Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 7 avril 2022, n° 19/02994

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 7e ch prud'homale, 7 avr. 2022, n° 19/02994
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 19/02994
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°277/2022


N° RG 19/02994 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PX3B

[…]

C/

Mme X, J H


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 AVRIL2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,


Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,


Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur F G, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,

DÉBATS :


A l’audience publique du 08 Février 2022 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial


En présence de Monsieur Y, médiateur judiciaire

ARRÊT :


Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Avril 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 24 Mars 2022

**** APPELANTE :

[…]

[…]

[…]


Représentée par Me Catherine FEVRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER, substitutée à l’audience par Me Julia NEAU-LESCOP, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

Madame X, J H

née le […] à […]

[…]

[…]


Représentée par Me Ronan TIGREAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTERVENANTE :

Etablissement Public POLE EMPLOI BRETAGNE

[…]

[…]


Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES, substituée à l’audience par Me Charles PIOT, avocat au barreau de RENNES

***

EXPOSÉ DU LITIGE


La Fondation Massé Trévidy spécialisée dans le secteur d’activité de l’hébergement social, emploie un effectif de plus de 800 salariés.


Elle applique la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapée du 15 mars 1996.

Mme X H a été embauchée le 15 janvier 1990 par la Fondation MASSE TREVIDY selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en qualité d’éducatrice spécialisée.


Par avenant du 10 avril 2000, la salariée est passée à temps complet au sein du SAES ( Service d’accompagnement éducatif spécialisé) dédié aux jeunes majeurs en difficultés d’insertion.


A la suite de la diminution des budgets alloués par le Conseil départemental du Finistère, la fondation MASSE TREVIDY a procédé à la réorganisation des services de la Prévention spécialisée et de la Protection de l’enfance, entraînant un redéploiement des salariés concernés vers un nouveau service DIAZ, regroupant le SAES, un foyer éducatif de mineurs, un dispositif Ado pour jeunes déscolarisés, ou vers d’autres établissements de l’association.


Le 26 novembre 2015, Mme H a rencontré le Directeur de Pôle M. BEAUVAIS et la Directrice de la Protection de l’enfance Mme Z afin d’évoquer les possibilités de mobilité et de reclassement au sein de la Fondation.


A la suite de cet entretien, la salariée a confirmé dans un courrier du 30 novembre 2015 son souhait d’intégrer l’équipe éducative du nouveau service DIAZ mais avec des horaires adaptés, réguliers de jour, en invoquant le bénéfice de l’accord d’entreprise ' seniors’ au regard de son état de santé et de son âge (58 ans).


Le 2 décembre 2015, Mme H a été avisée que sa candidature était retenue dans l’équipe éducative du service DIAZ.


Le 15 décembre 2015, la salariée a obtenu, à sa demande, un second entretien avec le directeur de pôle et la directrice de la protection de l’enfance à l’issue duquel elle s’est rendue accompagnée d’une déléguée syndicale et elle est sortie en pleurs.


Le lendemain 16 décembre 2015 au matin, la salariée a repris son poste de travail qu’elle a quitté précipitamment avant de consulter son médecin traitant qui l’a placée en arrêt de travail de manière ininterrompue.


Parallèlement, la salariée a saisi la CPAM d’une demande de reconnaissance de l’accident de travail survenu le 15 décembre 2015. Par décision du 30 mars 2017, la commission de recours amiable de la caisse a considéré que Mme H était fondée à obtenir la prise en charge de ses lésions médicales constatées au titre de la législation sur les accidents de travail.


Le 2 octobre 2017, à l’issue de la visite de reprise, le médecin du travail a émis un avis provisoire d’inaptitude de Mme H à son poste.


Le 12 octobre 2017, après avoir réalisé une étude de poste, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude de la salariée à son poste 'en raison de son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise.'


Le 27 octobre 2017, l’employeur a notifié à la salariée son licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement.


Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme H a saisi le conseil de prud’hommes de Quimper le 11 mai 2018 afin de voir :


- Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.


- Obtenir des dommages-intérêts :


- pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 60.430,64 Euros,


- pour préjudice moral : 6.000 Euros.


