Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 14 avril 2021, n° 20/18861

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Derriennic & Associés · 28 mai 2021

Télécharger notre newsletter TOUTE L'ACTUALITÉ JURIDIQUE EN UN CLIC ! A LA UNE Premières décisions sur l'agrément PSAN : la date du dépôt de dossier d'agrément en question CE, 9-10 ch., 2 avr. 2021, n° 448415 – CA Paris, pôle 5 – ch. 15, 14 avr. 2021, n° 20/18861 – CA Paris, pôle 5 – ch. 15, 14 avr. 2021, n° 20/18862 – CA Paris, pôle 5 – ch. 15, 14 avr. 2021, n° 20/18863 Pour la première fois, des juridictions ont à connaître de l'agrément des prestataires sur actifs numériques (PSAN) mis en place par la Loi PACTE. Depuis cette loi, l'acronyme PSAN désigne les professionnels qui …

 

Derriennic & Associés · 17 mai 2021

CE, 9-10 ch., 2 avr. 2021, n° 448415 CA Paris, pôle 5 – ch. 15, 14 avr. 2021, n° 20/18861 CA Paris, pôle 5 – ch. 15, 14 avr. 2021, n° 20/18862 CA Paris, pôle 5 – ch. 15, 14 avr. 2021, n° 20/18863 Pour la première fois, des juridictions ont à connaître de l'agrément des prestataires sur actifs numériques (PSAN) mis en place par la Loi PACTE. Depuis cette loi, l'acronyme PSAN désigne les professionnels qui effectuent des opérations sur cryptoactifs (cryptomonnaies et tokens) en France ou à destination du public français. Pour rappel, les entreprises qui exercent les activités …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 14 avr. 2021, n° 20/18861
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/18861
Dispositif : Suspend l'exécution provisoire

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 14 AVRIL 2021

(n° 43, 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/18861 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CC3HE

Décision déférée : décision du 18 décembre 2020 du Secrétaire général de l’ Autorité des marchés financiers

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, B C-D, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article R 621-46 du code Monétaire et Financier ;

assistée de Z A, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

MINISTERE PUBLIC : auquel l’affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme X Y, avocate générale

Après avoir appelé à l’audience publique du 17 mars 2021 :

LA SOCIETE BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY S.A.S

prise en la personne de sa présidente

[…]

[…]

Représentée par Me Romain CHILLY de la SELAS ORWL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D 1496

REQUERANTE

et

EN PRESENCE DE :

L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

prise en la personne de son président

17 place de la Bourse

[…]

représentée par Madame CHOQUET Patricia, dûment mandatée

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 7 mars 2021, l’avocat de la requérante, le représentant de l’AMF et Madame X Y, avocate générale, en son avis ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 14 Avril 2021 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Par requête déposée au greffe de la Cour d’appel de Paris en date du 31 décembre 2020, la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY SAS a demandé, en application des articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier (ci-après CMF), à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du Secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers (ci-après AMF) en date du 18 décembre 2020 lui enjoignant de cesser son activité en FRANCE à compter du 19 décembre 2020, au motif qu’elle serait susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives, voire irréversibles.

Dans son courrier adressé le 18 décembre 2020 à BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY SAS (n° AMF : 2020004191) , le Secrétaire général de l’AMF rappelait à cette société qu’elle avait déposé auprès de ses services une demande d’enregistrement en tant que prestataire de services sur actifs numériques (ci-après PSAN) mentionné aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-2 du CMF et indiquait qu’en vertu du X de l’article 86 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (ci-après loi PACTE), les personnes exerçant ces services avant l’entrée en vigueur de la loi PACTE, intervenue le 24 mai 2019, bénéficiaient d’un délai de douze mois à compter du 18 décembre 2019, pour s’enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers. Dans un communiqué de presse du 23 novembre 2020, l’AMF et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après ACPR) ont rappelé que la période transitoire pour exercer ces activités sans enregistrement prenait fin le 18 décembre 2020.

Il était précisé que dans l’attente de l’obtention de l’enregistrement, en application du X de l’article 86 de la loi PACTE, les prestataires concernés devaient cesser toute activité à compter du 19 décembre 2020, y compris de communication et de promotion de leurs activités, à l’exception, pour les acteurs fournissant un service de conservation d’actifs numériques, de l’exécution des instructions de transfert des actifs numériques vers un portefeuille externe, dans le respect de la réglementation en matière de LCB-FT et de gel des avoirs.

Dans son courrier, le Secrétaire général de l’AMF enjoignait à la société de prendre toutes les dispositions pour mettre fin à ses activités en FRANCE à compter du 19 décembre 2020, et précisait qu’à défaut la société serait en infraction avec les dispositions des art L 54-10-3 et L 54-10-4 du CMF, que le procureur de la République pouvait être saisi et que l’article L 572-23 du CMF prévoyait une peine d’emprisonnement et d’amende.

Par recours enregistré le 30 décembre 2020, la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY SAS a saisi la Cour d’appel aux fins d’annulation de cette décision individuelle au motif qu’elle serait entachée d’illégalité.

Par requête déposée au greffe de la Cour d’appel de Paris en date du 31 décembre 2020, la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY SAS a demandé le sursis à exécution de cette décision.

Concomitamment à son recours au fond et à sa requête aux fins de sursis à exécution, la société requérante a saisi le 6 janvier 2021 le Conseil d’État d’une requête en référé-suspension et d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre du communiqué de l’AMF et de l’ACPR en date du 23

novembre 2020. Ce recours était assorti d’une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.

