Cour d'appel de Pau, 18 septembre 2014, n° 14/03100

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 18 sept. 2014, n° 14/03100
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 14/03100
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Pau, 8 juillet 2012, N° F11/00537

Sur les parties

Texte intégral

RC/CD

Numéro 14/03100

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/09/2014

Dossier : 12/02838

Nature affaire :

Demande d’indemnités ou de salaires

Affaire :

CROIX-ROUGE FRANÇAISE

C/

Marie-Antoinette X

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 18 Septembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 23 Juin 2014, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur SCOTET, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

CROIX-ROUGE FRANÇAISE

XXX

XXX

Représentée par Maître CAYLA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame Marie-Antoinette X

XXX

XXX

Représentée par Maître MALTERRE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 09 JUILLET 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 11/00537

FAITS ET PROCÉDURE

Mme X a été salariée au sein d’un établissement de l’association la Croix Rouge Française (l’association) dénommé Le Nid Béarnais, à Pau (Pyrénées-Atlantiques), en qualité d’aide-soignante, avant de faire valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 2010.

Après son départ à la retraite, Mme X a considéré que l’application de la convention collective en juillet 2004 avait généré une différence de rémunération inéquitable et injustifiée avec certains de ses collègues.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Pau par requête reçue le 23 novembre 2011 pour demander la condamnation de son ancien employeur à lui payer la somme de 4'649 € de rappels de salaires pour les 5 dernières années, au titre du manquement au principe à travail égal, salaire égal, d’effectuer toutes démarches utiles auprès de la caisse de retraite, à lui payer les sommes de 2'000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive, et 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 9 juillet 2012, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le Conseil de prud’hommes de Pau, section activités diverses, a ainsi statué :

— condamne la Croix Rouge Française à payer à Mme X':

3 987 € de rappel de salaire au titre du manquement au principe «'travail égal – salaire égal'» en application de l’article L. 1134-1 du code du travail,

750 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rappelle à la Croix Rouge Française l’obligation d’effectuer toutes démarches utiles auprès de la caisse de retraite de Mme X,

— déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamne la Croix Rouge Française aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception de son conseil mentionnant la date d’expédition du 8 août 2012 et reçue au greffe de la Cour le 9 août suivant, l’association a interjeté appel de la décision.

L’affaire a été fixée à l’audience du 23 juin 2014 pour laquelle les parties ont été convoquées avec proposition d’un calendrier de procédure.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites déposées par télécopie le 12 juin 2014 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l’argumentation, l’association demande à la Cour de :

— la recevoir en ses écritures et les dire bien-fondées, et en conséquence':

infirmer le jugement entrepris,

débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes.

L’association appelante soutient, sur l’allocation des points de BTI, que leur allocation comme leur éventuelle résorption résulte des seules dispositions de la nouvelle convention collective'; sur l’invocation du principe à travail égal, salaire égal, qu’il convient de comparer ce qui est comparable'; que Mme X et Z sont aides-soignantes et Mme A, auxiliaire de puériculture'; que si ces emplois sont actuellement placés sur la même position, il n’en était pas de même dans la précédente convention collective de 1986 ou de celle en vigueur auparavant'; que leurs rémunérations ont évolué sur la base de règles différentes tout au long de leur carrière'; qu’avant la transposition, le différentiel de rémunération avec Mme A était déjà de 7 points, repris dans la transposition, et que ce différentiel a augmenté par l’application des dispositions de la convention collective'; qu’en ce qui concerne Mme Z, son ancienneté était de 7 ans inférieure à celle de Mme X'; que 17 points de BTI lui ont été attribués pour maintenir son niveau de rémunération'; que cependant, n’ayant obtenu que 6 GER lors de la transposition, Mme Z a continué à évoluer et s’est vue attribuer une 7e GER en 2007 et une 8e en 2010, ce qui lui a permis de rattraper et de dépasser Mme X'; que la différence de rémunération est parfaitement justifiée par des éléments objectifs résultant de l’application de l’ancienne et de la nouvelle convention collective.

Par conclusions écrites déposées le 5 juin 2014 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l’argumentation, Mme X demande à la Cour de :

— condamner l’association la Croix Rouge Française au paiement de la somme principale de 4 649 €, outre intérêts à compter de la requête introductive d’instance jusqu’à parfait paiement,

— condamner l’association la Croix Rouge Française à effectuer toutes les démarches utiles auprès de la caisse de retraite de Mme X afin de régulariser la situation de cette dernière auprès de ladite caisse à partir de la reconstitution de sa rémunération exacte,

— la condamner au paiement d’une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu’à la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens.

