Cour d'appel de Rennes, 30 octobre 2013, n° 12/07024

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 30 oct. 2013, n° 12/07024
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 12/07024

Texte intégral

9e Ch Prud’homale

ARRÊT N°310

311

R.G : 12/07024

et 12/07151

Mme J K épouse E

C/

Me AE AF Y

Société PAINS ET FANTAISIES SARL

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée et jonction

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Gérard SCHAMBER, Président,

M. Pascal PEDRON, Conseiller,

Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller,

GREFFIER :

Mme L M, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Septembre 2013

devant Mme Laurence LE QUELLEC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Octobre 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame J K épouse E

BELLEVUE

XXX

représentée par Me Catherine FEVRIER, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMES :

Me AE AF Y,

es-qualités de mandataire liquidateur de M. T A

XXX

XXX

représenté par Me Gaëlle PENEAU, avocat au barreau de QUIMPER

Société PAINS ET FANTAISIES SARL

XXX

XXX

représentée par Me Arnaud MARGUET, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANTE :

AGS CGEA DE RENNES

XXX

XXX

XXX

représenté par Me Marie-Noëlle COLLEU, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE

Mme J E était embauchée en qualité de vendeuse par la AH Le Marrec le 7 août 2004, à temps partiel, selon contrat à durée déterminée expirant le 31 août 2004. Selon avenant du 31 août 2004, son contrat se prolongeait pour une durée indéterminée sur la base horaire d’une semaine de 25 heures et d’une semaine de 30 heures 50 en alternance. Le 1er février 2009, la AH Le Marrec, comportant deux boutiques l’une à Redene, l’autre à Quimperlé était reprise par M. T A.

Le 1er octobre 2010, le tribunal de commerce de Quimper prononçait la liquidation judiciaire de M. T A et nommait Me AE AF Y en qualité de liquidateur.

Le 5 octobre 2010, Mme E était convoquée à un entretien préalable au licenciement devant se tenir le 11 octobre 2010 . Le 14 octobre 2010, Me Y notifiait à Mme E son licenciement dans les termes suivants :

'Je vous rappelle que, par jugement en date du 0l/1O/201O, le Tribunal de Commerce de QUIMPER a prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur « T A » sis XXX à F et m’a nommé en qualité de Liquidateur.

Monsieur T A n’a pas été autorisée à poursuivre son activité, et à ce jour aucune reprise de la société n’est envisagée. L’entreprise n’appartenant à aucun groupe, votre reclassement en interne s’avère impossible.

Dans le cadre des dispositions de l’article L,641-4 du Code du Commerce, une procédure de licenciement économique est engagée à l’encontre de l’ensemble du personnel pour la raison suivante:

Cessation d’activité ordonnée par le Tribunal de Commerce, entraînant suppression de tous les postes

En conséquence, après information de Monsieur l’Inspecteur du Travail, et accomplissement des formalités légales et réglementaires, je me trouve dans l’obligation, au moyen de la présente lettre recommandée avec accusé de réception, de vous notifier votre licenciement pour motif économique.

Cette mesure prendra effet au jour de la première présentation de cette lettre, le cachet de la poste faisant foi.

Votre préavis ne sera pas exécuté.

Dans l’hypothèse où votre ancienneté est supérieure à un an, et conformément aux dispositions de l’article L 933-6 du Code du Travail, vous pouvez demander au cours de la période de préavis, la mise en 'uvre de vos droits individuels en matière de formation qui s’élèvent à 120 heures, et notamment le bénéfice d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.

Toutefois, conformément aux dispositions qui vous ont été formulées lors de l’entretien préalable, vous avez la possibilité d’adhérer à une convention de reclassement personnalisé, pour autant que vous remplissiez les conditions d’adhésion.

Vous disposez d’un délai de 21 jours pour accepter cette proposition.

En cas d’acceptation de cette convention, je vous invite à me retourner avant la fin du délai de réflexion, le bulletin d’acceptation dûment daté et signé.

Si vous manifestez votre accord d’adhésion à cette convention, votre contrat de travail sera rompu du fait du commun accord des parties, à l’expiration du délai de réflexion, soit le 01/11/2010.

En cas de refus exprès de votre part ou d’absence de réponse au terme du délai de réflexion, nous vous informons que la présente lettre vaudra notification de votre licenciement pour motif économique.