L’affaire a été audiencée devant le délégué du premier président de la Cour d’appel pour être plaidée le 17 mars 2021 et mise en délibéré pour être rendue le 14 avril 2021.

Par requête du 31 décembre 2020 et par conclusions en réplique déposées au greffe de la Cour d’appel de Paris en date du 15 mars 2021, la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY SAS fait valoir :

1 Rappel des faits et de la procédure :

La société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY (ci -après BPS) offre à ses clients depuis le mois d’octobre 2018 ( nom commercial 'Feel Mining') un ensemble de services en ligne relatifs au minage de crypto -actifs dans le cadre desquels elle fournit, à titre accessoire , des services d’achat-vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal et de conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers. L’activité de la société consiste à fournir à des particuliers et des professionnels une solution prête à l’emploi de production de crypto-actifs (le bitcoin ou l’ether. Le minage de crypto-actifs est devenu une véritable industrie et une forme d’investissement. En fournissant des solutions en ligne qui rendent cette activité accessible aux particuliers, la société réalise un chiffre d’affaires supérieur à 3,5 millions d’euros en 2020 et emploie une dizaine de personnes à temps plein.

Ainsi les services de la société entrent dans le champ d’application du régime français relatif aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).

Comme l’ensemble des acteurs entrant dans le champ d’application des dispositions du 1° et 2° de l’article L. 54-10-2 du CMF, la société BPS pour pouvoir exercer son activité, est soumise à une procédure d’enregistrement obligatoire auprès de l’AMF, laquelle implique le dépot dun dossier permettant la vérification par les autorités de régulation du respect d’un certain nombre de conditions (honorabilité et compétences des actionnaires et dirigeants, obligations de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme) soumis à un avis conforme de l’ACPR.

Les acteurs en exercice lors de l’entrée en vigueur du nouveau régime bénéficient d’un délai de douze mois à compter de la publication des textes d’application pour s’enregistrer ainsi qu’il résulte de la loi PACTE.

Le dernier texte d’application est l’arrêté du 5 décembre 2019, publié au JO le 18 décembre 2019, ainsi les PSAN disposaient d’un délai de 12 mois pour s’enregistrer soit jusqu’au 18 décembre 2020.

Or dans le cadre de la loi d’habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le gouvernement a adopté l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, dont l’article 8 prévoit que « lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice ».

Ainsi ces dispositions ont suspendu très largement les 'délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement' pour ' se conformer à des prescriptions de toute nature' entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, soit pour une période de 3 mois et 12 jours.

C’est dans ce contexte que la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY SAS a connu des boulversements dans son organisation interne ayant ralenti ses projets et a déposé une demande

d’enregistrement auprès de l’AMF le 26 novembre 2020, par l’intermédiaire de son conseil. Au jour de la requête en sursis, la société n’a reçu aucune réponse .

Dans un communiqué de presse du 23 novembre 2020, l’AMF et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ont rappelé que la période transitoire pour exercer ces activités sans enregistrement prenait fin le 18 décembre 2020 et qu’à compter de cette date, les PSAN non enregistrés devaient cesser toutes leurs activités sous peine de sanctions pénales et administratives, en refusant de faire bénéficier à ces acteurs les délais de suspension prévus par l’article 8 de l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée, estimant que cela n’est pas applicable au délais impartis aux PSAN.

Faisant application du communiqué du 23 novembre 2020, et sans respecter la procédure d’injonction et de mise en demeure prévue par le CMF (art L621-13-5), c’est par une décision en date du 18 décembre 2020, notifiée à la société BPS par courriel du 21 décembre 2020, que l’AMF a enjoint à la requérante de mettre fin à ses activités à compter du 19 décembre 2020.

Par un recours déposé au greffe de la cour d’appel de Paris le 30 décembre 2020, la société requérante a demandé l’annulation de cette décision individuelle au motif qu’elle est entâchée d’illégalité externe ( méconnaissance de la procédure de mise en demeure prévue par la CMF) et d’illégalité interne (interprétation de la loi contraire à la lettre et à l’esprist des dispositions litigieuses et contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi).

La société requérante demande qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision qui est susceptible d’engendrer des conséquences manifestement excessives, voire irréversibles.

2.Discussion :

La société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY SAS fait d’abord valoir qu’aux termes de l’article L. 621-30 du CMF, le Premier président peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Selon la jurisprudence, des conséquences sont manifestement excessives lorsqu’elles altèrent l’équilibre du budget du requérant ou qu’elles mettent en péril la pérennité de son activité. Une violation manifeste des règles de procédure est également considérée comme susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La Cour de cassation précise que la reconnaissance de l’existence de conséquences manifestement excessives ne peut être subordonnée à la démonstration par le requérant du caractère irréversible de la situation invoquée.

Au cas présent, d’une part la décision attaquée présente une irrégularité la menaçant sérieusement d’annulation et mettant, par ailleurs, en péril l’exercice par la société de ses droits de défense dans la mesure où elle lui a été notifiée le 18 décembre 2020 pour qu’elle cesse son activité à partir du 19 décembre 2020, en dehors du cadre légal de l’article L 621-13-5 du CMF.

Il découle de l’article L. 621-13-5 du CMF que lorsqu’il entend enjoindre à un prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) non enregistré de se mettre en conformité, le Président de l’AMF est tenu de respecter une procédure précisément définie par les textes et permettant d’assurer le respect du principe du contradictoire: il doit lui adresser une mise en demeure l’invitant à présenter ses observations dans un délai de 8 jours à compter de sa réception.

Or, cela n’a pas été le cas en l’espèce.

