Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 14 septembre 2021, n° 21/00848

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 14 sept. 2021, n° 21/00848
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/00848
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 15 novembre 2020, N° 20/55276
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2021

(n°142/2021, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/00848 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5LL

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 16 Novembre 2020 -TJ de PARIS – RG n° 20/55276

APPELANTE

S.A.S. SYDNEY LAURENT EDITIONS

Société au capital de 320 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 509 025 516

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS substituant Me Michel BOURGEOIS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉE

Madame X, B Y

Née le […] à […]

De nationalité française

Auteur

[…]

[…]

Représentée par Me Alexandra SEIZOVA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2392

Assistée de Me Inès BABOIN-JAUBERT de la SELARL DAFIA & SEIZOVA, avocat au barreau

de PARIS, toque C2392

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Déborah BOHÉE , conseillère, et Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

• Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme X Y se présente comme auteure de plusieurs livres à succès. En 2017, après avoir participé à plusieurs expériences de co-écriture et remporté la 11e place au concours « Les plumes francophones 2017 » organisé par Z C, elle a procédé à la publication et à la vente de son premier roman intitulé Amort ' Les Officiels, sur C DIRECT PUBLISHING, plateforme internet d’autoédition et de vente sur Z permettant l’impression des livres à l’unité après la commande du client.

Le 26 mars 2018, elle a signé un contrat de publication d’une 'uvre littéraire à compte d’éditeur avec la société SYDNEY LAURENT EDITIONS pour une durée de 18 mois. Le bon à tirer, prévu par le contrat, a été transmis à Mme Y le 12 mai 2018 et le roman mis en vente par la société SYDNEY LAURENT EDITIONS.

Par courrier du 8 octobre 2019, la société SYDNEY LAURENT EDITIONS a notifié à Mme Y l’arrêt définitif de la commercialisation de son ouvrage.

Mme Y dit avoir cependant découvert que la société SYDNEY LAURENT EDITIONS a continué la commercialisation de son livre sur la plateforme Z.

Par courrier du 23 février 2020, elle a mis en demeure l’éditeur :

— de cesser définitivement toute commercialisation de son ouvrage Amort ' Les Officiels ;

— de mettre au pilon tous ses stocks de livres invendus et de lui remettre un certificat précisant la date à laquelle l’opération aura été accomplie et le nombre d’exemplaires détruits ;

— de lui communiquer un relevé de droits mentionnant notamment le nombre d’exemplaires vendus depuis le dernier relevé en date du 16 septembre 2019 ;

— de procéder au paiement à son profit de toutes sommes encaissées au titre de la commercialisation sans droits de son ouvrage, et qui ne saurait se limiter au simple paiement de droits d’auteur.

Estimant que la société SYDNEY LAURENT EDITIONS continuait à commercialiser son roman malgré cette mise en demeure, Mme Y l’a assignée, par acte du 17 août 2020, devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé.

Par ordonnance rendue le 16 novembre 2020, le juge des référés :

— a enjoint à la société SYDNEY LAURENT EDITIONS de justifier de l’arrêt de la commercialisation du livre Amort ' Les Officiels sur le site internet , dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et ce pour une durée de deux mois,

— s’est réservé la liquidation de l’astreinte,

— a rejeté le surplus des demandes formées par Mme Y,

— a condamné la société SYDNEY LAURENT EDITIONS aux dépens et au paiement à Mme Y de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 8 janvier 2021, la société SYDNEY LAURENT EDITIONS a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 19 mars 2021, la société SYDNEY LAURENT EDITIONS demande à la cour :

— de juger qu’elle est recevable et fondée en son appel et en ses demandes,

— de réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle est entrée en voie de condamnation sous astreinte à son encontre et l’a condamnée au paiement de la somme de 2 500 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

— de la confirmer en ce qu’elle a rejeté les demandes de Mme Y,

— de condamner Mme Y à lui payer la somme de 3 000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 23 mars 2021, Mme Y demande à la cour :

