Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 24 septembre 2014, n° 13/02185

  • Licenciement·
  • Sociétés·
  • Titre·
  • Employeur·
  • Indemnité·
  • Mise à pied·
  • Entretien préalable·
  • Frais irrépétibles·
  • Salarié·
  • Lettre

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 24 sept. 2014, n° 13/02185
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 13/02185
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Niort, 20 mai 2013
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

JMA/KG

ARRET N° 566

R.G : 13/02185

XXX

C/

B

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2014

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/02185

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 21 mai 2013 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT.

APPELANTE :

XXX

L’Etablère

XXX

Représentée par Me Hervé QUINIOU, substitué par Me Séverine LEROUX-COULON, avocats au barreau d’ANGERS

INTIME :

Monsieur X B

XXX

XXX

Représenté par Me Jérôme MERENDA, avocat au barreau de NIORT

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric VEYSSIERE, Président

Monsieur Jean-Paul FUNCK-BRENTANO, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Annie FOUR

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Eric VEYSSIERE, Président, et par Madame Christine PERNEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Bouyer Leroux est fabricant de matériaux de construction.

Elle a embauché M. X B, à effet du 17 novembre 2008, en qualité de technico-commercial.

Le 23 février 2011, la société Bouyer Leroux a convoqué M. X B à un entretien préalable à son éventuel licenciement et lui a concomitamment notifié sa mise à pied à titre conservatoire. Cet entretien a eu lieu le 1er mars 2011.

Au motif qu’elle avait eu connaissance de faits nouveaux, le 3 mars 2011 la société Bouyer Leroux a convoqué M. X B à un second entretien préalable à son éventuel licenciement, entretien qui a eu lieu le 15 mars suivant. Concomitamment à cette seconde convocation, la société Bouyer Leroux a notifié à M. X B la confirmation de sa mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de sa décision.

Le 18 mars 2011, la société Bouyer Leroux a notifié à M. X B son licenciement pour faute grave.

Le 5 août 2011, M. X B a saisi le conseil de prud’hommes de Niort aux fins, sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement à intervenir et en l’état de ses dernières prétentions, de voir :

— à titre principal :

* juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* condamner la société Bouyer Leroux à lui payer les sommes suivantes :

' 39 660,12 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 127,04 euros brut à titre de salaire pour la période de mise à pied,

' 9 060,16 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

' 1 540,13 euros à titre d’indemnité de licenciement,

' 625 euros à titre de rappel de primes,

— à titre subsidiaire, condamner la société Bouyer Leroux à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

— en tout état de cause condamner la société Bouyer Leroux à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement en date du 21 mai 2013, le conseil de prud’hommes de Niort a :

— jugé que le licenciement de M. X B est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Bouyer Leroux à payer à M. X B les sommes suivantes :

* 19 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 127,04 euros brut à titre de salaire pour la période de mise à pied,

* 9 060,16 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 906,01 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1 540,13 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. X B du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de trois mois,

— débouté M. X B de ses plus amples demandes,

— débouté la société Bouyer Leroux de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Bouyer Leroux aux entiers dépens.

Le 19 juin 2013, la société Bouyer Leroux a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions reçues au greffe les 28 avril et 13 juin 2014, et reprises oralement à l’audience, la société Bouyer Leroux demande à la cour :

— d’infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a 'débouté M. X B de ses autres demandes',

et statuant à nouveau :

— de débouter M. X B de ses demandes,

— de condamner M. X B à lui payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et une somme du même montant au titre des frais irrépétibles de l’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions transmises au greffe le 5 juin 2014, et développées oralement à l’audience, M. X B demande à la cour :

— à titre principal :

* de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* de condamner la société Bouyer Leroux à lui payer les sommes suivantes :

' 39 660,12 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 127,04 euros brut à titre de salaire pour la période de mise à pied,

' 9 060,16 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 906,01 euros au titre des congés payés y afférents,

' 1 540,13 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* de débouter la société Bouyer Leroux de ses demandes,

— à titre subsidiaire :

* de condamner la société Bouyer Leroux à lui payer les sommes suivantes :

' 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

' 2 127,04 euros brut à titre de salaire pour la période de mise à pied,

' 9 060,16 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 906,01 euros au titre des congés payés y afférents,

' 1 540,13 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* de débouter la société Bouyer Leroux de ses demandes,

— en tout état de cause, de condamner la société Bouyer Leroux à lui payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et une somme du même montant au titre des frais irrépétibles de l’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées et oralement reprises à l’audience.