En outre, la décision ne fait pas mention des sanctions encourues par la société au titre des dispositions du II de l’article L. 621-13-5 du CMF, alors même qu’un tel rappel est obligatoire en

vertu des dispositions précitées.

Ce faisant, l’AMF a entaché la décision attaquée d’une irrégularité mettant gravement en péril l’exercice par la société requérante de ses droits de la défense et menaçant sérieusement la décision attaquée d’annulation.

Il est soutenu que l’argumentation, développée par l’AMF dans ses écritures, selon laquelle les dispositions précitées seraient inapplicables au litige « à la demande du Secrétaire général de l’AMF », ne saurait prospérer sur le plan juridique.

L’AMF affirme que le secrétaire général de l’AMF avait en opportunité décidé de se placer en dehors des dispositions de l’article L 621-13-5 du CMF en procédant à un 'simple rappel à la loi'.

Toutefois , il est évident qu’il n’appartient pas au Secrétaire général de l’AMF de décider de l’opportunité de respecter les procédures légales prévues par le CMF lorsqu’il « enjoint à l’opérateur de respecter l’interdiction qui lui est applicable ».

En tout état de cause, il est manifeste, au regard de la formulation de la décision attaquée, que cette dernière ne constituait aucunement un simple rappel à la loi mais bien une injonction de cesser son activité (v. § 4 de la décision).

Par conséquent, le vice de procédure invoqué est indéniablement fondé et la décision encourt un risque sérieux d’annulation de ce chef.

D’autre part, la décision attaquée est de nature à mettre manifestement en péril la pérennité de l’activité de la requérante.

Il est indiqué que depuis son lancement, la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY a connu une forte croissance. Sur les six derniers mois d’activité, son chiffre d’affaires mensuel moyen s’élève à 500 000 € pour un montant moyen mensuel de charges fixes de 27 455 €, dont 20 491 € de charges sociales et 7 000 € HT de frais de prestations techniques externes. Au 30 novembre 2020, ses encourus bancaires s’élèvent à 76 355 €.

Il est soutenu qu’en l’absence de revenus à venir, ce montant permettrait de faire face aux engagements financiers précités pendant une durée de quatre semaines seulement et qu’à l’issue de ce délai, la société se retrouverait en état de cessation des paiements, ce qui conduirait à la destruction directe d’une dizaine d’emplois.

Il est fait valoir que malgré le dépôt d’une demande d’enregistrement le 26 novembre 2020, l’AMF n’a (à la date de la requête) toujours pas notifié à la demanderesse la complétude de son dossier.

Or, conformément aux dispositions de l’article R. 54-10-4 du CMF, ce n’est qu’à compter du jour où l’AMF juge le dossier complet que commence à courir le délai de six mois au terme duquel le silence de l’Autorité vaut acceptation.

Il est donc impossible que l’enregistrement de la société intervienne avant que la privation de revenus résultant de la décision illégale attaquée ne la conduise à la faillite.

En outre, si tel était le cas, viendraient s’ajouter aux pertes d’exploitation résultant de cette décision, les dépenses commerciales et de communication qui devraient être exposées pour assurer une reprise de la croissance et et de l’acquisition de clients dans un contexte sectoriel particulièrement concurrentiel et où la rentabilité ne peut être assurée que par des volumes d’affaires importants à défaut de marges conséquentes.

En tout état de cause, la pérennité de l’activité de la requérante serait en péril grave et imminent puisque sa faillite interviendrait nécessairement avant la décision au fond de la cour d’appel de Paris.

Concernant les arguments développés par l’AMF dans ses observations sur ce point, la société requérante peine à comprendre les raisons pour lesquelles les autorités financières ont attendu le 22 septembre 2020, soit moins de trois mois avant la date du 18 décembre 2020, pour publier une doctrine de vingt pages détaillant pour la première fois de façon substantielle les attentes du régulateur dans le cadre du dépôt d’un dossier PSAN.

Il est rappelé que ce n’est que quelques semaines après la publication de cette doctrine que la requérante a finalisé le dépôt de son dossier.

Ensuite l’AMF soutient qu’il ne saurait y avoir de conséquences manifestement excessive du fait de la décision attaquée dès lors que ses activités ne se limiteraient pas à son activité d’achat-vente d’actifs numériques et que la part de cette activité sur son chiffre d’appel global ne serait pas substantielle. Sur ce point il est constant que pour rejeter les requêtes en référé -suspension formulées contre le commuiqué de l’AMF du 23 novembre 2020 sur lequel se fonde la décision attaquée, par ordonnance en date du 26 janvier 2021, le Conseil d’État a rejeté la requête en référé-suspension, dont il était saisi, au motif que la société requérante « ne conteste[nt] pas les éléments produits par l’AMF en défense établissant qu’elle[s] exerce[nt], notamment dans le domaine électronique ou informatique, d’autres activités que celles de prestataires de services numériques et ne donne[nt] aucune précision ni sur la part que représente l’activité de prestations de services numériques dans leur chiffre d’affaires global, ni sur la réalité de leurs effectifs salariés contestée en défense ».

Or il s’agit d’une considération factuellement fausse et l’AMF qui est en contact règulier avec la société est parfaitement consciente que celle-ci exerce exclusivement une activité entrant dans le champ de l’enregistrement des PSAN.

La requérante conteste cet argument.

Par ailleurs, il ressort du programme d’activité communiqué par la société à l’AMF dans le cadre de son dossier d’enregistrement que cette dernière exerce une activité entrant exclusivement dans le champ du périmètre de l’enregistrement sollicité (v. pièce n° 10).

