Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 25 janvier 2023, n° 21/00175

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 25 janv. 2023, n° 21/00175
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 21/00175
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Niort, 14 décembre 2020
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 30 janvier 2023
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Texte intégral

MHD/PR

ARRET N° 33

N° RG 21/00175

N° Portalis DBV5-V-B7F-GFM6

Société MAAF ASSURANCES

C/

[E]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 décembre 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT

APPELANTE :

Société MAAF ASSURANCES

N° SIRET : 542 073 580

[Adresse 5]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Dorothée MASSON de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Madame [T] [E]

née le 09 juin 1971 à [Localité 7] (21)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Aurélie FORBIN, avocat au barreau de SAINTES

Ayant pour avocat plaidant Me Yves MAYNE de la SELARL MAYNE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 08 novembre 2022, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée en date du 9 novembre 1999, évoluant ultérieurement en contrat de travail à durée indéterminée, Madame [T] [E] a été embauchée par la société SA MAAF Assurances en qualité de 'conseillère clientèle', classe 4.

Le 2 novembre 2009, elle a été promue au poste de 'chargée d’antenne', classe 5, statut cadre et a exercé ses fonctions au sein de l’entité [Localité 12], puis, à compter du 2 janvier 2012, au sein de l’antenne de [Localité 10] selon une convention annuelle de forfait en jours, sur la base de 208 jours, pour un droit à congés payés complet et un droit à 12 jours d’aménagement du temps de travail (JATT) complet, à prendre selon les modalités de l’accord d’entreprise du 7 mars 2000.

Par avenant en date du 5 octobre 2012, prenant effet au 1er octobre 2012, elle a repris un poste de 'conseillère clientèle', classe 4, à [Localité 9] agence de [Localité 6], moyennant le maintien à titre exceptionnel et individuel, de son statut de cadre et de son positionnement en classe 5 moyennant une rémunération annuelle brute de 35 384 €, outre de l’application du forfait annuel en jours sur la base de 208 jours théoriques dans l’année.

Dans le courant de l’année 2016, afin d’harmoniser les statuts de l’ensemble de ses 21 000 collaborateurs, la direction du Groupe COVEA – dont fait partie la MAAF – a dénoncé tous les accords collectifs d’entreprise en vigueur au sein de la société MAAF ASSURANCES SA dont l’accord relatif à la durée du travail en date du 7 mars 2000 et son avenant n°1 autorisant notamment le dispositif du forfait jours et a engagé des discussions et des négociations en vue de l’établissement d’un nouvel accord collectif.

Dans ce cadre-là, Madame [T] [E] a été informée que les activités exercées en sa qualité de 'conseillère en clientèle’ se rattachaient dorénavant au métier de 'conseillère développement relations client', positionné en classe 4, statut non cadre de la nouvelle classification mais qu’elle conservait néanmoins, à titre individuel, la classe 5 ainsi que le statut cadre qui en découlait, conformément à son avenant du 5 octobre 2012, étant précisé cependant que les conséquences de ce maintien à titre individuel étaient limitativement énumérées, à savoir la mention à titre informatif sur le bulletin de salaire de la classification, le maintien du salaire récurrent annuel brut actuel et de l’affiliation au régime AGIRC outre le bénéfice des garanties attachées par la CCN applicable à l’exercice d’un métier de cadre.

Après avoir reçu le 23 février 2018 un avenant à son contrat stipulant qu’elle serait éligible au forfait jours basé sur 200 jours comme le prévoyait le nouvel accord collectif signé le 14 juin 2017, Madame [E] a été informée le 1er mars 2018, que ce document était erroné.

En l’absence de réponse aux interrogations et aux demandes d’informations qu’elle avait formulées auprès de son employeur sur son nouveau statut, Madame [E] a été placée en arrêt du 14 au 30 mars 2018 pour 'syndromes dépressifs'.

Le 6 avril 2018, la MAAF lui a confirmé que la convention individuelle de forfait – jours lui avait été adressée par erreur, qu’elle ne faisait pas partie de la catégorie des personnels éligibles au forfait – jours, qu’elle devait exercer son activité selon un régime horaire et qu’elle devait donc choisir une formule 'aménagement du temps de travail’ (ATT) parmi celles disponibles dans son unité.

Un échange de correspondance s’en est suivi entre le conseil de Madame [E] et la direction aux termes de laquelle Madame [E] indiquait qu’elle refusait de choisir une formule ATT au motif que cette modification n’était pas conforme à son contrat de travail qui prévoyait une convention de forfait jours conclue sur la base de 208 jours par an alors que la MAAF maintenait que le forfait jours ne lui était plus applicable désormais.