Si vous êtes âgé d’au moins 56 ans au terme de votre préavis, vous avez la possibilité de bénéficier du dispositif de préretraite AS/FNE, la décision finale appartenant à la DDTE.

Je vous rappelle que vous bénéficiez d’une priorité de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail, à condition de faire part à l’entreprise de votre désir d’user de cette priorité au cours de cette année.

Je vous précise que je vous libère de la clause de non concurrence pouvant exister dans le contrat de travail passé avec la société.

Ce congédiement ne vous lèsera en aucun cas de vos droits s’agissant des rémunérations et indemnités acquises.

Conformément à l’article L 1235-7 du Code du Travail, je vous informe que vous disposez d’un délai de 12 mois pour soulever toutes contestations sur la régularité ou la validité du licenciement. Ce délai court à compter de la notification de licenciement.'

Le 28 octobre 2010, Mme E demandait à Me Y de bénéficier de la priorité de réembauche.

Le 19 janvier 2011, le juge commissaire autorisait le liquidateur à céder de gré à gré le fonds de commerce de AH AI exploité 7 place de l’Eglise à Redene à la SARL Pains et Fantaisies, représentée par M. Jean Charles Peignet.

Le 27 février 2011, Mme E interrogeait Me Y sur le point de savoir si sa demande d’embauche prioritaire avait été transmise aux nouveaux acquéreurs.

Le 11 mars 2011, la AH située à Rédéné était reprise par la SARL Pains et Fantaisies.

Le 6 avril 2011, Mme E sollicitait des explications auprès de la SARL Pains et Fantaisies sur les raisons du refus de réembauche. Le 12 avril 2011, la SARL Pains et Fantaisies répondait que le contrat de travail avait été établi avec la AH Le Marrec à Quimperlé , que la société n’avait pas repris le fonds de commerce de Quimperlé et que son offre ne prévoyait pas de reprise de personnel visant à ce titre l’ordonnance rendue le 19 janvier 2011 qui était jointe au courrier.

Le 1er juin 2011, Me Y informait Mme E avoir transmis sa demande de priorité d’embauche au notaire en charge de la vente du fonds de commerce le 24 février 2011 .

Face au refus qui lui était opposé, Mme E saisissait le conseil de prud’hommes de Quimper le 31 août 2011 en faisant attraire la SARL Pains et Fantaisies, Me Y pris en sa qualité de liquidateur de M. A et le CGEA de Rennes, aux fins d’obtenir notamment le paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif et pour violation de la priorité de réembauche.

Par jugement du 25 septembre 2012, le conseil de prud’hommes a dit n’y avoir lieu d’appeler à la cause M. AC X en sa qualité de repreneur de la AH située à Quimperlé , a débouté Mme E de l’ensemble de ses demandes , l’a condamnée à verser à la SARL Pains et Fantaisies la somme de 100 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,a déclaré le jugement opposable au CGEA de Rennes ,a débouté les parties de leurs autres demandes et condamné Mme E aux entiers dépens.

Pour se déterminer ainsi, le conseil a retenu sur la demande avant dire droit de la SARL Pains et Fantaisies de voir enjoindre à Mme E de mettre à la cause M. X, que ce dernier n’étant pas le repreneur de l’activité faisant suite à la liquidation , pour avoir repris l’activité à la suite de M. D , il ne pouvait être appelé à la cause. Sur le licenciement, le conseil de prud’hommes a retenu que l’activité de la AH A s’exerçait sur deux sites et formait une entité économique autonome, qu’après la liquidation la AH a été cédée en plusieurs entités , qu’au moment de l’attribution à la société Pains et Fantaisies du commerce situé à Rédéné il n’y avait aucune entité économique autonome qui puisse être transférée, que de plus les salariés avaient été licenciés courant octobre 2010, que la cession du fonds de commerce situé à Rédéné était intervenue en février 2011 à une période où il n’y avait donc plus de salarié , que le plan de cession autorisé par le juge commissaire ne prévoyait pas la reprise du personnel, qu’un des éléments essentiels à l’existence d’une entité économique autonome était ainsi absent et rendait non viable l’existence d’une telle entité , qu’après 5 mois d’arrêt d’activité au sein de la AH il n’y avait plus de clientèle , que par ailleurs la société avait utilisé son propre nom commercial et non l’ancien nom . Le conseil a aussi considéré que la lettre de licenciement était parfaitement motivée retenant qu’en matière de liquidation judiciaire , la lettre de licenciement visant le seul jugement de liquidation en application duquel il est procédé au licenciement est suffisamment motivée et que la lettre de licenciement devant s’apprécier au moment de la rupture du contrat de travail , en raison de la cessation de toute activité de l’entreprise, la lettre était parfaitement motivée.