- Obtenir le paiement d’un article 700 du code de procédure civile : 2.000 Euros.


- Exécution provisoire.


- Entiers dépens.
La FONDATION MASSE TREVIDY a demandé au conseil de prud’hommes une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 2.000 Euros.

Par jugement en date du 5 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Quimper a :


- Dit que le licenciement de Mme H est sans cause réelle et sérieuse.


- Condamné la FONDATION MASSE TREVIDY en la personne de son représentant légal à payer à Mme H les sommes suivantes :


- 60 430,64 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,


- 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


- Ordonné à la FONDATION MASSE TREVIDY, conformément à l’article L.1235-4 du Code du Travail le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme H du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de six mois d’indemnités versées.


- Ordonné l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile.


- Débouté Mme H du surplus de ses demandes.


- Débouté la FONDATION MASSE TREVIDY de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.


- Mis les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d’une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 08 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d’Huissiers de justice.

***


La FONDATION MASSE TREVIDY a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 3 mai 2019.


En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 18 décembre 2019, la FONDATION MASSE TREVIDY demande à la cour de:

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté Madame H de sa demande de dommages et intérêt pour préjudice moral.


- Débouter Mme H de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.


- Condamner Mme I paiement d’une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile à la Fondation Massé Trévidy et aux entiers dépens.


En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 30 septembre 2019, Mme H demande à la cour de :


- Confirmer le jugement en ce qu’il :


- Dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- Condamné la Fondation Massé Trévidy à lui verser les sommes suivantes :


- 60.430,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,


- 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.


- Réformer le jugement en ce qu’il a débouté Mme H de sa demande de dommages et intérêts, à hauteur de 6.000 euros, en réparation du préjudice moral.


- Condamner en conséquence la FONDATION MASSE TREVIDY à lui verser:


- la somme de 6.000 euros en réparation du préjudice moral,


- la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,


- Condamner la FONDATION MASSE TREVIDY aux entiers dépens.


En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 21 juin 2019, Pôle Emploi Bretagne demande à la cour de :


- Condamner la FONDATION MASSE TREVIDY à rembourser auprès du POLE EMPLOI les indemnités versées à Mme H, dans la limite de 6 mois d’allocations, soit 10.584,85 €.


- Condamner la FONDATION MASSE TREVIDY à verser à POLE EMPLOI la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.


- Condamner la même aux entiers dépens.

***


La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 14 décembre 2021 avec fixation de l’affaire à l’audience du 08 février 2022.


Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement


La FONDATION MASSE TREVIDY conclut à l’infirmation du jugement qui s’est fondée à tort dans sa motivation sur la décision de la commission de recours amiable de la CPAM, ne s’imposant pas aux juridictions prud’homales et au demeurant inopposable à l’employeur ; que sur le fond, le sentiment subjectif de Mme H ayant vécu l’entretien du 15 décembre 2015 avec ses supérieurs hiérarchiques comme 'un entretien de déstabilisation et d’acharnement' ne suffit pas à caractériser un manquement fautif de l’association en l’absence de preuve des propos discourtois ou agressifs de M. BEAUVAIS et de Mme Z;

que l’association a démontré qu’elle avait toujours respecté les restrictions médicales concernant l’aptitude de la salariée à son poste dont elle ignorait la qualité de travailleur handicapé ; que dans le cadre de la réorganisation des services en janvier 2016, elle a étudie les solutions de reclassement de Mme H dont les exigences en termes de poste et d’horaires de travail ne pouvaient pas être intégralement satisfaites.

Mme H fait valoir à l’inverse que les agissements fautifs de ses supérieurs hiérarchiques, en particulier lors de l’entretien du 15 décembre 2015, sont à l’origine de son inaptitude et de la perte consécutive de son emploi; que l’employeur n’a pris aucune mesure dans le cadre de l’accord cadre et du plan d’action pour les seniors applicable depuis 2013, qu’une attention devait lui être accordée alors qu’elle était reconnue travailleur handicapé; qu’il ne lui a proposé durant son arrêt de travail que deux postes, l’un à temps partiel et l’autre de qualification inférieure, sans interroger les délégués du personnel sur d’éventuelles propositions de reclassement ; qu’il a ainsi tout mis en oeuvre pour la contraindre à la démission.


