Cour d'appel de Paris, 4 novembre 2020, n° 18/03729

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4 nov. 2020, n° 18/03729
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/03729
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 24 janvier 2018, N° 2014071912

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE C o p ie s e x é c u to ir e s AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS délivrées aux parties le :

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 04 NOVEMBRE 2020

(n°2020/ , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/03729 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5CL3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 janvier 2018 – Tribunal de Commerce de PARIS Jugement du 19 Octobre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2014071912

APPELANT

Monsieur Y X A, […] né le […] à PARIS

Représenté par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

INTIMEE

Société LE FONDS COMMUN DE TITRISATION CEDRUS, ayant pour société de gestion, la société EQUITIS GESTION, et représentée par la société M. C.S ET Associés, agissant en qualité de recouvreur, poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la SOCIETE GENERALE, intervenant volontairement à l’instance, […]

Représentées par Me Belaid MAZNI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1654

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre M. Marc BAILLY, Conseiller Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Ludivine VAN MOORLEGHEM


ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par Ludivine VAN MOORLEGHEM, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

La société Vaziva Conseils qui exerçait depuis le 10 octobre 2005 une activité de conseil notamment pour la mise en place de sites internet avait ouvert deux comptes dans les livres de la Société Générale.

Le 29 avril 2013, M. Y X, son président, s’est porté caution de l’ensemble de ses engagements dans la limite de 130 000 € pour une durée de 10 ans.

Le 18 mars 2014, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Vaziva Conseils.

Après avoir régulièrement, le 5 mai 2014, déclaré sa créance soit 2 987,15 € et 250 163,70

€, au titre des soldes débiteurs de chaque compte et vainement mis en demeure M. X de respecter son engagement par courrier recommandé du 18 février 2014, la Société Générale a engagé cette procédure par exploit du 3 décembre 2014.

Par jugement du 25 janvier 2018, le tribunal de commerce de Paris a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, condamné M. X au paiement de la somme principale de 130 000 € et de celle de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, rejetant la demande de capitalisation des intérêts.

Cette décision est intervenue après un jugement de réouverture des débats en date du 19 octobre 2017 faisant suite à diverses communications de pièces en cours de délibéré.

Par déclaration du 15 février 2018, M. X a interjeté appel de ces deux décisions.

Dans ses dernières conclusions du 7 septembre 2020, il demande à la cour ; de rejeter des débats la fiche de renseignement communiquée par la banque après la clôture des débats prononcée par la juridiction consulaire, au motif que les premiers juges n’ayant pas sollicité ce document, il n’y avait pas lieu à réouverture des débats,

d’annuler les jugements rendus les 19 octobre 2017 et 25 janvier 2018, de juger disproportionné son cautionnement, de juger que la Société Générale a manqué à son obligation de mise en garde et à celle de rompre la facilité de caisse accordée à la société Vaziva Conseils dont la situation était irrémédiablement compromise et de la condamner au paiement de 130 000 € de dommages-intérêts,

d’infirmer le jugement ; subsidiairement de prononcer la déchéance des intérêts pour défaut d’information annuelle de la caution, très subsidiairement d’autoriser M. X à racheter au fonds commun de titrisation (FCT) Cedrus la créance de la Société Générale, de condamner solidairement la Société Générale et le FCT au paiement d’une indemnité

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de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Intervenant volontaire à l’instance par conclusions du 14 septembre 2020 le FCT Cedrus représenté par la société Equitis Gestion, indique venir aux droits de la Société Générale ayant racheté la créance de la banque contre la société Vaziva Conseils selon bordereau du 29 novembre 2019, cession notifiée à M. X le 15 janvier 2020 et conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts.

Il sollicite une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2020.

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR

Sur les demandes d’annulation des jugements

La juridiction consulaire pouvant accepter toute pièce communiquée en délibéré sous réserve de respecter le principe de la contradiction, elle n’a commis aucun excès de pouvoir permettant d’annuler le jugement rendu le 19 octobre 2017 ou celui du 25 janvier 2018.

Il convient en outre de constater qu’il résulte des énonciations de cette dernière décision que l’envoi par la banque de la fiche de renseignement patrimonial en cours de délibéré répondait au moyen développé par M. X en cours d’instruction selon lequel la banque n’en avait pas fourni.

La juridiction consulaire ayant sollicité de M. X la production de ses avis d’imposition 2012, 2015 et 2016 outre un autre cautionnement qu’il mentionnait au soutien de son moyen principal tenant à la disproportion de son engagement, ne pouvait ainsi refuser à la banque de rapporter la preuve contraire à charge pour les juges de procéder comme ils l’ont fait, à savoir inviter les parties à débattre des nouveaux éléments produits.

Il n’y a donc pas matière à annulation ni davantage à rejeter des débats la fiche patrimoniale communiquée par la banque en cause d’appel, étant observé que même à supposer que les premiers juges aient refusé sa communication pour tardiveté, aucune dispositions légale n’interdisait à la Société Générale de la produire pour la première fois en cause d’appel.

Sur la disproportion de l’engagement

Aux termes de l’article L341-4 du code de la consommation, devenu L332-1 du même code, l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance de s’en prévaloir à moins que le patrimoine de la caution ne lui permette de faire face à son obligation au moment où elle est appelée.

En l’espèce, il résulte des renseignements portés sur la fiche patrimoniale rédigée et signée par M.. X qui en a certifié l’exactitude, qu’à la date du 4 octobre 2012, il percevait un revenu annuel de 127 000 €, possédait un bien propre au Cap Ferret d’une valeur nette de 340 000 €, un immeuble démembré à Fontenay aux Roses d’une valeur de 750 000 €, un bien propre à Paris VIème d’une valeur nette de 255 000 €, un appartement démembré à Paris VIème à usage de résidence principale et de siège social, non évalué.

