Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 1er mars 2024, n° 23/10396

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 2, 1er mars 2024, n° 23/10396
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 23/10396
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 24 mai 2023, N° 22/14935
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 11 mars 2024
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 01 MARS 2024

(n°29, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 23/10396 – n° Portalis 35L7-V-B7H-CHYYQ

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé-mainlevée du 25 mai 2023 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°22/14935

APPELANTE

S.A.S. THE PHANTOM COMPANY, agissant en la personne de son président en exercice, M. [V] [M], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 4]

[Localité 5]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 818 723 629

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque L 34

Assistée de Me Xavier CARBASSE plaidant pour l’AARPI BEYLOUNI – CARBASSE – QUENY – VALOT – VERNET, avocat au barreau de PARIS, toque J 98

INTIMEES

Société META PLATFORMS INC, société de droit américain, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

CALIFORNIE 94025

ETATS-UNIS D’AMERIQUE

Société INSTAGRAM LLC, société de droit américain, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

CALIFORNIE 94025

ETATS-UNIS D’AMERIQUE

Société META PLATFORMS IRELAND LIMITED, société de droit irlandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

DUBLIN

D02X525

IRLANDE

Représentées par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistées de Me Pauline DEBRÉ plaidant pour LINKLATERS LLP, avocate au barreau de PARIS, toque J 030, Me Jean-François MERDRIGNAC plaidant pour LINKLATERS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 030

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu l’ordonnance rendue contradictoirement le 25 mai 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris,

Vu l’appel interjeté le 12 juin 2023 par la société The Phantom Company,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023 par la société The Phantom Company, appelante,

Vu les uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 31 octobre 2023 par les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc, intimées,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 7 décembre 2023,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Facebook est un service de réseau social qui permet à ses utilisateurs de créer leurs propres profils et de se connecter les uns aux autres au moyen de leurs ordinateurs personnels ou appareils mobiles. L’accès au service requiert de l’utilisateur une inscription préalable et l’acceptation des conditions générales du service.

Instagram est un service de partage de photos et de vidéos qui permet à ses utilisateurs de consulter et commenter les publications d’autres utilisateurs au moyen de leurs ordinateurs personnels ou appareils mobiles. De la même manière, l’accès au service requiert de l’utilisateur une inscription préalable et l’acceptation des conditions générales du service.

Les services Facebook et Instagram sont exploités en Europe par la société Meta Platforms Ireland.

La société Meta Platforms Inc est notamment titulaire de deux marques figuratives FACEBOOCK de l’Union Européenne se présentant comme suit :

et

La société Instagram Llc est quant à elle titulaire de la marque INSTAGRAM figurative de l’Union Européenne se présentant comme suit :

La société The Phantom Company, ayant pour nom commercial Phantombuster, est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis 2019. Elle conçoit, exploite et commercialise des logiciels. Elle propose en particulier à ses clients des logiciels dénommé 'Phantoms’ d’extraction de données (en vue de leur réutilisation commerciale) et de publication automatisée de contenus (aux fins d’accroître artificiellement le nombre de vue d’un compte) et ce, sur diverses plateformes telles qu’Instagram et Facebook.

Le 22 novembre 2022 les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland et Instagram Llc ont sollicité et obtenu, par ordonnance présidentielle, l’autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon dans les bureaux de la société The Phantom Company.

Cette requête et l’ordonnance y faisant droit reposent sur un double fondement, d’une part l’atteinte aux droits sui generis de producteur de bases de données (article L. 343-1 du code de la propriété intellectuelle) et d’autre part l’atteinte aux droits des marques (article L. 716-4-7 du code de la propriété intellectuelle).

La mission prévue par l’ordonnance autorisant les opérations de saisie-contrefaçon se lit comme suit :

« 1. Autorisons les sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram LLC à faire procéder par tout commissaire de justice compétent de leur choix à une saisie-contrefaçon au [Adresse 2],[Localité 6]s, adresse correspondant aux bureaux de la société PhantomBuster ;

2. Autorisons le commissaire de justice à rechercher et à procéder à la saisie, par voie de description détaillée, le cas échéant en procédant par voie de copie à établir en deux (2) exemplaires, de tous supports ou produits proposés par PhantomBuster reproduisant les signes Facebook et Instagram et/ou tous supports ou produits proposés par PhantomBuster en vue d’extraire ou d’entrer des données sur Facebook et Instagram (les « Plateformes »), ainsi que tous matériels ou instruments permettant la mise en 'uvre de ces actes, en ce compris :

Les programmes informatiques dénommés :