— de la déclarer recevable en son action et bien fondée,

— de rejeter toutes demandes de la société SYDNEY LAURENT EDITIONS,

— de confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a statué comme suit : « Rejette le surplus des demandes formées par X Y »,

— d’infirmer l’ordonnance uniquement en ce qu’elle a statué comme suit : « Rejette le surplus des demandes formées par X Y »,

— statuant à nouveau,

— d’enjoindre à la société SYDNEY LAURENT EDITIONS la cessation de toute distribution directe ou indirecte, par le biais de son réseau de revendeurs, sur Internet ou par des points physiques de vente, du roman « AMORT ' LES OFFICIELS », et ce immédiatement à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

— d’enjoindre à la société SYDNEY LAURENT EDITIONS de justifier à Mme Y du retrait de la commercialisation du livre « AMORT ' LES OFFICIELS » des plateformes Z et FNAC et toute autre plateforme de vente sur Internet ainsi que des points de vente physique, à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

— d’enjoindre à la société SYDNEY LAURENT EDITIONS de communiquer à Mme Y le journal de la totalité des ventes réalisées (justificatifs à l’appui) sur la plateforme internet Z et FNAC et toute autre plateforme de vente sur Internet utilisée, sous tous formats (papier – brioché et informatique- ebook), ainsi que les points de vente physique, concernant le roman « AMORT ' LES OFFICIELS », entre le 26 mars 2018 et le jour de l’arrêt à intervenir, et ce dans un délai de un jour ouvré, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

— à titre subsidiaire, d’enjoindre à la société SYDNEY LAURENT EDITIONS de communiquer à Mme Y, le journal des ventes réalisées entre le 8 octobre 2019 et le jour de l’arrêt à intervenir (justificatifs à l’appui), sur la plateforme Z et FNAC, et toute autre plateforme de vente sur Internet, ainsi que les points de vente physique, concernant le roman « AMORT ' LES OFFICIELS » sous tous format (papier – brioché et informatique- ebook), entre le 26 mars 2018 et le jour de l’arrêt à intervenir, et ce dans un délai de un jour ouvré, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

— en tout état de cause :

— de condamner la société SYDNEY LAURENT EDITIONS à verser la somme de 31 000 euros à Mme Y à titre de liquidation de l’astreinte prononcée par le président du tribunal judiciaire de Paris dans son ordonnance en date du 16 novembre 2020,

— de condamner la société SYDNEY LAURENT EDITIONS à verser la somme de 10 000 euros à Mme Y à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— de condamner la société SYDNEY LAURENT EDITIONS à verser la somme de 5 000 euros à Mme Y sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est du 15 décembre 2020.

MOTIFS

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le bien fondé des demandes de Mme Y

Sur les demandes concernant la cessation de la distribution de l’ouvrage et la justification du retrait de sa commercialisation

Il sera précisé que le juge des référés a estimé qu’il était vraisemblable que l’offre en vente du livre par la société SYDNEY LAURENT EDITIONS s’était poursuivie au-delà du 8 octobre 2019, indépendamment du fait que l’ouvrage était par ailleurs commercialisé directement par l’auteure sur Z.

La société SYDNEY LAURENT EDITIONS expose qu’en suite de son courrier du 8 octobre 2019 informant Mme Y de l’arrêt définitif de la commercialisation de l’ouvrage Amort ' Les Officiels, elle a adressé, le 14 janvier 2020, un courriel de déréférencement de l’ouvrage aux plateformes de vente sur internet qui le commercialisaient, parmi lesquelles Z.

