Cour d'appel de Rennes, Deuxième chambre comm., 24 mai 2011, n° 10/01691

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, deuxième ch. comm., 24 mai 2011, n° 10/01691
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 10/01691

Texte intégral

Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT N°210

R.G : 10/01691

Société NISSE SARL

C/

M. Y X

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 MAI 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Mme Françoise COCCHIELLO, Conseiller,

Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller, entendu en son rapport,

GREFFIER :

Madame A B, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 30 Mars 2011

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l’audience publique du 24 Mai 2011, date indiquée à l’issue des débats.

****

APPELANTE :

Société NISSE SARL

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP GAUTIER LHERMITTE, avoués

assistée de Me PLAYOUST, avocat

INTIMÉ :

Monsieur Y X

né le XXX à LISIEUX

XXX

XXX

représenté par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués

assisté de Me Michel LE MAPPIAN, avocat

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat d’agent commercial du 24 février 2003, la société Nisse, qui commercialise sous la dénomination 'Efflunet’ un neutralisateur d’effluents émis dans les laboratoires d’analyses médicales, a confié à Y X la représentation de son produit dans l’ensemble des départements des régions Bretagne et Pays-de-Loire auxquels il a été ajouté par avenant du 1er avril 2003 les départements de l’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher.

Faisant grief à la société Nisse d’avoir rompu les relations contractuelles par courrier de résiliation du 27 novembre 2006 à effet au 1er mars 2007 sans lui verser d’indemnité compensatrice de rupture, monsieur X la fit assigner par acte du 10 janvier 2008 devant le tribunal de commerce de Nantes, lequel a statué par jugement du 7 janvier 2010 en ces termes :

'Condamne la société Nisse au paiement de la somme de 31.104 euros au profit de monsieur X ;

Condamne la société Nisse au paiement de la somme de 1.200 euros au profit monsieur X au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Déboute monsieur X au titre de sa demande indemnitaire complémentaire ;

Déboute la société Nisse de sa demande au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la société Nisse aux dépens'.

Invoquant diverses fautes graves de l’agent privatives d’indemnité de rupture, la société Nisse a relevé appel de cette décision en demandant à la cour de :

'À titre principal, débouter monsieur X de sa demande en paiement d’indemnité suite à la rupture du contrat d’agent commercial signé avec la société Nisse ;

À titre subsidiaire, et si (la) cour croyait devoir retenir le principe d’une condamnation de la société Nisse, réduire le montant sollicité par monsieur X ou seul montant compatible avec la situation jugée, soit 2.500 euros ;

En toute hypothèse, débouter monsieur X de sa demande d’indemnité complémentaire au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner monsieur X au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile'.

Monsieur X conclut quant à lui à la confirmation du jugement attaqué et sollicite la condamnation de la société Nisse au paiement des sommes de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour dénigrement de ses compétences professionnelles et de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société Nisse le 27 janvier 2011, et pour monsieur X le 27 septembre 2010.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il résulte des dispositions de l’article L.134-13 du Code de commerce que l’indemnité compensatrice de rupture du contrat d’agent commercial n’a pas à être versée lorsque la cessation du contrat a été provoquée par la faute grave de l’agent qui a porté atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et a rendu impossible le maintien du lien contractuel.

À cet égard, pour refuser toute indemnisation à monsieur X à la suite de la rupture, la société Nisse qualifie de fautes graves :

l’insuffisance de prospection et de visites ainsi que de rédaction et de communication de relevés de visites ayant abouti au non respect des objectifs contractuellement fixés,

le démarchage de clients situés en dehors du secteur géographique contractuellement confié à l’agent,

une tromperie relative à un commissionnement indû.

Il est indéniable que le contrat d’agent commercial comportait une clause d’objectif fixant le quota minimum de ventes à vingt Efflunet par an mais que ces objectifs de vente n’ont pas été atteints, monsieur X n’ayant vendu que quatorze appareils en 2005 et deux en 2006.

Toutefois, l’échec de l’agent commercial dans la réalisation d’objectifs de ventes contractuellement fixés ne saurait être, en lui-même, considéré comme une faute grave justifiant la rupture du contrat sans indemnité, le contrat du 1er avril 2003 distinguant au demeurant explicitement l’hypothèse de rupture pour faute grave de la rupture pour non respect des objectifs.

Or, la lettre recommandée avec accusé de réception de rupture du 27 novembre 2006 ne se réfère qu’à l’insuffisance de résultats au regard de la clause d’objectifs, et le courrier de refus d’indemnité adressé le 4 juin 2007 par le conseil de la société Nisse invoque des griefs constitutifs de fautes graves étrangers à l’insuffisance de prospection, laquelle n’a été alléguée qu’au cours de la procédure.

Pourtant, rien ne démontre que monsieur X, qui était rémunéré à la commission, n’avait pas d’autres mandants que la société Nisse et dont l’intérêt était donc de générer par son activité un volume de chiffre d’affaires de nature à lui procurer des revenus suffisants, ait négligé sa mission de prospection de la clientèle.

À cet égard, aucune disposition contractuelle ne faisait obligation à l’agent commercial, qui était libre d’organiser son activité en toute indépendance, de rédiger des rapports de visites à l’intention de son mandant, et aucune des pièces produites ne révèle que la société Nisse se soit, pendant la durée d’exécution du contrat, plainte d’une insuffisance de prospection de monsieur X auquel elle a, au contraire, confié une mission de formation de certains de ses revendeurs.

