Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 12 janvier 2022, n° 19/08627

  • Démission·
  • Immobilier·
  • Préavis·
  • Salarié·
  • Service·
  • Sociétés·
  • Employeur·
  • Licenciement·
  • Représailles·
  • Travail

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 6, 12 janv. 2022, n° 19/08627
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/08627
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 11 novembre 2018, N° F16/12159
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 12 JANVIER 2022

(n° 2022/ , 5 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08627 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOI3


Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 16/12159

APPELANT

Monsieur Y X

[…]

77220 GRETZ-ARMAINVILLIERS

Représenté par Me Marianne BOUCHAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : R247

INTIMEE

SARL Pichet Immobilier Services prise en la personne de son gérant en exercice

[…]

[…]

Représentée par Me David FONTENEAU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue le 06 Novembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Marylène BOGAERS, lors des débats

ARRÊT :
- contradictoire,


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,


- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. Y X a été embauché par la société Lonsdale immobilier services, devenue Pichet immobilier services selon CDI à effet au 23 février 2015, en qualité de gestionnaire de copropriété, statut cadre, niveau C1, au sens de la convention collective applicable (IMMOBILIER).


La société Pichet immobilier services est une société parisienne spécialisée dans l’administration de biens.

M. Y X a été embauché alors que la société Pichet venait, en courant d’année 2013, d’être acquise par le groupe Pichet (groupe immobilier bordelais) dans le cadre d’une démarche de croissance externe et qu’un processus d’intégration et de « normalisation » était mis en 'uvre par la direction générale bordelaise.


Exposant subir une situation de stress et d’angoisse générés par les méthodes de management de la direction générale, M. Y X a remis sa démission par courrier du 9 mai 2016, dans lequel il demandait à ce que son préavis de 3 mois soit raccourci au 1er juin 2016.


Le 17 mai suivant, la société Pichet a pris acte de la démission de son salarié mais n’a fait que partiellement droit à sa demande de réduction de préavis puisque la société en a fixé l’échéance au 30 juin 2016.


Néanmoins, le salarié a définitivement quitté l’entreprise le 1er juin 2016.


Le 7 décembre 2016, la société a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de paiement d’une indemnité compensatrice du préavis non-effectué par M. Y X au mois de juin 2016, pour un montant de 2.968,22 euros, outre une indemnité d’un montant de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


Par jugement rendu le 12 novembre 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a fait droit aux demandes indemnitaires de la société Pichet et rejeté les demandes reconventionnelles de M. X.

M. X en a relevé appel le 29 juillet 2019.


Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 octobre 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, M. X formule les demandes suivantes':


- le recevoir en son appel,


Y faisant droit,


Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. X à verser à la société Pichet immobilier services la somme de 2968,22 euros à titre d’indemnité de préavis non effectué avec intérêts au taux légal à compter de la saisine ainsi que la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a débouté de l’intégralité de ses demandes.
Statuant à nouveau,


Fixer la moyenne mensuelle de la rémunération de M. X à la somme de 3.588,15 euros bruts.


Juger que la société Pichet immobilier services a porté atteinte à la liberté d’expression de M. X,


Juger que le management et l’attitude de la société Pichet immobilier services ont porté atteinte à la santé psychique de M. X;


En conséquence,


Juger que la démission de M. X s’analyse en une prise d’acte aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement nul,


En conséquence,


Condamner la société Pichet immobilier services à verser à M. X les sommes de :

' Au titre du préavis : 10.764,45 euros bruts

' Au titre des congés payés sur préavis : 1.076,44 euros bruts

' Au titre de l’indemnité de licenciement : 1.312,56 euros nets

' A titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral : 15.000 euros

' A titre de dommages-intérêts pour nullité de la rupture : 25.000 euros


Subsidiairement,


Juger que la démission de M. X s’analyse en une prise d’acte aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement abusif,


En conséquence,


Condamner la société Pichet immobilier services à verser à M. X les sommes de :

' Au titre du préavis : 10.764,45 euros bruts

' Au titre des congés payés sur préavis : 1.076,44 euros bruts

' Au titre de l’indemnité de licenciement : 1.312,56 euros nets

' A titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral : 15.000 euros

' A titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif : 10.000 euros


En toute hypothèse,


Débouter la société Pichet immobilier services de l’intégralité de ses demandes,


Condamner la société Pichet immobilier services à verser à M. X une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonner la capitalisation des intérêts.


Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 janvier 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Pichet immobilier services formule les demandes suivantes:


- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 12 novembre 2018;


- débouter M. X de toutes ses demandes


- condamner M. X à verser à la société Pichet immobilier services une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile


- condamner M. X aux dépens.

Motifs

Sur la rupture du contrat de travail

M. X sollicite la requalification de sa démission en prise d’acte aux torts de l’employeur, devant produire les effets d’un licenciement nul, au motif que son départ aurait été motivé par la violation de sa liberté d’expression dans un contexte général de violence verbale et managériale portant atteinte à sa santé psychique. Il soutient avoir été identifié par la direction comme « meneur » d’un groupe de salariés ayant dénoncé par courrier les difficultés rencontrées par la fermeture du restaurant inter-entreprise et l’absence de solution de remplacement, ce qui allait les contraindre à exposer des sommes conséquentes pour déjeuner. Il fait état de représailles dont il aurait ainsi été l’objet de la part de son employeur.


La société réplique que cette démission est dépourvue d’ambiguïté. Elle ajoute qu’au mépris de ses obligations, à compter du 1er juin 2016, M. X qui s’était déjà engagé auprès d’un futur employeur, a cessé brutalement de se présenter à son poste de travail, et ce malgré les mises en demeure de la société.


