Cour d'appel de Rennes, 9 décembre 2015, n° 14/00374

  • Discrimination·
  • Magasin·
  • Entretien·
  • Salariée·
  • Travail·
  • Maladie·
  • État de santé,·
  • Sociétés·
  • Avertissement·
  • Objectif

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 9 déc. 2015, n° 14/00374
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 14/00374

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N°956

R.G : 14/00374

Société DAMART SERVIPOSTE SAS

C/

Mme I C épouse B

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Régine CAPRA, Président,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller,

Madame Véronique DANIEL, Conseiller,

GREFFIER :

Madame K L, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Septembre 2015

devant Madame Régine CAPRA, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Décembre 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, après prorogations du délibéré initialement prévu le 04 novembre 2015.

****

APPELANTE :

Société DAMART SERVIPOSTE SAS

XXX

XXX

Comparant en la personne de Mme SERGEANT, Juriste en droit social, assistée de Me Bertrand DANSET, avocat au barreau de LILLE;

INTIMEE :

Madame I C épouse S B

XXX

XXX

Appelante incident,

représentée par Me Marielle DANIEL, avocat au barreau de BREST


EXPOSE DU LITIGE

Mme I C a été engagée à compter du 30 décembre 1996 par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, pour 25 heures de travail par semaine, par la société Belmart, ultérieurement absorbée par la société Damart-Serviposte, en qualité de vendeuse débutante, statut employé, catégorie B, moyennant un salaire mensuel brut de 636,05 euros (4 172,19 francs) pour 108,75 heures et affectée à l’établissement de Brest. Son temps de travail a été porté à 29 heures par semaine par avenant du 4 janvier 1999. Elle est actuellement conseillère de vente, statut employé, échelon D, moyennant un salaire mensuel brut de base de 1 212,30 euros pour 126,15 heures de travail, auquel s’ajoute une prime d’ancienneté de 113,18 euros.

Les relations contractuelles sont soumises à la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement.

En 2001, Mme I C épouse B a été élue délégué du personnel et désignée comme représentant syndical au comité d’entreprise.

Elle a été en congé de maternité puis en congé parental de novembre 2006 au 2 avril 2010.

Elle a de nouveau exercé des mandats représentatifs, dont celui de représentant syndical au comité d’entreprise.

Elle a été en arrêt de travail pour maladie à plusieurs reprises.

Par courrier de son avocat du 12 janvier 2012, elle a demandé à son employeur de faire cesser la discrimination dont elle estimait faire l’objet, « en particulier en raison de ses problèmes de santé ».

Par courrier de son avocat du 10 février 2012, elle lui a demandé de faire cesser la discrimination dont elle estimait faire l’objet tant en raison de son état de santé que de ses activités syndicales.

En arrêt de travail pour maladie à compter du 17 décembre 2011, la salariée a repris son activité professionnelle dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, à raison de 14,5 heures de travail par semaine du 18 janvier 2012 au 26 mars 2012, puis a repris son travail selon l’horaire contractuel de 29 heures par semaine à compter du 27 mars 2012.

La société Damart-Serviposte a adressé à Mme B, le 10 avril 2012, une lettre recommandée avec avis de réception en date du 3 avril 2012 que celle-ci a considéré comme constituant un avertissement et qu’elle a contesté dans les mêmes formes le 23 avril 2012.

La salariée a été absente pour maladie du 28 avril 2012 au 5 mai 2012 et du 8 au 17 juin 2012.

Elle a saisi, le 24 avril 2012, le conseil de prud’hommes de Brest, aux fins d’obtenir l’annulation de l’avertissement du 3 avril 2012. L’affaire a été radiée le 18 décembre 2012, puis réinscrite au rôle le 1er mars 2013, suite au dépôt de ses conclusions.