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Il indiquait encore posséder 100% des parts de la société Vaziva Conseils valorisée à 3 millions d’euros et 100% des parts d’une société Vaziva Music estimée à 500 000 €. Au titre des charges, il mentionnait 2 060 € mensuels de remboursement de prêts. De ces renseignements, que la banque n’avait pas à vérifier en l’absence d’anomalie apparente, il résulte que M. X pouvait s’engager à hauteur de 130 000 € sans le moindre risque d’endettement.

Pour tenter de rapporter la preuve contraire, M. X prétend qu’entre le 4 octobre 2012 et le 29 avril 2013, il a souscrit deux autres cautionnements, l’un de 350 000 € au profit de Record Bank le 21 janvier 2013, le second au bénéfice de BNP Paribas, d’un montant de 120 000 € le 9 avril 2013. A supposer avéré le cautionnement apporté à Record Bank (seul étant produit un accord de cet établissement sur une demande de crédit à l’exception de tout contrat de prêt ou acte de cautionnement), ces engagements pour un montant total de 600 000 € et non 900 000

€ comme indiqué à tort dans ses conclusions ne pouvaient au regard du patrimoine décrit entraîner de risque d’endettement excessif.

L’appelant soutient encore ne pas avoir de patrimoine propre alors qu’il a déclaré comme tels deux biens d’une valeur globale de 595 000 €. Il produit enfin un avis d’imposition au titre de ses revenus de l’année 2013 d’un montant de 27 547 €, s’abstenant devant la cour comme en première instance, alors que cette pièce avait été réclamée par la juridiction consulaire, de justifier de ses revenus de l’année 2012, alors encore que la banque pouvait se fier à sa seule déclaration qui les chiffre à 127 000€.

C’est en conséquence à bon droit que la juridiction consulaire a considéré que l’engagement souscrit par M. X n’était pas disproportionné, rendant sans objet l’examen de sa capacité actuelle à faire face à ses obligations, de sorte que le jugement sera confirmé en ces dispositions.

Sur les fautes reprochées à la banque

En soutenant que lorsque le débiteur est dans une situation irrémédiablement compromise, la banque est tenue de dénoncer (ses) concours comme l’y autorise l’article L313-12 du code monétaire et financier, M. X suggère qu’elle a apporté à société Vaziva Conseils un soutien abusif.

Si la caution est en droit de dénoncer un tel soutien, il lui appartient pour le faire de respecter les dispositions de l’article L650-1 du code de commerce aux termes duquel lorsqu’une procédure collective est ouverte, « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux ci ». Il lui incombe ainsi d’apporter la double preuve : soit d’une fraude, d’une immixtion ou de la prise de garanties disproportionnées, de l’octroi d’un crédit fautif, rendant inéluctable la mise en œuvre de sa garantie.

En l’espèce, aucune de ces conditions n’est démontrée ni même alléguée, la cour restant dans l’ignorance des raisons de la déconfiture de la société Vaziva Conseils, laquelle existait depuis 2005 comme le révèle l’extrait Kbis produit et envisageait, en début d’année 2013 le rachat d’une société Video@volonte, destination du crédit sollicité de la Record bank
M. X reproche en second lieu à la banque un manquement à son obligation de mise en garde. Il sera cependant rappeler qu’en l’absence de risque d’endettement excessif, la banque n’a d’obligation de mise en garde de la caution que dans la seule hypothèse où elle finance un

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projet irrémédiablement voué à l’échec, dont celle-ci, profane, ne pouvait se convaincre.

En l’espèce, outre que M. X, dirigeant de société depuis au moins 2005, est une caution avertie qui a sollicité les facilités de trésorerie accordées par la Société Générale, la cour ignore, comme il vient d’être précisé, le mode de fonctionnement de la société Vaziva Conseils, l’importance et la raison d’être des concours bancaires par découvert en compte, leur fréquence ou leur éventuelle augmentation ne lui permettant pas de caractériser un manquement par la banque à son devoir de mise en garde, le seul fait qu’elle ait été mise en liquidation judiciaire 11 mois après la souscription de l’engagement de caution ne permettant pas de caractériser une faute de la banque.

Sur l’information des cautions

Dès lors que la Société Générale ne critique pas le jugement en ce qu’il n’a pas accueilli sa demande tendant à voir majorer sa créance de l’intérêt conventionnel de 4,21% l’an le moyen subsidiaire de M. X fondé sur les dispositions de l’article L313-22 du code monétaire et financier est sans objet.

Sur le droit de retrait

La créance de la Société Générale sur la société Vaziva Conseils a été cédée avec de nombreuses autres créances pour un prix forfaitaire de 68 000 000 €, montant ne représentant en rien la valeur de chaque créance, parfois nulle, parfois proche de sa valeur faciale de sorte que le prix réel de cession de la créance litigieuse n’est pas déterminable ne permettant pas d’accueillir la demande de retrait.

Sur l’appel incident

La Société Générale ayant délivré à M. X mis en demeure de respecter son engagement pour la première fois le 18 février 2014, le FCT est fondé à solliciter les intérêts légaux produits par sa créance à compter du 3 octobre 2014.

La capitalisation des intérêts encore réclamée est de droit et sera ordonnée dans les termes du dispositif de cette décision.

Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande d’accueillir la demande de la banque à hauteur de la somme réclamée.

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PAR CES MOTIFS

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Condamne M. Y X à payer au fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour gestionnaire la société Equitis Gestion la somme de 130 000 € portant intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2014 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne M. M. Y X à verser au fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour gestionnaire la société Equitis Gestion l une indemnité de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ainsi qu’aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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