De même, la consultation de son site internet laisse apparaître qu’elle a pour unique champ d’activité celui d’achat-vente d’actifs numériques contre monnaie ayant cours légal.

Dès lors, l’AMF ne peut, reprenant l’ordonnance du Conseil d’État en date du 26 janvier 2021, s’appuyer sur le caractère générique de l’objet social de la requérante pour soutenir que cette dernière exercerait hypothétiquement d’autres activités que celle visée par l’enregistrement, sans préciser la nature desdites activités et par conséquent, il n’y aurait pas de conséquences manifestement excessives du fait de la décision attaquée.

Il découle de tout ce qui précède que l’exécution de la décision attaquée dans l’attente d’une décision au fond engendrerait des conséquences non seulement manifestement excessives, mais surtout irréversibles.

A l’inverse, en l’absence de la demande illégale de cessation d’activité de l’AMF, l’activité de la requérante pourrait continuer, conformément aux dispositions du CMF, dans la mesure où la demande d’enregistrement a été déposée dans le délai prévu par X de l’article 86 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises et qu’en tout état de cause, ce délai prenait fin au 30 mars 2021 et non au 18 décembre 2020, en application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des

délai échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

En conclusion, il est demandé d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du 18 décembre 2020 (N° AMF 2020004191) par laquelle l’AMF a demandé à la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY SAS de mettre fin à ses activités en FRANCE à compter du 19 décembre 2020.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de Paris le 12 mars 2021 l’Autorité des marchés financiers fait valoir:

L’AMF rappelle que la SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY a déposé un recours en annulation à l’encontre de la demande que lui a adressée le Secrétaire général de l’AMF par lettre du 18 décembre notifiée le 21 décembre 2020, qui invitait la société requérante à mettre fin à ses activités sur actifs numériques exercées en France à compter du 19 décembre 2020.

Selon la requérante, cette demande serait entâchée d’illégalité externe (méconnaissance de l’article L 621-13-5 du CMF) et d’illégalité interne (erreur d’interprétation de l’art 86 de la Loi PACTE et des délais échus selon l’ordonnance du 25 mars 2020). Selon la requérante, celle-ci ayant déposé sa demande d’enregistrement avant le 19 décembre 2020, elle serait en droit de continuer à exercer ses activités après la date du 18 décembre 2020.

Concommitant au recours au fond, la société requérante a saisi le Premier président de la Cour d’appel aux fins de sursis à exécution de la demande du Secrétaire général de l’AMF.

Outre ce recours au fond et cette requête aux fins de sursis à exécution, la société requérante a saisi le 6 janvier 2021 le Conseil d’État d’une requête en référé-suspension et d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre du communiqué de l’AMF et de l’ACPR en date du 23 novembre 2020, rappelant aux acteurs concernés la date butoir de la période transitoire. Ce recours pour excès de pouvoir était assorti d’une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. Par une ordonnance rendue le 26 janvier 2021, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté la requête en référé -suspension dont il était saisi.

I Le contexte dans lequel s’inscrit la requête de sursis à exécution déposée par la société requérante.

La loi PACTE qui est entrée en vigueur le 24 mai 2019 fixe le cadre juridique pour fournir en France des services sur actifs numériques lesquels sont énumérés à l’article L 54-10-2 du CMF . S’agissant plus particulièrement des services de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques […] et du service d’achat et de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal, l’article L 54-10-3 du CMF prévoit qu’avant d’exercer leur activité, les prestataires des services sont enregistrés par l’AMF, qui procède à plusieurs vérifications […] Conformément aux dispositions du X de l’art 86 de la Loi PACTE, les personnes exerçant cette activité avant l’entrée en vigueur de la loi bénéficient d’un délai de 12 mois à compter des textes d’application pour s’enregistrer auprès de l’AMF.

Le dernier texte d’application, l’arrêté du 5 décembre 2019 portant homologation des modifications du règlement général de l’AMF a été publié au JO du 18 décembre 2019, ainsi le délai de 12 mois accordé aux prestataires expirait le 18 décembre 2020. Le conseil de la société requérante a adressé le 26 novembre 2020 à l’AMF une demande d’enregistrement en qualité de PSAN.

Faute d’avoir été enregistrée par l’AMF à la date du 18/12/2020 en qualité de PSAN, le Secrétaire général de l’AMF a demandé par lettre du 18 décembre à la société de mettre fin à ses activités sur actifs numériques exercées en France à compter du 19 décembre 2020.C’est dans ce contexe que la

société requérante sollicite le sursis à exécution de la demande du Secrétaire général .

II Discussion.

1 ' Une requête dépourvue de tout fondement

La société requérante fait valoir d’une part l’irrégularité de la procédure dont serait entâchée cette demande au sens de l’article L 621-13-5 du CMF de nature à justifier son annulation et d’autre part la mise en péril de la poursuite de ses activités en cas d’exécution de la demande.

' L’inapplicabilité de l’article L. 621-13-5 du CMF à la demande du Secrétaire général de l’AMF

Il est soutenu que les dispositions de l’article L. 621-13-5 du CMF n’avaient pas vocation à s’appliquer à l’égard de la société requérante dans la mesure où l’AMF était informée de la situation de la société, qui avait initié des démarches d’enregistrement et avec laquelle ses services étaient en contact.

Par conséquent, la demande du Secrétaire général de l’AMF de cesser ses activités sur actifs numériques à compter du 19 décembre 2020 ne saurait être qualifiée d’injonction au sens de l’article susvisé, mais doit être analysée comme un simple rappel de la loi, d’autant plus légitime qu’à compter du 19 décembre 2020 l’exercice d’activités sur actifs numériques sans avoir été préalablement enregistré par l’AMF est passible d’une sanction pénale au sens de l’article L. 572-23 du CMF.