Mme E à laquelle le jugement a été notifié le 27 septembre 2012, en a interjeté appel par communication électronique le 23 octobre 2012 et par lettre recommandée avec avis de réception postée le 24 octobre 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses conclusions auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil lors des débats, Mme E demande à la cour par voie d’infirmation du jugement, a titre principal de condamner la SARL Pains et Fantaisies à lui verser les sommes de :

—  10 798,60 Euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  6 479,16 Euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche ,

a titre subsidiaire, d’inscrire au passif de la liquidation judiciaire de M. A la somme de 10 798,60 Euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner la SARL Pains et Fantaisies et Me Y es-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. A ou l’un à défaut de l’autre , à la somme de 2 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile , condamner les mêmes à lui remettre un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pole Emploi rectifiés sous astreinte de 100 Euros par jour de retard à compter de la décision, condamner la SARL Pains et Fantaisies et Me Y es-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. A ou l’un à défaut de l’autre , aux entiers dépens , lesquels comprendront les frais d’exécution forcée de la décision à intervenir.

Sur la demande de mise en cause de M. X, elle fait valoir que le repreneur de M. A n’était pas M. X mais M. D qui exploitait le fonds en mars et avril 2011 avant de cesser à son tour son activité, que ce n’est qu’en juin 2011 que M. X reprenait les locaux uniquement afin d’installer un dépôt de pains, qu’en toute hypothèse elle a la possibilité d’agir contre un seul des repreneurs. Sur le licenciement, elle soutient que la AH de Rédéné constitue une entité économique autonome dans la mesure où la cession du fonds de commerce emporte transfert des moyens de productions, transfert du commerce, de l’achalandage et de la clientèle, que l’activité se poursuivait à l’identique avec les repreneurs dans les mêmes locaux, avec les mêmes moyens et à destination de la même clientèle, que tous les critères posés par l’article L 1224-1 du code du travail sont réunis, que le fait qu’elle ait travaillé dans les deux fonds que possédait M. A ne modifie pas cette qualification, l’activité développée dans l’un et l’autre des fonds étant autonome et distincte, qu’en application de l’article L 1224-1 du code du travail ,d’ordre public, son contrat aurait dû être transféré au cessionnaire du fonds, la société Pains et Fantaisies. Elle reproche aux premiers juges de n’avoir pas retenu le transfert d’une entité économique autonome alors que l’entreprise A était composée de deux entités économiques distinctes et autonomes et que la société Pains et Fantaisies a repris un ensemble organisé et autonome susceptible de générer un profit propre. Elle soutient de plus qu’il y a eu transfert du fonds peu important que l’activité ait été temporairement interrompue, et que le poste n’a pas été supprimé dès lors que dès la liquidation la SARL a embauché Mme G en contrat à durée déterminée et qu’elle a été titularisée dès l’officialisation de la cession , que c’est en fraude des dispositions de l’article L.1224-1 qu’elle n’a pas été reprise . A titre subsidiaire , elle soutient que le mandataire liquidateur savait nécessairement au jour du licenciement que le fonds serait cédé , que le motif invoqué dans la lettre de licenciement étant inexact , le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Elle sollicite donc des dommages-intérêts correspondant à 10 mois de salaire à l’encontre de la société pour violation de l’obligation de transfert du contrat de travail et subsidiairement à l’encontre du liquidateur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle demande par ailleurs à l’encontre de la société le paiement de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche ,faisant valoir que l’obligation subsiste en cas de reprise de l’entité économique par un autre employeur et que la SARL devait lui proposer prioritairement tout poste disponible , que le poste proposé à Mme G en mai 2011 devait ainsi lui être proposé par priorité, que la société avait été parfaitement informée de ses obligations et que pour sa part elle était bien affectée à la AH cédée soit à Rédéné et que quel que soit son volume d’activité pour cette AH, le repreneur était soumis à l’ obligation de réembauche .