Du 2 juillet au au 8 novembre 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail.

Le 8 novembre 2018, jour de sa reprise, son employeur lui a remis un courrier lui confirmant sa mobilité sur le poste de 'conseillère développement relation client’ sur l’agence de [Localité 13] à compter du 1er décembre 2018, étant précisé que son salaire contractuel annuel restait inchangé et que sa durée annuelle collective de travail était décomptée en heure avec une référence de 1 540 heures à effectuer.

Après avoir avisé par courriers en date respectivement des 23 et 30 novembre 2018, son employeur et la directrice de l’agence de [Localité 13] qu’elle ne prendrait pas son nouveau poste, elle a continué à se présenter à l’agence de [Localité 6].

Par courriers en date des 13 et 21 décembre 2018, son employeur lui a notifié successivement un avertissement pour refus de suivre les directives et une convocation à un entretien préalable fixé au 8 janvier 2019, accompagnée d’une mise à pied conservatoire qu’elle a contestée le 14 décembre suivant.

Le 30 janvier 2019, le conseil paritaire, réuni à la demande de l’employeur, a donné un avis partagé sur le bien – fondé de la mesure de licenciement envisagé.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 février 2019, la société MAAF a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave pour insubordination.

Par requête en date du 25 mars 2019, Madame [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Niort afin de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités subséquentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 15 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement de Madame [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamné la MAAF assurances à payer à Madame [E] les sommes suivantes :

° 29 866,25 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

° 53 743,79 € bruts d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 2 269,18 € bruts au titre du rappel de salaire sur mise à pied du 1/02 au 19/02/2019,

° 10 748,76 € bruts au titre du préavis,

° 1 074,87 € bruts au titre des congés payés sur préavis.

— condamné la société à verser à Madame [E] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné la remise par la société à Madame [E] de l’attestation pôle emploi, d’un certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— fixé le salaire de référence brut annuel de Madame [E] à 42 995,03 € soit 3 582,82 €.

***

Par déclaration d’appel en date du 15 janvier 2021, la MAAF assurances a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement.

***

L’ordonnance de clôture du 11 octobre 2022 a été révoquée et a été prononcée le 8 novembre 2022 avant l’ouverture des débats.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 7 octobre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la MAAF assurances demande à la Cour de :

— la déclarer fondée en son appel,

— infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Niort pour le tout,

— juger bien fondé le licenciement pour faute grave notifié le 19 février 2019 à Madame [E],

— débouter Madame [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

— condamner Madame [E] à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 13 octobre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [E] demande à la cour de :

— ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture prononcée le 11 octobre 2022,

— prononcer à nouveau la clôture au 8 novembre 2022,

— dire et juger l’appel mal fondé,

— débouter la MAAF de l’intégralité de ses demandes,

— confirmer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que la mise à pied disciplinaire n’est pas justifiée,

— confirmer le jugement du 15 décembre 2020 sur les demandes indemnitaires,

— condamner la MAAF à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR QUOI,

I – SUR LE LICENCIEMENT :

Il ressort de l’article L. 1235-1 du code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l’aggraver.

En l’espèce, la lettre de licenciement pour faute grave du 19 février 2019, notifiée à Madame [E], est ainsi rédigée :

' En premier lieu, par courrier daté du 8 novembre 2018, Monsieur [S] [O], responsable ressources humaines, vous a indiqué votre mobilité sur le poste de Conseiller Développement relation client à l’agence de [Localité 13] à compter du 1er décembre 2018.

Par courriel du 30 novembre 2018 adressé à Madame [Y] [B], directrice de l’agence de [Localité 13], vous avez annoncé ne pas vous rendre à votre nouvelle agence d’affectation 'je t’informe que je ne prendrai pas le poste de conseillère développement relation client au sein de ton agence de [Localité 13].

Dès lors, à compter du 1er décembre 2018, vous avez continué et persisté à exercer vos fonction dans votre ancienne agence de [Localité 6].

Pour rappel, votre nouvelle aff ectation, plus proche de votre domicile, concernait un changement de travail dans le même secteur géographique, conforme à l’accord collectif relatif à la gestion des parcours, des emplois et des compétences au sein du groupe COVEA dit accord GPEC et constituait une simple modification de vos conditions de travail. Elle s’imposait donc à vous.

En second lieu, conformément au nouvel accord collectif de groupe relatif au temps de travail et à ses aménagements au sein du groupe COVEA, nous vous avons demandé de choisir des formules ATT relative à votre aménagement de temps de travail impliquant un passage au régime horaire. Vous avez refusé et persisté abusivement dans ce refus.

