Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 4 mai 2021, n° 19/03429

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 1re ch., 4 mai 2021, n° 19/03429
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 19/03429
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

CD/CD

Numéro 21/01812

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRET DU 04/05/2021

Dossier : N° RG 19/03429 – N° Portalis DBVV-V-B7D-

HM4G

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l’activité des auxiliaires de justice

Affaire :

SELARL BOUSQUET

C/

SCI STAYAN,

A C B veuve X,

Z D E Y

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 04 Mai 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 02 Mars 2021, devant :

Madame I, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

Madame ROSA-SCHALL, Conseiller

Madame ASSELAIN, Conseiller

assistées de Madame HAUGUEL, Greffier, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

Le dossier a été communiqué au Ministère Public le 22 juin 2020

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

SELARL BOUSQUET

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Maître PIAULT de la SELARL LEXAVOUE PAU – TOULOUSE, avocat au barreau de PAU

Assistée de la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉES :

SCI STAYAN

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social de la société

[…]

[…]

Madame A C B veuve X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Madame Z D E Y

née le […] à Carcassonne

de nationalité Française

[…]

[…]

Toutes deux intervenant en leur qualité d’associées de la SCI STAYAN et en leur nom personnel

Représentées par Maître ESPIET, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 30 SEPTEMBRE 2019

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

RG numéro : 18/00214

EXPOSE DU LITIGE

Le 26 août 2011, la SCI STAYAN, représentée par Mesdames Z Y et A X, cogérantes, propriétaire d’une maison d’habitation avec terrain […], a consenti au profit de la SA BOUYGUES IMMOBILIER une promesse de vente pour un montant de 1 800 000 € portant sur l’ensemble de la propriété, cadastrée BA 50 et BA 51.

Cette promesse de vente a été formalisée par Me François-Xavier BOUSQUET, notaire associé de la SELARL BOUSQUET.

Les parties ont établi un avenant en date du 10 janvier 2012, suivant lequel :

— la parcelle cadastrée BA 50 a fait l’objet d’une division (devenues BA 174 et BA 175) pour extraire de la vente une parcelle d’environ 102 m² restant la propriété de la SCI STAYAN ;

— le prix a été ramené à 1.790.000 €.

Par courriel en date du 31 janvier 2013, le notaire a adressé à Mesdames X et Y un projet d’acte authentique en vue de la signature 'xée le 08 février 2013.

Le projet précisait que :

— la vente porte sur « un terrain à bâtir sur lequel figure une maison d’habitation », figurant au cadastre sous les références BA 174 et BA 51, la première provenant de la division de la parcelle BA 50 à la suite de l’avenant du 10 janvier 2012 ;

— le prix de cession est ramené à 1.415.000 euros

— la SCI est exonérée de l’impôt sur la plus-value étant donné qu’il s’agit de la cession de la résidence principale des associées.

Le 28 janvier 2013 un procès-verbal d’arpentage a été établi et déposé au service du cadastre de DAX le 7 février 2013.

Le 8 février 2013, l’acte authentique a été signé en l’étude de Me BOUSQUET entre la SCI Stayan et la SA Bouygues Immobilier.

L’acte précise que la vente porte sur :

— a) 'un terrain bâti sur lequel figure une maison d’habitation pour un total de 9 a 47 ca' (section BA 180 et 184) ;

— b) 'un terrain à bâtir pour un total de 65 a 05 ca ' (section BA 181, 182, 185).

Concernant l’impôt sur la plus-value, l’acte mentionne que : « le représentant de la SCI STAYAN déclare sous sa responsabilité (') que ledit immeuble n’est pas soumis à l’impôt sur la plus-value pour la raison suivante : l’immeuble (') constituait jusqu’à ce jour la résidence principale des associés.'

