Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 19 janvier 2022, n° 19/15986

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 19 janv. 2022, n° 19/15986
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/15986
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 12 juin 2019, N° 17/04483
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 19 JANVIER 2022

(n° 2022/ , 9 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/15986 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQSA


Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2019 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/04483

APPELANTS

Madame B AI AJ X

née le […] à […]

[…]

Madame H T I veuve X

née le […] à […]

[…]

Madame J T AI X

née le […] à […]

[…]

Monsieur K AK AB X

né le […] à […]

[…]

Monsieur A-T AO AP X

né le […] à […]

[…]

Monsieur L AL AM X

né le […] à […]

[…] Madame M AN T X

née le […] à […]

[…]

représentés par Me Stanislas COMOLET de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435

ayant pour avocat plaidant Me Bénédicte de BOUSSAC DI PACE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE

ETUDE GENEALOGIQUE GIRARDOT-TRIOMPHE, […], ayant son siège social

[…]

représentée par Me Clara DE CHAMBRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1944

ayant pour avocat plaidant Me Sandra PORTRON, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue le 01 Décembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme D E, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme D E dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRET :


- contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Mme D E, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :


Le 2 juillet 2013, la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe a été mandatée par le Cabinet d’avocat Thomas Riviere afin de rechercher les propriétaires d’une parcelle située sur la commune de Lege Cap-Ferret (33), cadastré EZ88, apparaissant en déshérence et qu’un de ses clients souhaitait acquérir .


Par lettres du 9 mai 2014, la SAS Etude Généalogique Girardot’Triomphe, a écrit à :


-F G veuve X


-Mme B X divorcée Z


-Mme H I veuve X


-Mme J X,


-M. K X


-M. A-T X


-M. L X


-Mme M X,

pour les informer que « dans le cadre du règlement d’une succession sans héritier connu » ses recherches généalogiques l’avaient amenée à découvrir qu’ils étaient héritiers.


Elle leur a adressé un contrat de révélation successorale à lui retourner signé.


Les contrats de révélation ont été signés.


Le 6 août 2014, la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe a fait part aux consorts X de leurs droits à faire valoir sur le terrain à bâtir dont les références ont été mentionnées ci-dessus, précisant qu’il avait été acquis par N O, décédé à Paris le 15 février 1953, en instituant pour légataire universelle, Mademoiselle P X, décédée le 31 décembre AA à Viry-Chatillon, dont ils sont pour partie héritiers.


Elle a en outre adressé à chacun des héritiers pour signature une procuration lui donnant tout pouvoir « d’exercer toutes poursuites, contraintes et diligences nécessaires à l’exercice de son droit de propriété par tous les moyens et voies de droit ».

Madame H I veuve X, Madame J X, Monsieur K X et Monsieur A-T X ont renvoyé la procuration signée.


Le 3 septembre 2015, la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe a écrit aux consorts X en leur précisant que tous les héritiers n’avaient pas retourné la procuration, et qu’il y avait urgence à agir afin d’éviter que le terrain ne soit considéré comme vacant, le voisin prétendant avoir acquis le terrain par la voie de la prescription.


Le 19 octobre 2015, les consorts X ont signé par acte authentique, une attestation immobilière destinée à être publiée au service de publicité foncière, cet acte ayant été reçu par Maître Q R notaire.


Le 16 septembre 2016, le conseil de la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe a mis en demeure: F G veuve X ; Mme B X divorcée Z ; Mme H I veuve X ; Mme J X ; M. K X ; M. A-T X ; M. L X ; Mme M X de régler les frais de révélation en application du contrat.
Ces derniers n’ayant pas donné de suite favorable à cette demande, c’est dans ce contexte que par exploits d’huissier en date des 14, 15 et 17 février 2017, et du 1 mars 2017, la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe a fait assigner F G veuve X, Mme B X divorcée Z, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. L X, Mme M X et M. A-T X (les consorts X) aux fins de condamnation à lui payer à titre principal les sommes suivantes au titre de sa rémunération en application du contrat de révélation successorale :


-F G veuve X et Mme B X divorcée Z, chacune 98 000 €


-Mme H I veuve X S 250 €


-Mme J X, M. K X, M. L X, Mme M X et M. A-T X, chacun 7 350 €.

Madame F G Veuve X est décédée le […], de sorte que ses ayants droits, Madame B X divorcée Z, Madame H I veuve X, Madame J X, Monsieur K X, Monsieur A-T X, Monsieur L X et Madame M X, sont intervenus volontairement à la procédure.