L’ensemble de ces faits caractérise un manquement grave à vos obligations contractuelles rendant impossible votre maintien dans l’entreprise.

Votre refus persistant et réitéré des modifications de vos conditions de travail, de suivre les directives de votre employeur et ce, malgré un avertissement daté du 13 décembre 2018, relève de l’insubordination.

A la réception de l’avertissement du 13 décembre 2018, vous aviez la possibilité de prendre pleinement conscience de votre comportement fautif et d’en mesurer toutes les conséquences. Dès lors, vous pouviez y remédier et éviter la procédure en cours.

Au demeurant, les conséquences de votre refus d’obtempérer est de nature à pénaliser fortement le bon déroulement et l’exécution normale de vos missions, des activités de l’entreprise et de notre collaboration. Vous étiez attendue à l’agence de [Localité 13]. Votre absence a perturbé son bon fonctionnement et vos responsables hiérarchiques n’étaient plus en mesure de se fier à vous, de vous faire confiance.

Dans de telles circonstances, vous comprendrez aisément que toute poursuite de nos relations contractuelles est impossible…

Pour toutes ces raisons, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave'.

L’employeur fonde donc son licenciement pour faute grave sur deux motifs :

— le refus injustifié et fautif de la salariée du changement de son lieu de travail à l’agence MAAF de [Localité 13],

— le refus injustifié et fautif du passage au régime horaire.

A – Sur le grief relatif au refus du passage au régime horaire :

En application des articles :

* L. 3121-63 du code du travail : 'Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche,'

* L. 2261-9 alinéa 1 du même code : 'La convention et l’accord à durée indéterminée peuvent être dénoncés par les parties signataires…'.

Il en résulte donc que si l’accord collectif sur lequel la convention forfait jours s’appuie disparait, celle-ci, stipulée dans le contrat du salarié, devient caduque dans la mesure où l’accord collectif est un élément au contenu indispensable à la protection de la santé et au droit au repos des salariés concernés et où sa disparition interdit la pérennisation d’un système susceptible d’avoir des effets néfastes sur leur santé au nom de la contractualisation ou de l’avantage acquis à titre individuel.

Il en résulte donc que le salarié qui ne remplit plus les critères pour bénéficier d’une nouvelle convention de forfait jours fondée sur le nouvel accord collectif ne peut pas se prévaloir d’une modification de son contrat de travail et doit revenir au droit commun horaire, c’est-à-dire à une appréciation du temps en heure dans un cadre hebdomadaire.

***

En l’espèce, à l’appui du motif de licenciement fondé sur le refus du passage au régime horaire, l’employeur soutient :

— que la convention de forfait jour signée par Madame [E] par avenant en date du 5 octobre 2012 est devenue caduque, à la suite de la disparition le 1er janvier 2018 de l’accord en date du 7 mars 2000 autorisant le forfait jour au sein de la société MAAF assurances qui a été dénoncé le 16 novembre 2016,

— que Madame [E] ne faisait pas partie des catégories de salariés définis par l’accord du groupe éligibles au forfait annuel jours dans la mesure où elle occupait un métier de la classe 4 ne relevant pas de la catégorie cadre,

— qu’à supposer même qu’elle puisse revendiquer la classe 5, statut cadre, elle ne remplissait pas les conditions pour être considérée comme 'cadre autonome’ au sens de l’article 6.1.1 de la convention puisqu’elle devait respecter les horaires de l’agence, n’avait pas le choix de ses repos hebdomadaires puisqu’ils étaient faits en fonction des besoins organisationnels, de ce fait, qu’elle n’était pas maître de son emploi du temps et devait également badger quotidiennement au même titre que ses homologues conseiller en clientèle.

Afin d’étayer ses allégations, il verse :

— la convention de forfait jour signée par Madame [E] par avenant en date du 5 octobre 2012,

— les courriers en date du 30 novembre 2016 de dénonciation de l’accord relatif à la durée du travail en date du 7 mars 2000 et son avenant n°1 auprès de la Direccte Aquitaine,

— l’accord collectif de Groupe relatif au temps de travail et à ses aménagements au sein du Groupe COVEA (dit « Accord temps de travail ») en date du 14 juin 2017,

— le nouveau référentiel métiers COVEA,

— l’accord de classification MAAF assurances en date du 22 novembre 1995,

— le courriel adressé à Madame [E] par Monsieur [P] [I], chargé de mission auprès du DRH,

— le courriel Respect Horaires agence [Localité 6] + Horaires agences [Localité 6] et [Localité 13],

