Cour d'appel de Rennes, Chambre étrangers hsc, 13 mai 2022, n° 22/00264

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, ch. étrangers hsc, 13 mai 2022, n° 22/00264
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 22/00264
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Rennes, 11 mai 2022
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE RENNES

N° 22/138 – N° RG 22/00264 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SX4D

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Nous, Caroline BRISSIAUD, conseiller à la cour d’appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l’appel formé le 13 Mai 2022 par fax reçu à 13h 49 par Me Samuel MOULIN, avocat au barreau de RENNES au nom de :

M. [D] [G]

né le 23 Novembre 1986 à SIPALIWININI (SURINAME)

de nationalité Surinamienne

ayant pour avocat Me Samuel MOULIN, avocat au barreau de RENNES

d’une ordonnance rendue le 12 Mai 2022 à 18 h 18 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [D] [G] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 11 mai 2022 à 18 h 10 ;

En l’absence de représentant du préfet de la Seine Maritime, dûment convoqué, qui a fait parvenir ses observations écrites par courriel,

En l’absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait valoir ses observations par avis écrit,

En présence de M. [D] [G], assisté de Me Samuel MOULIN, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 13 Mai 2022 à 15H 30 l’appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l’affaire en délibéré et le 13 Mai 2022 à 18 heures 15 avons statué comme suit :

M. [D] [G] a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris le 9 mai 2022 par le préfet de la Seine Maritime, notifiée le 9 mai 2022.

En exécution d’une décision prise par le préfet le même jour, il a été placé en rétention administrative le 9 mai 2022 à compter de 18 heures 10, cette mesure expirant le 11 mai 2022 à 18 heures10.

Par requête du 11 mai 2022, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d’une demande de prolongation pour une durée de vingt-huit jours de la rétention administrative de l’étranger ;

M. [D] [G] a contesté la régularité de l’arrêté de placement en rétention administrative ;

Par ordonnance du 12 mai 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté le recours dirigé contre l’arrêté de placement en rétention administrative, rejeté les exceptions de nullité soulevées, et prolongé la rétention de monsieur [D] [G] pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 11 mai 2022 à18 heures10.

Par mémoire de son avocat reçu au greffe de la cour le 13 mai 2022 à 13 heures 49, M. [G] a formé appel de cette ordonnance ;

L’appelant fait valoir, au soutien de sa demande d’infirmation de la décision entreprise :

— que l’arrêté de placement en rétention est illégal comme ayant été pris à l’issue d’une garde à vue irrégulière, les droits de M. [G] lui ayant été notifiés en dépit de son état d’ébriété de sorte qu’il n’a pas été en mesure de les exercer, ce qui lui a porté grief,

— le Préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes pour être assigné à résidence alors qu’il justifie d’un passeport et d’un hébergement chez sa soeur au Mans.

Il sollicite par ailleurs la condamnation de l’autorité requérante au versement de la somme de 800 € sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle.

Le préfet de la Seine Maritime a fait parvenir ses observations au greffe de la cour, le 13 mai 2022 à 14 heures 55, aux termes desquelles il indique s’en rapporter à ses premières écritures.

Le Procureur Général, suivant avis écrit du 13 mai 2022, sollicite la confirmation de la décision entreprise, en faisant observer que les notions d’alcoolémie et d’ivresse sont radicalement différentes, l’officier de police judiciaire ayant pu relever sans contradiction que le mis en cause présentait un taux d’alcoolémie, mesuré de manière objective en dehors de tout signe d’ébriété, sans pour autant constater qu’il était en état d’ivresse au point de ne pas pouvoir comprendre ses droits.

À l’audience, M. [G], assisté de son avocat fait développer oralement les termes de son mémoire d’appel et maintient ses demandes.

SUR QUOI,

L’appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

Sur le moyen de nullité de la procédure

Le conseil de M. [G] soutient que la procédure de garde à vue est irrégulière en ce que la garde à vue et les droits y afférents ont été notifiés à son client alors que celui-ci était alcoolisé. Il considère que cette notification aurait dû être différée afin de lui permettre de comprendre les droits notifiés et de les exercer.