— Instagram Hashtag Collector / Instagram Multiple Hashtag Collector

— Instagram Follower Collector

— Instagram Auto Comment

— Instagram Auto Follow

— Instagram Auto Liker

— Instagram Following Collector

— Instagram Hashtag Search to Post Engagement

— Instagram Multi Hashtag Search / Instagram Hashtag Search Export

— Instagram Notifications Extractor / Instagram Notification Extractor

— Instagram Photo Likers

— Instagram Post Commenters / Instagram Post Commenters Export

— Instagram Post Data Extractor / Instagram Post Scraper

— Instagram Posts Extractor / Instagram Profile Post Extractor

— Instagram Profile Scraper

— Instagram Profile URL Finder

— Instagram Stories Auto Watchter

— Instagram Stories Extractor / Instagram Story Extractor

— Instagram Story Viewers Extractor / Instagram Story Viewers Export

— Instagram Tagged Post Extractor

— Facebook Group Extractor / Facebook Group Members Extractor

— Facebook Ads Library Scraper

— Facebook Auto Liker

— Facebook Message Sender

— Facebook Page Reviews Collector / Facebook Page Review Extractor

— Facebook Post Commentors / Facebook Post Commenters Export

— Facebook Post Likers / Facebook Post Likers Export

— Facebook Profile Scraper

— Facebook Profile URL Finder

— Instagram Photo Likers

— Instagram Post Commenters / Instagram Post Commenters Export

— Instagram Post Data Extractor / Instagram Post Scraper

— Instagram Posts Extractor / Instagram Profile Post Extractor

— Instagram Profile Scraper

— Instagram Profile URL Finder

— Instagram Stories Auto Watchter

— Instagram Stories Extractor / Instagram Story Extractor

— Instagram Story Viewers Extractor / Instagram Story Viewers Export

— Instagram Tagged Post Extractor

— Facebook Group Extractor / Facebook Group Members Extractor

— Facebook Ads Library Scraper

— Facebook Auto Liker

— Facebook Message Sender

— Facebook Page Reviews Collector / Facebook Page Review Extractor

— Facebook Post Commentors / Facebook Post Commenters Export

— Facebook Post Likers / Facebook Post Likers Export

— Facebook Profile Scraper

— Facebook Profile URL Finder

Quelle qu’en soit la forme (notamment sous la forme de code source, code objet, algorithme, dans leurs versions actuelles et anciennes) et quelle qu’en soit la dénomination, laquelle pourra être révélée au jours des opérations de saisie-contrefaçon (ces programmes informatiques étant dénommés ci-après, ensemble, les « Produits Incriminés ») ;

. Même en l’absence des Produits Incriminés, toutes informations et tous documents relatifs à l’architecture de l’infrastructure sous-tendant les Produits Incriminés, notamment les serveurs, les bases de données, les supports de stockage, les sources et les points de terminaison des interfaces de programmation d’applications (API), les serveurs de transfert de fichiers, les proxys ou « reverse » proxy ;

. Même en l’absence des Produits Incriminés, toutes bases de données ou tous fichiers de quelque nature que ce soit relatifs aux Produits Incriminés, en ce compris :

. Tous fichiers, qu’elle qu’en soit l’extension, et notamment JS, JSON, CSV, XLS, DOC, PPT, TXT, DOCX, PPT, XLSX, etc., contenant les noms des Produits Incriminés et/ou répondant à une recherche par les mots-clés « facebook » ou « instagram », stockés de quelle que manière que ce soit, et notamment stockés à distance sur les services de stockage « cloud » fournis par Amazon Web Services et utilisés par PhantomBuster, ainsi que dans tous points de terminaison, serveurs de transferts de fichiers, proxys ou « reverse » proxys utilisés par PhantomBuster ;

. Tous fichiers dont le nom contient le nom des Produits Incriminés et/ou répondant à une recherche par les mots-clés « facebook » ou « instagram » ;

. Tous les fichiers relatifs au volume et aux types de données saisies dans et/ou extraites des (ou de l’une des) Plateformes en utilisant les Produits Incriminés ;

3. Disons que la partie saisie et ses préposés, dirigeants ou salariés sont tenus de collaborer à l’exécution de notre ordonnance, notamment en désignant l’emplacement des éléments visés dans notre ordonnance, en levant toutes difficultés techniques ou pratiques d’accès à ces éléments, notamment en communiquant au commissaire de justice tous identifiants, login, mots de passe, clés de chiffrement, noms de codes informatiques nécessaires pour accéder à tous photocopieurs, scanners, ressources électriques, internet / réseau informatique local, ainsi qu’à tous matériels (serveurs, présents sur place ou à distance et leurs sauvegardes, ordinateurs fixes et portables, postes utilisateurs, clés USB, disques durs externes et tablettes, messageries électroniques (locale ou à distance), forums de type « chat » ou « messenger », service ou environnement « cloud »), logiciels et fichiers objets de sa mission, et plus généralement, à communiquer au commissaire de justice toutes informations nécessaires à la bonne exécution de sa mission ;

