Cour d'appel de Rennes, 11 avril 2014, n° 12/05591

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 11 avr. 2014, n° 12/05591
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 12/05591

Texte intégral

8e Ch Prud’homale

ARRÊT N°253

R.G : 12/05591

M. N Y

C/

— Me F Z (L.J. SARL D)

— AGS – CGEA DE RENNES

Confirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 AVRIL 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-François SABARD, Président,

Madame Véronique DANIEL, Conseiller,

Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller délégué,

GREFFIER :

Monsieur F K, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Février 2014

devant Madame Véronique DANIEL, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Avril 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur N Y

XXX

XXX

représenté par Me Karine TRUONG substituant à l’audience Me Jacques LAPALUS, Avocats au Barreau de NANTES

INTIMES, intervenants forcés à la cause :

La SCP P Q F Z ès-qualité P liquidateur de la SARL D

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Constance MARCADE substituant àl’audience Me Perrine DEFEBVRE, Avocats au Barreau de NANTES

Le Centre de Gestion et d’Etudes AGS (C.G.E.A.) DE RENNES

Délégation régionale AGS Centre Ouest

XXX

XXX

XXX

représentés par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SCP AVOLITIS, Avocat au Barreau de RENNES

EXPOSE DU LITIGE :

En 1999, monsieur N Y et son épouse madame H I constituent la SARL D, Monsieur N Y détenant 10 % du capital social et son épouse 90 %.

Le 3 janvier 2000, la SARL D embauche monsieur Y en qualité de représentant à temps partiel à raison de 30 heures de travail par semaine.

Le 21 Janvier 2009, madame H I et monsieur Y cèdent leurs parts à la SARL LES CHAMPS FLEURIS représentée par monsieur L M, gérant.

Du 1er au 23 août 2009, la SARL D est fermée pour congés payés.

Le 24 août 2009, monsieur Y ne rejoint pas son poste de travail, ni les jours suivants.

La SARL D met monsieur Y en demeure de reprendre son travail en vain.

Monsieur Y est alors convoqué à un entretien préalable fixé au 25 Septembre 2009 et licencié pour faute grave, pour abandon de poste, le 29 septembre 2009.

Estimant son licenciement abusif, monsieur Y a saisi le Conseil de-Prud’hommes de Nantes le 1er décembre 2010.

Par jugement du 18 janvier 2012, le Tribunal de commerce de Nantes prononce la liquidation Q de la SARL D et nomme maître Z en qualités P liquidateur de la SARL D.

Le Conseil de Prud’hommes de Nantes, dans son jugement en date du 9 juillet 2012, a :

— Dit que le licenciement de monsieur N Y repose sur une faute grave et

débouté monsieur N Y de toutes ses demandes,

— Reçu la liquidation Q la SARL D en ses demandes reconventionnelles,

— Condamné monsieur N Y à payer à maître F Z, ès-qualités P liquidateur de la SARL D, les sommes suivantes :

—  1.000,00 € (mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial subi suite à la portabilité du numéro de téléphone professionnel,

-1.000,00 € (mille euros) à titre de dommages-intérêts en application de l’article 32-1 du Code de procédure civile,

—  1.000,00 € (mille euros) au titre de l’Article 700 Code de Procédure Civile,

— Reçu l’AGS et le CGEA de Rennes en leur intervention et donné acte au CGEA de Rennes de sa qualité de représentant de l’AGS,

— Décerné acte à l’ AGS des conditions de son intervention sur le fondement.de l’article L. 621-125 du Code de Commerce et ses conséquences,

Condamné monsieur N Y aux entiers dépens.

Monsieur Y a interjeté appel de ce jugement.

APPELANT, M. N Y demande à la Cour de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

— fixer la créance à la liquidation Q de la Société D à hauteur de la somme de 63599,52 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— fixer la créance à la liquidation Q de la Société D à hauteur de la somme de 7949,94 €, au titre du préavis de trois mois,

— fixer la créance à la liquidation Q de la Société D à hauteur de la 794,99 € au titre du préavis de trois mois,

— fixer la créance à la liquidation Q de la Société D à hauteur de la 4370,85 € au titre de l’indemnité conventionnelle de rupture ,

— dire l’arrêt opposable aux AGS – CGEA de Rennes,

Subsidiairement,

— requalifier le licenciement prononcé pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et en conséquence fixer la créance de Monsieur Y à la liquidation de la Société PROIBAT à hauteur de :

-63599,52 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-7949,94 €, au titre du préavis de trois mois,

-794,99 € au titre du préavis de trois mois,

-4370,85 € au titre de l’indemnité conventionnelle de rupture ,

—  5000 € au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile.

