Cour d'appel de Poitiers, 3ème chambre, 24 décembre 2014, n° 13/04090

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 3e ch., 24 déc. 2014, n° 13/04090
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 13/04090
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saintes, 17 octobre 2013
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

ARRET N°536

R.G : 13/04090

XXX

X

Z

C/

Y

Commune SAINT ROMAIN SUR B

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

3e Chambre Civile

ARRÊT DU 24 DÉCEMBRE 2014

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/04090

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 octobre 2013 rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES.

APPELANTS :

1° Monsieur C O P X

retraité – né le XXX à SAINT FORT SUR B (17240)

XXX

17240 ST ROMAIN SUR B

2° Monsieur C L Z

retraité – né le XXX à XXX

XXX

XXX

ayant pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET ALLERIT, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Nathalie BOURDEAU, avocat au barreau de Saintes, membre de la SCP ROUDET

INTIMES :

1° Madame E Y

Notaire, membre de la SCP Y-BAUSSAT-LEGRAND

née le XXX à SAINT-JEAN D’ANGELY (17400)

XXX

17120 MORTAGNE SUR B

ayant pour avocat postulant Me Frédéric MADY de la SCP MADY GILLET, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me GILLET, avocat au barreau de Poitiers, membre de la SCP MADY-GILLET

2° Commune SAINT ROMAIN SUR B

dont le siège est XXX

17240 SAINT ROMAIN SUR B

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Patrice BENDJEBBAR de la SELARL BENDJEBBAR – LOPES, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Michel BUSSIERE, Président

Madame Danielle SALDUCCI, Conseiller

Monsieur Olivier DE BLAY-DE-GAIX, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

MINISTÈRE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Madame Danielle SALDUCCI, Conseiller, en remplacement de Monsieur Michel BUSSIERE, Président de Chambre, légitimement empêché, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

**********************

Faits et procédure:

Par acte notarié passé le 4 février 2011 par Maître E Y, Monsieur C X et Monsieur C Z ont procédé à l’échange de leurs parcelles situées sur la commune de Saint Romain sur B, cadastrées section XXX et 550.

Faisant valoir que cet échange de parcelles est intervenu sans lui transmettre la déclaration d’aliénation et qu’elle a ainsi été empêchée d’exercer son droit de préemption, la Mairie de Saint Romain sur B a fait assigner C Z et C X devant le tribunal de grande instance de Saintes par acte d’huissier des 23 et 24 janvier 2012 aux fins de voir prononcer la nullité de l’acte notarié du 4 février 2011 et d’obtenir une indemnité de 5.000¿. Les consorts Z et X ont fait assigner en garantie leur notaire aux fins qu’elle les relève indemnes de toute éventuelle condamnation et qu’elle leur verse à chacun une indemnité de 6.000 € pour le dommage subi.

Par jugement du 18 octobre 2013, ce tribunal a annulé l’acte notarié du 4 février 2011, a dit que la décision sera publiée au bureau des hypothèques et a condamné solidairement C X et C Z à payer à la Mairie de Saint Romain sur B d’une part et à Maître E Y d’autre part la somme de 2.000 € au titre de leurs frais irrépétibles.

La Cour :

Vu l’appel interjeté par C X et C Z le 3 décembre 2013,

Vu les dernières conclusions déposées par les appelants le 28 février 2014 suivant lesquelles, poursuivant l’infirmation du jugement, ils demandent à titre principal que la Mairie de Saint Romain sur B soit déboutée de l’ensemble de ses prétentions et à titre subsidiaire en cas d’annulation de l’acte notarié, que Maître Y soit condamnée à les relever indemne et qu’elle soit condamnée à leur payer les sommes de 830,64 euros au titre des frais notariés, et à chacun une indemnité de 6.000 euros. Ils réclament en tout état de cause une somme de 2.000 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés, ainsi que la condamnation des intimés aux dépens dont distraction au profit de la SCP Gallet-Allerit.

Vu les dernières écritures déposées le 23 avril 2014 par E Y concluant à la confirmation du jugement, sollicitant 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation des appelants aux dépens dont distraction au profit de la SCP Mady-Gillet.

Vu les dernières écritures déposées le 25 avril 2014 par la Mairie de Saint Romain sur B concluant à la confirmation du jugement en ce qu’il a annulé l’acte notarié et à son infirmation pour le surplus. Elle demande que les appelants soient condamnés à lui verser une indemnité de 5.000 euros outre 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, et qu’ils soient condamnés aux dépens dont distraction au profit de Maître Patrice Bendjebbar membre de la Selarl Bendjebbar-Lopes.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour l’exposé complet des demandes et observations des parties, aux dernières conclusions visées ci-dessus.

Le ministère public a visé la procédure le 25 septembre 2014 pour s’en rapporter à justice.

Motifs et décision :

S’agissant du droit de préemption de la commune, il n’est pas contesté que par délibération du conseil municipal du 9 avril 2001, la commune de Saint Romain sur B a institué un droit de préemption. Toutefois les consorts X- Z soutiennent que la commune ne démontre pas que la parcelle cadastrée XXX fait partie de la zone concernée par ce droit, et qu’en tout état de cause, les conditions d’exercice du droit de préemption ne sont pas réunies en l’espèce dès lors que la commune ne rapporte pas la preuve d’un intérêt général.

A cet égard, il ressort toutefois des documents produits (plan, zonage avec plan agrandi, photographie aérienne) que le périmètre de la zone UA sur laquelle le droit de préemption peut s’exercer est parfaitement établi et que les parcelles litigieuses sont comprises dans ce périmètre. En sa qualité d’ancien Maire de la commune, signataire qui plus est de la délibération rappelée ci-dessus, Monsieur C X ne peut en conséquence valablement soutenir cet argument qui est inopérant.