Elle fait valoir que si Z a pu procéder le 28 décembre 2019 à la vente d’un exemplaire de l’ouvrage, pour répondre à une commande de M. A du 21 décembre 2019, cette vente, réalisée de la seule initiative de la plateforme, a donné lieu au versement de droits d’auteur à Mme Y. Elle soutient que le procès-verbal de constat d’huissier du 9 juillet 2020 laissant apparaître, à cette date, la présence de l’ouvrage sur Z ne permet pas de conclure à un quelconque manquement de sa part à ses obligations, rien ne prouvant que l’ouvrage était encore disponible (achetable) et livrable à cette date et qu’elle justifie qu’Z, entre le 9 octobre 2019 et le 26 août 2020, n’a vendu que le seul exemplaire destiné à M. A, ce qui confirme que cette plateforme a bien reçu sa demande de déréférencement. Elle critique l’ordonnance entreprise pour n’avoir pas exclu l’existence vraisemblable d’autres ventes que celle du 21 décembre 2019 et lui avoir enjoint sous astreinte de justifier de l’arrêt de la commercialisation du livre sur Z alors que Mme Y vend aussi son ouvrage sur cette plateforme, dénonçant l’imprécision de l’obligation soumise à astreinte. Prétendant justifier de sa démarche de déréférencement auprès d’Z, elle estime que les demandes de Mme Y sont infondées et argue que le nouveau procès-verbal d’huissier produit par l’intimée, en date du 12 février 2021, ne démontre pas davantage la commercialisation de l’ouvrage après le 21 décembre 2019.

Mme Y maintient que la société SYDNEY LAURENT EDITIONS a poursuivi la distribution du livre après la résiliation du contrat d’édition, et soutient, sur la foi d’un constat d’huissier du 12 février 2021, qu’elle continue cette distribution sous format numérique au jour où la cour est saisie. Elle argue que l’éditeur est seul responsable du déréférencement après la fin du contrat et ne peut évoquer la responsabilité des plateformes internet sans les appeler en la cause, que la mauvaise foi de l’appelante est patente, d’autant que celle-ci avoue, par le biais de ses écritures, qu’elle faisait appel à la plateforme C ENTERPRISE PUBLISHING aux fins de commercialisation du livre sur Z, ce qui était exclu du contrat d’édition, que la preuve du déréférencement sur Z n’est nullement rapportée dans les termes de l’injonction prononcée soumise à astreinte, que c’est par une mauvaise appréciation des pièces aux débats que le premier juge a rejeté une partie de ses demandes concernant la commercialisation du roman, après la rupture du contrat d’édition, sur le site de la FNAC. Elle soutient ainsi que le dommage imminent et le trouble manifestement illicite sont caractérisés en ce que la vente du livre par la société SYDNEY LAURENT EDITIONS en violation du contrat désormais résilié la prive de la possibilité de le commercialiser de son côté, détourne son lectorat et lui cause un préjudice financier direct au moyen d’un enrichissement sans cause de son ancien éditeur.

Ceci étant exposé, l’article 835 du code de procédure civile dispose que 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (…)'.

C’est à juste raison que le premier juge a estimé que la copie d’écran du site internet de la FNAC produite par Mme Y du 18 juillet 2020 était impropre à démontrer la commercialisation du livre Amort Les officiels par ce distributeur à cette date, ne comportant pas de garantie suffisante quant à la fiabilité de son contenu et de sa date.

