Cour d'appel de Rennes, 8 mars 2016, n° 14/01045

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 8 mars 2016, n° 14/01045
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 14/01045

Sur les parties

Texte intégral

3e Chambre Commerciale

ARRÊT N°132

R.G : 14/01045

BANQUE POPULAIRE DE L’OUEST

C/

M. X Y

M. Z Y

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 MARS 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Alain POUMAREDE, Président,

Mme Brigitte ANDRE, Conseiller,

Madame Véronique JEANNESSON, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Julie ROUET, lors des débats, et Madame Béatrice FOURNIER, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Janvier 2016 devant Mme Brigitte ANDRE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Mars 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

BANQUE POPULAIRE DE L’OUEST

XXX

XXX

Représentée par Me Marie-cécile PERRIGAULT- LEVESQUE de la SELARL PERRIGAULT- LEVESQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur X Y

né le XXX à XXX

Gominé

XXX

Représenté par Me Paul-olivier RAULT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur Z Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Frédéric BUFFET de la SELARL LARZUL – BUFFET – LE ROUX & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSE DES MOTIFS

Le 28 avril 2005, la SARL Y, entreprise de travaux agricoles représentée par ses co-gérants MM. X et Z Y, a souscrit auprès de la Banque Populaire de l’Ouest (la BPO) un prêt Agrilismat d’un montant de 82.300 euros, au taux de 3,60 % l’an, remboursable en 84 mensualités de 1.131,11 euros. Par actes sous seing privé du 22 avril 2005, MM. Y se sont portés cautions solidaires du remboursement de ce prêt, chacun pour une durée de 108 mois et pour la somme de 20.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.

Le 23 janvier 2006, la SARL Y a contracté auprès de la BPO un crédit- bail portant sur du matériel agricole, remboursable en 13 loyers de 34.470,60 euros toutes taxes comprises. Par actes des 25 janvier et 15 février 2006, M. X Y et M Z Y se sont respectivement portés cautions solidaires des engagements de la société, chacun pour une durée de 108 mois et pour la somme de 59.793,91 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.

Par actes sous seing privé du 3 mars 2006, MM Y se sont portés cautions solidaires de tous les engagements de la SARL Y envers la BPO , chacun pour une durée de dix ans et dans la limite de 15.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.

Le 22 juin 2006, la SARL Y a contracté un second crédit-bail, remboursable en 13 semestrialités de 8.496,61 euros toutes taxes comprises.

Par actes sous seing privé du 9 mai 2007, MM. Y se sont portés cautions solidaires de tous les engagements contractés par la SARL Y envers la BPO, chacun pour une durée de dix ans et dans la limite de 30.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.

La SARL Y ayant été placée en liquidation judiciaire le 31 mars 2010, la créance déclarée par la BPO a été admise pour 56.630,52 euros au titre du prêt Agrilsmat, 220.150,31 euros au titre du premier crédit-bail, 59.417,03 euros au titre du second et 16.051,96 euros au titre du solde débiteur du compte.

Saisi par assignation du 11 avril 2013 de la BPO, le tribunal de commerce de Rennes a, le 16 janvier 2014 :

— condamné M. Z Y à payer à la BPO la somme de 117.528,40 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2013,

— condamné la BPO à payer à M. Z Y la somme de 117.528,40 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2013,

— ordonné la compensation des créances et dettes réciproques,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné la BPO aux entiers dépens.

La BPO a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de :

— dire que l’action en responsabilité dirigée à son encontre pour manquement de son devoir de mise en garde est prescrite depuis le 19 juin 2013,

— dire qu’en toute hypothèse, elle n’a pas manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de la SARL Y,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 117.528,40 euros outre les intérêts à M. Z Y,

— condamner M. X Y à lui payer les sommes de ;

—  20.000 euros au titre du prêt Agrilsmat, outre les intérêts au taux de 3,60 % l’an à compter de l’assignation,

—  8.025,98 euros au titre du découvert en compte outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

—  29.708,51 euros au titre du premier crédit-bail outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

—  59.793,91 euros au titre du second crédit-bail outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— confirmer le jugement pour le surplus,

— condamner MM Y aux entiers dépens et au paiement de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En réponse, M. X Y demande à la cour de :

— dire que les engagements de cautions lui sont inopposables car manifestement disproportionnés à ses revenus et charges,

— débouter la BPO de toutes ses demandes,

— subsidiairement, dire que la BPO a commis une faute par l’octroi abusif de crédit à la SARL Y, lui causant un préjudice,