— la fiche d’organisation unité de travail Réseau de vente,

— le plan de travail agence,

— les relevés de badgeages de Madame [E] du 1er juin 2018 au 19 février 2019,

— les horaires des agences ouvertes sur 5 jours et demi en 2018,

— l’extraction dossier du personnel de Madame [E],

— le courriel en date du 30 novembre 2018 adressé par Madame [T] [E] à la société MAAF Assurances,

— la lettre d’avertissement remise en main propre en date du 13 décembre 2018 adressée à Madame [T] [E] par la société MAAF Assurances,

— le courriel en date du 14 décembre 2018 adressé par Madame [T] [E] par l’intermédiaire de son conseil à la société MAAF Assurances.

***

Cela étant, afin de déterminer si Madame [E] a commis une faute – comme le prétend son employeur – en s’obstinant à refuser d’accepter un régime horaire, il convient tout d’abord d’étudier si elle pouvait prétendre au statut de 'cadre autonome’ ou si elle présentait la qualité de 'salariée’ lui ouvrant droit à la mise en place d’une nouvelle convention annuelle de forfait jours.

1 – Sur la possibilité pour Madame [E] de bénéficier d’une nouvelle convention de forfait jours:

Il résulte des pièces versées par l’employeur :

— que l’accord en date du 7 mars 2000 autorisant le forfait jours au sein de la société MAAF ASSURANCES a été dénoncé par la direction de la société le 21 novembre 2016,

— qu’un nouvel accord collectif de Groupe relatif au temps de travail et à ses aménagements au sein du Groupe COVEA (dit «Accord temps de travail»), signé le 14 juin 2017 et entré en vigueur le 1er janvier 2018, s’est substitué à tous les accords collectifs dénoncés et notamment à l’accord relatif à la durée du travail en date du 7 mars 2000,

— que son article 6.1.1 définit les catégories de personnels éligibles au forfait annuel jours de la façon suivante :

'Conformément à l’article L. 3121-43 du Code de Travail, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année :

— Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;

— Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

La notion d’autonomie s’apprécie par rapport à l’autonomie dans l’organisation du temps de travail résultant de la mission confiée, c’est-à-dire par rapport à la liberté dont bénéficie la salariée pour déterminer son emploi du temps (durée et horaire de travail, calendrier des jours et des demi-journées de travail, planning des déplacements professionnels, répartition des tâches au sein d’une journée) en fonction de sa charge de travail et excluant une organisation du temps de travail préétablie.

Pour autant, l’autonomie d’un salarié.e ne fait pas obstacle à ce qu’il.elle assure les missions qui lui sont dévolues et qui peuvent nécessiter sa présence impérative à certains moments (réunions, point animation d’équipe…).

Les catégories pré citées recouvrent donc :

— les cadres dont le métier est positionné dans la classe la plus élevée (7) de la classification de la Convention Collective Nationale des Sociétés d’Assurances du 27 mai 1992,

— les cadres dont le métier est classé aux niveaux les plus élevés (G et H) de la classification de la Convention Collective Nationale des Entreprises de courtage d’assurance et/ou de réassurance du 18 janvier 2002 ;

— les cadres dont le métier est classé à niveau le plus élevé (I) de la classification de la Convention Collective Nationale des sociétés d’Assistance du 13 avril 1994 ;

— les cadres (encadrant ou non) dont le métier est positionné dans une autre classe ou un autre niveau des classifications des conventions collectives précitées et dont les conditions d’exercice de l’activité répondent aux critères rappelés ci-dessus ;

— les salarié.e.s non cadres itinérants dont les conditions d’exercice de l’activité répondent aux critères rappelés ci-dessus'.

Il en découle en l’occurrence :

— que l’article 1 de l’avenant du 5 octobre 2012 au contrat de travail de Madame [E] prévoit qu’à compter du 1er octobre 2012, elle est affectée en tant que conseillère en clientèle classe 4 tout en gardant à titre exceptionnel et individuel le positionnement en classe 5, statut cadre, sans qu’aucune restriction ne soit énoncée au maintien de ce statut cadre qui constitue un avantage acquis individuel,

— que l’article 3 du même avenant intitulé 'durée du travail’ prévoit une convention de forfait jours conclue sur la base de l’accord d’entreprise du 7 mars 2000,

— que si effectivement cette convention annuelle en forfait jours est devenue caduque en raison de la dénonciation de l’accord collectif sur lequel elle s’appuyait, il n’en demeure pas moins que tous les autres articles de l’avenant -dont l’article 1- demeurent valides dans la mesure où il s’agit d’avantages acquis individuels,