4. autorisons le commissaire de justice, même en l’absence des Produits Incriminés, à se faire présenter, à rechercher, à viser et parapher « ne varietur », à décrire, copier ou à faire reproduire sur tous supports, en deux exemplaires, voire à saisir réellement, en deux exemplaires, tous documents et données, quel qu’en soit le support (papier électronique ou autre) relatifs aux actes argués de contrefaçon et permettant d’en établir l’origine, la consistance et l’étendue pour être remises aux requérantes et notamment :

. Tous documents ou informations techniques se rapportant aux Produits Incriminés permettant d’appréhender le fonctionnement de ces dernières sur les Plateformes, et notamment (i) tous descriptifs, notices, présentations techniques des Produits Incriminés (y compris d’interface de programmation), documentations logicielles, (ii) les mécanismes et infrastructures d’extraction de données et de génération de contenus automatisés (en ce compris de lecture automatisée de contenus) que les Produits Incriminés mettent en 'uvre, y compris le volume et les types de données saisies et/ou extraites des Plateformes en utilisant les Produits Incriminés, (iii) les adresses éventuellement IP utilisées par la partie saisie pour fournir les Produits Incriminés et leur localisation / lieu d’hébergement, (iv) l’identification et la localisation des serveurs mettant en 'uvre les Produits Incriminés et le stockage des données extraites par les Produits Incriminés ;

. Tous documents commerciaux se rapportant aux Produits Incriminés, notamment tous catalogues, brochures, correspondances, prospectus, publicités, tarifs, devis, bons de commande, factures, conditionnements, documents relatifs à l’identité et à la localisation des clients de la partie saisie ;

. Tous documents comptables se rapportant aux Produits Incriminés, notamment tous bons de commande, abonnements, contrats d’approvisionnement ou de distribution, états des achats et des ventes, factures, livres et registres, pièces de comptabilité, pièces de correspondance, statistiques de vente, nombre de clients ayant souscrit aux Produits Incriminés ;

. Tous documents relatifs à la localisation et à l’identité de toutes entités chargées de conserver une copie des Produits Incriminés et de toutes données extraites par les Produits Incriminés ;

Etant précisé que le commissaire de justice est autorisé à se faire présenter, à rechercher, à décrire, à copier ou à faire reproduire les documents précités en deux exemplaires par toutes formes de copie électronique sur tous supports d’enregistrement (notamment disque dur externe, clé USB, CD ou DVD) et est, si nécessaire, autorisé à apporter (ou faire apporter par toute personne l’assistant), sur les lieux de la saisie-contrefaçon, tous matériels adaptés pour réaliser lesdites copies électroniques des images, vidéos, fichiers, informations, documents, données ou programmes informatiques, en code source ou en code objet, accessibles depuis un ordinateur ou tous autres supports présents sur les lieux de la saisie-contrefaçon, notamment depuis tous serveurs, sites Internet ou intranet, si nécessaire avec le concours d’un informaticien autre que les subordonnées des requérantes, et si nécessaire, d’un informaticien de la partie saisie ;

5. Autorisons le commissaire de justice, même en l’absence des Produits Incriminés, à faire photocopier, sur toutes photocopieuses présentes sur les lieux de la saisie, en offrant d’en payer le prix, tous documents se rapportant à la contrefaçon alléguée, dans le nombre d’exemplaires nécessaires ou, en l’absence de photocopieur ou d’imprimante sur les lieux de la saisie, ou en cas d’impossibilité d’utiliser ceux-ci, à emporter momentanément les documents à copier, afin de les reproduire en son étude, à charge pour lui de les restituer après copie faite, dans un délai maximum de quatre (4) jours ouvrables ;

6. Autorisons le commissaire de justice, même en l’absence des Produits Incriminés sur les lieux de la saisie-contrefaçon, à poser toutes les questions et/ou à faire toutes recherches et constatations utiles dans le but de découvrir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon alléguée, et à consigner non seulement les déclarations des répondants, mais encore toutes paroles prononcées au cours des opérations, en s’abstenant de toutes interpellations non nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

7. Autorisons le commissaire de justice, même en l’absence des Produits Incriminés sur les lieux de la saisie-contrefaçon, à procéder à toutes recherches, inspections, interrogations et constatations utiles en vue de localiser tous éléments de preuve permettant d’établir la matérialité, l’origine et l’étendue de la contrefaçon alléguée, et de procéder, le cas échéant, aux prélèvements d’échantillons, notamment

. A requérir des personnes présentes sur les lieux de la saisie-contrefaçon, et en particulier des préposés de la partie saisie, de fournir toutes informations relatives aux Produits Incriminés ;

. A requérir des personnes présentes sur les lieux de la saisie-contrefaçon , et en particulier des préposés de la partie saisie, leur aide et assistance pour procéder à ses opérations, notamment dans l’utilisation des ordinateurs, photocopieurs, imprimantes, la navigation sur Internet ou Intranet ou tous réseaux informatiques internes et notamment ordonner à toutes personnes présentes sur les lieux de la saisie-contrefaçon de lui communiquer et/ou d’entrer tous codes d’accès et mots de passe nécessaires à l’accès à tous fichiers informatiques, permettant d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon alléguée ;