Le licenciement d’un salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse si l’inaptitude a pour origine un manquement fautif de l’employeur.


L’employeur a, en application de l’article L4121-1 du code du travail une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, dont il ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve qu’il a pris toutes les mesures suffisantes pour s’en acquitter.


Il résulte des pièces produites que :


- Mme H âgée de 57 ans travaillait en qualité d’Educatrice Spécialisée, avant la réorganisation des services, au sein du Service d’accompagnement éducatif spécialisé ( SAES) de Quimper depuis 25 ans sur des horaires de journée.


- elle était déclarée le 4 juin 2015 apte avec des restrictions ' éviter la manutention lourde’ par la médecine du travail.


- Mme H concernée par la fusion de plusieurs services et la réorganisation des postes d’éducateurs à effet au mois de janvier 2016, a émis des voeux en faveur d’un poste de jour au sein d’un service en charge de jeunes majeurs.


- le 26 novembre 2015, lors d’un premier entretien avec les responsables du service M. BEAUVAIS et Mme Z, il lui a été indiqué que le nouveau service DIAZ ne travaillerait pas de nuit mais sur des horaires allant de 7 heures 30 à 22 heures ou 23 heures. Elle s’est positionnée pour intégrer le service DIAZ sur des horaires réguliers de jour. Elle a décliné une proposition d’un emploi en EPHAD en horaires de jour, en invoquant l’absence de qualification pour travailler dans ce secteur.


- dans un courrier du 30 novembre 2015, elle a renouvelé son souhait d’intégrer DIAZ sur des horaires de jour et adaptés dans le cadre des accords seniors.


- le 2 décembre 2015, elle a été informée de son rattachement dans l’équipe DIAZ.


- le 15 décembre 2015, lors d’un entretien avec M. BEAUVAIS et Mme Z, qu’elle avait sollicité, la salariée a renouvelé sa demande à bénéficier de l’accord cadre en faveur des salariés seniors de plus de 55 ans,


- le 8 janvier 2016, elle s’est vue proposer une affectation dans le service DIAZ avec des horaires de travail en semainedu lundi au jeudi-, irréguliers et au-delà de 19 heures., outre 10 week-ends par an ( Pièce 11).

Mme H invoque le non-respect par l’employeur de l’accord d’entreprise relatif aux seniors signé le 24 septembre 2013, par la Fondation, notamment dans son article 6 intitulé ' Objectif d’embauche et de maintien dans l’emploi des salariés âgés', à :


- 'améliorer les conditions de travail et de prévention des situations de pénibilité des salariés âgés de 55 ans et plus.


- solliciter dans le cadre des CHSCT la CARSAT et des services de la santé au travail pour identifier les risques d’usure professionnelle et renforcer la prévention de ces risques, notamment par l’adaptation et l’aménagement des postes de travail. Le suivi sera établi et communiqué au CHSCT.


- aménager en priorité les postes de travail reconnus comme pénibles par le document unique de prévention des risques professionnels et tenus par des salariés âgés de 55 ans et plus, en favorisant la mobilité sur des postes adéquats.


- diffuser avec l’aide du médecin du travail et après consultation du CHSCT une documentation pratique et complétée sur les actions de prévention des situations de pénibilité.


- anticiper l’évolution des carrières professionnelles et gestion des âges, notamment par le suivi de l’entretien de deuxième partie de carrière et/ou du bilan de compétence dont elle favorise la mise en place.


- proposer aux salariés de 55 ans et plus d’aménager leur temps de travail en optant pour un temps partiel (..).

Mme A, âgée de 57 ans au moment de la réorganisation, était concernée par ce dispositif, ce que la FONDATION ne conteste pas, s’inscrivant dans le cadre légal des articles L 5121- 6 et suivants du code du travail relatif au contrat de génération.