Par courrier en date du 4 mars 2016, la SCI STAYAN s’est vue notifier un redressement fiscal par le pôle de contrôle patrimonial de Mont-de-Marsan pour un montant de 271.087 euros, Madame X et Madame Y étant redevables de cet impôt chacune à hauteur de 50 %.

L’administration fiscale a estimé que le terrain bâti où figure la maison pouvait bénéficier de l’exonération de plus-value mais non pas le terrain à bâtir.

Par acte d’huissier de justice en date du 5 février 2018, la SCI STAYAN, Madame A B veuve X et Madame Z Y, en leur qualité d’associées et agissant en leur nom personnel, ont assigné la devant le tribunal de grande instance de BAYONNE afin de rechercher sa responsabilité et d’obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire rendu le 30 septembre 2019, le tribunal de grande instance de BAYONNE a :

— dit et jugé que le fondement juridique pour une exacte qualification des faits est celui de l’article 1231 du code civil,

— constaté le manquement de la SELARL BOUSQUET à son obligation de conseil vis-à-vis de la SCI STAYAN et de ses cogérantes Mesdames A X et Madame Z Y lors de la rédaction de l’acte authentique du 08 février 2013,

— dit et jugé que les conditions de la responsabilité de la SELARL BOUSQUET sont réunies,

— condamné la SELARL BOUSQUET à payer à Madame A B veuve

X la somme de cent dix-sept mille cinq cent euros (117.500 €) en réparation de son préjudice de perte de perte de chance,

— condamné la SELARL BOUSQUET à payer à Madame Z Y la somme de cent dix-sept mille cinq cent euros (117.500 €) en réparation de son préjudice de perte de perte de chance,

— condamné la SELARL BOUSQUET à payer à Madame A B veuve X la somme de 19.973,50 euros au titre des intérêts de retard,

— condamné la SELARL BOUSQUET à payer à Madame Z Y la somme de 22.564,50 euros au titre des intérêts de retard,

— débouté Madame A B veuve X de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de loyers et au titre des frais de vente,

— condamné la SELARL BOUSQUET à payer à Madame A B veuve X la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral,

— condamné la SELARL BOUSQUET’ à payer à Madame Z Y la somme de 5.000 € en réparation du préjudice moral,

— condamné la SELARL BOUSQUET à payer à la SCI STAYAN, Madame A B veuve X et Madame Z Y une indemnité globale de trois mille euros (3.000 €) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

— condamné la SELARL BOUSQUET aux dépens.

Par déclaration d’appel effectuée le 30 octobre 2019, la SELARL BOUSQUET a interjeté appel de cette décision qu’elle critique en chacune de ses dispositions.

Suivant ses dernières conclusions déposées le 9 février 2021, la SELARL BOUSQUET demande à la Cour :

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait application des dispositions de l’article 1231 du Code Civil, relatives à la responsabilité contractuelle,

— de dire et juger que seules les dispositions de l’article 1240 du Code Civil ont vocation à s’appliquer à la demande de la SCI STAYAN et de ses associées, Mmes X et Y ;

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’encontre de la SELARL BOUSQUET,

— de dire et juger la SCI STAYAN ainsi que Mmes X et Y mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SELARL BOUSQUET,

— de les en débouter,

— de dire et juger Mmes X et Y mal fondées en leur appel incident,

— de les en débouter,

— de les condamner au paiement d’une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Très subsidiairement,

— de dire et juger que la perte de chance subie par la SCI STAYAN et ses associées, Mmes X et Y est nulle,

— à défaut, d’estimer celle-ci à des proportions beaucoup plus raisonnables que celles retenues par le Tribunal,

— de condamner la SCI STAYAN et ses associées, Mmes X et Y en tous les dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître François PIAULT membre de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant leurs dernières conclusions déposées le 29 janvier 2021, la SCI STAYAN, Madame A B et Madame Z Y demandent à la Cour :