— que de ce fait, non seulement, elle a disposé à compter du 1er octobre 2012, d’un statut de cadre, position 5, tout en exerçant dans les faits les fonctions de conseillère en clientèle se rattachant à un statut non cadre, classe 4, mais également, a continué d’en disposer après la mise en vigueur du nouveau référentiel métiers COVEA,

— qu’ainsi, le courriel que lui a adressé le 29 mai 2018, son employeur au moment de la mise en place du nouveau référentiel métier en lui précisant qu’elle continuerait à conserver, à titre individuel, la classe 5 et le statut cadre qui en découlait mais uniquement pour certains avantages limitativement énumérés, à savoir une mention à titre informatif sur le bulletin de salaire,

un maintien de son salaire récurrent annuel brut actuel, un maintien de l’affiliation au régime AGIRC (tant que celui-ci existera en tant que tel) et le bénéfice des garanties attachées par la CCN applicable à l’exercice d’un métier de cadre – n’emporte aucune conséquence sur sa situation.

Cette qualité de cadre lui étant reconnue, il s’agit maintenant de déterminer si elle appartient à la catégorie 'des cadres prévue à l’article 6.1.1 du nouvel accord et donc si elle est une 'cadre autonome', à savoir si elle dispose d’une autonomie réelle dans l’organisation du temps de travail résultant de la mission qui lui est confiée, s’il lui est impossible de déterminer à l’avance son temps de travail et si elle n’est pas contrainte par les horaires d’une équipe.

A ce titre, les pièces 20 et 21 versées par l’employeur, intitulées :

— pour la première 'le courriel Respect Horaires agence [Localité 6] + Horaires agences [Localité 6] et [Localité 13]', envoyée le 4 décembre 2018 par la directrice de l’agence [Localité 6],

— pour la seconde 'la fiche d’organisation unité de travail Réseau de vente’ entrée en vigueur le 1er juin 2018, soit après l’élaboration du nouvel accord,

sont inopérantes à démontrer que Madame [E] est soumise à un horaire collectif dans la mesure où d’une part, le courriel de la directrice d’agence se borne à indiquer que la salariée 'a toujours fait des horaires d’agence’ sans préciser qu’elle était obligée de les respecter alors que les deux choses sont différentes et où d’autre part, la fiche d’organisation unité de travail Réseau de vente est très générale et ne vise pas en particulier Madame [E] qui conservait son statut de cadre 5, en tant qu’avantage individuel acquis.

Par ailleurs, les relevés de badgeages de Madame [E] du 1er juin 2018 au 19 février 2019 versés encore par l’employeur pour établir la soumission de la salariée à des heures d’agence sont inopérants pour ce faire dans la mesure où d’une part la salariée a été placée sur cette période en arrêt maladie du 2 juillet au 8 novembre 2018, soit pendant quatre mois et où d’autre part aucun élément ne permet d’établir que tous les relevés produits la concernent effectivement compte tenu des contradictions existant entre les mentions y figurant.

Enfin, 'le guide d’application du plan de travail agence’ du 14 mars 2017, versé au dossier par l’employeur et présenté par celui-ci comme la preuve de l’absence d’autonomie de la salariée qui devait le respecter est inopérant pour ce faire dans la mesure où ce document ne sert aux salariés qu’à rationnaliser leurs tâches et à les coordonner pour ' mieux répondre aux attentes du client en agence…' mais n’établit pas que cette organisation visait l’organisation du temps de travail en elle- même, au-delà des informations données correspondant à des pratiques relevant du bon sens commun.

Ainsi, aucun de ces éléments-même pris dans leur ensemble – ne permet d’établir que Madame [E] – classée cadre, en position 5 – tout en exerçant des fonctions de conseillère clientèle – ne disposait du degré d’autonomie dans son travail exigé pour prétendre à une nouvelle convention de forfait jours alors que les pièces qu’elle verse au dossier, ' à savoir :

— les nombreux courriels qu’elle produit adressés aux clients après la fermeture de l’agence,

— ses évaluations qui louent ses qualités de la façon suivante : évaluation 2017 : '[T] est complètement autonome’ ' 'c’est un peu le chef d’orchestre’ ; évaluation 2018 : 'c’est un moteur pour toute l’équipe et un soutien permanent pour moi',

— la fiche de détachement et de convention de transfert temporaire du 14 août 2014,

démontrent pour les premières qu’elle restait à son poste de travail bien après la fermeture de l’agence et de ce fait n’était pas soumise aux horaires de l’agence, pour les deuxièmes qu’elle disposait d’une grande autonomie dans l’organisation de son travail et la mise en oeuvre de ses tâches et pour la troisième qu’ elle disposait, en tant que positionnée en classe 5, de toutes les qualités – notamment celle de l’autonomie – pour évoluer vers un poste de directrice d’agence en accomplissant un stage de 5 mois au sein de l’agence de [Localité 11] pour diversifier son expérience.

