Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 12 septembre 2018, n° 16/03935

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 7e ch prud'homale, 12 sept. 2018, n° 16/03935
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 16/03935
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N° 353

N° RG 16/03935

SA FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE (FIDUCIAL EXPERTISE)

C/

M. C Y

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame E B

Conseiller : Madame H I

Conseiller : Madame F G

GREFFIER :

Madame X, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Avril 2018

devant Madame F G, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SA FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE (FIDUCIAL EXPERTISE), prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Claudine THOMAS, avocat au barreau d’ANGERS substituée par Me Annabelle NICOLAS, avocat au barreau d’ANGERS

INTIME :

Monsieur C Y

[…]

[…]

Comparant en personne, assisté de Me Dominique X-LARDOUX, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

EXPOSE DU LITIGE

M. Y a été embauché le 18 juin 2001 en qualité d’assistant comptable confirmé par la société E3C, coefficient N 4-260 de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes. La société E3C ayant été rachetée par la société Fiduciaire Nationale d’Expertise Comptable (ci-après 'la société'), un nouveau contrat de travail a été conclu entre les parties le 5 juillet 2006 à effet au 1er janvier 2006 avec reprise d’ancienneté au 18 juin 2001, sans changement de classification. Par avenant à effet au 1er janvier 2010, la rémunération de M. Y a été fixée à la somme forfaitaire annuelle de 23 010 euros , soit 1770 euros sur treize mois, le treizième mois étant versé en deux fois, en juin et décembre de chaque année.

Par lettre du 18 août 2014, M. Y a été convoqué à un entretien préalable fixé le 2 septembre, puis a été licencié pour insuffisance professionnelle le 16 septembre suivant.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. Y a saisi, le 14 mars 2015, le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc aux fins, dans le dernier état de ses demandes :

— de voir juger que son licenciement était nul ou, subsidiairement, dénué de cause réelle et sérieuse,

— d’obtenir de la société le paiement des sommes suivantes :

* 39 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

* 277, 73 euros au titre de la prime Fiscadial,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical,

— qu’il soit jugé que ces sommes produiront intérêts à dater de la saisine du conseil de prud’hommes pour la prime et de la décision à intervenir avec, en toute hypothèse, capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1154 du code civil,

— de voir ordonner l’exécution provisoire,

— de voir la société condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens.

La société a sollicité le rejet de ces prétentions et réclamé 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 25 avril 2016, le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc a :

— dit le licenciement de M. Y dénué de cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, condamné la société à payer au salarié les sommes suivantes :

* 39 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 277, 73 euros au titre de la prime Fiscadial,

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical,

* 1 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— dit que ces sommes produiront intérêts à dater de la saisine du conseil de prud’hommes pour la prime et de la décision à intervenir avec, en toute hypothèse, capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1154 du code civil,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— condamné la société aux dépens.

La société a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de dire qu’il n’y a pas lieu à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

M. Y demande à la cour, à titre principal, de prononcer la nullité de son licenciement, et, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Il sollicite également 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de prime

M. Y soutient que ses collègues avaient perçu dès juin 2014 la prime Fiscadial, et que constatant que tel n’avait pas été son cas, il s’en était enquis auprès de directeur régional qui s’était contenté de lui répondre que ce type de prime était attribué à une agence et distribuée au personnel selon des critères définis par le directeur d’agence en ajoutant qu’en l’occurrence, le choix de la directrice de l’agence de Saint-Brieuc concernant cette répartition avait été validé. Selon le salarié, la décision de ne pas lui verser cette prime dont la répartition aurait dû se faire de manière égalitaire, constitue tout à la fois une discrimination salariale et une atteinte au principe d’égalité de traitement.

Il ne fait pas débat qu’une prime est attribuée au personnel d’agence dès que le taux de souscription de l’assurance Fiscadial dépasse 25%.

Il est tout aussi constant que M. Y n’a pas reçu cette prime en 2014 alors que le taux de souscription de l’assurance précitée avait dépassé 25% et que les autres membres du personnel de l’agence l’ont reçue.

La société fait valoir que cette prime vise à récompenser les collaborateurs s’étant investis auprès des clients pour obtenir la souscription d’une assurance protection juridique en matière fiscale, et que M. Y ne s’est jamais associé à cette démarche, n’ayant jamais obtenu la souscription d’un tel abonnement d’un client.

L’employeur ne verse toutefois aux débats aucun document, de quelque nature que ce soit, établissant la réalité de la règle dont il se prévaut pour justifier le non règlement de la prime à M. Y.

Faute pour la société de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs pertinents, c’est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande du salarié en paiement de la somme de 277,73€.

Sur le licenciement

M. Y soutient à titre principal que son licenciement est nul car discriminatoire comme étant lié à son âge, ce que l’employeur conteste en maintenant que l’insuffisance professionnelle du salarié est caractérisée.

Les premiers juges n’ont pas statué sur cette demande.

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L. 1134-1 du même code dispose qu’en cas de litige relatif à l’application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il est constant que M. Y était âgé de 57 ans au moment de son licenciement, qu’aucun grief quant à ses compétences professionnelles et son investissement ne lui avait été adressé depuis son embauche en 2001, y compris en décembre 2013 lors de l’incident avec sa nouvelle directrice d’agence (propos déplacés à l’égard de celle-ci), qu’il lui a été proposé une rupture conventionnelle en juillet 2014 -qu’il a refusée- et qu’à cette époque, existait un projet de fusion des agences de la société sur Saint-Brieuc, qui devait du reste se concrétiser le 1er octobre 2014 par la fusion de deux des trois agences.