Comme l’ a déjà souligné le Conseil, l’employeur s’abstient de fournir aux débats le moindre document en lien avec les mesures de prévention et le plan d’action mentionné dans l’accord collectif signé le 24 septembre 2013 et de justifier, s’agissant d’une salariée, âgée de 55 ans depuis le 11 octobre 2013, de la mise en oeuvre d’un bilan de compétence, des actions de prévention des situations de pénibilité et des propositions d’aménagement du temps de travail et ce en méconnaissance des engagements pris dans l’accord d’entreprise.


Par ailleurs, l’employeur qui s’était engagé, dans le cadre du projet de réorganisation du Pôle Enfance prévue en janvier 2016, à étudier les candidatures des salariés concernés à compter du mois d’octobre 2015, à leur transmettre un tableau 'réactualisé’ des emplois vacants ou susceptibles d’être vacants (pièce 5), ne démontre pas avoir satisfait à ses engagements d’information et de transparence à l’égard de Mme H comme l’illustre son courrier du 30 novembre 2015 : ' après m’avoir dit qu’aucun poste de jour n’était disponible sur DIAZ, ni sur le Pôle Enfance actuellement, vous m’avez proposé un poste en EPHAD que j’ai refusé , ne me sentant pas compétente ni formée pour la prise en charge de cette population.. J’ai donc été très surprise d’apprendre après mon entretien qu’il était envisagé un poste de coordination sur Kerlan, de même que le maintien des postes du DA en horaires réguliers. Compte tenu de ma situation, ces postes auraient pu également m’intéresser. Je trouve regrettable de n’en avoir pas eu l’information.'

Mme H, à l’origine d’une nouvelle demande de rendez-vous formulé dans son courrier du 30 novembre 2015, a rencontré M. BEAUVAIS Directeur de Pôle et Mme Z, Directrice Protection Enfance, lors d’un entretien fixé le 15 décembre 2015 afin de solliciter des horaires adaptés dans le cadre des accords seniors ( courrier du 30 novembre 2015). Les doléances de Mme H se plaignant de l’attitude discourtoise et vexatoire de M. BEAUVAIS et de Mme Z à son égard, sont confirmées par Me B, déléguée syndicale qui accompagnait la salariée ce jour-là. Mme B a évoqué dans son attestation 'une tension palpable dès le début de l’entretien', des reproches faits à la salariée, sans lien avec l’objet de l’entretien- pour des propos qu’elle aurait tenus et qu’elle contestait, l’absence de réponse aux demandes de Mme H d’un aménagement des horaires de son poste et d’une possibilité de mobilité dans un autre service : 'la posture des deux Directeurs, visiblement agacés par la demande de la salariée, n’a laissé entrevoir aucune souplesse et surtout aucune volonté de trouver une solution'; qu’en milieu d’entretien, Mme H devant tant d’hermétisme s’est effondrée en pleurs, 'l’échange’ s’est poursuivi dans ses conditions, certains propos pouvant être relativement violents. A l’issue de l’échange, Mme H était toujours très perturbée et en pleurs . j’ai pu exprimer à notre DRH d’avoir mal vécu cet entretien qui se devait être constructif et non conflictuel, je n’ai pu que constater un parti pris et un acharnement évident à déstabiliser Mme H'.. J’ai appris le lendemain qu’elle s’était malgré tout rendue à son travail mais qu’elle n’était pas en état de poursuivre. Je n’ai pas été étonnée d’apprendre que son médecin traitant lui avait prescrit un arrêt de travail.'


Les témoignages de sa collègue, Mme C, et de la secrétaire Mme D, présentes lorsque Mme H est sortie de l’entretien du 15 décembre 2015, 'effondrée, en pleurs, quasi hébétée et sous le choc de ce qui lui avait été dit et reproché ','raccompagnée par la déléguée syndicale qui lui tenait le bras', et dans l’impossibilité physique de reprendre son véhicule, ne font que confirmer le profond désarroi de la salariée à l’issue de la rencontre avec sa hiérarchie.