Par ses écritures auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil , la SARL Pains et Fantaisies ( la société ) demande à la cour, avant dire droit d’enjoindre à Mme E de mettre en la cause M. AC X, AH-AI établi à B, en sa qualité de repreneur du fonds de commerce de la AH-AI située à Quimperlé dans le cadre de la liquidation de M. A, à titre principal de mettre hors de cause la société , en tout état de cause , de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme E de l’ensemble de ses demandes, et en conséquence de débouter Mme E de ses demandes, d’écarter la société de toute condamnation, de condamner Mme E à lui verser la somme de 3 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

Sur la demande de mise en la cause du repreneur du fonds situé à Quimperlé, la société fait valoir que Mme E sollicitant l’application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail, la situation de transfert d’activité invoquée concerne le repreneur de la AH située à Quimperlé soit M. X en sa qualité de repreneur au moment de la saisine du conseil de prud’hommes par Mme E . Elle fait valoir que pour que l’article L.1224-1 du code du travail s’applique il faut une entité économique autonome impliquant un personnel spécialement affecté à l’activité, et le transfert à l’identique de cette entité économique autonome , qu’en l’espèce l’attribution du fonds de commerce situé à Rédéné n’entraîne pas l’application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail ,au motif que Mme E n’était pas affectée au site de Rédéné , qu’elle travaillait dans les deux boutiques ce qui démontre que les deux boutiques formaient une entité économique autonome , que la société n’a repris aucun salarié , la cession étant intervenue à une période où il n’y avait plus de salariés , que la boutique n’a ouvert que le 11 mars 2011de sorte qu’il n’y a eu aucune poursuite d’une entité économique autonome après la liquidation de l’entreprise A, que l’organisation de l’activité et le fonctionnement de la société sont différentes de celles de la boutique de Rédéné au sein de l’entreprise A .Elle en conclut donc que les dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail ne sont pas applicables en l’espèce . Elle fait valoir par ailleurs que la lettre de licenciement est particulièrement motivée . Enfin elle soutient qu’il n’y a eu aucune violation de la priorité de réembauche dès lors que Mme E n’était pas affectée sur le site de Rédéné et que s’agissant de Mme G il n’y a eu aucune embauche au sens de l’article L.1233-45 du code du travail au motif qu’elle était présente dans les effectifs de la société depuis le 7 octobre 2010 en contrat à durée déterminée ,lequel a été suivi d’un contrat à durée indéterminée le 9 mai 2011.

Par ses conclusions auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil, Me Y , es-qualités de liquidateur judiciaire de M. A, demande par voie de confirmation du jugement, à titre principal de débouter Mme E de l’intégralité de ses demandes et de la condamner aux entiers dépens et à titre subsidiaire de mettre hors de cause la liquidation judiciaire de l’entreprise de M. A.

Me Y fait valoir en substance qu’il a rompu les contrats de travail en raison de la liquidation judiciaire, qu’il a informé Mme E qu’elle pouvait bénéficier d’une priorité de réembauchage , outre la SARL Pains et Fantaisies qui a repris une partie de l’activité de M. A 5 mois après la liquidation soit le 11 mars 2011, que seule la société doit s’expliquer sur la question de la priorité de réembauchage. Sur la lettre de licenciement, il fait valoir que Mme E a été licenciée 5 mois avant la cession d’une partie de l’entreprise, que le plan de cession ne prévoyait pas la reprise du personnel , que son contrat ne pouvait être transféré , qu’en tout état de cause s’il était considéré que le licenciement était privé d’effet et que la société cessionnaire aurait dû poursuivre la relation de travail, seule la société cessionnaire devrait être considérée comme étant à l’origine de la rupture du contrat de travail et serait tenue de l’indemnisation du préjudice subi.

Par leurs conclusions auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil, le CGEA de Rennes et l’AGS demandent la confirmation du jugement, subsidiairement pour le cas où la cour ferait droit à la demande de nullité du licenciement , de voir condamner Mme E à restituer au CGEA de Rennes les avances qu’elle a perçues au titre de l’indemnité de licenciement et du délai de réflexion CRP , en toute hypothèse , débouter Mme E de toutes ses demandes dirigées à l’encontre de l’AGS , lui décerner acte de ce qu’elle ne consentira d’avance au représentant des créanciers que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail , juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale , juger que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limité des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail.