Mme X, après avoir rappelé les modalités de rémunération prévues par la convention collective, qu’elle qualifie elle-même de système d’une particulière complexité, fait valoir que l’allocation de la BTI ne peut pas être discrétionnaire et surtout discriminatoire'; qu’en ce qui la concerne, ces BTI sont restées limitées à 12 points'; que parallèlement, d’autres salariés exerçant des mêmes fonctions qu’elle et ayant les mêmes compétences professionnelles ont vu leur rémunération régulièrement augmenter, puis dépasser la sienne'; qu’il en est ainsi de Mme Z C D, également aide-soignante avec embauche au 10 janvier 1979, qui s’est vue attribuer 17 points de BTI alors qu’elle n’en a eu que 12, ce qui créait une différence de revenus de 2 020,08 € pour Mme Z contre 1 997,93 € pour elle-même'; qu’il en est de même en ce qui concerne Mme A qui bénéficie d’une rémunération de 2 064,38 € en bénéficiant de 27 points BTI alors qu’elle exerce les mêmes fonctions'; qu’il convient de faire application du principe à travail égal, salaire égal'; qu’elle est donc en droit de solliciter un rappel de salaire au titre de ce manquement la somme de 4 649 € pour les 5 dernières années.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, est recevable en la forme.

Sur le fond,

Mme X fonde sa demande sur le principe «'à travail égal, salaire égal'».

La constatation d’une différence de rémunération, lorsque les fonctions et le travail sont les mêmes, est susceptible de caractériser une violation du principe « à travail égal, salaire égal », et ouvre droit pour le salarié victime à un rappel de salaire sur la base du salaire plus élevé qui a servi à cette constatation.

En application de l’article 1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

En l’espèce, et plus précisément, la question posée par la salariée est celle de l’application de la convention collective, plus particulièrement de l’application des règles de transposition de l’ancienne à la nouvelle convention en 2004, puisque Mme X soutient que c’est l’attribution des points de bonification de technicités individuelles (BTI) qui a entraîné une discrimination à son détriment par rapport à deux salariées exerçant les mêmes fonctions.

La convention collective applicable lors de l’embauche de Mme X était celle du personnel salarié de la Croix Rouge Française. Une nouvelle convention collective a été conclue le 3 juillet 2003, complétée par un avenant du 9 décembre 2003, applicable à compter du 1er juillet 2004.

Alors qu’ils étaient auparavant positionnés sur une grille indiciaire, les salariés ont alors été répartis sur 16 positions de niveaux hiérarchiques, de 1 à 6 les emplois de collaborateurs, de 7 à 8 les emplois de maîtrise, et de 9 à 16 ceux de cadres.

Chaque position comprenait 3 paliers, et une garantie d’évolution professionnelle (GEP) a été instaurée, pour fixer des durées maximales au-delà desquelles le salarié passerait automatiquement d’un palier à l’autre.

La rémunération de base était fixée par le coefficient du palier, exprimé en points dont la valeur était déterminée au niveau national.

A cette rémunération de base pouvait, le cas échéant, s’ajouter la garantie d’évolution des rémunérations (GER), et la bonification de technicités individuelles (BTI) allouée aux salariés pour assurer le maintien du salaire au moment de la transposition.

La GER, exprimée en points, assurait au salarié une progression de sa rémunération au cours de sa carrière, et était attribuée tous les trois ans aux salariés n’ayant pas bénéficié au cours des trois années précédentes ni de la GEP, ni d’une promotion par changement de position ou de palier.

Initialement prévus pour se résorber avec les augmentations de salaires résultant de la GER, de la GEP, ou d’une promotion dans un nouvel emploi ou un palier supérieur, les points de BTI, accordés pour maintenir la rémunération, n’ont plus été absorbés par l’acquisition de GER, mais seulement lors de changement de palier ou de promotion dans un nouvel emploi, à compter du 1er août 2005.

A l’occasion de la mise en place de cette nouvelle convention collective, Mme X a été reclassée en 2004 selon la fiche de transposition précisant sa position, son palier, le nombre de GER retenus ainsi que les points de BTI accordés (pièce n° 1 de l’employeur).

C’est ainsi qu’elle a été classée en position 3, palier 3, avec 8 points de GER et 12 points de BTI.

Bien qu’elle qualifie de «'discrétionnaire et discriminatoire'» l’allocation de la BTI, Mme X ne soutient pas que l’employeur aurait appliqué de façon erronée la nouvelle convention collective et les règles de transposition.

