Cour d'appel de Rennes, 5e chambre, 15 novembre 2023, n° 20/05994

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 5e ch., 15 nov. 2023, n° 20/05994
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 20/05994
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 20 novembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

5ème Chambre

ARRÊT N°-346

N° RG 20/05994 – N° Portalis DBVL-V-B7E-REPY

M. [J] [Y]

C/

Mutuelle MATMUT.

Société CPAM DU NORD FINISTERE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 Septembre 2023

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 15 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [J] [Y]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Iannis ALVAREZ de la SELARL SYNELIS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉES :

Mutuelle MATMUT immatriculée au RCS de ROUEN sous le n°B 493 147 003 prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Laura LUET de la SELARL HORIZONS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

CPAM DU NORD FINISTERE ayant fait l’objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l’acte à personne habilitée le recevoir, n’ayant pas constitué avocat

[Adresse 1]

[Localité 9]

M. [J] [Y] alors âgé de 15 ans, a été victime, le 14 avril 1997 d’un accident de la circulation en scooter, entraînant un polytraumatisme et nécessitant son hospitalisation au CHU de [Localité 9]. Par jugement du 27 octobre 2004 le tribunal correctionnel de Quimper, statuant en matière d’intérêts civils, a liquidé ses préjudices et a condamné la société Matmut à lui verser un certain nombre d’indemnités. M. [J] [Y] a conservé un handicap.

L’état de santé de M. [J] [Y] s’est aggravé à compter de décembre 2010 en raison d’une recrudescence des douleurs à la jambe gauche et il a été déclaré inapte par le médecin du travail le 1er avril 2011, alors qu’il était salarié en qualité de chauffeur de taxi.

Le 4 juin 2011, son état de santé s’est très gravement dégradé nécessitant une opération chirurgicale très lourde dans un hôpital parisien, en raison d’une embolie pulmonaire massive causée par la chambre implantable posée en 1999 par le CHU de [Localité 9] qui n’aurait pas dû rester en place.

M. [J] [Y] a saisi le juge des référés afin d’obtenir un rapport d’expertise médicale évaluant l’aggravation de ses préjudices en lien avec l’accident du 14 avril 1997 et notamment les conséquences pulmonaires et psychiatriques. Le dernier rapport d’expertise du docteur [H], prenant en compte une analyse globale de sa santé physique et psychique, a été déposé en juillet 2018.

La société Matmut a fait des offres partielles à M. [J] [Y], le 29 janvier 2019, qu’il n’a pas acceptées.

Par actes d’huissier de justice en date du 19 juillet 2019, M. [J] [Y] a fait citer devant le tribunal judiciaire de Quimper la société Matmut et la CPAM du Nord Finistère, afin de voir dire que l’assureur est tenu de réparer l’intégralité de son préjudice et le voir condamner à lui payer diverses sommes.

Par jugement du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Quimper a :

— constaté le désistement de la CPAM du Finistère de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— déclaré la Matmut tenue de réparer les préjudices subis par M. [J] [Y] suite à l’aggravation de son état de santé à compter du 8 décembre 2010,

— condamné la Matmut à verser à M. [J] [Y] les indemnités suivantes :

* frais médicaux actuels : 830,70 euros,

* frais divers : 3 222,50 euros,

* aide humaine actuelle : 5 880 euros,

* perte de gains professionnels actuels : 57 832,83 euros,

* dépenses de santé futures : 4 300,19 euros,

* frais divers futurs : 13 056,49 euros,

* aide humaine future : 33 547,64 euros,

* pertes de gains professionnels futurs : 283 378,03 euros,

* incidence professionnelle : 30 000 euros,

* déficit fonctionnel temporaire : 20 451,25 euros,

* souffrances endurées : 30 000 euros,

* préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros,

* déficit fonctionnel permanent : 51 850 euros,

* préjudice esthétique permanent : 4 000 euros,

— rejeté les demandes d’indemnités pour préjudice d’agrément et préjudice sexuel

— dit qu’il y a lieu de déduire des sommes allouées les provisions reçues pour 45 000 euros,

— dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,

— dit que les sommes allouées, sans déduction des provisions porteront intérêts au double de l’intérêt légal du 3 au 29 janvier 2019 inclus,

— condamné la Matmut à payer à M. [J] [Y] une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la Matmut aux entiers dépens incluant ceux des procédures en référé et les frais d’expertise médicale judiciaires,

— ordonné l’exécution provisoire.