Dans l’état de ses prétentions après réinscription de l’affaire au rôle, Mme C a demandé au conseil de prud’hommes de Brest :

— de dire qu’elle subit une discrimination en raison de ses activités syndicales et de son état de santé,

— de condamner la société Damart-Serviposte à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,

— de dire que la règle « à travail égal, salaire égal » n’est pas respectée,

— d’annuler l’avertissement du 3 avril 2012,

— de condamner la société Damart-Serviposte à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Damart-Serviposte a sollicité le rejet de ces prétentions et la condamnation de Mme B au paiement de la somme de 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 novembre 2013, le conseil de prud’hommes de Brest a :

— pris acte que malgré la procédure mise en place la société Damart-Serviposte soutient dans ses écritures ne pas avoir sanctionné la salariée d’un avertissement et dit en conséquence n’y avoir lieu d’en prononcer l’annulation, la salariée n’ayant à ce jour jamais été visée par une quelconque sanction,

— dit que Mme B est victime d’une discrimination salariale en lien avec son état de santé,

— condamné la société Damart-Serviposte à payer à Mme B les sommes suivantes :

*2 000 euros en réparation du préjudice subi,

*1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts seront porteuses des intérêts de droit à compter du 29 novembre 2013,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— laissé les dépens à la charge de la société Damart-Serviposte, dont le remboursement de la contribution forfaitaire de 35 euros prévue par l’article 1635 bis Q du code général des impôts, et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissiers (art 696 CPC).

La société Damart-Serviposte a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont défavorables, de le confirmer pour le surplus et de débouter Mme B de l’ensemble de ses demandes.

Mme B demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’elle faisait l’objet d’une discrimination en raison de son état de santé et a condamné la société Damart-Serviposte à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de l’infirmer pour le surplus et, en conséquence de :

— dire qu’elle subit également une discrimination en raison de ses activités syndicales,

— condamner la société Damart-Serviposte à lui payer en réparation de la discrimination subie en raison de son état de santé et de ses activités syndicales la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts,

— dire que la règle « à travail égal, salaire égal » n’est pas respectée,

— annuler l’avertissement du 3 avril 2012,

— condamner la société Damart-Serviposte à lui payer la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.

La cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande d’annulation d’avertissement :

Considérant qu’après un entretien avec Mme B, le 3 mars 2012, la directrice du magasin de Brest a rédigé à son intention une lettre en date du 3 avril 2012 intitulée « Lettre de rappel de procédures » , rédigée comme suit :

'Par la présente je fais suite à notre entretien du samedi 3 mars 2012 relatif aux faits suivants.

Le samedi 11 Février, lors de la clôture du magasin nous avons constaté avec la conseillère principale une différence en espèces de 28,95€ dans la caisse sur laquelle vous aviez encaissé pendant l’après-midi en binôme avec Kevin PEUZIAT.

Après vérification, il s’avère que vous êtes la seule à avoir réalisé des encaissements en espèces sur cette journée.

Interrogée sur le sujet lors de votre entretien, vous n’avez pas su expliquer cette différence.

Je vous demande d’être particulièrement vigilante à l’avenir sur la qualité de vos encaissements afin que de telles erreurs ne se reproduisent pas.

Lors de mes contrôles sur votre journal de caisse du 3 mars 2012, j’ai constaté en plus que vous aviez réalisé un remboursement espèces d’un montant de 37,90€ (ticket N°5) sans que l’accord d’un hiérarchique habilité vous ait été donné.

Interrogée sur le sujet, vous répondez ne pas être informée de cette procédure, ce qui me surprend

compte-tenu de votre ancienneté dans le magasin.

Je vous rappelle que conformément à la procédure reprise dans la fiche N°200 « Retours clients», le remboursement en espèces se fait par la caissière après validation du (de la) directeur(rice) ou d’une personne habilitée.

Par conséquent, je vous demande d’appliquer dès à présent cette procédure afin d’éviter toute erreur ou litiges.' ;

Que la salariée ayant refusé, le 6 avril 2012, la remise en mains propres contre décharge de cette lettre dont la directrice du magasin de Brest lui avait donné lecture, celle-ci la lui a adressée par lettre recommandée avec avis de réception le 10 avril 2012 ;

Considérant que Mme B soutient que cette lettre constitue un avertissement, ce que la société Damart-Serviposte conteste ;

Considérant que la lettre intitulée « Lettre de rappel de procédures », qui se borne à signaler à la salariée une erreur de caisse, en lui demandant d’être particulièrement vigilante à l’avenir sur la qualité de ses encaissements pour que cela ne se reproduise pas, et à lui signaler qu’elle n’aurait pas dû effectuer un remboursement en espèces sans l’accord de sa hiérarchie, en lui rappelant la procédure interne en vigueur en la matière, ne traduit pas une volonté de l’employeur de sanctionner la salariée pour un agissement considéré comme fautif ; qu’elle ne constitue donc pas un avertissement mais un simple rappel à l’ordre ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à annulation de sanction disciplinaire ;