S’agissant de l’intérêt général qui ferait défaut selon les appelants, il est également établi qu’un projet de construction de parkings existait depuis plusieurs années et il est justifié d’une décision de préemption effectuée le 26 avril 2010 de la parcelle cadastrée XXX, qui est contigüe aux parcelles 550 et 553. En outre, avant de procéder à l’échange litigieux, M. X s’était proposé de vendre les deux garages situés sur sa parcelle XXX et Maître Y avait écrit à ce titre à Mme le Maire de Saint Romain sur B pour lui demander si la commune était intéressée par cette acquisition, laquelle avait répondu par l’affirmative. M. X n’y avait toutefois pas donné suite pour des raisons qu’il ne fournit pas.

De son côté Maître Y soutient que pour que le droit de préemption soit opposable aux tiers, encore faut-il que le plan local d’urbanisme soit également opposable, ce dont la mairie ne rapporte pas la preuve.

Il ressort toutefois des pièces produites que l’affichage en mairie, tant du PLU que du droit de préemption urbain ont bien été effectués en leur temps, les attestations produites à cet effet constituant une preuve suffisante de la réalité de ces affichages, étant observé qu’une telle preuve peut difficilement être rapportée autrement dès lors qu’aucun élément ne permet de considérer que la conservation des affiches soit obligatoire.

Il résulte de ces éléments que le droit de préemption de la commune était opposable et il n’est pas contesté que le notaire n’a pas transmis à la commune, dans le cadre de l’acte d’échange passé en son étude entre M. X et M. Z, la déclaration d’intention d’aliéner prévue par l’article L213-2 du code de l’urbanisme, empêchant ainsi la commune d’avoir connaissance de l’acte et d’exercer son droit de préemption urbain. Cette obligation étant prescrite à peine de nullité, c’est en conséquence à bon droit que le tribunal a prononcé la nullité de l’acte du 4 février 2011 par lequel Messieurs C Z et C X ont échangé leurs parcelles cadastrées section XXX et 553, et le jugement sera confirmé sur ce point.

Une telle omission est constitutive d’une faute dès lors qu’elle rend l’acte de vente annulable, et il appartenait au notaire instrumentaire de s’assurer de l’efficacité de son acte en faisant parvenir à la mairie la déclaration préalable d’intention d’aliéner, ce dont il s’est abstenu, étant considéré, ainsi que le relèvent justement les appelants, que quand bien même le notaire était dispensé de solliciter la délivrance d’un certificat d’urbanisme, il n’en demeure pas moins qu’il était tenu de l’obligation de notifier la déclaration d’intention d’aliéner.

En outre, Maître Y ne saurait tenter d’échapper à sa responsabilité en se prévalant de la clause de dispense d’urbanisme dès lors que cette clause concerne exclusivement l’existence de servitudes et prévoit en ce cas seulement une exonération du notaire. L’existence du droit de préemption urbain est sans rapport avec l’existence d’éventuelles servitudes et aurait du faire l’objet, à l’instar du droit de préemption agricole de la SAFER qui a été rappelé dans l’acte, d’une clause particulière puis d’une notification de la déclaration obligatoire à la mairie. Dès lors que des tiers sont susceptibles d’être intéressés par une vente, il appartient au notaire de faire état de l’existence d’un droit de préemption, une clause de renonciation ne pouvant éventuellement se concevoir qu’à défaut de tiers intéressés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La clause dont se prévaut Maître Y est en conséquence inopérante et sa responsabilité se trouve engagée.

S’agissant du préjudice dont se prévalent les appelants, qui serait constitué par les frais de notaire et d’enregistrement exposés et par un préjudice moral, il sera considéré que les frais d’enregistrement et de publication seront restitués en application de l’article 1961 du code général des impôts et qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande. Les frais de notaire devront en revanche être restitués par Maître Y, qui sera condamnée à verser à Messieurs X et Z la somme de 618,64 euros. Enfin, les parties ayant échangé leurs parcelles, elles se trouveront placées dans leur état antérieur, chacune retrouvant la possession de sa propre parcelle, ce qui n’engendre aucun préjudice particulier. Quant au préjudice moral invoqué, qui résulterait de la procédure engagée par la mairie qui entretient une animosité particulière à leur encontre et plus particulièrement à l’encontre de M. X, il sera considéré que les désagréments subis par l’annulation d’un acte notarié et par une procédure judiciaire ne sauraient justifier l’allocation de dommages et intérêts en l’absence de tout élément permettant de caractériser un réel préjudice moral, qui ne saurait résulter des seules allégations des appelants, qui ne sont étayées par aucun élément de preuve. La demande de dommages et intérêts d’un montant de 6.000 euros pour chaque partie sera en conséquence rejetée.

Maître E Y sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de la SCP Gallet-Allerit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, sur appel en matière civile et en dernier ressort,

Après avis du ministère public

Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté Messieurs C Z et C X de toute prétention à l’encontre de Maître Y,

Statuant à nouveau sur ce point,

Dit que la responsabilité de Maître Y est engagée,

Condamne en conséquence Maître E Y à payer à Messieurs C Z et C X la somme de 618 ,64 euros au titre des frais notariés,

Condamne Maître E Y à payer à Messieurs C Z et C X la somme de 1.500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute plus ample demande,

Condamne Maître E Y aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Gallet-Allerit pour ceux dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,

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