MOTIFS

Sur le licenciement de M. X B

Aux termes de la lettre que la société Bouyer Leroux a adressée à M. X B le 18 mars 2011 et qui fixe les limites du litige, le licenciement pour faute grave de ce dernier a été prononcé en substance aux motifs :

— qu’il a utilisé sa position de technico-commercial de l’entreprise pour obtenir, via la société Chausson matériaux, des avoirs commerciaux et donc une minoration sur les prix de matériaux fabriqués par l’employeur, ce au profit de la S.C.I. Les Erables dont il était l’un des associés,

— qu’il a opéré de la sorte de façon occulte vis à vis de sa hiérarchie, notamment en indiquant des références client différentes d’un avoir à l’autre,

— que ses agissements ont conduit la société Chausson Matériaux à remettre en cause sa collaboration avec l’employeur.

La société Bouyer Leroux ajoutait, dans la lettre de licenciement, que M. X B, assisté au cours de l’entretien préalable, avait reconnu les faits reprochés, citant à cet égard une attestation du délégué du personnel ayant assisté le salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rende impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En premier lieu il doit être relevé que M. X B ne conteste pas les faits bruts à savoir qu’il a bien établi les avoirs dont l’employeur lui fait grief et que ces avoirs ont été émis au profit de la S.C.I. Les Erables dont il est l’un des associés.

Ensuite, M. X B ne peut sérieusement soutenir que ces avoirs dont la finalité non discutée était de permettre à la S.C.I. Les Erables d’obtenir des matériaux fabriqués par son employeur à des prix préférentiels, ne sauraient lui être reprochés aux motifs qu’ils ne lui ont conféré aucun avantage personnel. En effet vocation le cas échéant à percevoir à terme une part des bénéfices et à supporter subsidiairement une part des pertes de la S.C.I. en sa qualité d’associé, M. X B avait un intérêt personnel indirect à favoriser une réduction du coût de la construction de l’immeuble mis en chantier par celle-ci.

Encore, s’agissant des conséquences préjudiciables pour l’employeur des griefs énoncés à l’appui du licenciement, il est de principe que la gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté et peut découler du seul risque encouru par l’entreprise. A cet égard, il convient de se référer à la lettre que la société Chausson Matériaux, cette dernière étant l’un des importants partenaires commerciaux de la société Bouyer Leroux, lui a adressée le 1er mars 2011. Cette lettre est rédigée comme suit :

— '….nous avons été amenés à décliner la demande de M. X B concernant un certain nombre d’avoirs commerciaux pour des produits à destination de la S.C.I. Les Erables …..

A la demande de M. X B, nous avons ouvert un compte pour la S.C.I. Les Erables le 28 juin 2010. Suite à la demande de M. X B, notre unique interlocuteur de la S.C.I. Les Erables, nous avons livré des matériaux dans le cadre d’un projet de construction de la S.C.I. Par sa qualité de commercial de Bouyer Leroux, il nous a accordé plusieurs avoirs commerciaux dont les destinataires nommément inscrits sur l’avoir n’étaient pas la S.C.I. Les Erables mais des utilisateurs réguliers de votre produit sur le secteur……….Fort de cette situation, M. X B a exercé de réelles pressions sur le personnel de l’agence afin de faire bénéficier la S.C.I. Les Erables de ces avoirs dont nous pressentions le côté abusif.

L’attitude de M. X B sur la gestion de ce dossier nous positionne dans une situation délicate. Vous comprendrez que dans cette situation, il nous est impossible d’imaginer poursuivre notre partenariat dans de bonnes conditions….Nous pensons que les conditions ne sont plus réunies pour cela…'.

Il se déduit, sans ambiguïté de ce courrier que, en raison des avoirs litigieux, la société Chausson Matériaux envisageait de mettre un terme à son partenariat commercial avec la société Bouyer Leroux, ce qui faisait courir un risque financier à cette dernière.