Par jugement du 13 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a statué dans les termes suivants :


-déclare recevable l’intervention volontaire de Mme B X divorcée Z, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X ès-qualité d’héritiers de F G veuve X, née le […] à […] et décédée le […] à […]


-déclare l’action de la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe recevable à l’encontre de M. L X et de Mademoiselle M X,


-déboute Mme B X divorcée Z, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X et Mme M X tendant à voir déclarer nuls les contrats de révélation,


-condamne Mme B X divorcée Z, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X, ès-qualité d’héritiers de F G veuve X, née le […] à […] et décédée le […] à Paris 18 à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 46 800 €,


-condamne Mme B X divorcée Z à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 46 800 €,


-condamne Mme H I veuve X à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 29 250 €,


-condamne Mme J X à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 3 510 €,


-condamne M. K X à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 3 510 €,


-condamne M. A-T X à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 3 510 €,


-condamne M. L X à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 3 510 €,


-condamne Mme M X à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 3 510 €,


-condamne in solidum Mme B X divorcée Z, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X à payer à la SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


-condamne in solidum Mme B X divorcée Z, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X aux dépens,


-ordonne l’exécution provisoire,


-déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige.


Les consorts X ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 31 juillet 2019.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 12 novembre 2021, les appelants demandent à la cour de :


-déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par Mme B X, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X, agissant tant en leur nom personnel qu’ès-qualité d’héritiers de F G veuve X,


-infirmer le Jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme B X, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X, agissant tant en leur nom personnel qu’ès-qualité d’héritiers de F G veuve X de leur demande en nullité des contrats de révélation et condamné chacun d’entre eux à verser à la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe des honoraires en représentation du service prétendument rendu,

en conséquence,


-ordonner la nullité des contrats de révélation signés par F G veuve X, Mme B X, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X,


-déclarer que les honoraires sollicités par la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe sont en tout état de cause injustifiés,


-débouter la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre Mme B X, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X, agissant tant en leur nom personnel qu’ès-qualité d’héritiers de F G veuve X,

à titre infiniment subsidiaire,
-ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir de la Cour d’appel de Bordeaux dans la procédure RG 21/04245,

à titre plus infiniment subsidiaire,


-dire et juger que le montant des honoraires dû à la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe ne pourra s’élever à une somme supérieure à 5 % calculée sur la quotité de l’actif immobilier détenu par chacun des co- héritiers après déduction des différents frais,

en tout état de cause,


-débouter la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre M. L X et Mme M X, agissant en leur nom personnel,


-condamner la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe à payer à Mme B X, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X, agissant tant en leur nom personnel qu’ès-qualité d’héritiers de F G veuve X la somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 19 janvier 2020, la société Etude généalogique Girardot-Triomphe, intimée, demande à la cour de :


-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 13 juin 2019 en ce qu’il a déclarer l’action de la SAS Girardot-Triomphe recevable


-confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 13 juin 2019 en ce qu’il a débouté les consorts X de leur action en nullité des contrats de révélation -confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 13 juin 2019 en ce qu’il a condamné in solidum les consorts X à verser à la SAS Girardot Triomphe la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 et aux dépens


-réformer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 13 juin 2019 en ce qu’il a réduit le montant de la rémunération due au généalogiste

en conséquence,


-condamner Mme B X Z, Mme H X, Mme J X, M. K X, M. L X, Mme M X, M. A-T X ès-qualité d’héritiers de F G veuve X décédée le […], à verser à l’étude Girardot-Triomphe la somme de 98 000 €.


-condamner Mme B X Z à verser à l’étude Girardot-Triomphe la somme de 98 000 €.


-condamner Mme H X à verser à l’étude Girardot-Triomphe la somme de S 250 €.


-condamner Mme J X à verser à l’étude Girardot-Triomphe la somme de 7 350€


-condamner M. K X à verser à l’étude Girardot-Triomphe la somme de 7 350€


-condamner M. L X à verser à l’étude Girardot-Triomphe la somme de 7 350 €


-condamner Mme M X à verser à l’étude Girardot-triomphe la somme de 7 350 €
-condamner M. A-T X à verser à l’étude Girardot-Triomphe la somme de 7 350 €


-condamner solidairement les défendeurs à verser à l’étude Girardot-Triomphe la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel


-les condamner solidairement aux entiers dépens.


Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2021.