La démission est la manifestation d’une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin à son contrat de travail.


Néanmoins, ce caractère clair et non équivoque peut être remis en cause lorsque le salarié invoque dans sa lettre de démission des manquements de l’employeur de nature à la rendre équivoque ou lorsque le salarié, qui a démissionné sans réserves, remet en cause ultérieurement sa démission en justifiant de l’existence d’un différend contemporain ou antérieur à sa démission ou enfin lorsque le salarié invoque des circonstances de nature à établir qu’il n’a pas librement consenti à sa démission.


La volonté de démissionner du salarié doit être équivoque au moment où il rompt le contrat pour que le juge requalifie la démission en prise d’acte; les griefs ultérieurs sont en effet inopérants.


La charge de la preuve repose exclusivement sur le salarié et en tout état de cause, un manquement trop ancien ne saurait fonder la prise d’acte de la rupture par un salarié.


En l’espèce, la lettre de démission de M. X, en date du 9 mai 2016, est rédigée comme suit:

« J’ai le regret de vous informer par la présente de mon intention de démissionner du poste de gestionnaire de copropriété (') Les changements opérés par le groupe PICHET, en matière d’organisation interne du service copropriété, ne me conviennent pas.

J’ai par ailleurs été choqué par la gestion des ressources humaines du Groupe dont je ne partage plus aucune valeur à ce jour.

C’est pourquoi je sollicite votre accord pour quitter mon emploi à compter du 1 er juil. 2016, sans effectuer le préavis de 3 mois auquel je suis tenu ('.).


Ce paragraphe est de nature à rendre la lettre de démission équivoque. Celle-ci s’analyse donc en une prise d’acte.


Il résulte de la combinaison des articles L 1231 ' 1, L 1237 ' 2 et L 1235 ' 1 du code du travail que la prise d’acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l’employeur qu’en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.


Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

M. X allègue qu’il aurait été l’objet de représailles de la part de son employeur mais ne les démontre pas.


Le projet de courrier dont il se prévaut dans sa pièce 15 relativement à la fermeture du RIE était signé d’un collectif de salariés du groupe, «'collaborateurs parisiens ' groupe Pichet'» au sein duquel celui-ci n’était nullement identifié. A aucun moment, il ne prouve avoir tenu un rôle spécifique ni avoir été objet d’un mécontentement dirigé à son encontre de la part de la direction.


Si M. X produit aux débats l’attestation de Mme Q, sa supérieure hiérarchique, ainsi que la décision du conseil de prud’hommes du 23 novembre 2017 ayant jugé le licenciement de celle-ci abusif, et expose que ces éléments seraient la preuve des représailles de son employeur envers les salariés ayant protesté contre la suppression du RIE, il apparaît plutôt que la mesure disciplinaire a concerné uniquement cette dernière pour des motifs divers, au nombre desquels la lettre de protestation litigieuse ne figurait d’ailleurs pas. Le jugement qui retient que le licenciement n’est pas fondé est propre à la situation spécifique de l’intéressée et ne corrobore nullement l’existence de menaces à l’endroit précis de M. X, dont le nom n’est pas cité.


Ensuite, M. X allègue l’existence d’une atteinte à sa santé psychique mais ne produit pas la moindre pièce médicale à cet égard.


Il sera en outre relevé que ce dernier n’a cru devoir remettre en cause sa démission que pour défendre à une action en paiement diligentée à son encontre par la société Pichet immobilier services. A cet égard, il sera observé que la demande en justice a été formée par la société plusieurs mois après la rupture de son contrat de travail, soit le 7 décembre 2016, et que M. X a attendu jusqu’au 31 juillet 2018 pour élever des contestations aux termes de ses conclusions responsives; la longueur de ces délais rendant d’autant moins crédibles les récriminations de celui-ci.


Enfin, M. X a remis sa démission par courrier du 9 mai 2016 alors que par contrat signé le 26 mai suivant, il était déjà embauché par une société concurrente; l’examen de ce contrat de travail démontrant qu’il devait commencer dès le 6 juin 2016, soit exactement durant l’exécution de son préavis, dont il n’était pas délié. Ce faisant, il a manifestement manqué de loyauté à l’égard de son employeur.


Dès lors, sa demande de requalification en prise d’acte devant produire les effets d’un licenciement nul sera rejetée de même que ses réclamations pécuniaires subséquentes. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.
- Sur les autres demandes.


Il sera rappelé que salarié ne peut mettre fin à son contrat de travail sans respecter un préavis. L’article 32 de la convention collective nationale de l’immobilier du 9 septembre 1988 prévoit que le salarié cadre qui démissionne doit respecter un préavis d’une durée de 3 mois, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise. Ce même article dispose que l’employeur ou salarié qui n’observe pas les délais de préavis fixés doit à l’autre une indemnité correspondant à la durée du préavis restant à courir. En l’espèce, il est constant que le préavis de M. X A jusqu’au 30 juin 2016 or celui-ci a quitté la société le 1er juin 2016. Cette dernière est donc fondée en sa demande de versement d’une indemnité compensatrice pour la partie du préavis non effectuée par le salarié. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné M. X à payer à la société Pichet immobilier services la somme de 2.968,22 euros de ce chef.

M. X sera en outre condamné au paiement d’une somme de 1000 euros au profit de la société Pichet immobilier services sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris.

CONDAMNE M. X au paiement d’une somme de 1000 euros au profit de la société Pichet immobilier services sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. X aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 12 janvier 2022, n° 19/08627