Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 25 février 2021, n° 19/22471

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 9, 25 févr. 2021, n° 19/22471
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/22471
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 25 novembre 2019, N° 2019016087
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 25 FEVRIER 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22471 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBEEV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2019 – Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019016087

APPELANTES

SELARL FIDES, en la personne de Me Bernard D

en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ALLIAGE ASSURANCES

[…]

[…]

SELAFA MJA, en la personne de Me Valérie E-F

en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ALLIAGE ASSURANCES

[…]

[…]

Représentées par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant

Représentées par Me Antoine DIESBECQ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301, avocat plaidant

INTIMEES

SOCIETE CBL INSURANCE EUROPE DAC, société de droit irlandais

[…]

[…]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant

Représentée par M. Mehdi ABDELOUAHAB, avocat au barreau de PARIS, toque R.235, avocat plaidant

SAS ALLIAGE ASSURANCES

[…]

[…]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle PICARD, Présidente

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

— par défaut

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Michèle PICARD, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

La société Alliage Assurances exploitait une activité d’intermédiaire en assurance construction et disposait d’un agrément ORIAS en qualité de courtier d’assurance ou de réassurance.

La société CBL Insurance Europe DAC (ci après CBLIE) est une compagnie d’assurances, agréée et réglementée par la banque centrale d’Irlande. Elle est spécialisée dans l’assurance crédit et l’assurance caution financière liées à la construction. Ses produits sont distribués par des courtiers d’assurance.

Le 14 février 2018, onze contrats de service ont été conclus entre CBLIE et Alliage Assurances en qualité de mandataire.

Le 19 février 2018, la banque centrale d’Irlande informait l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) de sa décision d’interdire avec effet immédiat à CBLIE de souscrire des contrats d’assurance. La banque centrale précisait que les contrats existants restaient en vigueur.

Par décision de l’Irish High Court du 26 février 2018 et sur demande de la banque centrale, CBLIE e été placée sous procédure d’administration de droit irlandais. désignant Monsieur Y Z en qualité d’administrateur. Cette décision a été confirmée le 12 mars 2018.

En conséquence en France, les intermédiaires d’assurance ont été contraints de cesser de commercialiser et de renouveler à leur échéance les contrats de CBLIE.

En l’absence de nouveaux produits à distribuer et faute d’apport de fonds de la part de sa nouvelle société mère, A B, la société Alliage Assurances a déposé son bilan. Elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du 23 août 2018 qui a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 27 septembre 2018. La Selarl Fides en la personne de Me C D et la Selafa MJA en la personne de Me Valérie E F ont été nommés en qualité de liquidateurs.

Les deux liquidateurs judiciaires ont été destinataires de documents de la banque HSBC concernant Alliage Assurances relatifs à 2 comptes dans ses livres :

— Un relevé d’identité pour le compte n°09510022318 clef 19 et un relevé bancaire de ce compte pour la période allant du 31 août au 28 septembre 2018,

~ Un relevé d’identité pour le compte n°095l0034492 clef 66 et un relevé bancaire de ce compte pour la période allant du 15 au 29 Juin 2018.

Les co-liquidateurs ont clôturé les comptes et HSBC a adressé 2 chèques à la Selafa MJA de 189.169,58€ pour le compte n°09510022318 et de 474.778,98€ pour le compte n° 095l0034492.

Ces sommes constituent le seul actif de le liquidation judiciaire d’Alliage Assurances.

Par courrier du 25 octobre 2018, CBLIE a formé une demande en revendication de l’intégralité des sommes supposément déposées sur un compte d’affectation spéciale correspondant aux primes d’assurances perçues en son nom et pour son compte par Alliage Assurances.

Les co-liquidateurs n’ayant pas répondu à cette demande, CBLIE a, par requête du 26 décembre 2018, saisi le juge commissaire aux fins de voir ordonner la restitution à son profit de l’intégralité des sommes déposées sur le compte d’affectation spécial correspondant aux primes d’assurance perçues en son nom et pour son compte par Alliage Assurances.

Par ordonnance du juge commissaire du 8 mars 2019, la requête a été rejetée, au constat de l’absence d’un compte bancaire affecté spécialement à cette fin et de l’absence de preuve rapportée par CBLIE que les sommes qu’aurait perçues Alliages Assurances auraient été déposées sur un ou des comptes bancaires dédiés au bénéfice de CBLIE.

La société CBLIE a fait opposition à cette décision le 20 mars 2019.

Par jugement du 26 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a dit le recours de la société CBL Insurance Europe DAC recevable et bien fondé, a infirmé l’ordonnance et a ordonné la restitution immédiate des sommes ayant transité sur des comptes HSBC dont l’intitulé fait mention de CBL, notamment les n° 09510034464 et n" 09510034477, entre le dernier versement à la société CBLIE en avril 2018 et la date de la liquidation judiciaire le 27 septembre 2018.