Ils soutiennent que le contrat a été rompu du fait de la liquidation judiciaire, qu’à la date du licenciement il n’était nullement question d’une cession du fonds de commerce , que la cession est intervenue le 24 février 2011 et la AH a rouvert le 11 mars 2011, qu’à cette date le contrat de Mme E n’était plus en cours si bien qu’elle ne peut revendiquer l’application de l 'article L.1224-1 du code du travail. Ils exposent que le liquidateur a régulièrement motivé la lettre de licenciement , que la validité des termes de la lettre de licenciement s’apprécie au moment où il est prononcé et que le liquidateur était tenu dans l’intérêt de la salariée de lui notifier son licenciement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la jonction des procédures

Aux termes de l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les juger ensemble.

En l’espèce, le jugement du conseil de prud’hommes de Quimper du 25 septembre 2012 a fait l’objet d’un appel par voie électronique et par lettre recommandée de la part de Mme E et par suite d’un double enregistrement.

S’agissant de l’appel de la même décision par la même partie, la jonction des instances doit être ordonnée.

Sur la demande de mise en cause

Comme le soutient Mme E, il résulte de ses productions et il n’est pas contesté que le repreneur immédiat de la AH n’était pas M. X mais M. R D, que ce n’est qu’en juin 2011 que M. X a repris la AH située à Quimperlé, qu’en tout état de cause il ne peut être imposé à Mme E d’agir à l’encontre des deux repreneurs, Mme E pouvant parfaitement agir à l’encontre du repreneur qui lui apparaît débiteur de l’obligation dont elle revendique l’application . Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu d’appeler à la cause M. X.

Sur le licenciement et la violation de l’article L.1224-1 du code du travail

L’article L.1224-1 du code du travail est applicable en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie, peu importe que son exploitation ait été temporairement interrompue, dès lors que des éléments d’exploitation significatifs et nécessaires à la poursuite de l’activité sont transmis, directement ou indirectement, au nouvel exploitant.

La cession d’une unité de production, constituée par un ensemble d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre, entraîne nécessairement le transfert d’une entité économique conservant son identité et par voie de conséquence, la poursuite avec le cessionnaires des contrats de travail des salariés relevant de l’unité de production cédée, peu importet qu’ils aient été licenciés pour motif économique par le liquidateur judiciaire, il en résulte que les licenciements économiques prononcés à l’occasion du transfert sont à l’égard des salariés attachés à l’entité cédée, dépourvus d’effet et que le salarié licencié peut obtenir du cessionnaire s’il a refusé de poursuivre le contrat, l’indemnisation du préjudice résultant d’un licenciement qui se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il apparaît aux termes de l’ordonnance du juge commissaire rendue le 19 janvier 2011 que Me Y en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. A a été autorisé à céder à la SARL Pains et Fantaisies le fonds de commerce de AH AI exploité 7 place de l’église à Rédéné, ledit fonds comprenant les éléments incorporels : la clientèle, l’enseigne, le nom commercial et l’achalandage y attachés, le droit au bail des locaux et les éléments corporels : le matériel et le mobilier commercial garnissant ledit fonds de commerce et servant à son exploitation. La procuration que Me Y a donné à l’office notarial pour vendre le fonds visait les mêmes éléments, outre le droit à la ligne téléphonique.

Ces éléments établissent que le fonds cédé constitue bien une entité économique autonome susceptible de générer un profit propre. Il apparaît que l’activité s’est poursuivie à l’identique avec la SARL Pains et Fantaisie, dans les mêmes locaux et avec les mêmes moyens à destination de la même clientèle . Il importe peu que l’exploitation ait été temporairement interrompue entre le mois d’octobre 2010 et le mois de mars 2011, dès lors que des éléments d’exploitation significatifs et nécessaires à la poursuite de l’activité ont été transmis . Le fait que Mme E ait travaillé en qualité de vendeuse dans les deux fonds de commerce de M. A ainsi qu’elle l’établit par la production des attestations de Mme H , de M. Z et de M. C démontre qu’elle était ainsi affectée en partie au fonds repris par la SARL Pains et Fantaisies.

Il est établi que la SARL Pains et Fantaisies a refusé de reprendre Mme E, ainsi qu’il résulte de la réponse faite à cette dernière le 12 avril 2011 au motif que son offre ne prévoyait pas de reprise de personnel , motif qui ne saurait être retenu au regard des dispositions d’ordre public de l’article L.1224-1 du code du travail.

