Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 16 novembre 2022, n° 22/00523

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, ch. soc., 16 nov. 2022, n° 22/00523
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 22/00523
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne, 8 novembre 2021, N° F19/00087
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 4 décembre 2022
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Texte intégral

Arrêt n°

du 16/11/2022

N° RG 22/00523

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 16 novembre 2022

APPELANT :

d’un jugement rendu le 9 novembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de CHALONS EN CHAMPAGNE, section Industrie (n° F 19/00087)

Monsieur [E] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par la SCP MEDEAU-LARDAUX, avocats au barreau des ARDENNES

INTIMÉES :

SELARL AMANDINE RIQUELME

en qualité de mandataire liquidateur de la SAS PCH METALS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL GM ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 septembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 16 novembre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le contrat de travail liant monsieur [E] [L] à la société PCH METALS, a été rompu en août 2018 à l’inititative de l’employeur dans le cadre d’un licenciement collectif pour motif économique, après homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, et après que la société employeur ait fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 5 juillet 2018.

Le 21 mars 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Châlons en champagne de demandes tendant à obtenir la nullité du licenciement et à titre subsidiaire à le faire dire sans cause réelle et sérieuse, à faire fixer les indemnités de rupture au passif de la société employeur, avec garantie de l’ASSOCIATION UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA ([Localité 6]), et enfin à obtenir condamnation de la société CALLISTA, actionnaire de la personne morale employeur, au paiement d’une indemnité spécifique pour perte d’emploi.

Par jugement du 9 novembre 2021, notifié le 23 février 2022 au salarié, le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes du salarié, qu’il a débouté et condamné aux dépens.

Le 1er mars 2022, le salarié a interjeté appel du jugement précisant qu’il s’agissait d’un appel à l’encontre d’un jugement statuant sur la compétence et, sur autorisation délivrée le 23 juin 2022 par le premier président de la cour d’appel de Reims, a fait assigner à jour fixe l’employeur et le garant des salaires, respectivement par actes d’huissier du 19 juillet 2022 et du 5 juillet 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 septembre 2022, auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, l’appelant a demandé à la cour de déclarer recevables son appel et ses demandes, d’infirmer le jugement en ce qu’il s’est déclaré incompétent, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de fixer au passif de la société employeur ses créances à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, outre 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, le tout dans une décision à déclarer commune et opposable à l’ASSOCIATION DÉLÉGATION AGS CGEA.

Au soutien de ses prétentions, il affirme que contrairement à ce que soutient l’intimée, son appel est recevable dans la mesure où c’est un appel dirigé contre une décision statuant uniquement sur la compétence, nonobstant le terme 'déboute’ inscrit dans le dispositif ; que le juge judiciaire et spécialement le conseil de prud’hommes, reste compétent pour apprécier l’application individuelle des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi.

Il soutient qu’en l’occurrence, celui-ci n’a pas été respecté s’agissant de l’obligation de reclassement interne puisque ne sont pas produits les accusés de réception des courriers envoyés aux entreprises du groupe et que les notifications de licenciement ont été faites avant réception des réponses.

Il affirme que l’obligation de reclassement externe n’a pas davantage été respectée en l’absence de preuve de la saisine de la commission régionale paritaire de l’emploi, faute d’accusé de réception de la lettre qui lui a été adressée.

Il prétend par ailleurs que les recherches de reclassement externe n’ont pas eu lieu dans le périmètre indiqué par le plan de sauvegarde de l’emploi, à savoir celui des entreprises du même secteur d’activité dans le bassin d’emploi et au niveau national ainsi que celui des entreprises exerçant la même activité.

Il fait observer que l’employeur n’a pas remis les offres à la cellule de reclassement et qu’il ne les a pas notifiées aux salariés avant les notifications de licenciement, qu’il s’est en outre abstenu de mettre en place la cellule de reclassement.