La Selarl Fides et la Selafa MJA, ès qualités ont interjeté appel de cette décision le 4 décmebre 2019.

****

Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 février 2020 la Selarl Fides et la Selafa MJA, ès qualités, demandent à la cour d’appel de :

Vu les articles L.623-2, L.624-9, L.624-16, L.641-11, R. 621-21 et R.624-13 du Code de commerce,

Vu l’article 9 du Code de procédure civile,

Au principal :

— Déclarer que l’action en revendication de la société CBL Insurance Europe DAC est mal-fondée en ce qu’elle consiste en la revendication d’une somme d’argent;

En conséquence :

— Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 26 novembre 2019, et statuant à nouveau :

— Rejeter l’action en revendication de sommes d’argent diligentée par la société CBL Insurance Europe DAC à l’encontre de la Selarl Fides en la personne de Me D, et la Selafa MJA, en la personne de Me E-F, ès qualités ;

A titre subsidiaire :

— Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 novembre 2019, en ce qu’il ordonne la restitution immédiate à la société CBLIE des sommes ayant transité sur des comptes HSBC dont l’intitulé fait mention de CBL, notamment les n°09510034464 et n°09510034477, entre le dernier versement à la société CBL Insurance Europe DAC en avril 2018 et la date de liquidation judiciaire le 27 septembre 2018 ;

— Constater que les soldes des comptes n°09510034464 et n°09510034477 visés par l’action en revendication étaient nuls à la date du 20 juillet 2018 et n’ont fait l’objet d’aucun mouvement ultérieur et dire et juger que la Selarl Fides, en la personne de Me D, et la Selafa MJA, en la personne de Me E-F, ès qualités n’ayant jamais été en possession des fonds, ne sauraient être condamnées à restituer quelque somme que ce soit ;

— Condamner la société CBL Insurance Europe DAC à payer à la Selarl Fides, en la personne de Me D, et la Selafa MJA, en la personne de Me E-F, ès qualités, la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile;

— Condamner la société CBL Insurance Europe DAC aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Jean-Philippe Autier, avocat.

***

Dans ses conclusions signifiées le 20 juillet 2020 la société CBL Insurance Europe DAC demande à la cour d’appel de :

Vu les articles L.624-9 et suivants, L. 641-14 et R. 624-13 et suivants du Code de commerce,

— Dire recevable et bien fondé la requête en revendication de la société CBLIE à la procédure de liquidation judiciaire de la société Alliage Assurances et portant sur l’intégralité des sommes collectées par la société Alliage Assurances sur les comptes d’affectation dédiés à cet effet ;

En conséquence,

— Confirmer en son intégralité le jugement du 26 novembre 2019 ;

— Débouter les Liquidateurs Judiciaires ès qualités de l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions à l’encontre de la société CBLIE ;

En tout état de cause,

— Condamner les Liquidateurs Judiciaires ès qualités à payer à la société CBLIE la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— Condamner les liquidateurs Judiciaires ès qualités aux entiers dépens.

SUR CE

Sur l’impossibilité de revendiquer une somme d’argent

La Selarl Fides et la Selafa MJA exposent que l’action en revendication porte sur le montant de primes d’assurance perçues par la société Alliage Assurances en sa qualité de courtier, dûment habilité par la société CBLIE.

Or, si une action en revendication peut s’exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur, la Cour de cassation considère qu’en matière de somme d’argent 'une demande de restitution de fonds ne peut être formée par voie de revendication, la seule voie ouverte au créancier d’une somme d’argent étant de déclarer sa créance à la procédure collective de son débiteur'.

Ainsi en l’espèce, la voie de la revendication n’était pas ouverte à la société CBLIE pour réclamer la restitution des primes d’assurance régulièrement encaissées par la société Alliage Assurances, fussent-elles individualisables et identifiables.

Selon la société CBLIE, le mandant pourrait revendiquer une somme d’argent auprès de son mandataire si lesdites sommes (i) sont perçues au nom et pour le compte de son mandant ; et (ii) si elles sont déposées sur un compte bancaire d’affection spéciale ouvert par le mandataire et destiné à recevoir ces sommes.

Lorsque ces deux conditions se trouvent remplies, ce qui n’est pas le cas le cas en l’espèce, il peut être considéré que les sommes ne sont pas entrées dans le patrimoine du mandataire.

Elles précisent que la revendication d’une créance monétaire dans le patrimoine d’un tiers, à l’exclusion du patrimoine du débiteur dans les liens d’une procédure collective, ne se heurte pas à la règle d’ordre public appliquée par une jurisprudence constante. Dans l’hypothèse où les fonds sont détenus au nom et pour le compte d’autrui sur un compte affecté spécialement à son profit, le créancier peut invoquer un droit de propriété sur sa créance à l’égard du tiers détenteur qui tient le compte à affectation.

