Cour d'appel de Poitiers, Contestations avocats, 23 novembre 2023, n° 22/01654

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, contestations avocats, 23 nov. 2023, n° 22/01654
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 22/01654
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 28 novembre 2023
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Texte intégral

Ordonnance n 38

— ------------------------

23 Novembre 2023

— ------------------------

N° RG 22/01654 -

N° Portalis DBV5-V-B7G-GSOX

— ------------------------

[V] [U]

C/

S.E.L.A.R.L. [X] & ASSOCIES, représentée par son administrateur provisoire, Maître [B] [R]

[R], membre de la SELARL EKIP,

,[J] [N], Avocat Honoraire, en qualité de mandataire ad-hoc pour exercer les droits propres de la SELARL [X]

— ------------------------

Ordonnance notifiée aux parties le :

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE

Contestation d’honoraires d’avocat

Rendue le vingt trois novembre deux mille vingt trois

Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le vingt et un septembre deux mille vingt trois par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente de la cour d’appel de POITIERS, assistée de Madame Véronique DEDIEU, greffière, lors des débats, et de Madame Inès BELLIN, greffière, lors de la mise à disposition de la décision.

ENTRE :

Monsieur [V] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Francesca SATTA de la SELARL CABINET D’AVOCATS FRANCESCA SATTA, avocate au barreau de SAINTES, substituée par Me Diana GUCIA, avocate au barreau de PARIS

DEMANDEUR en contestation d’honoraires,

D’UNE PART,

ET :

S.E.L.A.R.L. [X] & ASSOCIES

dont le siège social est sis [Adresse 6]

Ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 26 janvier 2022,

représentée par Maître [B] [R], membre de la SELARL EKIP, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [X] et associés selon décision du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE en date du 18 janvier 2022

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentant : Me Olivier BOURU, avocat au barreau de BORDEAUX

Maître [J] [N], Avocat Honoraire, en qualité de mandataire ad-hoc pour exercer les droits propres de la SELARL [X], notamment dans le cadre de l’ensemble des instances en cours, selon décision du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE en date du 8 février 2023

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEURS en contestation d’honoraires,

D’AUTRE PART,

ORDONNANCE :

— Contradictoire

— Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— Signée par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par lettre réceptionnée le 7 février 2022, Monsieur [V] [U] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Saintes d’une demande de remboursement des honoraires versés à la SELARL [X] & ASSOCIES, soit la somme de 6 960 euros toutes taxes comprises.

Par décision en date du 1er juin 2022, le bâtonnier a rejeté la demande de Monsieur [V] [U] aux motifs qu’il ne justifiait pas avoir adressé l’ensemble des pièces du dossier, courriers adressées à Madame la bâtonnière et formulaire de demande de taxation d’honoraires, à la SELARL [X] & ASSOCIES dans le respect du principe du contradictoire.

La décision du bâtonnier a été notifiée à Monsieur [V] [U] le 3 juin 2022, lequel a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d’appel de Poitiers le 30 juin 2022.

L’affaire, appelée une première fois à l’audience du 20 octobre 2022, a fait l’objet de plusieurs renvois à la demande des parties avant d’être évoquée à l’audience du 21 septembre 2023.

Monsieur [V] [U], représenté à l’audience par son conseil, expose avoir confié la défense de ses intérêts à Maître [I] [X] dans deux dossiers l’opposant à sa s’ur, le premier concernant la succession de leur mère et le second concernant la résolution d’un bail rural.

Il indique, s’agissant du non-respect du principe du contradictoire retenu par le bâtonnier pour rejeter sa demande de remboursement des honoraires qu’il estime indument versés, n’avoir été n’y conseillé, ni représenté par un avocat et ne pas avoir eu connaissance du principe du contradictoire en vertu duquel les parties doivent se faire connaitre mutuellement les moyens de fait et de droit.

Il fait valoir que la SELARL [X] & associés étant partie à la procédure, le principe du contradictoire serait respecté.

Monsieur [V] [U] indique n’avoir signé aucune convention d’honoraires avec la SELARL [X] & associés et avoir réglé la somme de 6 960 euros en règlement des honoraires de son avocat dans les deux dossiers.

Il estime que les honoraires facturés sont excessifs au regard des diligences accomplies, soutenant que Maître [I] [X] se serait contenté de le recevoir en rendez-vous, d’adresser un courrier au notaire et un autre courrier à la partie adverse, avant d’être radié du barreau de Saintes.