Sur la discrimination :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

Que l’article L. 1134-1 du même code dispose qu’en cas de litige relatif à l’application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Considérant qu’à l’appui de la discrimination qu’elle invoque, Mme B fait valoir:

— le refus de mettre à sa disposition un siège assis-debout,

— des réflexions à propos de ses arrêts de travail pour maladie,

— des mentions relatives à sa maladie sur le tableau d’affichage du magasin,

— des pressions répétées exercées sur elle au travers d’entretiens visant à la déstabiliser et de reproches injustifiés, venant motiver une sanction disciplinaire,

— l’absence d’évolution de sa qualification et de sa rémunération,

— l’inégalité salariale entre elle et Mme O P épouse A,

— le fait que plusieurs de ses entretiens d’évaluation font mention de ses absences pour maladie et du temps consacré à l’exercice de ses mandats,

— des brimades répétées;

Considérant qu’il est établi que dans ses avis des 27 avril 2010, 27 janvier 2011, 23 février 2011, 18 janvier 2012, le médecin du travail qui a examiné Mme B a écrit que la mise à disposition d’un siège assis-debout en caisse est conseillé ; que l’employeur n’a cependant mis ce type de siège à la disposition de la salariée que le 26 janvier 2012 ;

Considérant que si la directrice du magasin atteste le 10 juillet 2013 que personne n’est affecté uniquement en caisse et que le positionnement en caisse de Mme B n’excède jamais les 4 heures à suivre, ce qui est confirmé pour la semaine du 10 au 16 juin 2013 par le planning produit, soulignant que la salariée, qui lui a dit ne plus avoir mal au dos à la caisse depuis l’arrivée du siège assis-debout, aime occuper ce poste, elle n’en reconnaît pas moins que la situation était différente il y a plusieurs années; qu’il est établi par les analyses par caissière pour la période du 1er février au 4 juin 2011 éditées par l’employeur produites par Mme B qu’alors même que l’employeur s’abstenait de mettre un siège assis-debout à sa disposition en caisse comme conseillé par le médecin du travail, il l’a affectée pour des durées nettement plus longues que ses collègues à la caisse au cours de cette période, ce qu’elle avait d’ailleurs signalé lors de l’entretien de progrès de 2011;

Considérant qu’il est établi que Mme B a été convoquée à de nombreuses reprises par ses supérieurs hiérarchiques, de novembre 2011 à mars 2012, notamment le 8 novembre 2011, le 7 décembre 2011, le 20 janvier 2012, le 3 mars 2012 et le 7 mars 2012 et que sa supérieure hiérarchique lui a adressé, le 10 avril 2012, une lettre de rappel à l’ordre ; que s’il n’est pas établi que lors de l’entretien du 8 novembre 2011, le directeur régional, M. G, ait tenu des propos menaçants ou déstabilisants à Mme B, Mme H, déléguée syndicale, qui n’était pas présente lors de l’entretien, ne faisant que rapporter les dires de l’intéressée, il est établi en revanche par une attestation de Mme A que l’intéressée a subi un harcèlement continuel de la part des directeurs qui ont remplacé Mme Y, laquelle a été absente durant environ huit mois, du 10 octobre 2011 à la mi-juin 2012 et que c’est Mme B qui subissait le plus de remontrances; que Mme A relate qu’en décembre 2011, Mme B et X (R), dont il ressort des pièces produites qu’elle était déléguée du personnel, ont passé 1h30 dans le bureau de la directrice suite à une mauvaise note de cliente mystère;

Considérant qu’il est également établi que si Mme B, engagée par contrat à durée indéterminée le 30 décembre 1996, en qualité de vendeuse débutante, qualification relevant de la classification employé, catégorie B de la convention collective (« Vendeur débutant.- Ne possède pas de CAP et n’a pas une année de pratique professionnelle »), a été classée employé, catégorie C à compter du 1er septembre 1997 (Vendeur 1er échelon.- Est titulaire d’un CAP de vendeur ou a au moins 1 an de pratique professionnelle), puis classée employé, catégorie D à compter du 1er octobre 2000 (Vendeur 2e échelon.- Ayant au moins 3 ans de pratique professionnelle, ou titulaire d’un CAP de vendeur avec au moins 1 an de pratique professionnelle »), elle n’a bénéficié depuis lors et spécialement depuis sa désignation comme représentant syndical au comité d’entreprise en 2001, d’aucun changement de qualification, contrairement à Mme O A, engagée en même temps qu’elle, qui a été classée employé, catégorie F à compter du 1er septembre 2008 (Vendeur très qualifié.- Ayant acquis la connaissance approfondie de tous les articles en vente, est susceptible de présenter au client les arguments nécessaires afin de déterminer son achat de façon satisfaisante) ; qu’il ressort de la liste des conseillères de vente classées catégorie D dans l’entreprise, qu’à Brest, la seule conseillère de vente classée catégorie D est Mme B, identifiable par sa date de naissance, le 10 juin 1973;