— de déclarer mal fondée la SELARL BOUSQUET en son appel principal,

— de rejeter l’ensemble des demandes présentées par la SELARL BOUSQUET, sauf en ce qui concerne le fondement juridique de l’action engagée par la SCI STAYAN et Mesdames X, retenu par le jugement entrepris ;

— de dire et juger que le fondement juridique de l’action en responsabilité de la SELARL BOUSQUET est celui de l’article 1240 du code civil,

— de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté le manquement de la SELARL

BOUSQUET à son obligation de conseil vis-à-vis de la SCI STAYAN et de ses cogérantes Mesdames A X et Z Y lors de la rédaction de l’acte, et retenu la responsabilité de la SELARL BOUSQUET ;

Vu l’appel incident formé par la SCI STAYAN, Madame Y, et Madame X,

— de le déclarer recevable et fondé,

— de condamner la SELARL BOUSQUET à payer à Madame A X la somme de 118.482 € au titre du préjudice matériel résultant du redressement fiscal ;

— de condamner la SELARL BOUSQUET à payer à Madame Z Y la somme de 118.482 € au titre du préjudice matériel résultant du redressement fiscal ;

Subsidiairement, si la Cour confirme sur la perte de chance,

- de condamner la SELARL BOUSQUET à payer à Madame Z Y la somme de 117.500 € en réparation de son préjudice pour perte de chance ;

— de condamner la SELARL BOUSQUET à payer à Madame A X la somme de 117.500 € en réparation de son préjudice pour perte de chance ;

— de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* condamné la SELARL BOUSQUET à payer à Madame Z Y la somme de 22.564,50 € au titre des intérêts de retard ;

* condamné la SELARL BOUSQUET à payer à Madame A X la somme de 19.973,50 € au titre des intérêts de retard ;

* condamné la SELARL BOUSQUET à payer à Mesdames A X, Z Y, et la SCI STAYAN, une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Et, faisant droit à l’appel incident,

— de condamner la SELARL BOUSQUET à payer à Madame Z Y la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral ;

— de condamner la SELARL BOUSQUET à payer à Madame A X la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral ;

— de condamner la SELARL BOUSQUET à payer à Madame Z Y et Madame

A X chacune une indemnité de 5 000 € au titre des frais irrépétibles devant la Cour,

— de condamner la SELARL BOUSQUET aux entiers dépens, de première instance et d’appel ;

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 février 2021.

MOTIFS

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, la responsabilité du notaire rédacteur d’un acte authentique, du fait des obligations qui découlent de cette mission, doit être recherchée sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Sur la faute

Le notaire est tenu à une obligation de conseil qui lui impose d’informer les parties sur la portée, les effets et les risques de l’acte qu’il rédige. A ce titre, il lui appartient de donner une information complète et circonstanciée, notamment sur les incidences fiscales de l’acte auquel il prête son concours.

Le premier juge a retenu un manquement du notaire à son devoir de conseil en ce qu’il :

— n’a pas avisé les venderesses des conséquences des modifications apportées à l’acte entre le projet du 31 janvier 2013 et l’acte authentique du 8 février 2013, le contrôle fiscal ayant été motivé par la rédaction de l’acte qui vise deux biens distincts et non un seul,

— n’a pas vérifié le caractère nécessaire et indispensable du terrain à bâtir suivant la doctrine administrative établie de longue date.

L’appelante conteste avoir commis une faute aux motifs suivants :

— le notaire a pu légitimement considérer que la SCI STAYAN n’était pas soumise à l’impôt sur la plus-value au regard des termes de l’article 150 U 1° et 1° bis du code général des impôts, la formulation de la désignation des biens n’étant pas de nature à lui faire considérer qu’elle pourrait entraîner un redressement fiscal ;

— le redressement fiscal n’a pas été provoqué par la formulation contenue dans l’acte mais par un changement de pratique critiquable de l’administration à compter de la fin de l’année 2012, qui prend désormais en compte l’usage que fera le vendeur du bien acquis au lieu du seul usage qu’en faisait le vendeur ; que même si l’acte avait retenu la formulation initiale (terrain à bâtir sur lequel figure une maison), le redressement aurait eu lieu ;