. A ouvrir ou faire ouvrir par tous serruriers requis par lui toutes portes de locaux, de meubles et/ou de véhicules se trouvant sur place, à y accéder lui-même éventuellement en présence de tous collaborateurs, experts ou techniciens l’assistant ou le cas échéant, à requérir à toutes personnes de la partie saisie habilitées à y pénétrer et y opérer ;

. A accéder ou faire accéder par tous techniciens requis par lui à tous systèmes informatiques (disques durs internes ou externes, CD Rom, serveurs, intranet, extranet etc.) existants ou accessibles sur place, en ce compris tous espaces de stockage mis à la disposition de ses clients par la partie saisie ;

. A apporter sur les lieux de la saisie (ou faire apporter par toutes personnes l’assistant), installer (ou faire installer par toutes personnes l’assistant) sur les systèmes d’information de la partie saisie tous logiciels ou programmes d’ordinateur utiles à l’exécution de sa mission, et notamment tous logiciels de recherche de données et de restauration de données effacées et à faire fonctionner ces logiciels.

8. Autorisons le commissaire de justice à se faire assister, en plus de tous employés de son étude tels que clercs ou secrétaires, par :

. Tous techniciens en informatique, et si nécessaire tous informaticiens ou préposés de la partie saisie pour l’aider à accéder aux systèmes informatiques et dans l’identification et la description des éléments se trouvant sur tous supports électroniques et/ou accessibles via un système informatique ;

. Tous serruriers pour l’aider dans l’ouverture de toutes portes de locaux, de meubles et/ou de véhicules se trouvant sur place ;

. Tous photographes ou tous cameramen, pour réaliser toutes prises de vue, sous forme de photographes ou d’images vidéo (sauf à ce que le commissaire de justice les réalise lui-même ou via toutes autres personnes l’assistant), qui seraient nécessaires en vue d’apporter la preuve de l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon alléguée, précisant que les prises de vue et/ou films pourront, à la diligence du commissaire de justice, être transcrits sur tous supports ;

. Si nécessaire, par un Commissaire de police ou le détenteur de la force publique territorialement compétent.

9. Autorisons le commissaire de justice, en cas de difficulté ou d’impossibilité pratique d’effectuer les opérations susvisées, et même en l’absence des Produits Incriminés, à procéder à la copie exhaustive de tous disques durs et/ou serveurs, en prenant soin de placer ces derniers sous séquestre dont il se constituera dépositaire ;

10. Autorisons le commissaire de justice, dans l’hypothèse où les éléments précités ne seraient pas disponibles immédiatement, à se les faire transmettre sans délai sur le lieu de la saisie-contrefaçon, par courriel ou par télécopie, ou à tout le moins à se les faire remettre à son étude dans un délai de trois (3) jours ouvrables à compter de la date du procès-verbal de saisie-contrefaçon ;

11. Dans l’hypothèse où la partie saisie exciperait de la protection du secret des affaires pour s’opposer à la saisie réelle ou à la description de tout ou partie des éléments relatifs à la contrefaçon alléguée que le commissaire de justice souhaiterait appréhender :

Autorisons le commissaire de justice à procéder à ses opérations avec l’assistance des experts l’accompagnant, en particulier à consigner dans son procès-verbal de saisie-contrefaçon les éléments relatifs à la matérialité de la contrefaçon alléguée, à savoir :

— Le volume des données entrées et/ou extraites des Plateformes à l’aide des Produits Incriminés, ou à tout le moins le volume des données et/ou le nombre de fichiers saisi(e)s par le commissaire de justice ;

— Les adresses IP utilisées par PhantomBuster pour fournir les Produits Incriminés, ainsi que leur lieu d’hébergement, l’identification et la localisation des serveurs mettant en 'uvre les Produits Incriminés et stockant les données extraites par les Produits Incriminés, ainsi que l’identification et la localisation des clients de Phantombuster ;

— Le nombre de clients ayant souscrit aux Produits Incriminés ou, à défaut, si une telle ventilation est impossible, le nombre de clients ayant souscrit aux services proposés par Phantombuster ;

— Toutes informations relatives aux Plateformes et qui sont en lien avec l’activité de PhantomBuster ;

A l’exception de toute reproduction, même partielle, de tous codes source ou codes objet des Produits Incriminés dans le corps dudit procès-verbal,

. Requérons du commissaire de justice qu’il place sous séquestre provisoire les éléments saisis et qu’il en soit le dépositaire.