Considérant que le salaire mensuel de base d’employé catégorie D de Mme B qui s’élevait à 805,91 euros (5 286,44 francs) pour 126,15 heures de travail en octobre 2000, soit un taux horaire 6,39 euros, s’élevait 11 ans plus tard, en janvier 2012, à 1 173,46 euros pour 126,15 heures de travail, soit un taux horaire de 9,3021euros, puis à 1 194,17 euros en juillet 2012, soit un taux horaire de 9,4663 euros, et 14,5 ans plus tard, en mai 2015, à 1 212,30 euros, soit un taux horaire de 9,61 euros, quand Mme O A, classée employé catégorie F depuis septembre 2008, percevait en janvier 2012 un salaire mensuel de base de 1212,36 euros,soit un taux horaire de 9,6105 euros, et en avril 2015 un salaire mensuel de base de 1 249,64 euros, soit un taux horaire de 9, 906 euros, alors que cette dernière atteste qu’elles font le même travail ;

Considérant qu’il est établi par les photographies du tableau d’affichage corroborées par une attestation de Mme A que Mme Y étant absente, Mme B a été désignée responsable du magasin pendant deux jours, les samedis 31 mai et 7 juin, quand Mme A a été désignée pour l’être durant quatre jours les mardi 3, mercredi 4, jeudi 5 et vendredi 6 juin, de sorte que Mme A a perçu 4 jours de prime de remplacement de directrice quand Mme B n’en a perçues que 2; que Mme A atteste que lorsqu’elle a interrogé Mme Y sur cette inégalité, celle-ci lui a répondu que c’était en raison de sa classification supérieure et du fait que Mme B est souvent absente, qu’elle ne connaît pas autant de chose qu’elle ;

Considérant que Mme A atteste qu’elle a eu 5 week-ends entre le 1er juin 2013 et le 31 mai 2014 quand Mme B n’en a eu qu’un sur cette même période ;

Considérant que les allusions ou mentions de l’employeur faisant référence à l’état de santé de Mme B ou à l’exercice de ses mandats syndicaux sont établies; que Mme A atteste que D, directeur du magasin d’Angers venu remplacer la directrice du magasin de Brest, lui a dit début janvier 2012, à propos de Mme B, en arrêt de travail pour maladie depuis trois semaines, 'est-ce qu’elle devrait travailler ''; que les photographies produites par Mme B témoignent de ce qu’il était fait mention de ses maladies sur le tableau d’affichage : en 2012: 'I maladie', ou sans date: '(Pour info, I est en arrêt pour la semaine )' ou encore 'Planning en cas d’absence prolongée de I (en espérant qu’elle revienne lundi après-midi mais RDV'; que les comptes-rendus d’entretien de progrès mentionnent son état de santé; qu’en effet, le compte-rendu de l’entretien de progrès du 28 mai 2010 mentionne que la salariée a sous-estimé la gestion de la fatigue au retour (de son congé parental) et le rythme, qu’elle n’a pas anticipé son retour « médicalement », d’où un arrêt de 15 jours au terme d’une semaine de reprise; que le compte-rendu de l’entretien de progrès de 2011 indique qu’elle a été durant quatre mois en mi-temps thérapeutique et que la gestion physique du retour du congé parental a été compliquée; que le compte-rendu de l’entretien du 8 juillet 2013 relève qu’elle n’a pas eu beaucoup d’arrêts hormis un arrêt de 12 jours et une hospitalisation avec grippe; que le compte-rendu de l’entretien de progrès du 8 juillet 2014 fait référence à la fois à son état de santé et à ses activités syndicales, en mentionnant que l’intéressée n’a pas eu le temps de faire les formations e learnings fidélisation et sécurité compte-tenu de ses absences (nombreux mandats et celui du CCE en plus) et qu’elle doit faire les e learnings en retard, en indiquant qu’il lui a été difficile de faire le réassort sous-vêtements comme prévu du fait de réunions et de maladies et en soulignant que du fait d’absences répétés (réunions, maladies), la conseillère de vente et la directrice du magasin se sont beaucoup croisées et que les réunions ou rencontres prévues n’ont pas pu suffisamment se faire; que le compte-rendu de l’entretien de progrès de 2015 mentionne ses activités syndicales:

' Toujours pas de changement de catégorie possible car les formations n’ont pas toutes été faites en ce sens (timing).