Concernant les témoignages de M. BEAUVAIS et de Mme Z accusés par la salariée de l’avoir malmenée lors de l’entretien du 15 décembre 2015, rien ne justifie qu’ils soient écartés des débats s’agissant de témoins directs des faits dénoncés. Les affirmations de M. BEAUVAIS selon lequel il n’a perçu lors de l’entretien aucun signe de désarroi de Mme H, pourtant décrite en pleurs durant une partie de l’entretien et qu’il s’est heurté à 'la difficile adhésion 'de la salariée sur sa grille horaire au sein du service DIAZ, ne font qu’illustrer le climat particulièrement tendu et anxiogène de la rencontre, dont le caractère disciplinaire a pourtant été écartée par M. BEAUVAIS. Ce dernier se garde d’indiquer s’il lui a fourni une réponse à Mme H qui sollicitait le bénéfice de l’accord d’entreprise sur les seniors. Mme Z, sans un mot sur l’entretien litigieux du 15 décembre 2015, évoque dans son attestation, une réunion ultérieure, infructueuse, organisée le 30 mai 2016 avec la salariée en présence de l’inspecteur du travail sur les orientations professionnelles possibles de Mme H ( pièce 16). Les courriers de la Directrice datés du 8 janvier et du 1er février 2016 ( pièces 6 et 8) reflètent un positionnement ferme de la Direction à l’égard de la salariée, dont la demande de bénéficier de l’accord seniors demeurait sans réponse, et se limitant à proposer une modification , non conforme aux voeux de celle-ci, de l’horaire du lundi de 15h-22 heures en échange d’une journée de 7h30 à 16 heures, avec pause méridienne.

Mme E, DRH de la FONDATION, interrogée dans un courrier du 11 janvier 2017 par la salariée sur les conseils de l’Inspecteur du travail sur le respect de l’accord d’entreprise senior ( pièces 9 et 10), n’a pas donné suite à sa demande de rendez-vous (courrier du 4 février 2016) estimant que la hiérarchie directe lui avait fourni les réponses suffisantes. Bien qu’elle ait pris des engagements de programmer un entretien de carrière et de lui transmettre une liste de postes dans d’autres services, force est de constater que la Directrice RH a attendu le 13 juin 2017 avant de transmettre à Mme H, soit 18 mois après la réorganisation des services et plus d’un an après la réunion du 31 mai 2016 ( pièce 14), deux postes, l’un à temps partiel de travailleur social et le second de moniteur éducateur, correspondant à une qualification et une rémunération inférieures ( 1 600 euros brut par mois) alors que Mme H éducatrice spécialisée percevait une rémunération moyenne de 3 180 euros par mois.


Alors que l’employeur s’était engagé à donner priorité aux salariés concernés par la réorganisation mise en oeuvre en janvier 2016, sur les postes vacants au sein des autres établissements et services de la FONDATION , à les faire bénéficier d’un soutien et d’un accompagnement de l’encadrement, d’associer en cas de concurrence le DRH et les Directions des pôles concernés ( pièce 5), la FONDATION MASSE TREVIDY ne démontre pas avoir satisfait aux obligations résultant des engagements résultant des engagements pris au mois de septembre 2015.
La proposition faite le 8 janvier 2016 à Mme H, de modification de son horaire de travail le lundi avec glissement des horaires de jour sur un horaire de soirée jusqu’à 22 heures, correspondait à un ajustement avec un échange de service avec une collègue et ne répondait pas aux objectifs incombant à l’employeur relatif à un véritable aménagement de l’emploi du temps des salariés de plus de 55 ans dans le cadre de l’accord seniors ( pièce 11).


Il résulte des débats que l’employeur a manqué de traiter avec sérieux et loyauté les demandes précises de la salariée, réitérées dans son courrier du 11 janvier 2016 (pièce 12), avec copie à l’inspection du travail, ses demandes d’aménagement des horaires de jour et de recherche de solutions en dehors de DIAZ, en ce que Mme E n’a pas donné suite à la demande d’entretien de la salariée ni apporté de réponse concrète à sa situation individuelle (pièce 10).


