipe et gestion du temps

ll nous a été précisé que la pause de 20 minutes n’était pas donnée aux collaborateurs qui effectuaient par exemple une journée complète.

ll avait été ajouté que pour votre part, vous preniez des pauses plusieurs fois dans la même journée.Il apparait également qu’il vous arrive de modifier le planning de la semaine en cours sans en avertir vos collaborateurs, ce qui a créé des erreurs lors de leur prise de poste.

ll nous a également été indiqué qu’à plusieurs reprises la planification de l’équipe de vente n’avait pas été réalisée de manière optimale. En effet, à titre d’e×emples, il est arrivé que:

- Votre équipe se retrouve composée de nombreux vendeurs mais d’une seule personne pour encaisser les clients;

- Seules deux personnes soient planifiées malgré les missions à réaliser (traitement de la livraison) ;

- Que vous passiez votre temps dans votre bureau sans pour autant prêter main forte à votre équipe lors de périodes de forte activité.

2. Ambiance magasin

Vos collaborateurs nous ont indiqué que vous instauriez un climat malsain au sein de votre équipe créant ainsi deux clans. Il a été précisé que vous montiez l’équipe contre Madame I X, votre Directrice Régionale, afin que celle-ci ne puisse pas dialoguer ou se rapprocher de vos collaborateurs.

3. Animation commerciale, suivi et accompagnement

Il apparait que vous n’avez effectué aucun suivi et n’avez pas pris le temps d’accompagner votre nouvelle animatrice des ventes dans la prise de ses nouvelles fonctions au sein de votre magasin, et qu’il n’y a, de votre part aucune animation commerciale dans la journée.

Lors de notre entretien préalable, vous avez nié l’intégralité des faits.

Par ailleurs, nous souhaitons revenir sur les propos que vous avez tenus à mon encontre lors de cet entretien préalable. En effet, vous m’avez accusé de sentir l’alcool par les termes suivants: « par contre, vous sentez l’alcooI et ça m’incommode ». ll s’agit de propos totalement diffamatoires que nous ne pouvons tolérer. Vous avez prouvé encore une fois votre volonté de ne pas coopérer et votre refus de vouloir trouver une solution permettant à chacun de nous de nous remettre dans un mode de collaboration normale.

Vous vous permettez de tenir des propos irrespectueux. De telles allégations portent atteinte à l’honneur et à l’intégrité morale de la personne.

Vous adoptez systématiquement une attitude désinvolte ce qui rend très difficile voire impossible la relation de travail entre votre hiérarchie et vous-même. Un tel comportement constitue de l’insubordination manifeste.

De même, il nous a été rapporté notamment que vous aviez contacté certains de vos collaborateurs pour tenter de savoir lequel d’entre eux avait « baissé sa culotte devant la DR '' pour reprendre vos termes. Ces agissements ont été considérés comme une intimidation.

Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces faits, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave pour les motifs énoncés dans le présent courrier…'

Monsieur Y a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes.

Par jugement du 28 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Bobigny a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a alloué au salarié les sommes de 9003 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, 7382,66 euros d’indemnité

conventionnelle de licenciement et 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il a rappelé les dispositions relatives aux intérêts a débouté les parties pour le surplus de leurs demandes et a condamné la société aux dépens.

Monsieur Y a relevé appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, MonsieurY demande à la cour de confirmer le jugement qui a écarté la faute grave et a condamné la société et de l’ infirmer pour le surplus. En présence d’une exécution déloyale du contrat de travail et en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement il demande la condamnation de la société au paiement de :

—  42.105 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse ;

—  20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur ;

—  2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par ses dernières conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société COURIR FRANCE sollicite la confirmation du jugement sur l’exécution prétendument déloyale du contrat de travail et sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, l’infirmation pour le surplus, le rejet des demandes de Monsieur Y et sa condamnation à 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la la rupture du contrat de travail

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

Dans le cadre de la lettre de licenciement, l’employeur fait grief à Monsieur Y plusieurs fautes en matière de ressources humaines et notamment le non respect des temps de pause de ses salariés, des défaillances dans les modalités d’élaboration des plannings des vendeurs, un défaut de suivi et d’accompagnement d’une animatrice de ventes nouvellement affectée sur la magasin. Il lui est également reproché d’instaurer un climat malsain au sein de son équipe et un comportement insultant à l’égard de son directeur général.