Dans ces conditions, la demande du Secrétaire général de l’AMF est parfaitement régulière.

' L’absence d’enregistrement à la date du 18 décembre 2020 par l’AMF est imputable à la société requérante

Il est d’abord fait observer que la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY ayant commencé ses activités avant le 24 mai 2019, ne saurait soutenir que le défaut d’enregistrement par l’AMF à la date du 18 décembre 2020 et, par-delà, sa demande de cesser ses activités à compter du 19 décembre 2020 seraient à l’origine de la mise en péril de la poursuite de ses activités.

En effet, et d’une part, l’AMF et l’ACPR ont veillé à informer très en amont et régulièrement au cours de la période transitoire de douze mois prévue par la loi Pacte les acteurs concernés que, passée la date du 18 décembre 2020, ils ne pourraient plus exercer leurs activité de services sur les actifs numériques sans avoir été préalablement enregistrés par l’AMF après avis conforme de l’ACPR.

Il est rappelé que cette obligation d’enregistrement est issue de la transposition de la directive européenne n° 2018/843 du 30 mai 2018 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

Ainsi, dès le 23 mars 2020, l’AMF a publié sur son site internet une page dédiée à l’obtention par les PSAN de leur enregistrement ou d’un agrément rappelant aux PSAN qui avaient commencé leur activité avant le 24 mai 2019, qu’ils bénéficiaient d’un délai de douze mois pour s’enregistrer, tout en précisant que « ces prestataires doivent donc s’enregistrer auprès de l’AMF au plus tard le 18 décembre 2020 ».

Par un communiqué en date du 27 juillet 2020, l’AMF et l’ACPR ont encore rappelé leurs obligations d’enregistrement ainsi que les délais fixés aux opérateurs de distributeurs automatiques de crypto-actifs opérant en France,qui ont commencé leur activité avant le 24 mai 2019, et le 22 septembre 2020 l’AMF a publié la position DOC 2020-07 relative aux questions-réponses relatives au régime des prestataires de services sur actifs numériques qui, en son paragraphe 3.1, spécifiait encore une fois que « seules les personnes qui exerçaient des activités définies aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-2 du code monétaire et financier avant l’entrée en vigueur de l’article 86 de la loi Pacte, soit avant le 24 mai 2019, peuvent bénéficier du délai de 12 mois pour s’enregistrer, soit jusqu’au 18 décembre 2020 ».

Ainsi, la société requérante ne saurait affirmer qu’il lui suffisait de déposer un dossier en vue de l’obtention de son enregistrement au plus tard le 18 décembre 2020, alors qu’au sens de l’article L. 54-10-4 « l’exercice de la profession de prestataires de services mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-2 est interdit à toute personne n’ayant pas été enregistrée au préalable par l’Autorité des marchés financiers ».

D’autre part, la requérante ne pouvait ignorer les dispositions du II de l’article D. 54-10-3 du CMF en vertu desquelles « L’Autorité des marchés financiers notifie sa décision relative à l’enregistrement au demandeur dans un délai de six mois à compter de la réception du dossier complet » et les dispositions de l’article R. 54-10-4 du même code selon lesquelles « le délai à l’expiration duquel le silence gardé par l’Autorité des marchés financiers (') vaut décision d’acceptation est de six mois suivant la date de réception du dossier complet. Lorsque l’Autorité des marchés financiers demande au requérant des éléments d’information complémentaires nécessaires à l’instruction du dossier, le délai prévu à l’alinéa précédent est suspendu jusqu’à réception des éléments demandés ».

Par conséquent, en déposant une demande d’enregistrement le 26 novembre 2020, et à supposer que le dossier ait été complet, la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY savait, dès le dépôt de sa demande, que son enregistrement ne pourrait éventuellement intervenir que le 26 mai 2021, soit postérieurement à la date du 18 décembre 2020 et à celle du 30 mars 2021.

Dès lors, la requérante ne saurait reprocher à l’AMF de mettre en péril la continuation de son activité, alors qu’elle est à l’origine, faute de diligences appropriées dans la gestion de sa demande d’enregistrement, de la situation qu’elle dénonce.

' L’absence de démonstration des conséquences manifestement excessives prétendument alléguées

Il ressort de l’extrait Kbis de la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY que ses activités sur actifs numériques sont accessoires à ses activités principales qui sont « l’étude, la conception, la production, l’exploitation dans les secteurs du multimédia, de l’informatique et de la communication ».

Par ailleurs, la requérante ne présente qu’une situation comptable au 28 décembre 2020 établie par sa présidente, laquelle se garde bien d’indiquer en montant la part que représenteraient les activités sur actifs numériques.

S’agissant des dix pertes d’emploi invoquées, l’AMF fait observer qu’au vu des pièces transmises par la société, ne seraient concernés que deux contrats à durée indéterminée à temps complet et deux contrats d’apprentissage, dont aucun a pour objet en particulier les activités sur actifs numériques.

C’est donc à tort que la société requérante soutient que l’exécution de la demande du Secrétaire général de l’AMF de cesser ses activités sur actifs numériques au sens des 1° et 2° de l’article L. 54-10-2 du CMF à compter du 19 décembre 2020 emporterait des conséquences manifestement excessives, voire irréversibles en termes de pérennité de ses activités.

2 ' Une requête dépourvue de tout effet en application de la loi Pacte.