— condamner en conséquence la BPO à lui régler la somme de 117.528,40 euros outre les intérêts postérieurs au taux contractuel, avec capitalisation des intérêts,

— ordonner la compensation entre cette somme et celle éventuellement due

par lui-même à la BPO,

— en toute hypothèse, condamner la BPO aux entiers dépens et au paiement de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. Z Y demande à la cour de :

— dire que les actes de cautionnement lui sont inopposables sur le fondement de l’article L341-4 du code de la consommation et rejeter les demandes de la BPO,

— subsidiairement, dire que la BPO a commis une faute engageant sa responsabilité envers la caution sur le fondement de 1'article 2288 du code civil en raison de l’engagement excessif de cette dernière,

— dire que la BPO a commis une faute et engagé sa responsabilité pour octroi abusif de crédits et de locations financières d’un montant important à une société fortement endettée,

— condamner la BPO à lui régler la somme de 117.528,40 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation à titre de dommages et intérêts,

— ordonner la compensation entre ces créances respectives,

— subsidiairement, dire que compte tenu du défaut d’information annuelle de la caution, il y a lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

— condamner la BPO aux entiers dépens et au paiement de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens et prétentions des parties, il est expressément référé aux énonciations de la décision attaquée et aux conclusions déposées par la BPO le 6 mai 2014, M. X Y le XXX et M. Z Y le 4 juillet 2014.

MOTIFS

Sur la disproportion alléguée par les deux cautions

Aux termes de l’article L 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Il résulte de ce texte que la proportionnalité de l’engagement de la caution s’apprécie au jour du dit engagement, étant rappelé qu’il appartient à la caution de démontrer la disproportion dont elle se prévaut.

— sur les engagements de M. X Y

Le premier engagement de caution souscrit par M. X Y est daté du 22 avril 2005. Or en 2005, celui-ci a déclaré à l’administration fiscale un revenu professionnel de 11.089 euros représentant une moyenne mensuelle de 924 euros, son épouse déclarant, quant à elle, 947 euros par mois.

Il n’est pas contesté que M. X Y ne disposait pour tout patrimoine que de ses parts sociales dans la SARL Y, de faible valeur puisque le capital de la société s’élevait à 8.000 euros et que la société était très endettée. Le couple élevait deux enfants mineurs et supportait la charge d’un loyer mensuel de 411 euros.

Il s’infère de ces éléments que M. X Y ne disposait à l’évidence pas de revenus, ni de biens suffisants pour lui permettre de se substituer si nécessaire à la débitrice principale pour le règlement des mensualités de crédit de 1.131,11 euros. A la date de sa souscription, l’engagement était dès lors manifestement disproportionné à son patrimoine et à ses revenus.

Au la date du deuxième engagement de caution, le 25 janvier 2006, d’un montant de 59.793,91 euros, M. X Y disposait, selon son avis d’imposition des revenus de l’année 2006, des revenus mensuels moyens de 754,66 euros, son épouse ne déclarant aucun salaire. Il est constant qu’il n’avait pas acquis d’autres biens que ceux déjà détenus en 2005 et supportait des charges identiques outre l’engagement déjà contracté en 2005. Il en ressort qu’au moment de sa souscription, ce deuxième cautionnement était également manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Le 15 février 2006, la société Unimat a consenti un crédit bail à la société Y portant sur une moissonneuse-batteuse et une remorque ensileuse d’une valeur totale supérieure à 397.000 euros, les consorts Y s’étant portés cautions solidaires des sommes pouvant être dues au bailleur.

Dès lors lorsque M. X Y contractait au profit de la BPO, le 3 mars 2006, un nouvel engagement de caution d’un montant de 15.000 euros, alors que ses revenus, patrimoine et charges sus-analysés n’avaient pas évolué, il devait assumer des engagements cumulés de plus de 400 000 euros de sorte que la disproportion antérieure était encore aggravée.

Le 9 mai 2007, M. X Y s’est une dernière fois engagé au profit de la BPO à hauteur de la somme de 30. 000 euros. S’il a déclaré un revenu moyen mensuel de 1.593 euros en 2007, il ne détenait toujours pour tout patrimoine que les parts sociales de la société Y alors qu’il s’était préalablement engagé à l’égard de l’appelante pour un total de 95.793 euros, outre le cautionnement précité contracté auprès d’Unimat. Ce dernier engagement était donc, lui aussi, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

La BPO ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’une amélioration des capacités contributives de M. X Y au 11 avril 2013, date à laquelle il a été appelé. La demande en paiement sera, dès lors, rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

— sur les engagements de M. Z Y

Pour l’année 2005, l’intéressé a déclaré à l’administration fiscale un revenu de 11.962 euros soit une moyenne mensuelle de 996 euros, son épouse déclarant, quant à elle, un revenu mensuel moyen de 1.083 euros et le couple ayant trois enfants à charge.