L’affaire a été appelée à l’audience du 1er décembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur nullité du contrat de révélation


Les appelants concluent à la nullité du contrat de révélation aux motifs que :


-celui-ci serait vicié par le dol du cabinet de généalogie qui a indiqué « dans le cadre du règlement d’une succession sans héritier connu, nous avons le plaisir de vous informer qu’il résulte de nos recherches généalogiques que vous êtes héritier » , ce qui les a incités à signer le contrat, alors qu’il s’agissait en réalité d’une recherche de propriétaires d’une parcelle apparaissant en déshérence",


-mais également privé de cause, l’existence de leur vocation successorale dans la succession de Madame P X, réglée depuis fort longtemps, étant déjà connue des consorts X qui se savaient propriétaires du terrain dont s’agit.


La SAS Etude Généalogique Girardot-Triomphe répond que sa lettre du 9 mai 2014, qui correspond à la lettre d’usage de la profession, n’est pas de nature à caractériser une man’uvre dolosive, ni à tromper le cocontractant sur l’objet du contrat puisqu’il s’agissait bien de la révélation de « droits à faire valoir dans une succession », les droits des consorts X sur la parcelle ayant bien une origine héréditaire puisqu’il s’agit d’un bien transmis dans le cadre de la succession de Madame P X et que les défendeurs ignoraient lors de la signature du contrat qu’ils avaient des droits à faire valoir sur cet immeuble. Elle précise que lors de ses recherches, au cadastre, en lieu et place du nom des titulaires du bien figurait la mention

« Domaines propriétaire inconnu ».


Le Tribunal a estimé, sur le dol, qu’il n’était pas établi que la mention « dans le cadre du règlement d’une succession sans héritiers connu » ait été déterminante et que la décision de signer le contrat de révélation aurait été tout autre si l’étude généalogique avait indiqué intervenir dans le cadre d’une recherche de propriétaires d’une parcelle apparaissant en déshérence ; qu’il s’agit bien de leur révéler leurs droits sur la parcelle ayant une origine héréditaire et que les man’uvres destinées à les tromper ne sont pas établies.


Il a estimé sur l’absence de cause, qu’au vu des pièces produites, les consorts X ne démontraient pas qu’ils savaient détenir des droits sur ce terrain lorsque leur a été proposée la signature du contrat de révélation.


Selon les dispositions de l’article 1116 ancien du code civil : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ».
Le contrat de révélation porte expressément sur la révélation de « droits à faire valoir dans une succession ».


Les droits des consorts X sur la parcelle ont bien une origine héréditaire puisqu’il s’agit d’un bien transmis dans le cadre de la succession de Madame P X. Cette succession, déjà réglée, n’a jamais été vacante.


Cependant, la lettre du généalogiste correspond à la lettre d’usage de la profession. Si les appelants font valoir que la formulation de cette lettre du 9 mai 2014 les a trompés, et que n’ayant connaissance d’aucune succession non réglée et dans laquelle ils étaient susceptibles d’être héritiers, c’est cet élément d’information qui a conduit certains d’entre eux à signer le contrat proposé, ils n’établissent pas l’existence de man’uvres de nature à vicier leur consentement, puisque seule l’existence de droits dont ils ignoraient l’existence apparaît être un élément déterminant de leur consentement, l’origine exacte des droits objets de la révélation étant sans incidence.


En conséquence, même en présence de termes généraux ne correspondant pas à la réalité de l’espèce, les éléments du dol de nature à vicier le consentement des consorts X ne sont donc pas établis.


Selon les dispositions de l’article 1131 du code civil dans sa version applicable à la date du contrat : « L’obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet

».


Il est de principe que la cause du contrat de révélation de succession est définie comme étant la révélation à un héritier de sa vocation à un droit successoral dont il ignorait être bénéficiaire.


En l’espèce, le généalogiste n’a pas été saisi par un notaire chargé du règlement d’une succession, mais par un avocat dont le client cherchait à acquérir la parcelle litigieuse dont les propriétaires étaient inconnus.


Le contrat qui en l’espèce définit les obligations des parties contient une clause selon laquelle « l’héritier reconnaît ignorer cette vocation successorale et accepte que la SAS Étude Girardot’Triomphe lui révèle ces droits »


Il convient de rechercher si les appelants, comme ils l’affirment, avaient bien connaissance des droits héréditaires qu’ils détenaient sur la parcelle litigieuse avant de recevoir la lettre du 9 mai 2014 et si le généalogiste leur a effectivement rendu service.


Les consorts X sont bien en possession de l’original du titre de propriété du 4 septembre 1929, acte de vente de la parcelle 0-11 à Monsieur N O, ainsi que de l’attestation de propriété dressée après le décès de Monsieur N O, par acte authentique de Maître U V, notaire à Paris, le 28 décembre 1953, et régulièrement publiée à la Conservation des hypothèques de Bordeaux le 26 février 1955, P X ayant hérité le terrain de son parrain, décédé sans héritier, en 1953.