Il soutient donc que ces manquements rendent le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses écritures du 12 septembre 2022, la société employeur, représentée par son liquidateur, a demandé à la cour de confirmer le jugement, de débouter le salarié de sa demande d’évocation et de ses demandes au fond et de le condamner à lui payer la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle expose que les demandes ne portent par sur l’application individuelle du plan de sauvegarde de l’emploi, mais consiste en une remise en question dudit plan.

Elle conclut subsidiairement au rejet des demandes en affirmant avoir respecté son obligation de reclassement interne et externe, obligation qui a été appréciée par l’autorité administrative lors de l’homologation de sorte que le salarié ne peut le remettre en cause devant le conseil de prud’hommes qui a perdu sa compétence sur ce point.

Elle rappelle que le droit au préavis réclamé est subordonné à l’illicéité du licenciement, ce qui n’est pas le cas en raison du motif économique incontesté, et que le montant des dommages et intérêts est exorbitant et non fondé, faute de justifications du préjudice.

Le garant des salaires n’a pas conclu, bien qu’ayant constitué.

Motifs de la décision :

Au préalable, il sera fait observer que les moyens développés par la société intimée concernant la caducité de l’appel et l’irrecevabilité des demandes ne soutiennent aucune prétention du dispositif de ses écritures, de sorte que la cour n’est pas tenue de les examiner.

1 – sur la compétence de la juridiction prud’homale

C’est de manière erronée que le conseil de prud’hommes a jugé que l’article L 1235-7-1 du travail excluait totalement sa compétence, dès lors que ce texte laisse à la juridiction prud’homale une compétence résiduelle pour apprécier la mise en oeuvre et le suivi du plan de sauvegarde de l’emploi homologué par l’autorité administrative, à la condition de ne pas porter atteinte à l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ou de la chose jugée par la juridiction administrative.

Contrairement à ce que soutient l’employeur, le salarié ne critique pas la validité du plan de sauvegarde de l’emploi, devenu définitif, mais bien la mise en oeuvre des obligations de reclassement qu’il renferme.

Certes, la décision d’homologation s’est prononcée sur le respect par l’employeur de son obligation de reclassement interne en constatant que des recherches avaient été faites dans les entreprises du groupe, et au-delà, auprès de la société Zehnder, ancienne associée.

En effet, l’employeur a procédé aux recherches de reclassement le 27 juin 2018 avant de saisir la DIRECCTE d’une demande d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi le 11 juillet 2018. L’autorité administrative s’est également partiellement prononcée sur le respect de l’obligation de reclassement externe en constatant que la commission nationale paritaire de l’emploi avait été saisie, que des entreprises du secteur d’activité dans le bassin d’emploi et au niveau national avait été contactées de même que des entreprises exerçant la même activité.

En revanche, l’autorité administrative ne s’est pas prononcée sur la remise des offres de reclassement externe avant le licenciement, et sur la mise en place de la cellule de reclassement, évoquées par le salarié dans ses écritures, de sorte qu’il reste une compétence résiduelle excluant que le conseil de prud’hommes se déclare totalement incompétent pour connaître du litige.

Par conséquent, le jugement qui s’est, à tort, déclaré incompétent sera infirmé.

2 – l’évocation et le fond

La cour étant juridiction d’appel de la juridiction compétente, il est de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive, comme le permettent les dispositions de l’article 88 du Code de procédure civile, étant par ailleurs observé que les parties ont pu contradictoirement discuter le fond du litige.

C’est à raison que le salarié reproche à l’employeur un manquement à son obligation de reclassement dès lors que ce dernier, tenu par le plan de sauvegarde de l’emploi de notifier aux salariés les offres de reclassement externe avant licenciement, le cas échéant, et à se rapprocher de l’administration pour tenter de mettre en place, de manière exceptionnelle, une cellule de reclassement, n’en justifie pas.

Certes, la notification des offres de reclassement a été faite aux salariés concernés le 28 août 2018, soit après le licenciement. Toutefois, l’employeur ne justifie pas de la date de réception de ces offres, de sorte qu’il n’établit pas son incapacité à en assurer la notification avant le licenciement.