Tout particulièrement, son reclassement apparaît conforme, non seulement à la convention elle-même, mais encore aux dispositions transitoires (6e partie de la convention).

Sa situation découle donc bien de la seule application des dispositions conventionnelles, et non d’une erreur volontaire ou involontaire.

Or, des accords collectifs peuvent, sans méconnaître le principe « à travail égal, salaire égal », prendre en compte pour le calcul des rémunérations le parcours professionnel spécifique de certains salariés.

Dès lors, d’autres salariés occupant le même emploi et percevant une rémunération moindre, mais n’ayant pas eu le même parcours professionnel, et qui ne sont donc pas dans une situation identique, ne sont pas fondés à soutenir qu’ils auraient été victimes d’une inégalité salariale, en violation de ce principe, par rapport à leurs collègues.

En l’espèce, Mme X se compare à Mme Z, qui se serait vu attribuer 17 points de BTI alors qu’elle-même n’en a eu que 12, introduisant une différence de revenus de 22,15 € (2'020,08 € contre 1'997,93 €).

Or, l’employeur objecte à juste titre et sans être contredit que, à la date de la transposition, Mme Z avait une ancienneté de 24 ans et 3 mois, soit 7 ans d’ancienneté de moins que Mme X'; que 17 points de BTI lui ont été attribués pour maintenir son niveau de rémunération'; que, cependant, n’ayant obtenu que 6 GER lors de la transposition, Mme Z a continué à évoluer et il lui a été attribué une 7e GER en 2007 et une 8e en 2008, ce qui lui a permis de rattraper et dépasser Mme X.

Mme X se compare aussi à Mme A, dont elle soutient qu’elle perçoit une rémunération de 2'064,38 € en bénéficiant des 27 points BTI alors qu’elle exerce les mêmes fonctions qu’elle, en ayant les mêmes compétences professionnelles.

Pour autant, l’employeur objecte à juste titre que Mme A est auxiliaire de puériculture et non aide-soignante, et que si ces deux fonctions sont actuellement placées sur la même position, il n’en était pas de même dans les deux précédentes conventions collectives, et que tout au long de leurs carrières, leurs rémunérations ont évolué sur la base de règles différentes'; qu’ainsi, avant même la transposition, le différentiel entre les deux était déjà de 7 points, qui ont été repris dans le cadre de la transposition, et que le différentiel a augmenté par la suite par simple application mécanique des dispositions de la convention collective'; que notamment, Mme A, qui n’avait que 7 points GER à la date de la transposition, a pu en acquérir une 8e, ce qui lui a permis d’obtenir 8 points de plus qui se sont ajoutés aux 7 points précédents, alors que Mme X, qui avait d’ores et déjà atteint le plafond de 8 points GER prévu par la convention, n’a plus eu d’évolution jusqu’à son départ à la retraite.

L’employeur observe également à juste titre qu’à l’origine, les points de BTI étaient absorbés par toutes les augmentations de rémunération, et que si cette disposition avait perduré, Mme A et Z n’auraient pas évolué, la première se contentant de conserver le différentiel de rémunération résultant des anciennes conventions collectives, et la seconde ne pouvant que rejoindre Mme X sans la dépasser';

L’association justifie donc la différence de salaire par des éléments objectifs, à savoir l’application des accords collectifs et des règles de transposition qui s’imposent aux parties, appliqués à des parcours professionnels différents, voire même des qualifications différentes s’agissant de Mme A, et qui proviennent':

— de la différence de statut et de grille de rémunération entre les aides-soignantes et les auxiliaires de puériculture dans les anciennes conventions collectives,

— des règles d’attribution des points de BTI, qui permettaient le maintien des rémunérations et donc préservaient l’écart existant entre les salariés à partir d’août 2005,

— du fait que les salariés n’évoluent plus à partir de 30 ans d’ancienneté, date à partir de laquelle ils obtiennent leur dernière GER.

Il en résulte que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a fait droit à la demande de Mme X en estimant que le principe «'à travail égal, salaire égal'» ne lui avait pas été appliqué.

La décision sera donc infirmée en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes :

La Croix Rouge Française ne demande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile pour faire indemniser ses frais irrépétibles, et Mme X, qui succombe en toutes ses demandes, n’a pas vocation à se voir attribuer une indemnité à cette fin.

Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de Mme X.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale et en dernier ressort,

Déclare l’appel recevable en la forme,

Au fond,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud’hommes de Pau en date du 9 juillet 2012,

Et, statuant à nouveau,

Déboute Mme X de l’ensemble de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne Mme X aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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