Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 15 décembre 2016, n° 16/00335

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Chronologie de l’affaire

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Me Mathilde Charmet-ingold · consultation.avocat.fr · 18 avril 2018

Par une décision rendue tout récemment, le 14 février dernier, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser sa jurisprudence rendue l'année dernière et notamment les cas dans lesquels le juge judiciaire peut ordonner le démantèlement d'éoliennes. (Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, n° 17-14.703, Publié au bulletin. https://www.doctrine.fr/d/CASS/2018/JURITEXT000036648653) Il est important de rappeler que l'implantation et l'exploitation d'éoliennes sont régies par deux législations distinctes : - leur construction relève des règles d'urbanisme applicables en matière de …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 4e ch., 15 déc. 2016, n° 16/00335
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 16/00335
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

4e Chambre

ARRÊT N° 504

R.G : 16/00335

HR / FB Copie exécutoire délivrée

le :

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2016 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,

Assesseur : Monsieur BH-BI BJ, Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Conseiller,

GREFFIER :

Madame K AA, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Novembre 2016

devant Madame Hélène RAULINE et Monsieur BH-BI BJ, magistrats tenant seuls l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Décembre 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Madame C D

XXX

Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur Q D

XXX

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur I J

XXX

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame U V épouse X

Kernouzic

XXX

Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur AF X

Kernouzic

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur AB AM

Kermanu

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur E AI

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame G H épouse Y

Niziau

XXX

Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur AN-AW Y

Niziau

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur AR AS

XXX

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame K L épouse A

XXX

XXX

Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur AN-AZ A

XXX

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur O P

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame AJ AK

Mezrgolen

XXX

Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur AN AK

Mezrgolen

XXX

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

XXX

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

23-25 rue AN-AW Rousseau

XXX

Représentée par Me Christophe SCHODEL de la SCP WENNER – SCHÖDEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Courant 2008, la société Parc Eolien de Guern a édifié et mis en service trois éoliennes et un poste de livraison sur un terrain sis lieu-dit Niziau à Guern (56) en vertu d’un permis de construire délivré le 8 avril 2005 et d’un permis modificatif du 30 janvier 2009.

Par un jugement en date du 5 février 2009, à la demande de l’association contre le projet éolien de Guern, le tribunal administratif de Rennes a annulé le permis de construire.

Par un arrêt en date du 7 avril 2010, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement et annulé l’arrêté du 8 avril 2005.

Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt le 28 septembre 2012.

La société Parc Eolien de Guern a déposé une nouvelle demande de permis de construire le 17 décembre 2012 qui a été rejetée le 28 novembre 2013. Le 23 mai 2014, elle a déposé une requête devant le tribunal administratif de Rennes à l’encontre de l’arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par acte d’huissier en date du 25 septembre 2014, l’association contre le projet éolien de Guern, monsieur et madame AN-AW Z, monsieur AR AS, monsieur et madame AN-AZ A, monsieur O AE, monsieur et madame AN AK, monsieur et madame Q D, monsieur I N, monsieur et madame X, monsieur AB AC et monsieur E F (les consorts Z) ont fait assigner la société Parc Eolien devant le tribunal de grande instance de Lorient sur le fondement des articles L. 480-13 du code de l’urbanisme et 1382 du code civil, subsidiairement, de la théorie du trouble anormal de voisinage, aux fins de voir ordonner le démontage des éoliennes et du poste de livraison et payer des dommages-intérêts, à titre subsidiaire, voir désigner un expert pour évaluer les préjudices et condamner la défenderesse à payer des provisions.

Par une ordonnance en date du 6 novembre 2015 rectifiée le 24 novembre suivant, le juge de la mise en état, faisant droit à l’exception d’incompétence soulevée par la défenderesse, a déclaré le tribunal de grande instance incompétent rationae matériae sur la demande de démolition des éoliennes, renvoyé les demandeurs à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de Rennes, dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné les demandeurs aux dépens.

L’association contre le projet éolien de Guern et les consorts Z ont interjeté appel de cette décision le 12 janvier 2016.

Les parties ont conclu.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions en date du 11 mars 2016, l’association contre le projet éolien de Guern et les consorts Z demandent à la cour, au visa de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, d’infirmer les ordonnances du 6 et du 24 novembre 2015, de déclarer le tribunal de grande instance de Lorient compétent pour statuer sur la demande de démolition des éoliennes et de condamner la société Parc Eolien Guern à lui payer 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ils reprochent tant à la société exploitante qu’aux autorités publiques de ne pas avoir tiré les conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat en laissant fonctionner les éoliennes en toute irrégularité. Ils font valoir que l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme confie au juge civil le pouvoir d’ordonner la démolition, notamment lorsque le permis de construire a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative, celle-ci n’ayant aucune compétence en la matière, contrairement à ce qui a été jugé. Ils invoquent un arrêt de la Cour de cassation du 22 mai 1997 qui a rappelé l’autonomie du juge judiciaire en jugeant qu’une autorisation obtenue au titre de la législation des installations classées ne pouvait faire obstacle au succès

d’une action en démolition fondée sur la méconnaissance des dispositions du plan d’occupation des sols. Ils estiment qu’une décision contraire reviendrait à vider de sens le texte pré-cité. Or, le conseil d’Etat a annulé le permis de construire en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact et de la méconnaissance de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, c’est à dire en violation des règles d’urbanisme, lesquelles sont indépendantes et distinctes de la délivrance d’une autorisation au titre de la législation des installations classées. Selon eux, le risque de projection des pales est inhérent à la construction des éoliennes et non à leur exploitation car, si elles avaient implantées à distance suffisante des habitations, elles ne comporteraient aucun risque.

