Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 13 juin 2017, n° 16/00264

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 13 juin 2017, n° 16/00264
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 16/00264
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Troyes, 12 novembre 2015
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 13 juin 2017

R.G : 16/00264

XXX

c/

SA BANQUE CANTONAL DE GENEVE

FLM

Formule exécutoire le :

à :

Maître Thierry BRISSART

SCP COUTURIER-PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 13 JUIN 2017

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 13 novembre 2015 par le tribunal de grande instance de TROYES,

XXX

XXX

XXX

COMPARANT, concluant par Maître Thierry BRISSART, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître LEBLOND, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SA BANQUE CANTONAL DE GENEVE

XXX

XXX

COMPARANT, concluant par la SCP COUTURIER-PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE, avocats au barreau de l’AUBE et ayant pour conseil Maître CHAPRON, avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Monsieur Francis MARTIN, président de chambre

Madame Dominique BOUSQUEL, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller, entendue en son rapport

GREFFIER :

Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, lors des débats et lors du prononcé,

DEBATS :

A l’audience publique du 02 mai 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2017,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 13 juin 2017 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte reçu par Maître Philippe Jonquet, notaire à Troyes, la Banque Cantonale de Genève a consenti un prêt hypothécaire d’un montant de 350.000 francs suisses (236.486,49 euros) à Monsieur Y de la Révelière, d’une durée de 25 ans au taux de 2,4% négociable tous les 3 ans.

Dans le même acte, la sci Vivier-Cunfin s’est portée caution hypothécaire d’un prêt consenti par la Banque Cantonale de Genève (ci-après désignée BCG) à hauteur de 236.486,49 euros, représentant la contre-valeur en euros de la somme de 350.000 francs suisses, en capital plus intérêts, frais, indemnités et autres accessoires, et de l’exécution de toutes les obligations résultant du présent contrat au profit de l’un de ses associés, Monsieur Y de la Révelière, alors gérant de la sci. Le bien donné en garantie est une propriété (maison d’habitation, garage et terrain) sise XXX à XXX, d’une XXX

La sci Vivier-Cunfin est une sci au capital de 100 euros dont':

-2% des parts sont détenues par Monsieur Y de la Révelière et Madame Z A, divorcés,

-98% de la nue-propriété des parts sont détenues par Laura et X de la Révelière, les enfants mineurs du couple à la date de l’emprunt,

-98% des parts sont détenues en usufruit par Monsieur Y de la Révelière, pour sa vie durant sci Vivier-Cunfin

Monsieur Y de la Révelière ayant failli au remboursement des échéances de son emprunt, la BCG a fait délivrer à ce dernier, par acte du 7 mars 2013, un commandement de payer valant saisie immobilière du bien donné en garantie par la sci Vivier-Cunfin, pour la somme restant due de 281.769,04 euros.

C’est dans ces conditions que par acte d’huissier en date du 16 avril 2013, la sci Vivier-Cunfin a fait assigner la BCG devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins de voir prononcer la nullité de son engagement de caution hypothécaire, faute de non-conformité à l’objet et à l’intérêt social de la sci.

Par jugement rendu le 13 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Troyes a': -débouté la sci Vivier-Cunfin de toutes ses demandes,

— condamné la sci Vivier-Cunfin à payer à la Banque Cantonale de Genève la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Par un acte en date du 28 janvier 2016, la sci Vivier-Cunfin a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 19 avril 2016, la sci Vivier-Cunfin conclut à l’infirmation de la décision entreprise et demande à la cour, sur le fondement des articles 44 du code de procédure civile et 1849 du code civil de prononcer la nullité du cautionnement hypothécaire et de condamner la BCG à lui payer la somme de 10.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Elle expose que pour être valable le cautionnement hypothécaire doit être conforme à l’objet social, avoir été autorisé de manière unanime par l’assemblée générale des associés et surtout être conforme à l’intérêt social.

Elle estime que l’engagement litigieux n’est en rien conforme à l’intérêt social, puisque la mise en 'uvre de la garantie aurait pour effet de compromettre l’existence de la sci.

Elle explique que l’engagement n’est pas conforme à l’objet social puisqu’il a été consenti pour les besoins personnels de Monsieur Y de la Révelière résidant et travaillant en Suisse, et que ni son ex-épouse, ni ses deux enfants détenant 99% du capital social de la sci n’avaient intérêt à l’octroi de ce prêt.

Elle ajoute que la valeur du bien concerné est fantaisiste, puisqu’une estimation à la suite d’une seule visite extérieure a été faite pour un montant de 600.000 euros, que 10 ans plus tôt, la propriété a été acquise moyennant un prix de 175.000 euros, qu’une nouvelle estimation faite par le cabinet Catella l’évalue à 450.000 euros, qu’ainsi la comparaison de la valeur de la propriété en 2009, selon l’expertise contestée de 2012 atteste de l’effondrement du marché. Elle précise que la vente de ce bien entraînerait la disparition de la société par disparition de son objet social, la créance de la BCG étant supérieure à 300.000 euros et le commandement de payer visant un montant de 281.769 euros.