Contrairement à ce que soutient la requérante, le délai de douze mois prévu au X de l’article 86 de la loi Pacte, au terme duquel il était interdit aux acteurs d’exercer en FRANCE des services d’actifs numériques au sens des 1° et 2° de l’article L. 54-10-2 du CMF, n’a pas été prorogé par les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.

Dans ces conditions, la demande du Secrétaire général de l’AMF ne faisait qu’appliquer le délai fixé par le législateur.

Il est argué que c’est à tort que la société requérante soutient que cette demande contreviendrait aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance précitée au motif qu’elle n’aurait considéré que le délai transitoire ouvert aux acteurs qui avaient commencé à exercer leurs activités de service sur actifs numériques avant l’entrée en vigueur de la loi PACTE, expirait non pas le 18 décembre 2020, mais le 30 mars 2021.

Enfin, comme rappelé supra, l’obligation d’enregistrement préalable par les PSAN et les modalités de la procédure d’instruction permettant de l’obtenir tiennent essentiellement à des considérations de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, dont le régime a été complété par l’ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020 renfoçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques, raison pour laquelle le délai de douze mois ne pouvait être prorogé.

Par conséquent, il ne saurait être ordonné le sursis à exécution de la demande du Secrétaire général de l’AMF de cesser toute activité sur actifs numériques à compter du 19 décembre 2020, faute d’avoir été enregistrée par l’AMF au plus tard le 18 décembre 2020.

En conclusion, il est demandé de rejeter la requête de sursis à exécution de la demande du Secrétaire général de l’AMF, présentée par la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY, car dépourvue de tout fondement et privée de tout effet en application de la loi Pacte.

Par avis en date du 16 mars 2021, le Ministère public rappelle :

I – Faits et procédure.

La loi Pacte du 22 mai 2019 a institué un cadre juridique applicable aux PSAN prévoyant notamment un enregistrement obligatoire prélable des prestataires. L’enregistrement des PSAN est réalisé par l’AMF sur avis conforme de l’ACPR. Selon l’article 86 X de cette loi : 'les personnes exerçant les activités définies aux 1° er 2° de l’article L54-10-2 du CMF avant l’entrée en vigueur du présent article bénéficient d’un délai de 12 mois à compter de la publication des textes d’application pour s’enregistrer auprès de l’AMF, dans les conditions définies à l’article L 54-10-3 du même code'.

Le dernier texte d’application est l’arrêté du 5 décembre 2019, publié au JO du 18/12/2019, ce qui laissait aux PSA jusqu’au 18/12/2020 pour s’enregistre auprès de l’AMF. La société BPS a déposé une demnde d’enregistremenr à l’AMF le 26 novembre 2020 qui n’a pas notifé à ce jour ( la 16 mars 2021) à la société la complétude du dossier. Par décision du du 18 décembre 2020, l’AMF a enjoint à la requérante de mettre fin à ces activités en france à compter du 19/12/2020. La société BPS demande le sursis à exécution de ladite décision.

II Discussion :

Le ministère public rappelle à titre liminaire, que selon une jurisprudence constante, « s’il n’appartient pas au magistrat délégué de contrôler la légalité de la décision, objet du recours, il lui revient en revanche de s’assurer, lorsqu’une irrégularité grave de procédure est invoquée, que la décision n’est pas sérieusement menacée d’annulation de ce chef de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives visées par l’article L. 464-8 précité ».

La cour a précisé l’hypothèse d’une violation flagrante des règles de droit applicables en vue d’apprécier ce rique d’annnulation de la décision.

Mais il est observé que cette jurisprudence ne trouve à s’appliquer que si la demande de sursis à exécution concerne une décision faisant grief. Ainsi la cour appelée à se prononcer sur une requête en sursis à exécution d’une notification de grief, l’a déclaré irrecevable, s’agissant d’un acte insusceptible de recours.

De même , dans le cadre d’une procédure proche de celle de l’AMF, il a été jugé que la lettre du président de la Commission de contrôle des assurances qui avait pour seul objet d’indiquer qu’une sanction était prévue et était susceptible d’être prise constituait « le premier acte de la procédure de sanction instituée à l’article L. 310-18 du code des assurances » et ne pouvait « être déférée au Conseil d’État par la voie du recours pour excès de pouvoir ».

1 ' Sur le bien-fondé des demandes de sursis à exécution

S’agissant du cadre juridique applicable, il est rappelé que la loi PACTE, entrée en vigueur le 24 mai 2019, fixe le cadre juridique pour fournir en FRANCE des services sur actifs numériques, lesquels sont énumérés à l’article L. 54-10-2 du CMF. Il est cité le texte des articles L. 54-10-3 et L. 54-10-4 du CMF ainsi que les dispositions du X de l’article 86 de la loi PACTE.

Le Ministère public souligne que le dernier texte d’application, à savoir l’arrêté du 5 décembre 2019 portant homologation de modifications du règlement général de l’AMF, a été publié au Journal officiel du 18 décembre 2019.

Ainsi, le délai de douze mois accordé aux PSAN visés aux 1° et 2° de l’article 54-10-2 du CMF pour être enregistrés par l’AMF expirait le 18 décembre 2020.

Concernant la prorogation du délai de douze mois prévu au X de l’article 86 de la loi PACTE par les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, il est fait observer qu’en vertu du I de l’article 1 de cette ordonnance que « les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ».

Aux termes de l’article 8, « lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux pour se conformer à des prescriptions de toute nature, sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice. (…) ».