De même, la mise en place d’une cellule de reclassement était prévue, à titre exceptionnel, en précisant que l’octroi de ce dispositif était peu probable. Cependant, l’employeur, qui s’est engagé à tenter d’obtenir sa mise en place à titre exceptionnel, ne justifie pas des démarches accomplies pour y parvenir.

Aussi, l’employeur ne justifie pas avoir accompli tous les efforts prévus par le plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements, quand bien même le motif économique n’est ni contestable, ni contesté.

Le licenciement doit donc être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis au quantum indiscuté à laquelle il sera fait droit avec les congés payés afférents.

En effet, contrairement à ce que soutient l’employeur, en l’absence de licenciement pour motif économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle est devenu sans cause, et l’employeur est dès lors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre au salarié en vertu dudit contrat.

Dès lors que l’employeur ne prétend pas avoir versé une quelconque somme à ce titre au salarié, l’indemnité réclamée est due.

Le salarié peut également prétendre à des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du licenciement abusif sur le fondement de l’article L 1235-3 du Code du travail. Compte tenu de son ancienneté, l’indemnité correspondante doit être compris entre 3 mois et 14 mois de salaire brut.

Compte tenu de l’âge du salarié, de son ancienneté, de son niveau de salaire, des justificatifs de sa situation après la rupture du contrat de travail, la somme de 15 000,00 euros est de nature à réparer entièrement les préjudices subis.

Les conditions s’avèrent réunies pour condamner l’employeur, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement jusqu’au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois d’indemnités, sous déduction le cas échéant de la contribution versée au titre de l’article L.1233-69 du code du travail.

La procédure de licenciement ayant été mise en oeuvre par le mandataire judiciaire dans les quinze jours de la liquidation judiciaire, les condamnations devront être garanties par l’association UNEDIC AGS CGEA ([Localité 6]) conformément aux dispositions de l’article L 3253-8 2°d du code du travail, dans les limites et plafonds légaux et réglementaires, à l’exclusions des condamnations au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Succombant au sens de l’article 696 du Code de procédure civile, l’employeur doit supporter les frais irrépétibles et les dépens de l’instance étant observé qu’il n’est pas demandé infirmation du jugement sur ces points.

En appel, l’employeur sera débouté de ses demandes et sera condamné à payer au salarié la somme de 200,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 9 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Châlons en champagne, en ce qu’il s’est déclaré incompétent et en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes,

Confirme le surplus,

statuant à nouveau,

Déclare la juridiction prud’homale compétente pour connaître du litige,

au fond,

Dit que le licenciement de Monsieur [E] [L] par la société PCH METALS est sans cause réelle et sérieuse,

Fixe ainsi qu’il suit les créances de Monsieur [E] [L] au passif de la société PCH METALS, représentée par son liquidateur judiciaire :

—  5 472,24 euros (cinq mille quatre cent soixante douze euros et vingt quatre centimes) d’indemnité compensatrice de préavis,

—  547,22 euros (cinq cent quarante sept euros et vingt deux centimes) de congés payés afférents,

—  15 000,00 euros (quinze mille euros) de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement abusif,

Dit que les condamnations sont prononcées sous réserve d’y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales,

Ordonne le remboursement, par la société PCH METALS, représentée par son liquidateur judiciaire, à Pôle Emploi, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu’au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités sous déduction de la contribution versée au titre de l’article L.1233-69 du code du travail ;

Dit que la présente décision est commune et opposable à l’association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA ([Localité 6]) qui en devra garantie dans les limites et plafonds légaux et réglementaires, garantie qui ne comprend pas l’indemnité de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute la société PCH METALS, représentée par son liquidateur judiciaire, de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société PCH METALS à payer à Monsieur [E] [L] la somme de 200,00 euros (deux cents euros) en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel,

Condamne la société PCH METALS aux dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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