Au surplus, monsieur X souligne avec raison que la baisse des ventes résultait essentiellement de la mise sur le marché d’un nouveau produit dénommé Efflugel, dont la société Nisse n’a pas souhaité confier la représentation à son agent commercial et qui, sans être directement substituable à l’Efflunet, pouvait, pour une clientèle soucieuse d’anticiper sur un durcissement de la législation relative aux rejets d’effluents dans les eaux usées, constituer une alternative adéquate.

La société Nisse n’est pas davantage fondée à qualifier la prospection de clientèle hors secteur de faute grave.

En effet, si le contrat d’agent commercial faisait interdiction à monsieur X d’exercer son activité en dehors du secteur géographique qui lui était attribué, il ressort manifestement des pièces produites que le mandant a lui-même encouragé son agent à démarcher des clients situés hors secteur.

Ainsi a-t-il été explicitement demandé à monsieur X de prospecter des laboratoires d’analyses médicales situés dans sept départements de l’ouest de la France qui n’étaient pas compris dans son secteur géographique, la société Nisse ne pouvant à cet égard sérieusement prétendre qu’il ne s’agissait que d’une liste indicative alors que sa télécopie manuscrite du 5 juillet 2005 invitait expressément monsieur X à contacter tous les laboratoires listés en ces termes : 'à toi de les appeler (pour) savoir si ils sont intéressés par l’Efflunet'.

De surcroît, monsieur X a facturé diverses commissions se rapportant à ces activités hors secteur à la société Nisse, laquelle les a toutes réglées sans protester, à l’exception de celle concernant la vente réalisée au profit du laboratoire Bioénergie qui a toutefois donné lieu à un différend étranger à la question de la vente hors secteur.

À ce sujet, la société Nisse fait en effet grief à monsieur X d’avoir indûment facturé une commission se rapportant à une vente réalisée au profit de ce laboratoire alors qu’il ne serait pas intervenu dans cette opération directement négociée avec un client 'grand compte’ par le dirigeant social de la société mandante.

Mais, il sera d’abord observé que, si la société Nisse a tenté, par un projet d’avenant du 21 avril 2006, de modifier le droit à rémunération de son agent commercial en excluant tout paiement de commissions pour les ventes réalisées au profits de clients 'grands comptes’ dont le laboratoire Bioénergie faisait partie, il est acquis que monsieur X n’a jamais accepté de régulariser cet avenant.

D’autre part, si le dirigeant social de la société Bioénergie a attesté pour l’appelante que monsieur X ne serait pas intervenu dans la vente, il ressort pourtant des pièces produites par ce dernier que la société Nisse a adressé le 24 janvier 2006 à la société Bioénergie la documentation de l’Efflunet accompagnée d’un devis en l’invitant explicitement à entrer en relation avec monsieur X, et que celui-ci a, par courriel du 24 avril 2006, transmis à son mandant une commande complémentaire de trois appareils.

Enfin, la société Nisse ne peut, sans se contredire, reprocher à monsieur X d’avoir voulu la tromper en sollicitant le paiement d’une commission sur une vente dans laquelle il ne serait pas intervenu et lui faire grief d’avoir, de sa propre initiative, consenti au laboratoire Bioénergie un rabais s’écartant de la politique tarifaire définie par le mandant, alors au surplus que la possibilité de proposer des remises était contractuellement donnée à l’agent commercial et que l’appelante a d’ailleurs réglé à l’intimé diverses factures de commissions portant sur des ventes avec rabais qui ont été acceptées par le mandant.

Dans ce contexte, et à supposer même que le droit à commission de monsieur X sur cette vente fût discutable, le simple fait de présenter à la société Nisse une facture de commission ne saurait être sérieusement qualifiée de faute grave.

Il résulte donc de tout ce qui précède que monsieur X est fondé à percevoir une indemnité compensatrice du préjudice résultant de la rupture.

Au regard de la durée de la relation contractuelle et du fait que la baisse du chiffre d’affaires réalisé grâce à l’intervention de l’agent commercial est essentiellement imputable à la mise sur le marché d’un produit alternatif dont la société Nisse n’a pas souhaité confier la représentation à monsieur X, il y a lieu d’allouer une indemnité égale à deux années de commissions calculée sur la moyenne des trois dernières années d’exécution du contrat, soit, ainsi que l’ont pertinemment décidé les premiers juges dont la cour adopte les motifs, 31.104 euros.

Le jugement attaqué sera donc confirmé en tous points, sauf à préciser que, conformément à l’article 1153 du Code civil, l’indemnité produira intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 10 janvier 2008.

Monsieur X ne démontre pas que le droit de la société Nisse de se défendre en justice ait dégénéré en abus, les moyens de l’appelante tendant à critiquer la qualité de l’activité professionnelle de l’intimé ne pouvant, aussi blessants soit-il, être regardés comme des abus de droit.

La demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.

En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de monsieur X l’intégralité des frais exposés par lui à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 7 janvier 2010 par le tribunal de commerce de Nantes en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la somme de 31.104 euros produira intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 10 janvier 2008 ;

Débout monsieur X de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne la société Nisse à payer à monsieur X une somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Nisse aux dépens d’appel ;

Accorde à la société civile professionnelle d’Aboville et de Montcuit-Saint-Hilaire, avouées associées, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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