12. Disons que le commissaire de justice triera, avec l’assistance des experts l’accompagnant, les éléments appréhendés afin d’en retirer tout élément (i) couvert par le secret des correspondances entre la société Phantombuster et ses avocats et (ii) toute correspondance ou information de nature privée des dirigeants ou salariés de la partie saisie ;

13. Autoriser le commissaire de justice, en tant que de besoin, à suspendre ses opérations et à emporter l’ensemble des éléments saisis afin de procéder audit tri en son étude, le cas échéant assisté de tous experts l’accompagnant et en présence d’un représentant de la partie saisie ;

14. Disons qu’il sera procédé aux opérations de saisie-contrefaçon pendant les heures d’ouverture des lieux visés au paragraphe 1, et même après, notamment afin d’éviter tout risque de déperdition de preuves ;

15. Autorisons le commissaire de justice à suspendre ses opérations afin de les reprendre les deux (2) jours suivants, jusqu’à la complète exécution de notre ordonnance ;

16. Autorisons le commissaire de justice à remettre une copie de son procès-verbal à la partie saisie dans les trois (3) jours ouvrables qui suivent la fin des opérations de saisie-contrefaçon ;

17. Autorisons le commissaire de justice à ne remettre à la partie saisie les épreuves des photographies ou photocopies, ainsi que les images vidéo, prises à l’occasion de la saisie-contrefaçon, que postérieurement à l’établissement du procès-verbal de saisie-contrefaçon, et dans un délai maximum de cinq (5) jours ouvrables à compter de la remise du procès-verbal de saisie-contrefaçon ;

18. Disons que les opérations autorisées devront être effectuées dans un délai de deux (2) mois à compter de notre ordonnance ;

19. Disons que notre ordonnance sera exécutoire, par provision et au seul vu de la minute, même avant enregistrement, vu l’urgence, nonobstant toute opposition de la partie saisie, conformément à l’article 495 du code de procédure civile, et qu’il pourra nous en être référé en cas de difficultés, mais seulement après que les opérations autorisées auront été effectuées et les visas apposés. ».

Les opérations se sont déroulées dans les locaux de la société The Phantom Company le 29 novembre 2022. Le commissaire de justice instrumentaire a établi un procès-verbal de saisie-contrefaçon relatant pour l’essentiel des refus à toute communication d’élément et de pièce pour divers motifs par la société The Phantom Company à l’exception d’une copie sur clés usb de l’ensemble des programmes dont les noms des fichiers correspondent selon le commissaire instrumentaire à ceux visés par l’ordonnance et un schéma de l’infrastructure sous forme de diagramme également enregistré sur la clé usb.

Par acte du 21 décembre 2022, les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc ont fait assigner la société The Phantom Company en contrefaçon de marque et atteinte au droit sui generis du producteur de base de données.

Par actes du 26 décembre 2022, la société The Phantom Company a fait assigner en référé les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland et Instagram Llc afin d’obtenir la mainlevée de la saisie-contrefaçon ainsi que la rétractation de l’ordonnance l’ayant autorisée.

L’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Paris, dont appel, a :

— rejeté la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 29 novembre 2022 diligentée à la requête des sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc ;

— rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance afin de saisie contrefaçon du 22 novembre 2022 rendue à la requête des sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc ;

— rejeté les demandes d’expertise et de production forcée de pièces présentées par les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc ;

— ordonné la mainlevée du séquestre provisoire et la remise des éléments saisis le 29 novembre 2022 par Maître Legrain aux sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc ;

— dit toutefois que l’accès aux pièces et éléments saisis est limité aux personnes suivantes :

. deux personnes physiques salariées des sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc nommément désignées ;

. les associés, collaborateurs et salariés du cabinet Linklaters ;

. l’expert de leur choix,

— dit que les membres du cercle de confidentialité s’engageront par écrit à conserver strictement confidentiels les documents transmis et à respecter les dispositions de l’article L. 153-2 du code de commerce,

— dit que les documents confidentiels transmis ne peuvent et ne pourront jamais, sauf accord exprès des parties, être utilisés en dehors de l’instance pendante au fond devant le tribunal judiciaire Paris sous le n° 23/00283,

— condamné la société The Phantom Company aux dépens,

— condamné la société The Phantom Company payer à chacune des sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

La société The Phantom Company, appelante, demande à la cour de :

— la recevoir en son appel, ses demandes, fins et conclusions et la déclarer bien fondée et y faire droit ;

— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté les demandes d’expertise et de production forcée de pièces présentées par les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc ;

— infirmer et statuant à nouveau

A titre principal

Sur l’irrecevabilité des intimées à agir

— juger les sociétés Meta Platforms Inc. et Instagram Llc irrecevables à agir sur le fondement du droit sui generis du producteur de bases de données, faute de justifier (i) de la nationalité ou de leur situation de résidence dans un Etat membre de l’Union européenne, pour les sociétés américaines Meta Platforms Inc et Instagram Llc, et, en tout état de cause, (ii) des investissements réalisés dans la constitution, vérification ou présentation des prétendues bases de données ;