Il est en revanche constant qu’une vente de l’ouvrage commandé le 21 décembre 2019 a été réalisée à partir du site de la société Z le 28 décembre 2019 (pièce 8 Mme Y). La société SYDNEY LAURENT EDITIONS argue qu’elle avait pourtant accompli une démarche auprès de la plateforme de vente en ligne aux fins de déréférencement de l’ouvrage et elle produit à cet égard un courriel en date du 14 janvier 2020 adressé à plusieurs distributeurs concernant plus d’une centaine de références à supprimer de la vente, dont celle portant le n° ISBN 9791032610251 correspondant, ce qui n’est pas contesté, à l’ouvrage en cause. Cependant, comme l’a relevé le premier juge, la société Z n’apparaît pas dans la liste des destinataires dudit courriel. En outre, la cour observe que le temps mis par l’éditeur pour adresser sa demande de déréférencement aux distributeurs – envoyée plus de trois mois après son courrier du 8 octobre 2019 signifiant à l’auteure l’arrêt définitif de la commercialisation de l’ouvrage – laissait toute latitude à la plateforme Z pour poursuivre la vente de l’ouvrage en décembre 2019, aucun élément n’accréditant par ailleurs la thèse selon laquelle la vente aurait été réalisée 'de la seule initiative de la plateforme en question' qui aurait ainsi imprimé elle-même l’ouvrage sans le consentement de l’éditeur. L’appelante laisse également entendre que l’ouvrage ainsi vendu aurait pu l’être par Mme Y directement puisque celle-ci travaillait avec la plateforme Z lorsqu’elle s’auto-éditait et qu’elle avait continué cette relation après la cessation du contrat d’édition : toutefois, la société éditrice reconnaît que la vente du 28 décembre 2019 a donné lieu au paiement de sa part de droits d’auteur à Mme Y (courrier de 'reversion avoir droit d’auteur’ de l’éditeur du 26 août 2020
- sa pièce 3), ce qui paraît incompatible avec une vente réalisée de la seule initiative de la plateforme ou par Mme Y directement, et l’historique que celle-ci fournit des ventes opérées directement par elle sur Z au format e-book ou broché (sa pièce 14) ne fait apparaître aucune vente en décembre 2019.

Par ailleurs, comme l’a constaté le juge des référés, le procès-verbal de constat d’huissier de justice établi le 9 juillet 2020 révèle, à cette date, la disponibilité à la vente d’un exemplaire neuf de l’ouvrage édité par la société SYDNEY LAURENT EDITIONS sur le site de la société Z.

Pour la première fois en cause d’appel, la société appelante produit un courrier que lui a adressé, le 3 mars 2021, la société CYBER SCRIBE FRANCE, qui a pour activité l’exploitation d’applications sur internet permettant aux éditeurs, notamment, de gérer le référencement des ouvrages de leurs catalogues et à laquelle elle recourt, indiquant : 'Pour faire suite à notre conversation téléphonique, nous pouvons certifier et vous confirmer que le 08-10-2019 à 11h12 vous avez indiqué sur notre base que l’ouvrage ci-dessous référencé n’était plus distribué par votre Société (passage en code « 06 » = Arrêt définitif de commercialisation), dans le même temps nous avons transmis à

Z notre demande de suppression de cet ouvrage :

[…]

Auteur : Y X

De plus, pour faire suite à la fin de notre partenariat en mars 2020 nous avons, pour notre part, supprimé cet ouvrage de notre base de données. (')

Dans le cadre de votre représentation liée aux livres numériques sur Z, ces informations ont bien évidemment été immédiatement transmises afin de prendre en compte cet arrêt de distribution.

Cet ouvrage était aussi référencé en tant que livre papier et le même traitement a été appliqué sur ce livre :

[…]

Auteur : Y X

Dans le cadre de notre partenariat avec Dilicom, ces informations ont bien évidemment été transmises dans la nuit à la base de Dilicom (le FEL Fichier Exhaustif du Livre), Dilicom qui a, dès le lendemain matin, automatiquement informé tous les libraires du réseau Dilicom de cet arrêt de distribution (…)'

Cependant, ce courrier, de nature à attester d’une démarche entreprise par l’éditeur dès l’arrêt de la commercialisation de l’ouvrage auprès de la société CYBER SCRIBE FRANCE, n’a manifestement pas suffi à éviter l’offre du dit ouvrage à la vente sur Z en décembre 2019 et juillet 2020, alors que, comme il a été dit, l’éditeur a attendu le 14 janvier 2020 pour demander à plusieurs distributeurs, parmi lesquels ne figurait pas Z, de supprimer la référence concernée de la vente et que, comme le souligne Mme Y, il lui appartenait, en tout état de cause, de s’assurer du déréférencement effectif de l’ouvrage.