Il résulte de ces dispositions qu’elles ne concernent que les délais imposés par l’administration et en tout état de cause ceux ayant expiré au plus tard le 23 juin 2020.

' Sur l’irrégularité de procédure invoquée au regard de l’article L. 621-13-5 du CMF

Il est fait valoir qu’aucune violation flagrante des dispositions issues du 4° du I de l’article L. 621-13-5 du CMF ne peut valablement être invoquée, ces dernières prévoyant une procédure de mise en demeure avant saisine du président du tribunal judiciaire de Paris, soit à un stade ultérieur.

En effet, en l’espèce, la lettre du Secrétaire général de l’AMF constitue bien un rappel de la loi et des sanctions applicables en cas de poursuite d’une activité sans enregistrement à partir du 19 décembre 2019.

Ce moyen sera donc rejeté.

' Sur l’existence de conséquences manifestement excessives

A titre liminaire, il est fait observer que la société BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY a déposé sa demande d’enregistrement le 26 novembre 2020 de sorte que le défaut d’enregistrement, à la date du 18 décembre 2020, par l’AMF ne saurait lui être imputable.

Cependant, dans son ordonnance du 26 janvier 2021, le Conseil d’État a rejeté la requête en référé suspension dont il était saisi, au motif que les sociétés, dont la requérante, ne donnaient « aucune précision ni sur la part que représente l’activité de prestations de services numériques dans leur chiffre d’affaires global, ni sur la réalité de leurs effectifs salariés contestée en défense ».

En l’espèce, c’est à bon droit que l’AMF fait valoir que l’extrait Kbis à jour au 2 novembre 2020 de la requérante indique comme activités principales « le commerce électronique de produits de grande distribution et le développement d’application informatique » et qu’aucune précision n’est apportée en dehors d’une situation comptable indiquant la part dans leur chiffre d’affaires global des montants que représenteraient les activités sur actifs numériques, ni sur la réalité de leurs effectifs salariés dédiés aux activités sur actifs numériques.

Ce moyen sera écarté.

En conclusion, le Ministère public invite la Cour à rejeter la demande de sursis à exécution.

SUR CE :

Sur la demande de Sursis à exécution :

Considérant qu’aux termes de l’article L.621-30 du code monétaire et financier ' l’examen des recours formés contre les décisions individuelles de l’Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnés au II de l’article L 621-9 est de la compétence du juge judiciaire.

Ces recours n’ont pas d’effet suspensif sauf si la juridiction en décide autement. Dans ce cas, la juridition saisie peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d’entrainer des conséquences manifestement excessives'.

Considérant que le Secrétaire général a notifié en date du 21 décembre 2020 à la société SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY un courrier comportant la référence n° AMF : 2020004191 daté du 18 décembre 2020, que ce courrier lui enjoignait de prendre toutes les dispositions pour mettre fin à ses activités sur actifs numériques exercées en France à compter du 19 décembre 2020, qu’au surplus cette missive rappelait à la société les infractions et sanctions encourues en cas de continuation desdites activités et la possibilité pour l’AMF de saisir le procureur de la République.

Considérant que le courrier du secrétaire général de l’AMF eu égard à sa teneur, ne peut être qualifié de simple 'rappel à la loi’ et constitue bien une décision individuelle au sens de l’article L.621-30 du code monétaire et financier, que d’ailleurs ce document est qualifié de ' décision’ dans ses écritures par le Ministère public, que cette décision fait grief à la société SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY en ce qu’elle doit mettre fin à ses activités de prestataire de services sur actifs numériques à compter du 19 décembre 2020.

La requête en sursis à exécution de la décision de l’AMF n° 2020004191 du 18 décembre notifiée le 21 décembre 2020 , présentée par la société SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY, sera déclarée recevable.

Sur l’irrégularité grave de procédure de nature à sérieusement menacer d’annulation la décision de l’Autorité des marchés financiers soulevée par la requérante :

Considérant qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour d’appel de Paris que ' s’il n’appartient pas au magistrat délégué de contrôler la légalité de la décision objet du recours, il lui revient en revanche de s’assurer lorsqu’une irrégularité grave de procédure est invoquée, que la décision n’est pas sérieusement menacée d’annulation de ce chef de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives visées par l’article L464-8 du code de commerce'.

Considérant que l’article l’article L.621-30 du code monétaire et financier prévoit ' […] Dans ce cas , la juridition saisie peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d’entrainer des conséquences manifestement excessives', qu’il convient de s’assurer que la décision de l’AMF n’est pas sérieusement menacée d’annulation du fait des irrégularités graves de procédure qui sont invoquées.

Considérant que selon l’article 86 X de la loi PACTE : 'les personnes exerçant les activités définies aux 1° er 2° de l’article L54-10-2 du CMF avant l’entrée en vigueur du présent article bénéficient d’un délai de 12 mois à compter de la publication des textes d’application pour s’enregistrer auprès de l’AMF, dans les conditions définies à l’article L 54-10-3 du même code', que plusieurs dispositions successives depuis la loi du 22 mai 2019 ont précisé les conditions de constitution des dossiers par les sociétés, la dernière en date étant un document publié par l’AMF en date du 22 septembre 2020, que le conseil de la SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY justifie avoir déposé un dossier (demande d’enregistrement PSAN) par message électronique à l’AMF en date du 26 novembre 2020 comportant des pièces semblant répondre aux exigences de l’article L54-10-3 CMF concernant les vérifications de l’AMF, qu’à l’audience du 17 mars 2021 le conseil de la requérante a précisé que la société n’avait pas d’information sur l’avancée de l’instruction de son dossier et que l’AMF n’avait pas attesté de la complétude du dossier, que l’AMF pour sa part estime que la société n’a pas été assez diligente et a envoyé son dossier trop tardivement malgré le communiqué de presse conjoint de l’AMF et l’ACPR du 23 novembre 2020 rappelant la date butoir du 18 décembre 2020 imposée aux sociétés de se mettre en conformité avec l’obligation d’enregistrement, qu’il en résulte nénamoins que la société SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY, qui n’a eu aucune information sur la validité de son dossier depuis 4 mois, ne peut-être tenue pour responsable des délais d’instruction particulièrement longs de l’AMF.