Dans ses dernières conclusions en date du 10 mai 2016, la société Eolien Guern demande à la cour de débouter l’association contre le projet éolien de Guern et les consorts Z de leur appel, de confirmer les ordonnances déférées et de condamner l’association contre le projet éolien de Guern et les consorts Z à lui payer 5 000 € au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens.

Elle réplique qu’elle exploite régulièrement le parc éolien en vertu d’une déclaration d’antériorité du 14 août 2012 en vertu de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, sous le contrôle du préfet, les installations étant automatiquement réputées classées au titre des installations classées pour la police de l’environnement (ICPE). Elle indique qu’elle a déposé une nouvelle demande de permis de construire qui a été rejetée en novembre 2013 et qu’une instance est actuellement pendante devant le tribunal administratif de Rennes. Selon elle, l’action des appelants vise à la démolition d’une ICPE. Or, dans un tel cas, les pouvoirs du juge civil sont très réduits si la demande se fonde sur les risques inhérents à son exploitation, quel qu’en soit le fondement juridique. Elle soutient que le juge civil ne peut pas ordonner la fermeture ou le démantèlement d’une ICPE qui est sous le contrôle exclusif de l’administration, ses décisions relevant de la juridiction administrative, sauf à violer l’interdiction qui lui est faite de s’immiscer dans les affaires de l’Etat. Elle indique que l’article L. 480-13 ne s’applique aux éoliennes, classées ICPE, que lorsque le permis de construire a été annulé pour des prescriptions d’urbanisme pures. Estimant que le risque de projection des pales est inhérent à l’exploitation des éoliennes, non à leur construction, il est couvert par l’article L. 511-1 du code de l’environnement.

MOTIFS

Les éoliennes relèvent de deux législations distinctes, celle relative aux règles de l’urbanisme pour leur construction et, depuis la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II, celle relative aux installations classées pour la police de l’environnement (ICPE) pour leur exploitation.

Au titre de la seconde, les éoliennes ont été intégrées à la nomenclature des ICPE par le décret du 23 août 2011. La loi a néanmoins consacré un droit acquis de l’exploitant à poursuivre l’exploitation de celles construites antérieurement à ce classement à condition de se faire connaître du préfet dans l’année suivant la publication du décret (articles L. 513-1 et L. 553-1 du code de l’environnement).

En application du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut remettre en cause, de quelque manière que ce soit, la poursuite de l’activité d’une installation classée. Il peut seulement ordonner les mesures propres à mettre fin aux troubles qu’elle engendre excédant les inconvénients normaux de voisinage, ses pouvoirs étant alors encadrés puisqu’il ne peut prendre aucune mesure qui contrarie les prescriptions édictées par l’administration dans l’intérêt public.

Il ressort du dossier que la société Parc éolien exploite les éoliennes litigieuses en vertu d’une déclaration d’antériorité en date du 21 août 2012 et que les permis de construire des 8 avril 2005 et 30 janvier 2009 ont été définitivement annulés par un arrêt du Conseil d’Etat en date du 9 octobre 2012 pour deux motifs :

— l’insuffisance de l’étude d’impact jointe au dossier de demande de permis de construire au regard de l’analyse de l’état initial de l’environnement et des mesures destinées à compenser les conséquences dommageables du projet sur l’environnement, – l’existence d’un risque d’atteinte à la sécurité publique au sens de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme en ce que les dimensions des éoliennes, la présence de maisons d’habitation à respectivement 412 mètres pour l’éolienne E4 et 450 mètres pour l’éolienne E1 et l’existence de vents à plus de 130 km/heure dans la région exposaient les habitations concernées à des risques de bris et de projection des pales.

En d’autres termes, la société exploite régulièrement des éoliennes édifiées de manière illicite.

En raison de l’indépendance des législations rappelées plus haut, l’annulation du permis de construire est sans influence sur la validité de la procédure d’installation classée.

Les appelants invoquent l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme qui donne compétence au juge judiciaire pour ordonner la démolition d’un ouvrage lorsque le permis de construire a été définitivement annulé. Toutefois, même si c’est bien le non respect des prescriptions en matière d’urbanisme qui a été sanctionné par les juridictions administratives, le risque d’atteinte à la sécurité publique étant la conséquence du non-respect des dispositions du code de l’urbanisme, il reste que le juge ne peut ordonner la démolition des éoliennes qui aurait pour effet l’arrêt de leur activité.

L’ordonnance qui a accueilli l’exception d’incompétence et renvoyé les parties à mieux se pourvoir sera dès lors confirmée.

Il n’y a pas lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Parc Eolien, les appelants étant condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement :

CONFIRME l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de société Parc Eolien,

CONDAMNE l’association contre le projet éolien de Guern et les consorts Z aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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