Le licenciement économique de Mme E prononcé à l’occasion de la liquidation judiciaire de M. A , dans le cadre de laquelle est intervenue la cession du fonds de commerce situé à Rédéné au profit de la SARL Pains et Fantaisies est à l’égard de Mme E qui était au moins pour partie attachée au fonds de commerce cédé ,dépourvu d’effet et elle peut obtenir du cessionnaire qui a refusé de poursuivre le contrat, l’indemnisation du préjudice résultant d’un licenciement qui se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu . Le jugement sera donc infirmé de ce chef .

La violation de l’obligation de transfert du contrat de travail par la SARL Pains et Fantaisies et la réparation du préjudice subi par Mme E qui âgée de 56 ans et malgré une formation , n’a pu trouver que des missions d’interim et des contrats à durée déterminée , alors qu’elle bénéficiait d’une rémunération moyenne mensuelle de 1 079,86 Euros , justifient que lui soit allouée la somme de 6 500 Euros à titre de dommages-intérêts .

Sur le non respect de la priorité de réembauche

L’article L.1233-45 du code du travail dispose que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai .

L’article L.1235-13 du code du travail dispose qu’en cas de non respect de la priorité de réembauche, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire.

Le droit des salariés licenciés pour motif économique et qui ont demandé à bénéficier de la priorité de réembauche prévue à l’article L.1233-45 du code du travail, s’exerce à l’égard de l’entreprise et subsiste en cas de reprise de l’entité économique par un autre employeur , peu importe que cette demande ait été faite auprès de l’auteur du licenciement et que la cession soit intervenue après le licenciement .

Le préjudice consécutif à un licenciement sans cause réelle et sérieuse est distinct de celui résultant du non-respect de la priorité de réembauche et les réparations sont cumulables.

En l’espèce, Mme E a été licenciée le 14 octobre 2010 pour motif économique. Le 28 octobre 2010, elle informait Me Y de son souhait de bénéficier de la priorité de réembauche et le rappelait par lettre du 25 février 2011. Le 6 avril 2011 elle rappelait au repreneur sa volonté de réembauche.

Il résulte du registre unique du personnel de la SARL Pains et Fantaisies que Mme AA G a été embauchée le 7 octobre 2010 en contrat à durée déterminée jusqu’au 8 mai 2011,en qualité de vendeuse. Le 9 mai 2011, elle a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée. Mme E qui était affectée en partie à Rédéné devait bénéficier de la priorité de réembauche sur le poste de Mme AA G qui aurait du lui être proposé en mai 2011, dans le délai d’un an suivant son licenciement. La circonstance que le poste en contrat à durée indéterminée soit une poursuite du contrat à durée déterminée est indifférente à cet égard dès lors qu’il s’agissait de deux relations contractuelles distinctes , que la

SARL Pains et Fantaisies disposait ainsi d’un poste en contrat à durée indéterminée qui aurait du être proposé par priorité à Mme E.

Compte tenu du préjudice subi pour la perte d’une embauche à durée indéterminée, la SARL Pains et Fantaisies sera condamnée à payer à Mme E la somme de 2 200 Euros.

Sur les autres demandes

Au regard de la nature indemnitaire des condamnations prononcées, il n’y a pas lieu à condamnation sous astreinte à remise des documents sociaux rectifiés

Le licenciement n’étant pas jugé nul mais dépourvu de cause réelle et sérieuse , il n’y a pas lieu de dire que Mme E doit restituer au CGEA de Rennes les indemnités de rupture qu’elle a perçues au titre de l’indemnité de licenciement et du délai de réflexion CRP.

La SARL Pains et Fantaisies succombant à l’instance , sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à payer à Mme E la somme de 2 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction de l’instance enrôlée sous le n° 12/07151 à celle enrôlée sous le n° 12/07024.

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a dit n’y avoir lieu d’appeler à la cause M. X.

LE REFORME pour le surplus ;

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la SARL Pains et Fantaisies à verser à Mme J K épouse E les sommes de :

—  6 500 Euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de transfert du contrat de travail

—  2 200 Euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche

—  2 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DIT n’y avoir lieu à condamnation à remise de documents sociaux rectifiés.

DIT n’y avoir lieu à restitution au CGEA des indemnités versées à Mme E.

CONDAMNE la SARL Pains et Fantaisies aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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Cour d'appel de Rennes, 30 octobre 2013, n° 12/07024