Considérant qu’il résulte de la rédaction de l’article L 621-13-5 du CMF, modifiée par la loi du 22 mai 2019, article 82, que 'le président de l’Autorité des marchés financiers adresse, par tout moyen propre à en établir la date de réception , une mise en demeure aux opérateurs suivants

—  4° les opérateurs entrant dans le champ d’application de l’article L54-10-3 qui ne sont pas enregistrés par l’AMF dans les conditions prévues au même article L54-10-3" , que selon l’article ces personnes peuvent présenter des observations dans un délai de 8 jours, que suite à cette procédure le président de l’AMF ' peut’ saisir le Tribunal du Tribunal judiciaire de Paris […], que cette procédure qui garantit le principe du contradictoire avant toute injonction n’a pas été respectée concernant la décision notifiée le 21 décembre 2020 à la société requérante, que ce

' rappel à la loi’ effectué par le Secrétaire général de l’AMF ainsi que le qualifie l’AMF par ailleurs ne repose sur ancun texte du CMF, que cette décision semble sérieusement menacée d’annulation du fait de cette irrégularité grave de procédure.

Considérant que la société requérante conteste la décision du 18 décembre 2020 en ce que celle-ci lui enjoint de cesser son activité à compter du 19 décembre 2020, que cette date a été fixée par l’AMF sans tenir compte de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant la même période, ce qui selon la requérante lui permettait de bénéficier d’un délai supplémentaire de 3 mois et 12 jours, que l’AMF estime que le délai de 12 mois prévu au X de l’article 86 de la loi Pacte n’a pas été prorogé par les dispositions de l’ article 8 qui ne viserait 'que des

délais imposés par l’administration'.

Mais considérant que l’article 8 précité prévoit ' lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne […] sont à cette date suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er […]', que l’ordonnance du 23 mars 2020 est relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, que cette ordonnance cite des articles de différents codes qui sont issus de lois et règlements, que l’ordonnance du 15 avril 2020 a émis la liste des mesures exclues du champ d’application, que l’ article 86 X de la loi Pacte n’en est pas exclu, qu’il en résulte que l’application de l’article 8 de l’ordonnance du 25 mars 2020 à la loi Pacte ne peut-être écartée sans un débat sur le fond, qu’ainsi la décision de l’AMF enjoignant à la société requérante de cesser toute activité à compter du 19 décembre 2020 semble sérieusement menacée d’annulation du fait de cette irrégularité grave de procédure.

-Sur les conséquences manifestement excessives de l’exécution de la décision de l’Autorité des marchés financiers sur la situation financière de la société SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY :

Considérant que la société requérante fait valoir dans ses écritures du 31 décembre 2020 que depuis son lancement son activité a connu une forte croissance, que sur les 6 derniers mois d’activité son chiffre d’affaire mensuel s’élève à 500.000 euros pour un montant moyen mensuel de charges fixes de 27. 455 euros composées de charges de personnel et de charges sociales, qu’au 30 novembre ses encours bancaires s’élèvent à 76.355 euros, qu’en l’absence de revenus à venir ce montant permettrait de faire face aux engagements financiers pendant une durée de 4 semaines seulement, qu’à l’issue de ce délai la société risque de se retrouver en état de cessation de paiements entrainant la destruction d’une dizaine d’emplois, que la cessation d’activité la conduirait à la faillite, qu’aux pertes d’exploitation s’ajouteraient les dépenses commerciales et de communication qui devraient être exposées pour assurer une reprise de la croissance et de l’acquisition de clients dans un conteste sectoriel très concurrentiel où la rentabilité ne peut-être asurée que par des volumes d’affaires importants, qu’à l’appui de ses arguments non réellement contestés par l’AMF, la requérante produit la copies des contrats de travail et d’apprentissage ainsi que sa situation comptable au 28 décembre 2020 et des relevés de compte bancaire.

Considérant que l’exécution de la décision de l’Autorité des marchés financiers aurait des conséquences manifestement excessives sur la situation financière de la société.

Considérant en conséquence qu’il y a lieu de surseoir à l’exécution de la décision n° 2020004191 de l’Autorité des marchés financiers en date du 18 décembre 2020 notifiée le 21 décembre 2020 à la SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY, jusqu’à ce que la Cour statue sur le bien fondé du recours au fond.

PAR CES MOTIFS

- Déclarons recevable la requête de sursis à exécution présentée par la société SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY concernant la décision de l’AMF n° 2020004191 du 18 décembre notifiée le 21 décembre 2020 ;

- Ordonnons le sursis à exécution de la décision de l’Autorité des marchés financiers n° 2020004191 du 18 décembre 2020 notifiée le 21 décembre 2020 à l’encontre de la société SAS BLOCKCHAIN PROCESS SECURITY jusqu’à ce que la Cour d’appel statue sur le bien-fondé du recours formé contre cette décision.

- Disons que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l’instance au fond.

LE GREFFIER

Z A

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

B C-D

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 14 avril 2021, n° 20/18861