En conséquence, il convient de constater que – contrairement à ce que soutient l’employeur- Madame [E] disposait de la qualité de cadre autonome pouvant prétendre à une nouvelle convention annuelle de forfait jours, adossée au nouvel accord collectif COVEA.

2 – Sur la faute grave :

Il résulte de ce qui précède qu’en s’obstinant à vouloir bénéficier d’une convention annuelle de forfait jours et en refusant de choisir un régime d’aménagement du temps de travail comme le voulait son employeur, Madame [E] se bornait à demander le respect des droits auxquels elle pouvait prétendre.

Elle n’a donc commis aucune faute, que ce soit légère, simple ou grave.

B – Sur le refus du changement de lieu de travail :

La mention du lieu de travail dans le contrat a valeur d’information, sauf si une clause claire et précise stipule que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu (Cass. soc., 21 janv. 2004, nº 02-12.712 P ; Cass. soc., 15 mars 2006, nº 02-46.496 P).

En matière de modification du lieu de travail, il convient de distinguer selon que le contrat :

— ou fixe avec précision le lieu de travail et ne comporte pas de clause de mobilité ; dans ce cas, le changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail nécessitant l’accord exprès du salarié ;

— ou comporte une clause de mobilité conforme aux dispositions jurisprudentielles ; dans ce cas, le salarié ne peut, sous peine de sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, refuser sa mutation ;

— ou ne comporte pas de clause de mobilité ou ne fixe pas avec précision le lieu ; dans ce cas, le changement de lieu de travail :

* nécessite l’accord exprès du salarié s’il constitue une modification du contrat ;

* ne nécessite pas l’accord du salarié et s’impose à lui s’il ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail.

Afin de déterminer si le changement de lieu de travail constitue ou non une modification du contrat, il convient de rechercher si le lieu de travail auquel est affecté le salarié se situe ou non dans le même secteur géographique que celui où il travaillait précédemment.

Si le nouveau lieu de travail se trouve dans le même secteur géographique, le changement d’affectation constitue un simple changement des conditions de travail et s’impose au salarié (Cass. soc., 23 mai 2013, nº 12-15.461).

S’il est situé dans un autre secteur géographique, il s’agit d’une modification du contrat nécessitant l’accord exprès du salarié (Cass. soc., 4 mai 1999, nº 97-40.576 P ; Cass. soc., 4 janv. 2000, nº 97-45.647).

L’employeur qui change les conditions de travail d’un salarié use de son pouvoir de direction qu’il est présumé exercer de bonne foi. Dès lors, il n’a pas à justifier sa décision.

En cas de contentieux, comme la bonne foi contractuelle est toujours présumée, il appartient au salarié qui conteste le changement de ses conditions de travail (Cass. soc., 15 déc. 2006, no 05-42.133 ; Cass. soc., 3 oct. 2007, no 06-45.478 ; Cass. soc., 31 oct. 2007, no 06-41.508 ; Cass. soc., 23 juin 2010, no 08-40.581) de démontrer que la décision de l’employeur est étrangère à l’intérêt de l’entreprise ou a été réalisée dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Il en résulte que si le refus du salarié trouve sa cause et sa justification dans le manquement préalable de l’employeur à ses propres obligations contractuelles, il ne peut être licencié pour faute grave (Cass. soc., 9 janv. 2002, nº 00-40.325).

***

En l’espèce, à l’appui de ce motif de licenciement, la société soutient :

— que Madame [E] a refusé à plusieurs reprises de rejoindre sa nouvelle affectation malgré les demandes répétées de son employeur et l’avertissement qu’il lui avait notifié de ce chef,

— que cette attitude persistante était fautive dans la mesure où son lieu de travail n’était pas contractualisé puisque son contrat stipulait 'le lieu de travail est situé à [Localité 8]',

— que de ce fait, l’employeur pouvait donc la muter au sein d’une agence MAAF d’un même secteur géographique, son accord n’étant pas nécessaire,

— que les contrats de travail ne prévoyaient d’ailleurs pas de clause de mobilité,