Possibilité de 20 heures de délégation par mois (15+5 avec les mandats IRP : un droit à ne pas avoir à justifier)';

Considérant que les éléments de fait ci-dessus retenus comme établis laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte à l’égard de Mme B en raison de son état de santé et de ses activités syndicales, il incombe à la société Damart-Serviposte, au vu des ces éléments, de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination;

Considérant que le fait que le médecin du travail qui a examiné Mme B a écrit dans des avis de 2010 et 2011 que la mise à disposition de celle-ci d’un siège assis-debout est conseillé sans que l’employeur, tenu de prendre toutes dispositions pour préserver la santé des salariés au travail, ne mette ce type de siège à la disposition de la salariée avant le 26 janvier 2012, peu après l’avis du 18 janvier 2012, le rappelant, n’est justifié par aucun élément objectif ; que le médecin du travail confirmera le 8 février 2012 : « Siège assis-debout à utiliser en caisse » ;

Considérant que l’absence d’avis médical contre-indiquant l’affectation de Mme B en caisse pour de trop longues durées ne peut à lui seul justifier l’affectation de celle-ci à la caisse en 2011 pour des durées nettement supérieures à celles de ses collègues, alors même que l’employeur ne mettait pas à la disposition de l’intéressée le siège assis-debout en caisse que le médecin du travail conseillait;

Considérant que s’il est établi que Mme Y, directrice du magasin de Brest, ayant été absente pendant huit mois, du 10 octobre 2011 à la mi-juin 2012, trois directeurs d’autres magasins (D, W, AA) se sont relayés durant trois mois de mi-octobre 2011 à mi-janvier 2012, 2 jours par semaine, pour le remplacer, avant qu’une directrice, Mme E, soit nommée à titre provisoire, cette situation n’est pas de nature à justifier la réflexion faite par le directeur prénommé D à Mme A à propos des absences pour maladie de Mme B;

Considérant que les mentions relatives à la maladie de Mme B sur le tableau d’affichage du magasin ne sont justifiées par aucun élément objectif étranger à toute discrimination; qu’en effet s’il est loisible à l’employeur de mentionner l’absence d’un salarié sur le tableau d’affichage pour justifier le planning mis en place, aucun élément objectif ne justifie qu’il y soit fait état de la maladie à l’origine de cette absence;

Considérant que s’agissant des convocations de Mme B par le directeur régional, M. G, celles-ci sont justifiées par un élément objectif étranger à toute discrimination, l’entretien du 8 novembre 2011 ayant été sollicité par Mme B elle-même par l’intermédiaire de Mme H, déléguée syndicale, et l’entretien du 20 janvier 2012, étant justifié par la réception du courrier de son avocat du 12 janvier 2012;

Considérant que s’agissant des entretiens avec les directeurs de magasin, la société Damart-Serviposte fait valoir qu’il s’agissait d’entretiens normaux pour débriefer de l’activité du magasin à un instant donné et identifier les actions correctrices éventuelles à mettre en place ; que cependant ce motif ne peut justifier l’entretien de 1h30 de Mme B et X R avec Mme Z en décembre 2011, à la suite d’une mauvaise note de cliente mystère alors qu’il est prévu de cacher la date et l’heure de la réalisation de l’enquête dans le document diffusé sur ses résultats, une telle enquête ne devant pas être utilisée pour sanctionner un salarié, ainsi que la direction l’a déclaré lors de la réunion du CE du 22 février 2012, dont le compte-rendu est versé aux débats;