Il résulte des éléments transmis par l’employeur et notamment des attestations de Monsieur Z, Monsieur A, de la lettre de Monsieur B et du témoignage de Madame J K que les faits relatifs à la gestion inégalitaire entre les personnels et les difficultés et tensions générés auprès des équipes sont clairement exprimés par ces salariés.

Si de son côté, Monsieur Y produit sur ce point des témoignages contraires, ils ne sont pas de nature à réfuter les descriptions claires faites par les autres salariés, d’autant que certain comme

Monsieur C est en conflit direct avec l’employeur et comme Monsieur D est directement mis en cause pour des faits identiques.

Le problème des temps de pause est également avéré par la transmission des plannings par l’employeur dans lesquels des plages horaires sans pause sont relevés pour plusieurs salariés. Le seul fait qu’un enregistrement informatique ne soit pas adapté est inopérant s’agissant de tableaux manuscrits.

Par ailleurs, si, manifestement la gestion de la nouvelle directrice régionale, Madame X, a posé pour plusieurs personnes des difficultés face à son autorité et à certaines de ses décisions, les faits qui sont reprochés à Monsieur Y dans le cadre de son licenciement n’ont aucun impact sur les relations avec cette supérieure. Ni le problème rencontré dans la gestion de la débutante Madame Z, ni le problème des plannings, des pause ou de la gestion du personnel du magasin n’ont à voir avec Madame X.

Les fautes de Monsieur Y sont donc avérées et sont de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Néanmoins ainsi que l’a justement relevé le conseil de prud’hommes elles ne constituent pas des fautes graves. La Cour constate en effet que les comportements de Monsieur Y pouvaient être adaptés à certains salariés et que les entretiens d’évaluation communiqués jusqu’en 2015 sont favorables au salarié en ce qui concerne ses compétences. Il convient en conséquence de confirmer le jugement.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Pour justifier de la déloyauté de l’employeur, Monsieur Y invoque l’attitude de Madame X qui aurait remis en cause l’organisation de son travail.

Même si les pièces versées au débat démontrent qu’un conflit a opposé Monsieur Y et Madame X sur les horaires d’arrivée du salarié, il y a lieu de relever sur ce point que l’existence d’une convention individuelle de forfait n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail. En effet, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de direction, l’employeur peut imposer des contraintes liées à l’horaire collectif de travail. Tel est le cas en l’espèce puisqu’il s’agissait des heures d’ouverture du magasin.

S’agissant ensuite des reproches, des manipulations ou des remise en cause systématiques elles ne sont pas démontrées.

L’existence d’un mail le samedi ne constitue pas la preuve d’une déloyauté.

Le témoignage de Madame E directement en conflit avec cette supérieure ne permet pas d’opérer une comparaison avec la situation du salarié dont l’exécution du contrat de travail n’est pas même évoqué.

S’agissant de l’entretien informel et de la sanction de dispense d’activité, il apparaît au travers des courriers échangés entre les parties que la dispense d’activité ne constitue pas une sanction et ce d’autant que le salarié a continué à être rémunéré. Il résulte du dossier que les circonstances et le climat social décrit par le salarié à sa hiérarchie nécessitait des investigations et que dans ce cadre, la présence du salarié qui se déclarait fragilisé par cette situation, a légitimement paru inopportune à l’employeur.

L’entretien qui s’est tenu entre les protagonistes n’apparaît pas non plus comme ayant un caractère disciplinaire. Aucune sanction n’est prise et l’arbitrage de la hiérarchie apparaît au contraire adapté.

Ainsi, aucun de ces éléments ne permet de faire la preuve d’une déloyauté de l’employeur

Sur les demandes relatives à l’indemnité de licenciement, l’indemnité de préavis et de congés payés y afférents

La Cour constate que ces demandes contestées au fond, ne sont pas contestées dans leur montant. La décision des premiers juges sur ce point sera donc également confirmée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris ;

Y ajoutant ;

VU l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur F Y .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 16 décembre 2020, n° 18/05682