— juger la société Meta Platforms Ireland Ltd irrecevable à agir sur le fondement du droit sui generis du producteur de bases de données faute de justifier des investissements réalisés dans la constitution, vérification ou présentation des prétendues bases de données ;

En conséquence

— ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon opérée dans les locaux de The Phantom Company le 29 novembre 2022, faute pour les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc de justifier de leur recevabilité à agir sur le fondement du droit sui generis du producteur de bases de données ;

Sur l’absence de soupçon tangible de contrefaçon

— juger que les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc ne rapportent aucun élément permettant de raisonnablement laisser présumer l’existence de soupçons tangibles de contrefaçon de marques ;

— juger que les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram Llc ne rapportent aucun élément permettant de raisonnablement laisser présumer l’existence d’extraction et/ou réutilisation litigieuse des articles L. 342-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle ;

En conséquence

— ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon opérée dans les locaux de The Phantom Company le 29 novembre 2022 et la rétractation de l’ordonnance du 22 novembre 2022, faute pour les sociétés Meta Platforms Inc., Meta Platforms Ireland Ltd. et Instagram LLC de justifier de soupçons de contrefaçons tangibles tant sur le fondement du droit des marques ainsi que sur celui du droit sui generis du producteur d’une base de données.

Sur la disproportion des mesures ordonnées

— juger que les mesures ordonnées dans l’ordonnance de saisie-contrefaçon rendue le 22 novembre 2022 sont disproportionnées ;

En conséquence :

— ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon opérée dans les locaux de The Phantom Company le 29 novembre 2022 et la rétractation de l’ordonnance rendue le 22 novembre 2022 ;

A titre subsidiaire, sur la levée du séquestre

— juger que le cercle de confidentialité mis en place par l’ordonnance du 25 mai 2023 de Madame la présidente du tribunal judiciaire de Paris ne protège pas suffisamment le secret des affaires de The Phantom Company ;

— ordonner que dans le cadre de la levée du séquestre, l’accès aux pièces et éléments saisis doit être limité à une consultation temporaire de ces derniers sans possibilité de prendre des copies desdits éléments, en présence des seuls conseils avocats et experts indépendants du groupe Meta, outre la présence de tous les représentants que The Phantom Company voudra désigner.

En tout état de cause

— ordonner la nullité des actes subséquents notamment en exécution de l’ordonnance du 22 novembre 2022, à savoir des opérations de saisie-contrefaçon conduites par Me Jérôme Legrain le 29 novembre 2022 ;

— ordonner la restitution des pièces placées sous séquestre à The Phantom Company ;

— condamner les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc aux entiers dépens ;

— condamner les sociétés Meta Platforms In., Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc à verser à The Phantom Company la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Meta Platforms INC, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc, intimées, demandent à la cour de :

A titre principal,

— confirmer l’ordonnance de référé du 25 mai 2023 en ce qu’elle a :

— rejeté la demande de rétractation partielle de l’ordonnance afin de saisie-contrefaçon du 22 novembre 2022 comme étant mal fondée ;

— rejeté la demande de mainlevée à l’encontre de la saisie-contrefaçon du 29 novembre 2022 comme étant mal fondée ;

— rejeté l’ensemble des demandes pécuniaires formées par la société The Phantom Company ;

— confirmé l’ordonnance afin de saisie-contrefaçon dans son intégralité ;

— ordonné la mainlevée du séquestre provisoire et la remise des éléments saisis le 29 novembre 2022 par Maître Legrain aux sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc, en précisant que l’accès aux pièces et éléments saisis sera limité aux personnes suivantes :

— deux (2) personnes physiques salariées des sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd ou Instagram Llc nommément désignées ;

— les associés, collaborateurs et salariés du cabinet Linklaters ;

— l’expert de leur choix ;

— dit que les membres du cercle de confidentialité s’engageront par écrit à conserver strictement confidentiels les documents transmis et à respecter les dispositions de l’article L. 153-2 du code de commerce ;

— dit que les documents confidentiels transmis ne peuvent et ne pourront jamais, sauf accord exprès des parties, être utilisés en dehors de l’instance pendante au fond devant le tribunal judiciaire Paris sous le n° 23/00283 ;

— condamné The Phantom Company aux dépens ;

— condamné The Phantom Company à payer à chacune des sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram LLC la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

— condamner la société The Phantom Company aux entiers dépens de l’instance d’appel ;

— condamner la société The Phantom Company à payer à chacune des sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc la somme complémentaire de 25 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour constate qu’elle n’est pas saisie du chef de l’ordonnance du juge des référés qui a rejeté les demandes d’expertise et de production forcée de pièces présentées par les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc et n’a donc pas à statuer de ce chef.

Sur la protection du producteur de la base de données

L’article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Le producteur d’une base de données bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel.