Pour ce qui concerne le grief de dissimulation du véritable bénéficiaire des avoirs, et alors qu’il est constant que, si en sa qualité de technico-commercial M. X B pouvait proposer l’octroi d’avoirs, sa proposition devait recevoir l’aval de son directeur régional des ventes. Or si ce schéma a en apparence été respecté par M. X B, en revanche il apparaît que chacun des avoirs litigieux contient des références constructeur et maître de l’ouvrage différentes, que l’indication complète de la S.C.I. Les Erables n’y figure jamais, ce qui ne peut que s’analyser comme une tentative de dissimuler à l’employeur le véritable bénéficiaire de ces avoirs, selon un procédé difficile à détecter. Il n’est pas sérieux de la part de M. X B de venir notamment soutenir qu’il a mentionné pour bénéficiaire de l’un des avoirs le nom du client 'Maison du Marais’ au lieu et place de la S.C.I. Les Erables dans le but de fidéliser ce client, la question étant en l’espèce celle de sa loyauté à l’égard de son employeur.

En outre, comme cela a déjà été relevé au stade de l’analyse du moyen du salarié tiré de l’absence de préjudice subi par l’employeur, il est démontré par la lettre précitée de la société Chausson Matériaux que celle-ci, s’étant aperçue des manoeuvres de M. X B, a menacé la société Bouyer Leroux de rompre leurs relations commerciales.

Enfin, et bien qu’il ne s’agisse pas d’un élément suffisant à lui seul à établir la réalité des griefs, il doit être relevé qu’il ressort de l’attestation que produit la société Bouyer Leroux (sa pièce n° 39) et dont le rédacteur est M. Y Z, salarié qui a assisté M. X B lors de l’entretien préalable, que après s’être entendu rappeler les griefs de l’employeur, M. X B a indiqué : 'je reconnais les faits, j’ai joué et j’ai perdu'.

Ainsi il se déduit des éléments rapportés par l’appelante que M. X B a agi sciemment et de manière dissimulée à l’encontre des intérêts de cette dernière et dans le but de favoriser ses propres intérêts au travers de sa participation à une S.C.I.

Ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement sans toutefois dégénérer en une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rende impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis.

Dans ces conditions, M. X B sera débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera confirmé pour le surplus des sommes allouées au salarié à titre d’indemnité ou de rappel de salaire.

Sur la demande formée par M. X B en paiement d’une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement

M. X B fait grief à l’employeur de n’avoir pas respecté la procédure de licenciement aux motifs que ce dernier d’une part n’aurait pas respecté le délai de convocation prévu à l’article L 1232-2 du code du travail et d’autre part lui aurait infligé une mise à pied d’une durée supérieure à la durée maximale prévue en la matière par le règlement intérieur de l’entreprise.

L’article L 1232-2 du code du travail dispose :

' L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.

L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation'.

Or en l’espèce, il est constant que, si l’employeur a organisé un second entretien préalable au licenciement de M. X B en respectant le délai instauré par ce texte, ce dernier a été assisté au premier entretien préalable qui s’est tenu le 1er mars 2011 sur convocation de l’employeur du 23 février précédent, et s’est ainsi trouvé, à ce stade de la procédure, privé du délai de réflexion légal.

Dans ces conditions, la société Bouyer Leroux sera condamnée à payer à M. X B, par application des dispositions de l’article L 1235-2 du code du travail, une indemnité de 1 000 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. X B ayant obtenu gain de cause pour partie de ses demandes, les dépens tant de première instance que d’appel seront supportés par la société Bouyer Leroux.

En outre il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X B les frais par lui exposés et non compris dans les dépens, et il sera donc mis à la charge de la société Bouyer Leroux une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, et une indemnité de 1 000 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de l’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la société Bouyer Leroux à payer à M. X B des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a fait application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail et a fixé à 600 euros l’indemnité de procédure allouée au salarié ;

Et statuant à nouveau :

Déboute M. X B de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Bouyer Leroux à payer à M. X B la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant :

Condamne la société Bouyer Leroux à payer à M. X B la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;

Condamne la société Bouyer Leroux à verser à M. X B une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 24 septembre 2014, n° 13/02185