En toute hypothèse, fixer la créance à la liquidation Q de la Société D à hauteur de la somme de 5000 € au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile et tous les dépens.

Monsieur Y soutient qu’il n’y a pas d’abandon de poste mais une poursuite de congés de quatre semaines de Congés Payés complémentaires à l’issue de la période de fermeture de l’entreprise accordée par la SARL D.

Monsieur Y expose qu’il ne comprend donc pas la procédure diligentée à son encontre et estime être tombé dans un piège destiné à l’évincer et soutient que la rupture de son contrat de travail ne résulte de l’attitude malveillante de son employeur à laquelle ladite rupture est entièrement imputable, rendant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

INTIME, Me F Z mandataire liquidateur de la SARL D demande à la Cour de :

— débouter Monsieur Y de l’intégralité de ses demandes,

— condamner Monsieur Y à lui verser la somme de 1000€ en réparation du préjudice commercial subi suite à la portabilité du numéro de téléphone professionnel,

— condamner Monsieur Y à lui verser la somme de 5000€ en réparation du Dommages-intérêts en application de l’article 32-1 du Code de Procédure Civile

— condamner Monsieur Y à lui verser la somme de 3000€ sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile.

A titre subsidiaire, débouter Monsieur Y de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

— A titre infiniment subsidiaire, réduire en de notables proportions les demandes.

Maître F Z, ès-qualités P liquidateur de la SARL D, fait valoir que, contrairement aux affirmations de monsieur Y il n’y a jamais eu d’accord entre la société et son salarié pour une prise de congés payés complémentaires au-delà du 23 août 2009 et que celui-ci, à l’instar de tous les salariés de la société, celle-ci fermant du 1er au 23 août 2009, était tenu d’être à son poste de travail dès le lendemain 24 août.

F Z expose que :

— que par deux fois, les 28 août et 7 septembre 2009, la société a mis en demeure Monsieur Y de reprendre immédiatement son poste de travail faute de quoi une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement serait prise à son encontre,

— que devant le silence et l’absence de son salarié, la SARL D s’est vue contrainte de le convoquer à un entretien préalable à son éventuel licenciement,

— que là encore, monsieur Y ne s’est pas rendu à l’entretien, de telle sorte que l’ abandon de poste qualifié de faute grave est ainsi constitué .

INTIMEE, l’AGS -CGEA de Rennes demande de déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par Monsieur Y et le débouter de ses demandes.

— Confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise.

En toute hypothèse :

— Débouter Monsieur Y de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre de l’AGS,

— Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au représentant des créanciers que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du Code du Travail,

— Dire et juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile n’a pas la nature de créance salariale,

— Dire et juger que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du Code du Travail.

Il convient pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, sur le fondement de l’article 455 du Code de Procédure Civile, de se référer aux conclusions figurant au dossier, déposées à l’audience du 27 février 2014, et développées oralement.

MOTIFS :

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les données du litige est ainsi libellée :

' Nous avons constaté, depuis le lundi 24 août 2009, au matin, votre absence à votre poste de travail.

Sans nouvelles de votre part, nous vous avons donc demandé dans le cadre d’un premier courrier recommandé en date du 28 août 2009, puis d’un second en date du 7 septembre 2009, de nous fournir tout justificatif à cette absence et de reprendre votre travail dès réception de nos courriers.

Dans la mesure où à la date du 16 septembre 2009, vous n’aviez toujours pas repris votre travail et où nous n’avions reçu aucune nouvelle de votre part, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute, le 25 septembre 2009 à 10 heures à l’établissement situé XXX – XXX.

Vous n’avez pas répondu à cette convocation et vous ne vous êtes pas présenté à l’entretien préalable.

Nous vous rappelons que votre absence a perturbé de manière importante le bon fonctionnement de l’entreprise ainsi que l’organisation du service et a entraîné une surcharge de travail importante pour les autres collaborateurs.

Après réexamen de votre dossier, nous vous informons par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave suite à votre absence injustifiée depuis le 24 août 2009.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis.'

En l’espèce, la SARL D reproche au demandeur un abandon de poste à compter du 24 août 2009, constitutif d’une faute grave.

Monsieur Y allègue de ce qu’il avait été convenu qu’il prenne 4 semaines de congés supplémentaires et que son absence est ainsi justifiée.

En vertu de l’article L3141-14 du Code du Travail, l’ordre des départs est fixé par l’employeur et il incombe donc à Monsieur Y de justifier de de ce que son employeur lui avait donné son accord au-delà de la période de fermeture de l’entreprise.