Cette protection est indépendante et s’exerce sans préjudice de celles résultant du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs ».

L’article L. 341-2 du même code limite la protection accordée comme suit :

« Sont admis au bénéfice du présent titre :

1° Les producteurs de bases de données, ressortissants d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou qui ont dans un tel Etat leur résidence habituelle ;

2° Les sociétés ou entreprises constituées en conformité avec la législation d’un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur établissement principal à l’intérieur de la Communauté ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ; néanmoins, si une telle société ou entreprise n’a que son siège statutaire sur le territoire d’un tel Etat, ses activités doivent avoir un lien réel et continu avec l’économie de l’un d’entre eux.

Les producteurs de bases de données qui ne satisfont pas aux conditions mentionnées ci-dessus sont admis à la protection prévue par le présent titre lorsqu’un accord particulier a été conclu avec l’Etat dont ils sont ressortissants par le Conseil de la Communauté européenne ».

La société The Phantom Company demande à la cour de prononcer l’irrecevabilité des sociétés intimées à agir sur le fondement du droit sui generis du producteur de bases de données Facebook et Instagram au regard de l’article L. 341-2 du code de la propriété intellectuelle pour les sociétés américaines Meta Platforms Inc et Instagram Llc et de l’article L. 341-1 du même code pour la société irlandaise Meta Platforms Ireland.

Les intimées ne contestent pas que les sociétés américaines ne peuvent se prévaloir de la protection accordée au producteur de base de données mais affirment que les trois sociétés intimées sont « coproductrices » de la base de données et que dès lors la société irlandaise est en droit de s’en prévaloir en se fondant sur les articles du code de la propriété intellectuelle.

En application de l’article L. 341-2 suscité, il convient de déclarer irrecevables à agir sur le fondement du droit suis généris du producteur de bases de données les deux sociétés américaines n’ayant ni leur siège social, ni leurs activités dans un Etat de l’Union Européenne.

S’agissant de la société irlandaise, sa recevabilité à agir doit être examinée au regard de l’article L. 341-1 susvisé. Elle doit justifier avoir pris l’initiative et le risque d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel pour la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données.

Dans la requête en vue d’être autorisées à procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, les sociétés Meta indiquaient seulement « Meta, en ce compris Meta Plateforms Ireland Ltd, investit chaque année des sommes considérables pour le maintien des bases de données soutenant Facebook et Instagram ».

Pour autant aucun argumentaire n’était précisé et aucune pièce n’était produite attestant de l’investissement de la société irlandaise.

Devant la cour, le débat sur la recevabilité à agir en qualité de producteur de base de données de la société Meta Plateforms Ireland est posé et il appartient dès lors à cette société de justifier la vraisemblance de sa qualité de producteur de base de données.

Deux pièces sont produites au débat par les sociétés intimées pour justifier de cette qualité :

* Une pièce 36 en anglais « director report and financial statement » pour l’année 2021 de Meta Plateforms Ireland et sa traduction très partielle en pièce 37 :

« Examen des indicateurs clés de performance

Les principaux indicateurs de performance sur lesquels se concentre la direction sont le chiffre d’affaires, le coût des ventes et les dépenses administratives.

Chiffre d’affaires

Le chiffre d’affaires est passé de 40,6 milliards d’euros en 2020 à 52,3 milliards d’euros en 2021, soit une augmentation de 11,7 milliards d’euros. Cette augmentation s’explique par la croissance des recettes publicitaires des clients tiers.

Coût des ventes

Le coût des ventes est passé de 1,8 milliard d’euros en 2020 à 2,6 milliards d’euros en 2021, soit une augmentation de 0,8 milliard d’euros. Ces coûts étaient principalement liés à la génération de revenus provenant de tiers. En outre, l’augmentation de l’activité sur la plateforme a entraîné une hausse des frais de service payés aux fournisseurs tiers.

Dépenses administratives

Les dépenses administratives sont passées de 37,9 milliards d’euros en 2020 à 48,5 milliards d’euros en 2021, soit une augmentation de 10,6 milliards d’euros. Cette augmentation est attribuable à la croissance continue des opérations commerciales, qui a entraîné une augmentation des effectifs et des dépenses liées aux opérations intersociétés, ainsi qu’une augmentation des provisions pour conformité réglementaire. ».

* Une attestation en date du 21 mars 2023 du directeur de la société irlandaise indiquant que « Meta Platforms Inc et ses filiales, y compris Meta Platforms Ireland Limited (anciennement Facebook Ireland Limited) (« Meta Ireland »), réalisent des investissements financiers et matériels importants pour fournir les Services Facebook et Instagram aux utilisateurs. Meta Ireland réalise ces investissements, en tant qu’unique entité contractante pour les Services Facebook et les Services Instagram destinés aux utilisateurs de la région européenne. Dans le cadre de la prestation de ses services, en 2021, Meta Ireland a engagé des dépenses pour la fourniture et la commercialisation des services des plateformes en ligne, de la technologie, de la base d’utilisateurs (en ce compris le développement, la promotion, l’expansion et le maintien de la base d’utilisateurs dans la région européenne) et l’exploitation des centres de données et de l’infrastructure technique, principalement par le biais du paiement de charges inter-entreprises. Les « Dépenses Administratives » mentionnées dans les états financiers 2021 de Meta Ireland comprennent environ 39,3 milliards d’euros associés aux dépenses inter-entreprises ».