La société CBLIE, n’est donc ni recevable, ni fondée à revendiquer une somme d’argent contre la société Alliage Assurances et ne pouvait que déclarer sa créance, ce qu’elle a d’ailleurs fait le 8 janvier 2019.

La société CBLIE expose que c’est en qualité de mandataire que la société Alliage Assurances a collecté les primes d’assurances versées par les assurés au nom et pour le compte de la société CBLIE. Ainsi, les sommes collectées auprès des assurés au nom et pour le compte de la société CBLIE puis versées par la société Alliage Assurances sur les comptes d’affectation spéciale dédié à cet effet sont la propriété de la société CBLIE.

La cour rappelle qu’en vertu de l’article L624-16 du code de commerce peuvent être revendiqués, les biens meubles détenus par le débiteur à plusieurs conditions. La première condition est que ces biens puissent être individualisés et identifiés. Pour ce qui concerne les sommes d’argent, si elles ont été encaissées avant l’ouverture de la procédure collective par le débiteur, le tiers revendiquant devient un simple créancier tenu de déclarer sa créance, peu important à cet égard que ces sommes soient individualisables et identifiables dans la comptabilité du débiteur.

En l’espèce, il convient de préciser que la société CBLIE a sollicité des liquidateurs de la la société Alliage Assurances la restitution de sommes qui avaient été déposées antérieurement à l’ouverture de la procédure collective sur des comptes qui étaient selon elle d’affectation spéciale ouverts auprès des banques par la société Alliage Assurance et versées par ces banques aux liquidateurs.

La cour rappelle que l’affectation spéciale se matérialise par l’ouverture d’un compte par le mandataire pour le compte du mandant. Le solde du compte est affecté au bénéfice du tiers désigné et dans ce cas les sommes n’entrent pas dans le patrimoine du mandataire qui n’en a jamais été propriétaire.

En l’espèce, il ressort du fichier FICOBA, que la société Alliage Assurance disposait de plusieurs comptes auprès de la banque HSBC, tous intitulés compte courant bancaire sans qu’il soit mentionné que l’un de ces comptes aurait été d’affectation spéciale.

La banque HSBC a ensuite communiqué aux liquidateurs une demande d’ouverture de deux sous comptes du n° 09510022318, les comptes n°09510034464 SFS France CBL PU et n°09510034477 SFS France CBL PR. Ce sont ces comptes que la société CBLIE considère comme des comptes à affectation spéciale et que le tribunal de commerce a reconnu comme tels.

La société CBLIE produit, pour établir l’existence de comptes à affectation spéciale, trois courriels de Monsieur X, administrateur de SFS Europe, à CBLIE semblant mentionner des comptes ouverts auprès de SFS dédiés à CBL Europe. Ces courriels s’ils établissent que les comptes litigieux étaient comptablement séparés des autres comptes de Alliage Assurances ne suffisent pas à établir qu’il s’agissait de comptes d’affectation spéciale comprenant des sommes n’étant jamais entrées dans le patrimoine de la débitrice.

La cour relève à titre liminaire que les conventions d’ouverture de ces comptes ne mentionnent pas que ce soit des comptes à affectation spéciale. Une telle mention n’est cependant pas nécessaire au regard de la présomption d’individualité des comptes pour en déduire que ce ne sont pas des comptes à affectation spéciale.

Cependant, il y a lieu de constater d’une part que ces conventions ne mentionnent pas que les fonds déposés sur ces comptes le sont par le mandataire pour le compte de son mandant et d’autre part que la convention stipule dans son article 3 que 'si pour des raisons de clarté ou de commodité comptables, les comptes ouverts dans le cadre des présentes sont divisés en plusieurs sous comptes ou rubriques ceux ci, bien que matériellement distincts formeront un tout indivisible, quelles que soient leurs modalités de fonctionnement, même s’ils sont ouverts sous des numéros différents ou s’ils enregistrent des opérations en euros ou en autres monnaies étrangères'.

La cour en déduit que les comptes litigieux ne sont pas des comptes à affectation spéciale et que la société CBLIE ne pouvait donc demander la restitution des sommes figurant sur ces comptes ni revendiquer ces sommes auprès du liquidateur.

Au demeurant, la cour constate qu’au 27 septembre 2018 le solde des comptes était nul.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge des liquidateurs les sommes exposées par eux et non compris dans les dépens. Il leur sera alloué la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS,

Infirme dans sa totalité le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 26 novembre 2019,

Statuant à nouveau,

Déboute la société CBL Insurance Europe DAC de son action en revendication des sommes d’argent déposées sur les comptes ouverts par la société Alliage Assurances auprès de la banque HSBC,

Condamne la société CBL Insurance Europe DAC à payer à la Selafa MJA et à la Selarl Fides, ès qualités de liquidateurs de la société Alliage Assurances la somme de 8.000 euros,

Condamne la société CBL Insurance Europe DAC aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

La greffière La présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
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