Ces éléments de fait, ajoutés, au surplus, au problème concomitant de la prime dont M. Y s’est

vu privé, laissent supposer l’existence d’une discrimination dans la décision de licencier le salarié.

Pour justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle, la société se prévaut d’un certain nombre de dossiers témoignant selon elle de la lenteur anormale de M. Y, d’un manque de rigueur et d’organisation et d’un non respect des directives de la hiérarchie.

Les pièces produites aux débats, essentiellement des mails émanant de la directrice de l’agence, ne permettent pas d’imputer à l’insuffisance professionnelle du salarié les retards objectivés au niveau des dates de clôture des comptes des clients concernés et de transmission à l’Administration fiscale. Pour chacun de ces dossiers, le salarié a, dès le mois de mars 2015, fourni des explications circonstanciées sur les conditions dans lesquelles il a procédé à l’établissement des liasses fiscales, et sur les problèmes auxquels il a été confronté dans ce cadre-là (dossiers hérités de collaborateurs partis en 2013, documents réceptionnés tardivement, réorganisation au sein des structures des clients compliquant l’établissement des documents, complexité des activités exercées par les clients, etc). La société évoque du reste seulement deux clients mécontents, à mettre en balance avec ceux qui se déclaraient en juillet et septembre 2014 satisfaits des services de M. Y et souhaitaient qu’il continue de s’occuper de leurs dossiers (ex': époux Z, M. A).

La société ne dément pas non plus qu’il a été demandé à M. Y des tâches nouvelles (fiches de liquidation des honoraires, projets de plaquettes et courriers d’accompagnement), de nature à alourdir sa charge de travail. Les courriels d’observations adressés par la directrice d’agence à M. Y en 2014 en ce qui concerne l’établissement et la communication de ce type de documents peuvent d’autant moins étayer la décision de l’employeur que celui-ci ne démontre pas avoir formé le salarié à ces tâches. Plus généralement, la société ne démontre pas que M. Y ne respectait pas les consignes qui pouvaient lui être données.

L’employeur ne démontrant pas que sa décision de licencier M. Y pour insuffisance professionnelle procédait de considérations objectives étrangères à toute discrimination, il y a lieu de retenir que le licenciement notifié le 18 août 2014 est nul.

M. Y, qui ne demande pas sa réintégration, est en droit de prétendre à une indemnité réparant le préjudice subi, dont le montant est au moins égal à six mois de salaire.

Compte tenu de son âge au moment du licenciement, de ce qu’il n’a pas retrouvé d’emploi depuis lors, et des conditions dans lesquelles il a été licencié, il y a lieu de confirmer le montant de dommages-intérêts alloués à M. Y par les premiers juges en réparation du préjudice subi.

Sur le suivi médical

Il ne fait pas débat que M. Y a bénéficié de visites médicales aux dates suivantes:

—  25 juin 2001(embauche)

—  23 septembre 2003 (annuelle)

—  19 mai 2005 (annuelle)

—  10 avril 2008 (périodique)

—  27 juin 2011 (périodique)

A l’issue de ces visites, le salarié a été chaque fois déclaré apte à son poste. Il a également bénéficié le 11 septembre 2013 d’un entretien infirmier.

M. Y soutient que l’intervalle entre chaque visite était trop important, que l’employeur s’est contenté en 2013 d’un entretien infirmier non suivi d’une visite médicale et n’a pas respecté les prescriptions du code du travail s’agissant des travailleurs utilisant de manière habituelle des écrans de visualisation.

M. Y, qui a été vu régulièrement par le médecin du travail tout au long de la relation contractuelle, et déclaré apte à son poste, ne démontre pas avoir subi un préjudice résultant du non respect des dispositions de l’article R 4624-16 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur prévoyant une visite médicale au moins tous les 24 mois.

Le document établi par son médecin ophtalmologiste le 23 juillet 2014, évoquant une acuité visuelle de 8/10è à droite et de 5 à 6 /10è à gauche, avec une amblyotropie strabique ( M. Y a été opéré d’un strabisme en 1967 et en 1987, soit bien avant son embauche), et un fond d''il normal, ne permet pas par ailleurs de caractériser un préjudice qui résulterait du travail sur écran et du non respect des prescriptions en la matière. Au surplus, M. Y ne s’est jamais plaint au cours de la relation contractuelle auprès de son employeur de troubles pouvant être dus au travail sur écrans de visualisation.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris sur ce point et de débouter M. Y de sa demande.

Sur les intérêts et la capitalisation

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne les intérêts et la capitalisation.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société, qui succombe pour l’essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens et payer à M. Y une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 1 300 €, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au secrétariat-greffe,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc du 25 avril 2016,

et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que le licenciement de M. Y est nul';

Déboute M. Y de sa demande de dommages-intérêts pour non respect du suivi médical';

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Condamne la société Fiduciaire Nationale d’Expertise Comptable à payer à M. Y la somme de 1 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Fiduciaire Nationale d’Expertise Comptable aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, et signé par Madame B, président, et Madame X, greffier.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

Mme X Mme B

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Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 12 septembre 2018, n° 16/03935