— que de plus, les agences MAAF de [Localité 13] et de [Localité 6] font partie du même secteur géographique, la distance séparant les deux agences étant de 3,8 kms, qu’elles sont également faciles d’accès puisqu’elle sont situées chacune à proximité de gare RER, que de surcroît, le temps de trajet pour la salariée pour se rendre à l’agence de [Localité 13] à partir de son domicile était de 7 minutes en voiture et de 16 minutes en bus contre 14 minutes en voiture et 30 minutes en bus pour se rendre à l’agence de [Localité 6],

— que sa position de refus est d’autant plus abusive,

Afin d’étayer ses affirmations, il verse aux débats :

— l’avenant au contrat de travail en date du 5 octobre 2012

— la lettre d’avertissement remise en main propre en date du 13 décembre 2018 qu’il a adressée à Madame [E],

— le courriel en date du 14 décembre 2018 que lui a adressé Madame [T] [E] par l’intermédiaire de son conseil,

— le plan Mappy précisant la distance séparant l’agence MAAF de [Localité 13] et de celle de [Localité 6],

— le plan Mappy précisant la distance entre le domicile de Madame [E] situé [Adresse 3]) de l’agence MAAF de [Localité 13],

— le plan Mappy précisant la distance entre l’agence MAAF de [Localité 13] de celle de [Localité 6].

En réponse, Madame [E] fait valoir :

— qu’après avoir soutenu qu’il existait une clause de mobilité dans son contrat, la MAAF prétend désormais qu’il n’en existe pas,

— qu’elle a été informée moins d’un mois avant la date effective du changement de lieu de travail dudit changement,

— que la mise en oeuvre de cette clause n’est pas justifiée par l’intérêt de la société MAAF assurances, que le compte rendu de l’entretien préalable du 8 janvier 2019 faisait d’ailleurs état d’un défaut de réponses claires et précises,

— que l’ordre de mobilité qu’elle a reçu avait pour unique but de la forcer à accepter le passage à un temps de travail 'à l’horaire', sans être fondée sur l’intérêt de l’entreprise,

— que par conséquent, elle pouvait légitimement refuser la mobilité,

— que de ce fait, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

***

Cela étant, il convient de rappeler que l’article 4 de l’avenant au contrat de travail de Madame [E] du 5 octobre 2012 est ainsi libellé :

'A titre d’information, le lieu de travail du salarié est situé à [Localité 8].

Néanmoins, il est expressément convenu que le poste occupé nécessite une réelle mobilité. Dans ce cadre, le salarié accepte l’ensemble des déplacements réguliers inhérents à ses missions et responsabilités et ce, sur l’ensemble du territoire national.'

Il en résulte que l’avenant litigieux n’a jamais stipulé que le lieu de travail de Madame [E] devait être exclusivement situé à [Localité 8].

La seule mention du lieu de travail à [Localité 8] qui y figure n’a donc qu’une valeur informative.

Aussi, afin de déterminer si c’est à bon droit que Madame [E] s’est opposée à sa mutation, il convient de déterminer dans un premier temps si les agences MAAF [Localité 6] et MAAF [Localité 13] sont situées au sein d’un même secteur géographique et si oui, de déterminer dans un second temps si Madame [E] établit que la décision de l’employeur est étrangère à l’intérêt de l’entreprise ou a été réalisée dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

A ce titre, il convient de relever que s’il ne peut pas être sérieusement contesté :

— que les deux agences se situent dans le même secteur géographique pour être distantes l’une de l’autre de 3,8 kilomètres, – soit un trajet de 18 min en voiture ou 13 minutes en vélo ou en RER A d’environ 18 minutes,

— que de surcroît, l’agence MAAF de [Adresse 14] rapproche Madame [T] de son domicile situé [Adresse 3]) avec un temps de trajet entre son domicile et l’agence MAAF de [Localité 13] de 7 minutes en voiture, 5 minutes en vélo et 16 minutes en bus alors que le temps de trajet entre son domicile et l’agence MAAF de [Localité 6] est de 14 minutes en voiture, 18 minutes en vélo et 30 minutes en bus,

il n’en demeure pas moins que la salariée établit que l’employeur a fait preuve de mauvaise foi contractuelle en mettant en oeuvre cette modification de ses conditions de travail.

En effet, il est établi et non contesté que lorsqu’à son retour d’un arrêt maladie d’une durée avoisinant 5 mois, le 8 novembre 2018, son employeur l’a avisée de sa mutation prenant effet le 1er décembre suivant, le conflit – existant entre eux quant à l’organisation du temps de travail de la salariée selon un régime horaire et à la possibilité pour celle-ci de bénéficier d’une convention annuelle forfait jours – était ouvert depuis le mois de mars 2018, soit depuis près de neuf mois.