Certes, la déclaration de succession de P X décédée le W AA et de AB X son frère et unique héritier décédé le […] ne mentionnent aucunement l’existence de la parcelle litigieuse EZ88 située sur la commune de Lege Cap-Ferret (33), mais cet élément ne suffit pas à établir que les consorts X méconnaissaient l’existence du terrain, dès lors que :

*dans la déclaration de succession de Madame P X, tout comme dans celle de son frère, Monsieur AB X, figurent à l’actif :
« GROUPEMENTS FORESTIERS DE LA COTE D’ARGENT

- 76 parts du groupement forestier d’une valeur unitaire de 600 Frs (')

- 76 parts d’une valeur unitaire de 200 francs (') » et que le terrain litigieux est désigné dans l’attestation de propriété de Madame P X comme « terrain du lotissement forêts du Sémaphore », ce qui peut prêter à confusion

*les consorts X étaient en possession de l’ensemble des titres de propriété relatifs à celui-ci et qu’ils produisent également aux débats plusieurs pièces détenues dans les archives familiales :


- une lettre manuscrite de Mademoiselle P X du 03 août 1965, adressée au Maire de la Commune de Lège Cap-Ferret, aux termes de laquelle elle indique charger son frère, Monsieur AB X, de profiter de son passage au Cap-Ferret « pour aller voir les terrains que j’y possède et, le cas échéant, s’entretenir avec vous à leur sujet »,


- la copie d’une lettre manuscrite adressée par Mademoiselle P X, le 3 août 1977, à l’Association syndicale autorisée des propriétaires du Cap-Ferret, rappelant qu’elle « possède au Cap Ferret une parcelle de terrain d’une superficie de 1011 m², lot n°0-11 » et sollicitant une estimation de sa valeur ainsi que la réponse apportée par l’Association le 17 août 1977, l’informant qu’une agence immobilière se ferait un plaisir de lui donner le renseignement demandé.


-la lettre de Monsieur R. AD, de l’Agence du Phare, en date du 16 août 1977 et adressée à Mademoiselle P X, demeurant […] aux termes de laquelle il lui indique avoir pris bonne note de ce qu’elle était propriétaire de la parcelle de terrain n°11, Ilot 0, quartier Forêt du Sémaphore du lotissement du Cap-Ferret et que le prix pouvait être évalué de 90 à 100 francs le mètre carré pour une surface de 1011 m².


Le terrain a été transmis par P X à son seul héritier, son frère unique, Monsieur AB X qui, à son décès le […], l’a lui-même transmis à ses enfants, B et N X, son épouse, Madame F X, bénéficiant d’une donation au dernier vivant.


N X étant prématurément décédé à l’âge de 48 ans, le […], ce sont ses enfants qui en sont aujourd’hui héritiers aux côtés de leur tante, Madame B X.


Cette chaîne de transmission héréditaire, formellement établie par l’attestation de dévolution de succession dressée par Maître Q AE, notaire à Paris, le 19 octobre 2015, était préalablement connue de la famille X dont les liens sont avérés puisque Madame B X et ses parents, Madame F X et Monsieur AB X, ont toujours vécu avec Madame P X dans l’appartement […], que Madame B X habitait jusqu’à l’été 2019 à cette même adresse et que les démarches de Madame P X pour connaître le prix du terrain litigieux en 1977 correspondaient à une demande de sa nièce, Madame B X, qui souhaitait s’y établir avec son mari à cette époque, Monsieur AF Z. Celui-ci , divorcé de Madame B X depuis 2003, confirme dans une attestation du 4 novembre 2019 que sa jeune épouse B avait demandé à sa tante P de lui céder gracieusement le terrain comme cadeau de mariage afin d’y construire un projet professionnel avec son époux, ce que la naissance de leur premier enfant de mauvaise santé a compromis.


En l’absence de nom du propriétaire sur le cadastre, une simple levée d’un état hypothécaire permettait de le retrouver sans qu’il soit besoin de recourir aux services d’un généalogiste puisque la SAS Étude Girardot’Triomphe explique elle même avoir levé l’état hypothécaire du terrain voisin afin de remonter jusqu’au notaire du promoteur ayant commercialisé le lotissement à partir de 1926.


Force est de constater que les consorts X avaient préalablement à l’intervention de la SAS Etude
Girardot Triomphe connaissance à la fois de leur qualité d’héritiers de P X, de l’existence du terrain dans la succession de P X et de leurs droits héréditaires sur le dit terrain.