Monsieur [V] [U] fait valoir qu’à l’ouverture de la liquidation judiciaire, il n’avait pas encore contesté les honoraires de la SELARL [X] & associés, de sorte qu’il ne disposait d’aucune créance à l’encontre du cabinet et qu’il ne pouvait, en conséquence, inscrire aucune créance dans le délai de déclaration de deux mois.

Il indique que sa créance serait ainsi postérieure à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, de sorte qu’il y aurait lieu de faire droit à l’ensemble de ses demandes.

Monsieur [V] [U] sollicite la condamnation de la SELARL [X] & associés à lui rembourser la somme de 6 960 euros versée au titre des factures émises, ainsi qu’à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, Maître [J] [N], es qualité de mandataire ad hoc de la SELARL [X] & associés, représenté à l’audience par son conseil, conclut au débouté du recours de Monsieur [V] [U] et de toutes ses demandes.

Maître [J] [N] fait valoir que l’origine de la créance de Monsieur [V] [U] se trouverait dans les versements qu’il a effectué et qu’il estime injustifiés, de sorte que ses demandes se heurteraient aux dispositions de l’article L.622-24 du code de commerce, lequel interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a une origine antérieure à l’ouverture de la procédure collective et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

Il fait valoir que le jugement de liquidation judiciaire ayant été publié au BODACC le 27 février 2022, le délai de déclaration de créance serait expiré depuis le 27 avril 2022 et celui pour exercer une action en relevé de forclusion depuis le 27 août 2022.

Il indique qu’en l’absence d’une déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la SELARL [X] & associés ou d’une action en relevé de forclusion dans les délais impartis, Monsieur [V] [U] ne serait ni recevable, ni fondé à invoquer une quelconque créance à son encontre.

Maître [J] [N] ajoute qu’il ressortirait des éléments du dossier que les honoraires perçus par la SELARL [X] & associés seraient justifiés au regard des diligences accomplies dans le dossier de Monsieur [V] [U].

A titre subsidiaire, Maître [J] [N] conclut au débouté de la demande de condamnation de Monsieur [V] [U] et au renvoi de ce dernière à la déclarer entre les mains du liquidateur judiciaire.

Il fait valoir que si par impossible il devait être jugé que Monsieur [V] [U] avait une créance à faire valoir à l’encontre de la SELARL [X] & associés et que cette créance était née après le prononcé de la liquidation judiciaire, il ne pourrait qu’être débouté de sa demande de condamnation au paiement de cette prétendue créance et renvoyé à la déclarer entre les mains du liquidateur judiciaire en application de l’article L.622-24 du code de commerce.

Il expose qu’au regard des dispositions de l’article 641-3 du code de commerce, seules doivent être payés à leur échéance et peuvent donc faire l’objet d’un jugement de condamnation au paiement, les créances qui, non seulement sont nées régulièrement après le jugement de liquidation judiciaire, mais qui en outre, soit sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l’activité, soit sont nées en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, soit sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, ce qui ne serait pas le cas des créances invoquées par Monsieur [V] [U].

A l’audience, le conseil de Maître [B] [R], membre de la SELARL EKIP, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SELARL [X] & associés indique s’associer aux moyens et conclusions présentés par Maître [J] [N].

MOTIFS

Sur la recevabilité :

Selon l’article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel qui est saisi par l’avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d’un mois à compter de la notification de la décision.

En l’espèce, la décision du bâtonnier a été notifiée à Monsieur [V] [U] le 3 juin 2022, lequel a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d’appel de Poitiers le 30 juin 2022.

Le recours de Monsieur [V] [U] est donc recevable et régulier en la forme.

Sur le fond :

Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.

Il résulte de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

Il sera rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’honoraire de se prononcer sur l’éventuelle responsabilité civile de l’avocat à l’égard de son client, liée au manquement à son devoir de conseil et d’information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l’avocat et non de l’évaluation des honoraires et ils ne peuvent pas non plus justifier une réduction de sa rémunération.

En l’espèce, Monsieur [J] [U] a confié la défense de ses intérêts à Maître [I] [X] dans deux dossiers l’opposant à sa s’ur, le premier concernant la succession de leur mère et le second concernant la résolution d’un bail rural.