— les intimées n’ont pas formé de recours contre le redressement, alors que la nouvelle pratique de l’administration était contestable ;

Suivant les dispositions de l’article 150 U du code général des impôts :

I. ' Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH.

(…)

II. ' Les dispositions du I ne s’appliquent pas aux immeubles, aux parties d’immeubles ou aux droits relatifs à ces biens :

1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ;

(…)

3° Qui constituent les dépendances immédiates et nécessaires des biens mentionnés aux 1° et 2°, à la condition que leur cession intervienne simultanément avec celle desdits immeubles ;

(…)

Aux termes de son analyse, énoncée dans le courrier portant redressement, l’administration fiscale définit, au titre des exonérations, comme dépendances immédiates et nécessaires s’agissant d’un terrain à bâtir, les seuls :

— locaux et aires de stationnement utilisés par le propriétaire comme annexes à son habitation (garage, parking, remise, maison de gardien) ;

— cours, passages, et en général, tous les terrains servant de voies d’accès à l’habitation et à ses annexes.

Cette analyse résulte de la doctrine administrative du BOI-RFPI-PVI-10-40-10-201 50812 § 340.

Contrairement à ce qu’avance la SELARL BOUSQUET sans en rapporter la preuve, cette analyse ou doctrine n’était pas nouvelle puisque la doctrine précédente, citée par les intimées BOI 8 M-1-04 fiche n° 1 §30 était établie dans les mêmes termes.

Ainsi, la SELARL BOUSQUET n’a nullement été surprise par une position inopinée de l’administration fiscale qu’elle ne pouvait pas anticiper. La doctrine appliquée à la SCI STAYAN existait bien avant la réalisation de l’acte.

Par conséquent, en ne procédant pas à une recherche suffisamment fouillée des incidences fiscales au titre de la plus-value de la vente qu’elle instrumentait et ne donnant pas la bonne information aux venderesses, la SELARL BOUSQUET a commis un manquement à son devoir de conseil.

Sur le préjudice

* paiement de l’impôt

Le paiement de l’impôt ne constitue un préjudice réparable que s’il est certain qu’il aurait pu être évité en l’absence de la faute du notaire. A défaut, le préjudice est constitué par une perte de chance, de ne pas contracter ou de le faire à de meilleures conditions.

La SCI STAYAN et ses cogérantes avancent que le redressement est motivé par la formulation de la désignation des biens vendus en deux entités, alors que si la désignation initialement prévue au projet de vente (mail du 31 janvier 2013) avait été maintenue, la partie 'à bâtir', constitutive du parc attenant à la maison, n’aurait pas entraîné d’imposition.

Rappelons que l’acte authentique de vente en date du 8 février 2013 désigne les biens vendus comme suit :

a) 'un terrain bâti sur lequel figure une maison d’habitation' cadastré section BA 180 et 184 ; b) 'un terrain à bâtir' cadastré section BA 181, 182, 185.

Précédemment, le projet adressé aux parties le 31 janvier 2013 prévoyait la mention :

'terrain à bâtir sur lequel figure une maison d’habitation', figurant au cadastre section BA 174 et BA 51.

Dans les deux cas, le terrain vendu était un terrain à bâtir.

Or, suivant la motivation du redressement, le critère de l’appréciation limitée des dépendances immédiates et nécessaires ouvrant droit à l’exonération aux seuls aires de stationnement, cours, passages et voies d’accès, est celui de la qualification de 'terrain à bâtir'.

Par suite, ce n’est pas la formulation contenue dans l’acte authentique qui a conditionné le redressement, mais bien le fait qu’il s’agissait d’un terrain à bâtir, mention qui existait dans les deux projets.