Elle explique que la sci a été créée dans le seul but de transmettre cette propriété aux enfants, X et Laura détenant 98% des parts et étant mineurs au moment du consentement donné à la garantie par leurs parents déjà divorcés à l’époque et soutient que les fonds ont servi à soutenir les activités de la société FBJR exploitée par Monsieur Y de la Révelière en Suisse, cette société ayant déposé le bilan dans la seconde moitié de l’année 2012.

Elle fait valoir que l’existence d’une communauté d’intérêts entre l’emprunteur et la sci est sans incidence sur la contrariété ou non à l’intérêt social.

Elle critique le jugement entrepris en ce qu’il a fait une inexacte appréciation des faits et de leurs conséquences, notamment sur la conformité de l’intérêt social.

Elle insiste sur le fait que le prêt a été utilisé pour les seuls besoins de l’activité commerciale de Monsieur Y de la Révelière en Suisse et précise que l’octroi de ce prêt n’a eu aucune contrepartie pour elle, pour les deux nu-propriétaires, ni même pour trois des quatre usufruitiers, à l’exception de Monsieur Y de la Révelière.

Elle ajoute que seul l’engagement effectif des fonds doit être pris en considération, au-delà des mentions figurant à l’acte et affirme qu’il convient de considérer ce qui s’est réellement passé, à savoir l’utilisation des fonds par Monsieur Y de la Révelière à des fins purement personnelles dans le cadre d’une activité commerciale extérieure à la gestion de la sci.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 17 juin 2016, la BCG conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner la sci Vivier-Cunfin à lui payer la somme de 8.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles. Elle reprend l’argumentaire développé en première instance et indique que trois critères sont exigés pour valider une garantie consentie par une sci': l’adéquation à l’objet social, l’existence d’une communauté d’intérêts entre la sci et le débiteur ou le consentement unanime des associés et fait état de la jurisprudence divergente des chambres de la cour de cassation concernant le caractère cumulatif ou non de ceux-ci.

Elle indique que la décision a été prise à l’unanimité des associés, qu’il existe une communauté d’intérêts entre la sci et le débiteur principal en ce que le prêt devait servir à récupérer des fonds propres investis par Monsieur Y de la Révelière dans la maison de Cunfin et en ce que le 13 mars 2013, cette maison constituait le domicile du débiteur. Elle soutient qu’il s’évince de cette communauté d’intérêts une conformité de la garantie à l’objet et à l’intérêt social. Elle insiste sur le fait qu’aux termes de l’acte de prêt hypothécaire, le but de l’emprunt était «'la mise à disposition de liquidités/récupération de fonds propres investis par le débiteur dans une maison individuelle sise XXX, XXX.

Elle ajoute que l’emprunt effectué auprès de la BCG, garanti par la sci permettait à cette dernière d’éviter le remboursement des fonds investis par Monsieur Y de la Révelière.

Elle indique qu’il appartient à la sci de démontrer que la saisie du bien immobilier la mettrait en péril et insiste sur le fait que la sci n’a pas déféré aux demandes de communication de pièces s’agissant de la consistance de son patrimoine

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 1849 alinéa 1 du code civil, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social.

Aux termes de l’article 1854 du code civil, les décisions peuvent encore résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte.

Il résulte de l’application des dispositions combinées de ces articles que pour être valide, la garantie consentie par une société civile pour garantir un emprunt effectué par le gérant de la société doit être souscrite après consentement unanime des associés, être conforme à l’objet social et être conforme à l’intérêt social.

*sur le consentement unanime des associés

Suivant un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 14 janvier 2010, tous les associés de la sci Vivier-Cunfin ont consenti à l’unanimité à ce que la garantie hypothécaire sollicitée par la BCG soit accordée. Le consentement des enfants mineurs a été valablement recueilli puisque leurs parents, Madame Z A et Monsieur de la Reveliere sont intervenus dans cette assemblée tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs.

Cette condition de validité de la garantie hypothécaire est donc remplie.

*sur la conformité à l’objet social

Les statuts de la sci Vivier-Cunfin énoncent que la société a pour objet «'en France, l’acquisition, la propriété et la gestion d’un ensemble immobilier situé XXX à Cunfin, l’administration et la gestion par location ou autrement de tous immeubles et biens immobiliers propres tels que des appartement, immeubles résidentiels ou non, terrains, fonds de commerce, droit au bail, pas de porte, la création, l’acquisition et la détention de tous titres de sociétés immobilières, l’acquisition et la détention de tous biens meubles se rattachant directement ou indirectement à l’objet social'»

En l’espèce, la garantie critiquée a été consentie avec l’accord unanime de tous les associés qui ont le pouvoir de modifier les statuts de la société, ce qui n’a pas été fait lors de la souscription de la garantie, étant rappelé que la conformité à l’objet social s’apprécie au moment où l’acte est passé.