L’ordonnance entreprise n’encourt donc pas de critique en ce qu’elle a, pour prévenir le dommage imminent résultant de l’atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur de Mme Y qui, de son côté, commercialise directement son ouvrage sur le même site Z, enjoint à la société SYDNEY LAURENT EDITIONS de justifier de l’arrêt de la commercialisation du livre, sous astreinte, dans les conditions exposées supra dans l’exposé du litige, qui ne caractérisent pas d’imprécision dans le libellé de l’obligation mise à la charge de l’éditeur.

Elle sera confirmé de ce chef.

Sur la demande concernant la liquidation de l’astreinte

Pour soutenir que l’éditeur n’a pas exécuté les obligations mises à sa charge par l’ordonnance et demander la liquidation de l’astreinte prononcée, Mme Y produit en appel un procès-verbal de constat d’huissier réalisé le 12 février 2021, soit postérieurement à l’ordonnance entreprise, sur la plateforme internet Z, qui montre la disponibilité à la vente de l’ouvrage portant en couverture la mention 'Les Editions SYDNEY LAURENT', sous format numérique C.

Cependant, la société SYDNEY LAURENT EDITIONS a adressé à Mme Y un courrier en date du 20 novembre 2020 pour justifier, en exécution de l’ordonnance entreprise du 16 novembre 2019, de l’arrêt par ses soins de la commercialisation du livre, joignant à ce courrier différentes pièces et notamment un rapport de disponibilité de la plateforme Z concernant l’ouvrage en cause faisant apparaître un statut 'non disponible' (pièce 13). Elle produit également une page 'Gestionnaire de catalogue’ sur le site C ENTERPRISE PUBLISHING (sa pièce 14) faisant apparaître que l’ouvrage présente un statut 'désactivé' et un stock physique de 'zéro'. L’argumentation de Mme Y selon laquelle le terme 'désactivé' impliquerait l’absence de déréférencement définitif et la possibilité pour l’éditeur de ré-activer la vente sur la plateforme n’emporte pas la conviction. Elle argue par ailleurs que ce document ne concernerait que le format broché du livre, ce dont attesterait la rubrique 'stock physique', mais la page produite est une page C ENTERPRISE PUBLISHING qui propose une version numérique des ouvrages.

Il est constant par ailleurs que Mme Y commercialise directement son ouvrage sur le site Z, notamment sous un format e-book via C DIRECT PUBLISHING.

Dans ces conditions, il n’est pas établi, avec l’évidence requise en référé, que l’offre à la vente, le 12 février 2021, de l’ouvrage sous format numérique C soit imputable à la société appelante.

Mme Y sera en conséquence déboutée de ses demandes tendant à la liquidation de l’astreinte prononcée dans l’ordonnance entreprise.

Sur les demandes tendant à la communication des ventes

C’est pour de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier a juge a rejeté les demandes de communication de l’état des ventes de l’ouvrage formées par Mme Y, retenant que l’éditeur avait satisfait à son obligation de reddition des comptes et que l’auteure n’établissait pas l’existence vraisemblable d’autres ventes que celle constatée en décembre 2019.

L’ordonnance sera confirmée de ces chefs.

Sur la demande concernant la procédure abusive

L’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, Mme Y sera déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d’une faute de la société SYDNEY LAURENT EDITIONS qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits, et d’établir l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais qu’elle a dû exposer pour sa défense.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société SYDNEY LAURENT EDITIONS, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société SYDNEY LAURENT EDITIONS au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme Y peut être équitablement fixée à 4 000 ', cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme Y de ses demandes relatives à la liquidation de l’astreinte prononcée par l’ordonnance déférée et à la procédure abusive,

Condamne la société SYDNEY LAURENT EDITIONS aux dépens d’appel et au paiement à Mme Y de la somme de 4 000 ' en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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