Aucune convention d’honoraires n’a été signée par les parties.

Il ressort des pièces transmises et des déclarations des parties que les diligences de Maître [I] [X] se sont limitées à sept rendez-vous accompagnés de la rédaction de sept courriers, ainsi que la rédaction et l’envoi d’un courrier à l’attention du notaire et un autre à l’attention de la partie adverse.

Les diligences ont été facturées comme suit :

facture n°20201669 en date du 25 juin 2020 d’un montant de 240 euros toutes taxes comprises ;

facture n°20202093 en date du 25 novembre 2020 d’un montant de 1 320 euros toutes taxes comprises ;

facture n°20202092 en date du 25 novembre 2020 d’un montant de 240 euros toutes taxes comprises ;

facture n°20202158 en date du 16 décembre 2020 d’un montant de 1 080 euros toutes taxes comprises ;

facture n°20210196 en date du 30 mars 2021 d’un montant de 360 euros toutes taxes comprises ;

facture n°20210533 en date du 29 septembre 2021 d’un montant de 960 euros toutes taxes comprises,

facture n°20210534 en date du 29 septembre 2021 d’un montant de 1 560 euros toutes taxes comprises,

facture n°20210596 en date du 26 novembre 2021 d’un montant de 1 200 euros toutes taxes comprises ;

Les honoraires facturés par la SELARL [X] & ASSOCIES s’établissent à la somme de 6 960 euros toutes taxes comprises, entièrement réglés par Monsieur [V] [U].

La somme sollicitée n’apparaît pas justifiée au regard des diligences accomplies, de la nature et de la complexité de l’affaire, de la réalité du dossier, des compétences de l’avocat et de la situation de fortune du client.

Aussi, il convient de taxer les honoraires de la SELARL [X] et Associés à la somme de 1 500 hors taxes, soit 1 800 euros toutes taxes comprises.

Monsieur [V] [U] s’est acquitté de la somme de 6 950 euros toutes taxes comprises sur les honoraires dus à la SELARL [X] et Associés, de sorte qu’il dispose d’une créance de 5 150 euros à l’encontre de la SELARL [X] et Associés.

La décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Saintes sera infirmée.

En l’espèce, le fait générateur de la créance en restitution d’honoraires, fixée par la présente ordonnance, est de fait postérieure à l’ouverture de la procédure collective.

Ainsi, les moyens soulevés par Maître [J] [N] et la SELARL EKIP tendant à retenir que la demande de Monsieur [V] [U] se heurterait aux dispositions de l’article L.622-24 du code de commerce, lequel interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a une origine antérieure à l’ouverture de la procédure collective est inopérant.

La créance en restitution d’honoraires, bien que née postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par l’article L.622-17 du code de commerce, faute d’être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

Les créanciers, dont la créance est née postérieurement au jugement d’ouverture mais ne répond pas aux conditions de l’article L. 622-17 du code de commerce ou de l’article L. 641-13 du code de commerce, doivent déclarer leurs créances échues ou à échoir au passif de la liquidation judiciaire. Le délai de déclaration est de deux mois à compter de l’exigibilité de la créance.

En conséquence, la demande de Monsieur [V] [U] tendant à la condamnation de la SELARL [X] et Associés, en liquidation judiciaire, à lui restituer les honoraires indument versés est irrecevable et Monsieur [V] [U] sera renvoyé à déclarer sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, Monsieur [V] [U] sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Gwenola Joly-Coz, première présidente, statuant publiquement et par décision contradictoire,

Déclarons le recours de Monsieur [V] [U] recevable et régulier en la forme ;

Infirmons l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Saintes en date du 1er juin 2022 ;

En conséquence,

Taxons les honoraires de la SELARL [X] et Associés à la somme de 1 500 hors taxes, soit 1 800 euros toutes taxes comprises ;

Constatons que Monsieur [V] [U] s’est acquitté de la somme de 6 950 euros toutes taxes comprises sur les honoraires dus à la SELARL [X] et Associés ;

Constatons que Monsieur [V] [U] dispose d’une créance de 5 150 euros à l’encontre de la SELARL [X] et Associés ;

Déclarons irrecevable la demande de restitution de la somme de 6 960 euros présentée par Monsieur [V] [U] ;

Renvoyons Monsieur [V] [U] à déclarer sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire ;

Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

La greffière, La première présidente,

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