Il existe une communauté d’intérêts entre la sci Vivier-Cunfin et Monsieur Y de la Revelière, puisqu’il s’agit d’une société familiale dont les associés sont des membres de la famille de la Revelière': le père, la mère et les enfants du couple (Laura et X).

Il est constant et non contesté que la sci a été créée pour permettre la transmission du bien situé XXX à Cunfin aux enfants du couple Giller- de la Revelière.

Aux termes de l’acte authentique de prêt hypothécaire en date du 28 janvier 2010, il est énoncé concernant les conditions particulières du prêt en page 3':

«'But':

Mise à disposition de liquidités/récupération de fonds propres investis par le débiteur dans une maison individuelle sise Vivier2, F-10360 Cunfin (')'».

Il en résulte donc que Monsieur Y de la Revelière a bien investi des fonds propres dans le bien donné en garantie par la sci à la BCG et que la banque avait donc parfaitement connaissance de l’objectif de l’emprunt lorsqu’elle a consenti sa garantie, laquelle consistait en la récupération de ses fonds investis par le débiteur au profit de cette dernière.

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l’extrait KBIS de la sci au 13 mars 2013 mentionne que Monsieur Y de la Revelière est domicilié au XXX

Par conséquent, la garantie consentie est conforme à l’objet social.

*sur la conformité à l’intérêt social

Cette condition signifie que la sci doit trouver un intérêt dans l’octroi d’une garantie, afin de compenser le risque engendré par cette dernière.

En l’espèce, le prêt consenti à Monsieur Y de la Revelière avait pour objet en partie la récupération de fonds propres investis par celui-ci dans la sci, ce qui signifie que ce dernier a contribué personnellement à l’acquisition de ce bien destiné à être transmis aux enfants du couple. Contrairement aux allégations de la sci, celle-ci ne démontre pas que les fonds liés à l’emprunt ont servi à financer l’activité professionnelle de Monsieur Y de la Revelière, la sci se contentant de procéder par affirmation péremptoire. Il y a notamment lieu de souligner que la sci ne justifie ni de l’état de son patrimoine actuel, ni de la provenance des fonds ayant permis de financer l’acquisition de son patrimoine immobilier, malgré les sommations en ce sens délivrées par la BCG.

S’agissant de la mise en péril de la société par la réalisation de la garantie, il convient de relever que celle-ci a été consentie le 28 janvier 2010, que le prêt a été accordé pour une valeur de 236.486,49 euros et que le 7 mars 2013, le commandement de payer visait une dette de 281.769,04 euros.

Il appartient à la sci de démontrer la disproportion de l’engagement qu’elle a souscrit, or, au cas présent, elle est défaillante dans l’administration de la preuve, dans la mesure où':

d’une part, la validité de la garantie s’apprécie au jour de la formation du contrat et il est établi qu’en 2009, la sci avait elle-même sollicité une évaluation de la valeur de l’immeuble situé XXX à Cunfin dans la perspective de la constitution de la garantie, l’estimation étant de 700.000 euros hors droits à l’époque, soit une valeur largement supérieure au montant du prêt octroyé, d’autre part, les développements relatifs aux évaluations postérieures sont indifférents à l’appréciation de la validité de la garantie au jour de sa constitution, étant ajouté que le risque de dépréciation est susceptible de préjudicier tout autant au garant qu’à la banque créancière, enfin, le péril pour la sci n’est pas démontré, étant précisé que lors de sa constitution la sci n’avait qu’un capital de 100 euros, soit un montant insuffisant pour acquérir le bien immobilier concerné.

Dans ces conditions, la contrariété à l’intérêt social n’est pas prouvée.

Par conséquent, il convient de juger que la garantie du prêt souscrit par Monsieur Y de la Revelière consentie par la sci a été valablement accordée et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la sci Vivier-Cunfin succombant, elle sera tenue aux dépens.

Les circonstances de l’espèce commandent de condamner la sci Vivier-Cunfin à payer à la BCG la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 13 novembre 2015 par le tribunal de grande instance de Troyes, en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

CONDAMNE la sci Vivier-Cunfin à payer à la Banque Cantonale de Genève la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

La DEBOUTE de sa demande sur ce même fondement.

CONDAMNE la sci Vivier-Cunfin aux dépens d’appel et autorise Maître Olivier Plotton, avocat, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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