L’employeur ne démontre pas avoir pris les mesures adaptées à l’égard de Mme H dont le statut de travailleur handicapé lui a été reconnu depuis le 1er mars 2016, suivant décision notifiée le 21 juillet 2016 (pièce 25), dont elle justifie avoir transmis la copie à la Directrice RH le 1er décembre 2016 ( pièce 37). L’attestation insuffisante et imprécise de M. Gueye, assistant RH traitant les déclarations obligatoires d’emploi des travailleurs handicapés de la Fondation selon lequel il n’avait pas eu connaissance du statut de travailleur handicapé de Mme H, ne suffit pas à contredire utilement les documents produits par la salariée à ce sujet.


Les premiers juges ont retenu à juste titre que l’employeur s’est abstenu, s’agissant d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, de faire application des dispositions de l’article L 1226-10 du code du travail en ne sollicitant pas M. POCHET, délégué du personnel, qui en atteste, dans le cadre de la recherche des postes de reclassement.


La souffrance morale de Mme H, se plaignant d’une information partielle d’une gestion différenciée de ses demandes et d’une déstabilisation lors des entretiens avec sa hiérarchie, justifie d’une dégradation de son état de santé se traduisant par un syndrome anxio-dépressif, selon le certificat du 16 mars 2016 du docteur K-L, médecin hospitalier du CHR de Brest spécialisé dans la santé au travail , confirmé par celui du docteur M-N psychiatre du 22 mai 2017, décrivant une décompensation anxio-dépressive réactionnelle à ses conditions de travail. Cette souffrance est en lien direct avec la gestion déficitaire par son employeur de ses demandes d’adaptation de ses conditions de travail au regard de l’accord d’entreprise et des engagements pris lors de la réorganisation du service.


Au vu de ces éléments, il convient de dire que l’inaptitude de la salariée constatée par le médecin du travail'en raison de son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise' a pour origine les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité et qu’il doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, par voie de confirmation du jugement entrepris.

Sur les conséquences du licenciement injustifié


Aux termes de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est alloué au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.


A la date du licenciement, Mme H percevait un salaire de 3 180.56 euros brut par mois, avait 59 ans et justifiait d’une ancienneté de 27 ans au sein de l’entreprise. Il n’est pas contesté que Mme H n’a pas retrouvé d’emploi stable et perçoit des indemnités chômage de 1562 euros par mois. Ses droits sont acquis jusqu’à l’âge de la retraite. Elle ne dégage pas de revenus de l’activité de soutien à l’enseignement créée en avril 2018.


Compte tenu des circonstances de la rupture, de l’âge, de l’ancienneté de la salariée, il convient d’évaluer à la somme de 40 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie d’infirmation du jugement déféré.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

Mme H maintient sa demande de dommages-intérêts de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral dont elle a été déboutée par les premiers juges. Toutefois, la salariée ne rapporte pas la preuve de circonstances de fait particulièrement abusives ou vexatoires dans lesquelles la relation de travail s’est exécutée ou a pris fin. Elle ne justifie pas davantage de l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi.


Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, par voie de confirmation du jugement.

Sur les autres demandes


Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage payées à la salariée par POLE EMPLOI BRETAGNE à concurrence de la somme demandée de 10 584.85 euros, par voie d’infirmation du jugement.


Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme H et de POLE EMPLOI les frais non compris dans les dépens. L’employeur sera condamné à payer la somme de 2 000 euros à la salariée et la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ; le jugement critiqué étant confirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile


L’employeur qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions sur le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le montant des indemnités dues à POLE EMPLOI ;

STATUANT de nouveau des chefs infirmés, et Y AJOUTANT :


- CONDAMNE la FONDATION MASSE TREVIDY à payer à Mme H les sommes de :


- 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 2 000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


- CONDAMNE la FONDATION MASSE TREVIDY à payer à POLE EMPLOI :


-les indemnités de chômage versées à la salariée à concurrence de la somme de 10 584.85 euros,


- la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


- DEBOUTE la FONDATION MASSE TREVIDY de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la FONDATION MASSE TREVIDY aux dépens de l’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 7 avril 2022, n° 19/02994