A cet égard, l’administration a relevé les dates d’acquisition distinctes par les intimées du terrain sur lequel elles ont fait bâtir une maison, d’une part (achat du 15 décembre 1979) et de la parcelle de terrain à bâtir devenu le parc de l’habitation, d’autre part (achat du 16 septembre 1988) et de ce que la qualité de terrain à bâtir n’a pas été modifiée, nonobstant l’apport de ces biens à l’actif de la SCI STAYAN.

Enfin, les intimées n’ont pas contesté le redressement devant les juridictions administratives, de sorte que la position finale de l’administration ne peut être connue.

En conséquence, la SCI STAYAN, Madame A B veuve X et Madame Z Y ne rapportent pas la preuve de ce que dûment informées des incidences fiscales de l’acte tel qu’il a été rédigé, elles auraient pu, en exigeant le maintien de la formulation antérieure, se trouver exonérées de l’impôt sur la plus-value.

Leur préjudice ne peut dès lors être constitué que par la perte de chance de ne pas passer la vente ou celle de la négocier à un meilleur prix.

La probabilité de ne pas passer la vente ne résulte d’aucun élément de la cause dès lors que la SCI STAYAN et ses cogérantes étaient animées par la volonté de vendre, qu’elles en ont tiré un prix de 1.415.000 €. De plus, ne pas vendre à cet acquéreur pour proposer ultérieurement le bien à un autre candidat ne les aurait pas davantage exonérées de l’impôt sur la plus-value. Elles n’avaient donc aucune raison de renoncer à leur projet de vente.

Quant au meilleur prix auquel la transaction aurait pu être négociée, la probabilité apparaît ici aussi quasi-nulle.

En effet, les venderesses ont accepté sans discuter l’offre de l’acquéreur BOUYGUES, contenue dans le projet du 31 janvier 2013, qui a fait passer le prix de 1.790.000 € (avenant à la promesse du 10 janvier 2012) à 1.415.000 €, soit une baisse de 375.000 €. Cela démontre que l’acheteur se trouvait en position de force et que les intimées ne se trouvaient pas en situation de réclamer un meilleur prix.

La perte de chance n’est donc pas suffisamment constituée.

* intérêts de retard

Les intérêts de retard réclamés par l’administration fiscale ne sont que la compensation d’un différé dans le paiement, sur une somme dont les intimées ont profité pendant ce délai. Il n’y a donc pas de

préjudice de ce chef.

* préjudice moral

Le préjudice moral de Madame A B veuve X et Madame Z Y n’est pas démontré. La perte de confiance dans le notaire connu depuis 1957 par l’une d’elle n’emporte pas préjudice moral dès lors qu’il ne s’agit pas d’une relation de proximité familiale ou affective.

De même, le fait que Madame Z Y ait été amenée à payer sa dette fiscale suivant un échéancier ne constitue pas un préjudice moral en lien avec la faute du notaire.

Enfin, Madame Z Y ne démontre pas le lien qui existerait entre ses problèmes de santé et le manquement de la SELARL BOUSQUET.

En conclusion, la décision dont appel sera infirmée, les intimées seront déboutées de leurs demandes contre la SELARL BOUSQUET.

Dépens et article 700 du code de procédure civile

Dans la mesure où une faute a été reconnue à la charge de la SELARL BOUSQUET, elle supportera les dépens d’appel et de première instance.

Au regard de l’équité, elle sera condamnée à payer à Madame A B veuve X et à Madame Z Y la somme de 1.000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Réforme la décision dont appel,

Statuant à nouveau, sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

Déboute la SCI STAYAN, Madame A B veuve X et Madame Z Y de leurs demandes indemnitaires contre la SELARL BOUSQUET,

Condamne la SELARL BOUSQUET à payer à à Madame A B veuve X et à Madame Z Y la somme de 1.000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais de première instance et d’appel,

Condamne la SELARL BOUSQUET aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme I, Président, et par Mme G, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

F G H I

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