Au titre de son patrimoine, M. Z Y disposait de ses parts sociales dans la SARL Y, de faible valeur, le capital de la société s’élevant à 8.000 euros et la société étant endettée. Il était également propriétaire, en commun avec son épouse, de sa résidence principale qu’il évalue, sans être utilement contredit à 150.000 euros, évaluation conforme à celle figurant dans une déclaration sur l’honneur effectuée en 2006 à la demande de la société Lixxbail. En contrepartie, il devait rembourser, depuis le 19 juin 2001, des mensualités d’emprunt immobilier de 911,86 euros, le capital restant dû se chiffrant en avril 2005 à 54.000 euros, de sorte que la valeur nette de son patrimoine immobilier représentait un montant de 96.000 euros.

M. Z Y justifie, par ailleurs, que par actes des 30 septembre 2003, 30 décembre 2003 et 4 mars 2004, il s’était porté caution, au profit du Crédit agricole, des engagements de la SARL Y à concurrence d’un montant total de 376.031 euros.

Lors de sa souscription le 22 avril 2005 compte tenu du montant de ses engagements antérieurs, le cautionnement consenti par M. Y était dès lors manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Au moment du deuxième engagement de caution le 15 février 2006 d’un montant de 59.793,91 euros, M. Z Y disposait, selon son avis d’imposition des revenus de l’année 2006, de 838 euros par mois, son épouse déclarant un salaire moyen mensuel de 1.100 euros tandis que les époux supportaient les mêmes charges qu’en 2005.

M. Z Y justifie ainsi qu’au 15 février 2006, au montant du premier cautionnement de 20.000 euros au profit de la BPO et de ceux d’un total de 376.031 euros au profit du Crédit agricole, s’ajoutait un nouvel engagement souscrit auprès de la CNH le 24 mai 2005 pour 62.192 euros, portant le total de ses engagements à la somme de 458.223 euros. Le nouvel engagement de 59.793,91 euros était dès lors lui aussi manifestement disproportionné aux biens et revenus dont il disposait à la date de sa conclusion.

Le 15 février 2006, M. Z Y s’est également porté caution de la société Y, auprès, d’une part, de la société Unimat au titre de deux contrats de crédit-bail d’un montant total de 515.097 euros et, d’autre part, du Crédit Agricole au titre d’un prêt d’ un montant de 19.154,20 euros portant ainsi ses engagements à 1.054.267 euros. A nouveau le 20 février 2006, l’intimé et son épouse se portaient caution solidaire au profit du Crédit Agricole pour un montant de 39.994,53 euros, le total des engagements souscrits par le mari atteignant ainsi 1.094.261,50 euros.

Compte tenu de ces engagements antérieurs alors que ses biens et revenus restaient constants, le troisième engagement de caution consenti par M. Z Y au profit de la BPO le 3 mars 2006 pour un montant de 15 000 euros était de plus fort manifestement disproportionné au sens de l’article L 341-4 du code de la consommation.

Le 24 novembre 2006, M. Z Y et son épouse se portaient caution au profit du Crédit Agricole pour un montant de 45.000 euros portant la totalité de ses engagements à 1.139.261,50 euros.

Dans ces conditions et même si ses ressources mensuelles s’élevaient à 1.593 euros au moment de sa signature le 9 mai 2007, les biens et revenus M. Z Y ne lui permettaient manifestement pas d’assumer le nouvel engagement de 30.000 euros consenti au profit de la BPO.

La BPO ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’une amélioration des capacités contributives de M. Z Y au 11 avril 2013, date à laquelle il a été appelé. La demande en paiement sera, dès lors, rejetée.

Sur les frais et dépens

La BPO qui succombe, supportera les entiers dépens de première instance et d’appel. Elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des intimés.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 16 janvier 2014 par le tribunal de commerce de Rennes en ce qu’il a rejeté la demande en paiement dirigée par la Banque Populaire de l’Ouest à l’encontre de M. X Y et l’a condamnée au paiement des dépens de première instance ;

Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

Rejette l’intégralité des demandes formées par la Banque Populaire de l’Ouest à l’encontre de M. Z Y ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Condamne la Banque Populaire de l’Ouest aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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