Ces seuls éléments internes à l’entreprise et qui ne sont corroborés par aucun autre, l’absence totale d’indication sur le contour et la réalité des investissements financiers, matériels ou humains opérés par la société irlandaise dans la constitution, la vérification ou la présentation du contenu des bases de données de Facebook et Instagram ne permettent pas de justifier à suffisance l’allégation selon laquelle cette société irlandaise serait coproductrice avec les sociétés américaines de ces bases de données la rendant ainsi recevable à faire procéder à une saisie-contrefaçon sur le fondement des articles L. 341-1, L. 341-2 et L. 343-1 du code de la propriété intellectuelle.

Dès lors, les opérations de saisie-contrefaçon ont été ordonnées et réalisées à la diligence de sociétés irrecevables à agir sur le fondement de la protection d’une atteinte aux droits sui generis de producteur de bases de données et la main levée des saisies opérées sur ce fondement doit, par application des articles L. 332-2 et L. 343-1 du code de la propriété intellectuelle, être prononcée.

Sur la protection des titulaires des marques incriminées

La titularité de la société Meta Platforms Inc de droits sur les marques de l’Union Européenne 'facebook'

et

et de la société Instagram Llc de droits sur la marque de l’Union Européenne 'Instagram'

n’est pas discutée par la société The Phantom Company.

La société appelante demande néanmoins la rétractation de l’ordonnance présidentielle ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon car il n’est pas justifié d’une atteinte vraisemblable aux marques et en raison du caractère disproportionné des mesures ordonnées.

Pour autant les sociétés Meta Platforms Inc et Instagram Llc qui avaient fait constater par commissaires de justice, les 8 et 9 juin et 1er juillet 2022 (pièces 26 et 27), l’utilisation de leurs marques qu’elles considéraient comme illicites par la société The Phantom Company, étaient en droit de solliciter du juge des requêtes que soient ordonnées en vertu de l’article L. 716-4-7 du code de la propriété intellectuelle des opérations de saisie-contrefaçon.

La justification de ces usages par la société The Phantom Company fera l’objet d’un débat au fond dans le cadre de l’action en contrefaçon et ne saurait ici justifier une rétractation de l’ordonnance autorisant les opérations de saisie-contrefaçon.

En revanche, c’est à juste titre que la société The Phantom Company soutient que la mission donnée au commissaire de justice par l’ordonnance présidentielle du 22 novembre 2022, ci-dessus reproduite, est trop large et excessivement intrusive au regard d’une mesure probatoire concernant la seule contrefaçon des trois marques alléguée.

En effet, si la requête distingue dans sa motivation les atteintes alléguées d’une part au droit du producteur de base de données et d’autre part au droit des marques, la mission donnée au commissaire de justice ne distingue pas ces deux objets.

Dès lors, la demande de communication des codes sources, d’informations sur le volume de données, ou des adresses IP, ou encore les informations sur les clients de la société The Phantom Company sollicitées apparaissent comme disproportionnées au regard de l’administration de la preuve des actes de contrefaçon de marques allégués.

Au regard de l’étendue de la mission confiée par le juge des requêtes au commissaire de justice alors que les sociétés requérantes ne sont pas recevables à agir sur le fondement du droit sui generis du producteur de bases de données, il doit être fait droit à la demande de rétractation de l’ordonnance présidentielle du 22 novembre 2022 et l’ordonnance de référé entreprise doit être infirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l’arrêt conduit à infirmer les condamnations prononcées au titre des frais et dépens de première instance.

Les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc qui succombent seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel.

Elles seront en outre condamnées à verser, en équité, la somme totale de 12 000 euros à la société The Phantom Company sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel et de l’appel incident,

Infirme l’ordonnance entreprise,

Y substituant et y ajoutant,

Rétracte l’ordonnance du 22 novembre 2022 ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société The Phantom Company sis [Adresse 2] [Localité 6],

Ordonne la mainlevée de la saisie-contrefaçon opérée le 29 novembre 2022 dans les locaux de la société The Phantom Company sis [Adresse 2] [Localité 6],

Ordonne la restitution des éléments séquestrés à la société The Phantom Company,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc à payer à la société The Phantom Company la somme totale de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne les sociétés Meta Platforms Inc, Meta Platforms Ireland Ltd et Instagram Llc aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 1er mars 2024, n° 23/10396