Cour d'appel de Rennes, 3e chambre commerciale, 28 juin 2022, n° 20/02742

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Irina Parachkévova-racine · Bulletin Joly Sociétés · 1er janvier 2024

Jean-françois Barbièri · Bulletin Joly Sociétés · 1er octobre 2022
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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 3e ch. com., 28 juin 2022, n° 20/02742
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 20/02742
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°369

N° RG 20/02742 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QWDH

Mme [X] [H]

C/

M. [Y] [G]

S.N.C. LE VINCENNES

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me DOUET

Me PERRAUD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, Rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Mai 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [X] [H]

née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 8] (56)

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Emmanuel DOUET de la SELAS FIDAL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉS :

Monsieur [Y] [G]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 8] (56)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Matthieu PERRAUD de la SELARL LA FIDUCIAIRE GENERALE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

S.N.C. LE VINCENNES, immatriculée au RCS de VANNES sous le numéro 330 107 723, poursuites et diligences de Monsieur [Y] [G] en sa qualité de co-gérant

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu PERRAUD de la SELARL LA FIDUCIAIRE GENERALE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

FAITS ET PROCÉDURE :

La société en nom collectif Le Vincennes est détenue à parts égales par M. [G] et Mme [H], divorcés le 14 novembre 2006, tous deux gérants.

Le 4 décembre 2017, estimant que Mme [H] avait effectué des prélèvements indus sur les comptes de la société entre le 1er avril 2012 et le 31 mars 2016 et qu’il n’existait plus d’affectio societatis entre les associés, M. [G] et la société Le Vincennes ont assigné Mme [H] en paiement de dommages-intérêts et dissolution de la société.

Par jugement du 15 mai 2020, le tribunal de commerce de Vannes a :

— Déclaré recevable l’action de M. [G] et de la société Le Vincennes,

— Condamné Mme [H] à payer à la société Le Vincennes la somme de 157.249 euros, à titre de dommages et intérêts, pour les causes sus énoncées,

— Accordé à Mme [H] des délais pour le remboursement de sa dette, lequel devra se faire en vingt quatre versements mensuels égaux, le premier devant intervenir dans le mois de la signification du jugement, et ce, de mois en mois jusqu’à parfait règlement,

— Dit et jugé qu’à défaut de paiement d’une seule échéance, le solde deviendra immédiatement exigible,

— Débouté M. [G] de sa demande visant à voir prononcer la dissolution anticipée de la société Le Vincennes , pour les causes sus énoncées,

— Condamné Mme [H] à payer à M. [G] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Débouté M. [G] et la société Le Vincennes de leur demande d’exécution provisoire, pour les causes sus énoncées,

— Condamné Mme [H] aux entiers dépens de l’instance,

— Débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Mme [H] a interjeté appel le 19 juin 2020.

Les dernières conclusions de Mme [H] sont en date du 15 septembre 2020. Les dernières conclusions de M. [G] et de la société Le Vincennes sont en date du 2 novembre 2020.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Mme [H] demande à la cour de :

I A titre principal :

1°) Recevoir Mme [H] en son appel et le dire bien fondé,

2°) Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

3°) Recevoir M. [G] et la société Le Vincennes en leur action mais la dire mal fondée,

4°) Constater la prescription de l’action de M. [H] et de la société Le Vincennes ,

II A titre subsidiaire :

5°) Constater l’absence de faute de Mme [H] à l’égard de la société Le Vincennes et M. [G], dans l’octroi d’une rémunération,

En conséquence :

6°) Débouter M. [G] et la société Le Vincennes de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires,

III A titre infiniment subsidiaire :

7°) Reporter l’éventuelle condamnation à intervenir à 24 mois, et ce, sans intérêt,

IV En tout état de cause :

8°) Condamner la société Le Vincennes et M. [G] à verser à Mme [H] la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

9°) Condamner les mêmes aux entiers dépens de l’instance.

M. [G] et la société Le Vincennes demandent à la cour de :

— Confirmer le jugement en ce qu’il a :

— Déclaré recevable comme non prescrite l’action engagée par la société Le Vincennes et M. [G],

— Condamné Mme [H] à verser à la société Le Vincennes la somme de 157.249 euros à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice subi à raison de ses prélèvements non autorisés par l’assemblée générale des associés,

— Condamné Mme [H] à verser à M. [G] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Réformer le jugeement en ce qu’il a :

— Accordé à Mme [H] le bénéfice d’un paiement échelonné en application de l’article 1343 5 du code civil,

— Débouté M. [G] de sa demande de dissolution anticipée de la société Le Vincennes à raison de l’inexécution de ses obligations par Mme [H], et en tout état de cause de la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société,

En conséquence, statuant à nouveau :

— Débouter Mme [H] de sa demande de report de paiement des condamnations,

— Prononcer la dissolution anticipée de la société,

En tout état de cause :

— Débouter Mme [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— Condamner Mme [H] à verser à M. [G] la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner Mme [H] aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la prescription :

M. [G] agit en responsabilité contre Mme [H] pour les agissements qu’il lui reproche dans la gestion de la société Le Vincennes.

Il exerce à ce titre l’action sociale en responsabilité ouverte aux associés :

Article 1843-5 du code civil :

Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société.

Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l’exercice de l’action sociale à l’avis préalable ou à l’autorisation de l’assemblée ou qui comporterait par avance renonciation à l’exercice de cette action.

Aucune décision de l’assemblée des associés ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l’accomplissement de leur mandat.

Mme [H] fait valoir que la demande de dommages-intérêts formée à son encontre serait prescrite.

S’agissant de la mise en cause de la responsabilité d’un dirigeant de société en nom collectif, aucun texte du code de commerce ne prévoit de règles particulières de prescription. Il y a donc lieu d’appliquer le droit commun de la prescription, d’une durée de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer :

Article 2224 du code civil :

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Les agissements reprochés à Mme [H] consistent a avoir prélevé à son profit certaines sommes sans y avoir été autorisée par l’assemblée générale. Ces prélèvements ont été connus par la société Le Vincennes au fur et à mesure qu’ils étaient effectués. Cette connaissance des prélèvements est opposable à M. [G] qui n’exerce que l’action sociale.

L’assignation ayant été délivrée le 4 décembre 2017, les demandes afférentes à des prélèvements antérieurs au 4 décembre 2012 sont prescrites.

Sur les fautes de gestion :

Le fait, pour un gérant de société en nom collectif, de s’octroyer une rémunération sans l’accord des organes sociaux, tel que prévu aux statuts, constitue une faute. Il n’appartient pas au juge de se substituer aux organes sociaux pour fixer une rémunération au profit du gérant. Le principe même des prélèvements est fautif et il n’est pas nécessaire qu’ils aient été excessifs.

Les statuts de la sociétés Le Vincennes prévoient que la gérance peut donner lieu à rémunération, fixe ou proportionnelle, son montant et ses modalités étant fixées par une décision des associés.

Il n’est pas justifié qu’une décision des associés ait fixé la rémunération de gérance de Mme [H]. En prélevant des sommes au titre de sa rémunération dans ces conditions, Mme [H] a commis une faute.

Du 4 décembre 2012 au 31 mars 2018, Mme [H] a prélevé la somme total de 136.155 euros au titre de la rémunération de gérance.

Il y a lieu de la condamner à payer cette somme à la société Le Vincennes avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, 19 juin 2020.

Sur la dissolution de la société :

Le juge peut prononcer la dissolution de la société pour juste motifs :

Article 1844-7 du code civil :

La société prend fin :

1° Par l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée conformément à l’article 1844-6 ;

2° Par la réalisation ou l’extinction de son objet ;

3° Par l’annulation du contrat de société ;

4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;

5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;

6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l’article 1844-5 ;

7° Par l’effet d’un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ;

8° Pour toute autre cause prévue par les statuts.

M. [G] demande la dissolution de la société en faisant valoir qu’il n’y a plus d’affectio societatis entre les associés.

Il apparaît cependant que la société fonctionne depuis plusieurs années alors qu’une mésentente importante existe entre les deux associés, à parts égales, dans le contexte d’une procédure de divorce qui les a opposés.

La comptabilité est tenue et si les comptes n’ont pas été approuvés par les associés, l’assemblée générale a été convoquée à cette fin en 2017. M. [G] est co-gérant et il lui appartient également de faire convoquer une assemblée générale.

Il n’y a pas lieu d’ordonner la dissolution de la société et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de délai :

Mme [H] a déjà bénéficié, de fait, d’importants délais. Elle ne justifie pas de démarches de nature à lui permettre de s’acquitter de sa dette vis à vis de la société Le Vincennes et ne demande qu’un report à deux ans sans préciser en quoi sa situation serait susceptible d’évoluer d’ici là.

Il y a lieu de rejeter sa demande de délai de paiement. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu d’infirmer le jugement sur ce point, de dire que chacune des parties supportera les dépens de première instance et d’appel par elle engagés et de rejeter les demandes formées en première instance et en appel au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Infirme le jugement en ce qu’il a :

— Déclaré entièrement recevable l’action de M. [G] et de la société Le Vincennes ,

— Fixé la condamnation de Mme [H] au profit de société Le Vincennes à la somme de 157.249 euros, à titre de dommages et intérêts, pour les causes sus énoncées,

— Accordé à Mme [H] des délais pour le remboursement de sa dette, lequel devra se faire en vingt quatre versements mensuels égaux, le premier devant intervenir dans le mois de la signification du présent jugement, et ce, de mois en mois jusqu’à parfait règlement,

— Dit et jugé qu’à défaut de paiement d’une seule échéance, le solde deviendra immédiatement exigible,

— Condamné Mme [H] à payer à M. [G] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Débouté M. [G] et la société Le Vincennes de leur demande d’exécution provisoire, pour les causes sus énoncées,

— Condamné Mme [H] aux entiers dépens de l’instance,

— Débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

— Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

— Déclare irrecevables les demandes formées contre Mme [H] afférentes aux prélèvements antérieurs au 4 décembre 2012,

— Rejette pour le surplus la fin de non recevoir tirée de la prescription,

— Condamne Mme [H] à payer à la société Le Vincennes la somme de 136.155 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2020,

— Rejette les autres demandes des parties,

— Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens de première instance et d’appel par elle engagés.

Le Greffier, Le Président,

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