Le respect des dispositions de l’article 63-1 du code de procédure pénale suppose que la personne soit apte à comprendre la portée des droits qui lui sont notifiés. Tel n’est pas le cas de la personne en état d’ivresse. Il est d’ailleurs constant que l’état d’ébriété de la personne gardée à vue constitue une circonstance insurmontable justifiant le report de la notification de la mesure au moment où elle est en mesure d’en comprendre la portée.

En l’espèce, M. [G] a été placé en garde à vue le 8 mai 2022 à 6h02, heure à laquelle il s’est vu notifier ses droits, avec effet rétroactif à 5h45, moment de son interpellation et qu’il présentait un taux de 0,59 mg par litre d’air expiré.

Cependant la notion d’alcoolémie ne recouvre pas celle d’ivresse, qui en l’occurrence ne ressort pas des pièces de la procédure.

Le procès verbal d’interpellation fait seulement état d’un énervement et d’une excitation, cohérente avec le contexte de rixe, tandis que M. [N] [T], témoin des faits précise que si M. [G] était alcoolisé, il savait néanmoins ce qu’il faisait.

L’inaptitude de l’intéressé à comprendre la portée de ses droits ne peut se déduire du seul fait qu’il ait refusé de signer le procès-verbal de notification ou encore qu’il ne les ait pas effectivement exercés dans un premier temps.

En l’espèce, c’est par une juste appréciation des faits de la cause et une exacte application de l’article 63-1 du code de procédure pénale et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré qu’aucun élément de la procédure ne permettait de considérer que M. [G] présentait un état d’ébriété tel qu’il était incapable de comprendre les droits notifiés et de les exercer.

Par conséquent, aucune nullité de l’arrêté de placement en rétention n’est encourue du fait de la nullité de la garde à vue.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation,

L’article L741-1 du CESEDA prévoit que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.

L’article L612-3 du CESEDA dispose que le risque que l’étranger se soustrait à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, si :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;

7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

L’article 15-1 de la Directive 2008/115/CE prévoit qu’à moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsqu’il existe un risque de fuite.

Un acte administratif doit s’apprécier en considération des éléments dont disposait l’autorité administrative au moment de le décider.

En l’espèce, le premier juge a exactement retenu que M. [G] s’est déclaré domicilé au Havre, chez Mme [J] et que la préfecture ne pouvait envisager une assignation à résidence à cette adresse, compte tenu des faits de violences conjugales qui lui étaient reprochés. Il ne ressort ni de l’audition de la victime ni de celle de M. [G] que celui-ci disposait alors d’une résidence stable au Mans, chez sa soeur.

Ce n’est que lors de l’audience devant le juge des libertés et de la détention que M. [G] a justifié d’un autre hébergement, en produisant une attestation de sa soeur et un justificatif de domicile de cette dernière.

C’est donc pas une motivation pertinente que la cour adopte que le premier juge a rejeté le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de la part de la préfecture.

Sur le fond,

Aux termes des articles L.741-3 et L. 751-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet.

Le premier juge a considéré par des motifs pertinents et non critiqués par l’appelant, que la cour adopte, que la préfecture avait effectué toutes les diligences en vue du retour.

Il est constant que M. [G] a remis un passeport en cours de validité.

Il déclare vivre chez sa soeur, Mme [G] [F] au Mans depuis trois mois seulement. Lors de son audition en garde à vue, il avait cependant déclaré l’adresse de sa concubine, Mme [J], au Havre.

Sa soeur, [R] [Z] résidant à Rennes atteste que la famille est prête à le soutenir dans ses démarches.

Les attaches familiales sur le territoire national ne sont pas inexistantes. Pour autant, M. [G] ne justifie d’aucune résidence effective et stable.

Par ailleurs, il ne justifie d’aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative, ni d’aucune ressource légale.

Les conditions de l’assignation à résidence ne sont donc pas remplies.

Il y a lieu de confirmer la décision entreprise.

La demande formée par l’avocat de M. [G] au titre des frais irrépétibles sera rejetée et les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS

Déclarons l’appel recevable,

Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 12 mai 2022,

Y ajoutant,

Rejetons la demande formée par le conseil de l’étranger au titre des frais irrépétibles,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 13 Mai 2022 à 18 heures 15.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. [D] [G], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier

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