Or, le seul fait que le courrier du 8 novembre 2018 portant mutation à l’agence de [Localité 13] qui lui a été remis en main propre par son employeur mentionne : 'Votre salaire contractuel annuel sera inchangé et votre durée annuelle collective de travail sera décomptée en heure avec une référence de 1 540h à effectuer au sein de votre entité’ établit qu’en rapprochant encore davantage de son domicile la salariée qui n’avait jamais sollicité une mutation de cette nature, l’employeur pensait ' en lui accordant ce qu’il estimait certainement être une faveur qu’elle ne pouvait pas refuser ' parvenir à la contraindre à accepter le passage à un temps de travail horaire et à renoncer à ses revendications légitimes.

Le fait que dans ce courrier portant ordre de mutation, il n’évoque à aucun moment l’existence du désaccord existant quant à la convention annuelle de forfait jours et au passage au régime horaire et même présente pour acquis son passage au régime horaire le confirme.

Tout comme d’ailleurs le confirme le remplacement de la salariée dès le 1er décembre 2018 à son poste de [Localité 6] en ce qu’il démontre que la présence d’un agent sur ce poste était indispensable et qu’aucune raison objective n’existait pour justifier le déplacement à [Localité 13] de Madame [E] – qui n’avait jamais formulé une demande de mutation pour se rapprocher de son domicile – .

C’est en cela que la mauvaise foi contractuelle de l’employeur réside sans qu’il ne s’en défende autrement que par des dénégations et le rappel de la charge de la preuve en matière de bonne foi contractuelle.

En conséquence, compte tenu de la mauvaise foi contractuelle dont l’employeur a fait preuve en procédant à la mutation de Madame [E], il convient de dire que le refus de cette dernière de cette nouvelle affectation était légitime et n’est constitutif ni d’une faute grave, ni d’une faute simple, ni d’une faute légère.

C – En conclusion, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré le licenciement de Madame [E] sans cause réelle et sérieuse.

II – SUR LES CONSÉQUENCES DU LICENCIEMENT :

A – Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Madame [E] sollicite la confirmation du jugement attaqué en ce qu’il lui a accordé les sommes suivantes :

° 29 866,25 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

° 53 743,79 € bruts d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 2 269,18 € bruts au titre du rappel de salaire sur mise à pied du 1/02 au 19/02/2019,

° 10 748,76 € bruts au titre du préavis,

° 1 074,87 € bruts au titre des congés payés sur préavis.

En réponse, l’employeur soutient :

— que la salariée ne justifie ni du préjudice qu’elle a subi, ni de ses recherches actives d’emploi,

— qu’elle perd totalement de vue qu’elle a refusé sa nouvelle affectation sur l’agence MAAF de [Localité 13] à compter du 1er décembre 2018 alors qu’elle lui aurait permis de continuer à travailler dans le même secteur géographique sans aucune perte financière puique cette mobilité la rapprochait de son domicile et son salaire contractuel annuel restait inchangé.

***

Cela étant, à défaut de critique sérieuse, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à Madame [E] les sommes de :

° 29 866,25 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

° 10 748,76 € bruts au titre du préavis,

° 1 074,87 € bruts au titre des congés payés sur préavis.

Par ailleurs, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à Madame [E], âgée de plus de 46 ans et présentant une ancienneté de 19 ans accomplis dans l’entreprise au jour de son licenciement, la somme de 53 743,79 € d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant précisé que le montant ainsi alloué qui constitue une créance indemnitaire est nette de charges sociales.

En conséquence, le jugement doit infirmé en ce qu’il a dit que les dommages intérêts étaient bruts de cotisations sociales.

B – Sur la mise à pied injustifiée :

Comme le licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à Madame [E] une somme de 2 269,18 € bruts au titre du rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire injustifiée du 1er au 19 février 2019.

III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens doivent être supportés par la MAAF assurances.

***

Il n’est pas inéquitable de condamner l’employeur à payer à Madame [E] une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés en première instance, tout en le déboutant de sa propre demande présentée sur les mêmes dispostions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 15 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Niort sauf en ce qu’il a condamné la SA MAAF Assurances à verser à Madame [E] en réparation du préjudice causé par son licenciement abusif la somme brute de 53 743,79 €,

Infirme de ce dernier chef,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA MAAF Assurances à verser à Madame [E] la somme de 53 743,79 € nets, à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,

Y ajoutant,

Condamne la SA MAAF Assurances à verser à Madame [E] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA MAAF Assurances de sa demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA MAAF Assurances aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 25 janvier 2023, n° 21/00175