Par suite, le contrat de révélation est dépourvu de cause et il incombe, par infirmation du jugement, de prononcer la nullité des contrats de révélation.

Sur la gestion d’affaires


La SAS Étude Girardot’Triomphe invoque, devant la Cour, à titre subsidiaire, la gestion d’affaires en vertu de laquelle un généalogiste aurait droit de prétendre, en l’absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux et soutient que les recherches qu’elle a entreprises ont permis aux héritiers de découvrir l’existence de leurs droits successoraux.


Les appelants répondent que le généalogiste ne leur a rendu aucun service dans la mesure où, unis par un lien affectif très fort avec Madame P X, ils connaissaient l’existence de son bien au Cap Ferret.


Aux termes de l’article 1375 du code civil : « le maître dont l’affaire a été bien administrée, doit remplir les engagements que le gérant a contracté en son nom, l’indemniser de tous les engagements personnels qu’il a pris et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites. »


Le gérant d’affaires peut donc prétendre au remboursement des dépenses qu’il a faites et des frais qu’il a exposés dans la mesure où ceux-ci sont utiles ou nécessaires.


Il est ainsi reconnu au généalogiste, qui est parvenu par son activité à découvrir les héritiers d’une succession, le droit de prétendre, en l’absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux sur le fondement de la gestion d’affaire, s’il a rendu service à l’héritier.


En l’espèce, comme il a été démontré, la SAS Étude Girardot’Triomphe n’a nullement permis aux consorts X de découvrir l’existence de leurs droits successoraux.


Cependant, il apparaît que ceux-ci ne s’étaient pas intéressés à ce terrain depuis de nombreuses années et que l’intervention du généalogiste leur a permis de découvrir que le terrain n’avait jamais été muté aux services de publicité foncière suite au décès de Monsieur N O et que la totalité de la parcelle était en fait occupée, à leur insu, par des voisins qui en revendiquent aujourd’hui l’entière propriété, ce qui a donné lieu à une instance toujours pendante devant la cour d’appel de Bordeaux après que par jugement du 4 juin 2021, le Tribunal de proximité d’Arcachon a déclaré les consorts X propriétaires de la parcelle LO26, anciennement EZ88, sis sur la commune de Lege-Cap-Ferret, que les conditions de la prescription acquisitive n’étaient remplies ni pour les époux C ni pour Monsieur U AG, a ordonné et homologué le bornage judiciaire de la parcelle litigieuse et ordonné la publication de la proposition d’abornement homologuée.


Même si ces éléments sont hors du champ du contrat de révélation, la SAS Étude Girardot’Triomphe, par son intervention, a ainsi rendu un service aux consorts X.


Le gérant d’affaires caractérise donc bien le principe d’un droit à rémunération.


Toutefois il ne saurait en l’espèce aucunement être fait référence aux tarifs de rémunération prévus au contrat de révélation et en indiquant simplement dans ses écritures que les sommes réclamées qui correspondent au tarif du contrat apparaissent parfaitement conforme aux nombreuses diligences accomplies, la recherche des propriétaires de la parcelle ayant représenté un travail long et minutieux, la SAS Étude Girardot’Triomphe ne fournit aucun élément concret, relatif au temps passé et à ses dépenses, de nature à permettre une évaluation de son préjudice.


Elle sera donc déboutée de sa demande en paiement à ce titre.

Sur les demandes accessoires


L’équité commande de faire droit à la demande des appelants présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; l’intimée est condamnée à leur verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.


Partie perdante, l’intimée ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,


Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,


Infirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme B X, Mme H I veuve X, Mme J X, M. K X, M. A-T X, M. L X, Mme M X, agissant tant en leur nom personnel qu’ès-qualité d’héritiers de F G veuve X de leur demande en nullité des contrats de révélation et condamné chacun d’entre eux à verser à la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe des honoraires en représentation du service prétendument rendu, ;


Statuant à nouveau,


Déclare nuls les contrats de révélation signés par Madame F G veuve X, Madame B X, Madame H I veuve X, Madame J X, Monsieur K X et Monsieur A-T X ;


Y ajoutant


Déboute la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe de sa demande en paiement au titre de la gestion d’affaires ;


Condamne la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe à payer à Madame B X, Madame H I veuve X, Madame J X, Monsieur K X, M. A-T X, Monsieur L X, Madame M X, agissant tant en leur nom personnel qu’ès-qualité d’héritiers de Madame F G veuve X la somme de 6000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;


Condamne la SAS étude généalogique Girardot’Triomphe aux dépens de l’appel.


Le Greffier, Le Président,
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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 19 janvier 2022, n° 19/15986