Considérant que ce motif justifie en revanche l’entretien de Mme B avec Mme E du 3 mars 2012, à propos des faits donnant lieu à la lettre de rappel de procédure, la directrice du magasin pouvant légitimement chercher à comprendre la différence de caisse constatée et attirer l’attention de la salariée sur la procédure à respecter en matière de remboursement; qu’il justifie également l’entretien de Mme B et d’X R avec Mme E du 7 mars 2012 à propos des chiffres du 5 mars 2012; qu’il résulte en effet des états de synthèse édités par Mme E produits par l’employeur que le 5 mars 2012 de 17h à 19h, le nombre de visiteurs a été de 54, le nombre de tickets encaissés de 3 et le chiffre d’affaires net réalisé de 122,22 euros et le taux de transformation de 29,72% contre 37,97% le même jour de 10h à 17h28 ; qu’au vu de ces résultats et notamment de la forte baisse du taux de transformation, il était effectivement légitime pour la directrice du magasin de chercher à comprendre ce qui s’était passé en recueillant les explications des deux salariées présentes afin d’identifier les difficultés qu’elles avaient pu rencontrer; qu’il n’est pas établi, en l’absence de tout élément venant corroborer les dires de Mme B sur le déroulement de l’entretien et les propos tenus par la directrice, que cet entretien ait été susceptible de déstabiliser l’intéressée;

Considérant que si la lettre de rappel à l’ordre adressée par Mme E, directrice du magasin, à Mme B le 10 avril 2012 était justifiée en ce qui concerne le remboursement par Mme B le samedi 11 février 2012 d’un achat de 37,90 euros effectué le 7 février 2011, un remboursement en espèces par une caissière ne pouvant se faire qu’après validation de la directrice ou d’une personne habilitée, ce qui ressortait d’instructions mises en place avant la fiche 200 diffusée le 10 avril 2012 et Mme Y attestant qu’en avril 2010, elle a formé Mme B sur les procédures qui avaient évolué durant son congé maternité et son congé parental, notamment sur les tickets d’échange avec remboursement (dupliqués et signés par la cliente et accord de la personne habilitée, soit la directrice, la conseillère principale ou toute conseillère de catégorie F), il n’est pas établi que l’erreur de 28,90 euros dans la caisse le samedi 11 février 2012 ait été imputable à Mme B, dès lors que celle-ci n’était pas la seule à avoir réalisé des encaissements en espèces sur cette journée et que tout le monde avait accès à la caisse; que, sur ce point, la mise en garde de l’employeur n’est pas justifiée par une raison objective;

Considérant que la société Damart-Serviposte ne justifie pas non plus par des raisons objectives les remontrances répétées adressées à Mme B par les directeurs qui ont remplacé Mme Y, relatées dans une attestation de Mme A et qualifiées par celle-ci de harcèlement continuel;

Considérant que l’absence de toute évolution de la qualification de Mme B depuis octobre 2000 n’est justifiée par aucun élément objectif; que les comptes-rendus d’entretiens de progrès de Mme B et de Mme A pour l’année 2012, au demeurant non signés par les salariées, de sorte qu’ils sont inopposables à Mme B, sont impropres à justifier l’évolution de carrière différente de ces deux conseillères de vente pour la période antérieure; que la société Damart-Serviposte n’établit pas que les intéressées n’ont pas suivi les mêmes formations ou, en toute hypothèse, qu’elle a mis Mme B en mesure, nonobstant ses absences pour maladie et la prise d’heures de délégation, de suivre les formations adaptées à une évolution professionnelle comparable à celle de Mme A;

Considérant que la disparité salariale entre Mme B et Mme A n’est justifiée par aucun élément objectif dès lors qu’il n’est pas rapporté la preuve que, dans les faits, les deux conseillères de vente n’accomplissaient pas le même travail, contrairement à ce qu’atteste Mme A;

Considérant que les faits concernant les week-ends dont la salariée n’a pas bénéficié ne sont justifiés par aucun élément objectif;

Considérant que la discrimination de Mme B à raison de son état de santé et de ses activités syndicales est dès lors caractérisée; qu’elle a causé à la salariée un préjudice que la cour fixe à la somme de 8 000 euros; qu’il convient en conséquence d’infirmer de ce chef le jugement entrepris et de condamner la société Damart-Serviposte à payer ladite somme à Mme B à titre de dommages-intérêts;

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Brest en date du 29 novembre 2013 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la société Damart-Serviposte à payer à Mme B la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination à raison de son état de santé et de ses activités syndicales, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne la société Damart-Serviposte à payer à Mme B la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Déboute la société Damart-Serviposte de cette même demande,

Condamne la société Damart-Serviposte aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, et signé par Madame Régine Capra, président, et Madame K L, greffier.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rennes, 9 décembre 2015, n° 14/00374