Or, la seule attestation produite aux débats par l’appelant, et rédigée par Monsieur B, est radicalement contestée par les attestations concordantes émanant de Madame X, et de Messieurs X, A, E lesquels, tous salariés de l’entreprise, affirment, de manière unanime, n’avoir jamais eu connaissance d’un accord de la direction concernant la prolongation des congés payés de monsieur Y, au-delà du 23 août 2009.

Il est, par ailleurs, acquis que l’entreprise a envoyé à Monsieur Y trois courriers de mise en demeure de reprendre le travail, en date des 28 août, 7 septembre 2009 et 16 septembre 2009 et que Monsieur Y n’y a jamais répondu alors qu’il a réceptionné lui-même les deux derniers courriers, selon récipissés signés de sa main en date du 10 septembre et du 19 septembre 2009, le premier courrier étant revenu avec la mention ' non réclamée.'

L’employeur a, de surcroît, attendu plus d’un mois avant d’envoyer la lettre de licenciement à son salarié, lequel, de manière inexplicable, ne s’est pas rendu à l’entretien préalable alors même qu’il aurait pu s’y faire assister et dénoncer ainsi la mauvaise foi de l’employeur.

Monsieur Y prétend qu’en l’espèce, la rupture de son contrat de travail découle de l’attitude malveillante dont s’est rendu coupable à son encontre la SARL D, cette dernière n’ayant pas tenu compte de l’accord intervenu entre eux quant à la prise de congés payés complémentaires correspondant à un report de congés payés non pris les années passées.

Toutefois, s’il avait été effectivement convenu de la prise par Monsieur Y de deux semaines de congés supplémentaires, la Société D n’aurait alors eu aucune raison, à l’évidence, en premier lieu, de s’étonner de son absence à compter du 24 août 2009, puis ensuite de lui envoyer des courriers recommandés aux termes desquels il lui était demandé de réintégrer son poste et de justifier de son absence.

Il apparaît enfin que si Monsieur Y s’était bien trouvé en congés payés au cours de la période invoquée, il n’aurait pas manqué de répondre aux courriers datés des 7 et 16 septembre 2009 dont il a accusé réception alors qu’au contraire il n’ a pas souhaité, volontairement, y apporter la moindre réponse.

L’ensemble des pièces produites ne permettent pas de démonter qu’un accord sur une prolongation des congés est intervenue entre les parties .

La réalité ainsi que la gravité des faits reprochés à Monsieur Y ne sont pas contestables ainsi que ses absences qui ont perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise et contraint les autres collaborateurs à assumer une surcharge de travail

Le licenciement de Monsieur Y est donc pleinement justifié puisque reposant sur une cause réelle et sérieuse, soit l’abandon par l’intéressé de son poste de travail ainsi que son comportement fautif désorganisant le bon fonctionnement de l’entreprise.

Dès lors, l’abandon de poste par le salarié étant constitutif d’une faute grave, le jugement du Conseil de Prud’hommes sera confirmé .

Sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial :

Il apparaît que, selon un courrier en date du 12 janvier 2004, la Société C avait confié à Monsieur Y un téléphone portable pour lequel l’entreprise avait souscrit un abonnement chez un opérateur avec utilisation du numéro personnel du salarié et qu’au mois de septembre 2009, Monsieur Y a envoyé à Bouygues Télécom un courrier demandant le transfert du numéro de téléphone attaché à son portable professionnel vers un autre opérateur sans en informer la société.

Toutefois, la société C ne démontrant pas que l’usage de ce téléphone remis à des fins professionnelles a généré un préjudice commercial à hauteur de l’indemnité réclamée à titre de dommages-intérêts, sera déboutée de sa demande à ce titre.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé à ce titre.

Sur la procédure abusive :

Dans la mesure où il a été partiellement fait droit aux demandes de Monsieur Y en cause d’appel, la procédure menée par ce dernier ne peut être considérée comme abusive; il n’y a pas lieu en conséquence à allouer à la société intimée des dommages-intérêts à ce titre. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef .

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

Compte tenu des données du litige, il n’est pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur Y, succombant ppour partie en son appel principal , sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel .

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Déclare recevable l’appel de Monsieur Y,

Confirme le jugement rendu le 9 juillet 2012 par le Conseil de Prud’hommes de NANTES sauf en ce qui concerne les demandes au titre des dommages-intérêts pour préjudice commercial et au titre de la procédure abusive et d’article 700 du Code de procédure civile .

Statuant à nouveau ,

— Déboute la Société C de ses demandes de dommages-intérêts au titre du préjudice commercial et au titre de la procédure abusive ,

— Dit que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du Code du Travail.

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne Monsieur Y aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE PRESIDENT, LE GREFFIER,

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