Le 7 décembre 2020, M. [J] [Y] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 12 juin 2023, il demande à la cour de :

— déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la CPAM du Nord Finistère,

— dire que la Matmut est tenue de réparer l’intégralité du préjudice qu’il a subi sans pouvoir lui opposer la faute d’un tiers,

— réformer le jugement sur les postes de préjudice ci-après détaillés,

Statuant à nouveau,

— condamner la Matmut à lui verser :

* Dépense de santé actuelle : 1 391,40 euros,

* Aide humaine actuelle : 8 310 euros,

* Perte de gains professionnels actuels : 61 937,02 euros,

* Dépenses de santé futures 13 653,49 euros,

* Frais divers futurs : 77 586,80 euros,

* Aide humaine future : 120 094,40 euros,

* Perte de gains professionnels futurs : 1 125 640,64 euros,

* Incidence professionnelle : 141 003,99 euros,

* Déficit fonctionnel permanent : 76 500 euros,

* Préjudice d’agrément : 10 000 euros,

* Préjudice sexuel : 7 500 euros,

— dire que ces sommes, par application des dispositions de l’article L 211-13 du code des assurances seront assorties d’un intérêt au double du taux légal à compter du 3 janvier 2019 au 29 janvier 2019,

— condamner la Matmut à lui verser 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dire et juger que les intérêts seront capitalisés à partir du jugement du 10 novembre 2020,

— condamner la Matmut en tous les frais et dépens de première instance et d’appel,

— ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.

Par dernières conclusions notifiées le 27 juin 2023, la société Matmut demande à la cour de :

— confirmer le jugement en date du 10 novembre 2020 en ce qu’il a :

— alloué à M. [J] [Y] les sommes suivantes :

* Au titre des préjudices patrimoniaux :

o Frais divers : 3 222,50 euros,

o Perte de gains professionnels actuels : 57 832,63 euros,

o Incidence professionnelle : 30 000 euros,

* Au titre des préjudices extrapatrimoniaux :

o Déficit fonctionnel temporaire : 20 451,25 euros,

o Souffrances endurées : 30 000 euros,

o Préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros,

o Préjudice esthétique permanent : 4 000 euros,

— rejeté les demandes indemnitaires au titre du préjudice sexuel et d’agrément,

— dit qu’il y a lieu de déduire les sommes allouées à titre de provisions pour 45 000 euros,

— dit que les sommes allouées porteront intérêts au double du taux légal du 3 au 29 janvier 2049 inclus,

— infirmer le jugement en date du 10 novembre 2020 en ce qu’il a :

— alloué à M. [Y] les sommes suivantes :

* Au titre des préjudices patrimoniaux :

o Frais médicaux : 830,70 euros,

o Assistance par tierce personne : 5 880 euros,

o Dépenses de santé futures : 4 300,19 euros,

o Frais divers futurs : 13 056,49 euros,

o Aide humaine future : 33 547,64 euros,

o Perte de gains professionnels futurs : 283 378,03 euros,

* Au titre des préjudices extrapatrimoniaux :

o Déficit fonctionnel permanent : 51 850 euros,

— condamné la Matmut à payer à M. [J] [Y] une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, juger satisfactoires les sommes indemnitaires proposées par la société Matmut suivantes :

— Au titre des préjudices patrimoniaux :

* Frais médicaux : 270 euros,

* Assistance par tierce personne : 5 512,50 euros,

* Dépenses de santé futures : 2 466,50 euros,

* Frais divers futurs : 14 290,93 euros (2 624,95 euros + 11 665,98 euros),

* Aide humaine future : 36 636,60 euros,

* Perte de gains professionnels futurs : 0 euros ou, à titre subsidiaire

245 063,16 euros,

— Au titre des préjudices extrapatrimoniaux :

* Déficit fonctionnel permanent : 42 500 euros,

— réduire la demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

— débouter M. [J] [Y] de ses demandes plus amples ou contraires,

Y additant,

— débouter M. [J] [Y] de sa demande manifestement excessive au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou à tout le moins la réduire à de plus justes proportions,

La société CPAM du Nord Finistère n’a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d’appel, ainsi que les conclusions, ont été signifiées à personne à [Localité 9] le 4 mars 2021.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les parties conviennent que les conclusions du rapport d’expertise médicale du docteur [H] du 24 juillet 2010 doivent servir de base à l’indemnisation des préjudices subis par M. [J] [Y] suite à l’aggravation de son état de santé à compter du 8 décembre 2010.

Les parties n’entendent pas discuter la liquidation des préjudices décidée par le tribunal en ce qui concerne les préjudices suivants :

— frais de transport : 3 322,50 euros,

— déficit fonctionnel temporaire : 20'451,25 euros,

— souffrances endurées : 30'000 euros,

— préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros,

— préjudice esthétique permanent : 4 000 euros.

M. [J] [Y] est né le [Date naissance 3] 1981.

La date de consolidation a été fixée par l’expert au 11 mars 2016.

L’expert retient comme imputable de matière certaine et directe à l’aggravation de l’état de santé de M. [Y] :

— la cicatrice de sternotomie,

— le syndrome de stress post-traumatique,

— une part de syndrome de névrose post-traumatique,

— les séquelles thrombo-emboliques sous forme de limitation des fonctions cardiorespiratoires et de l’astreinte à un traitement anticoagulant,

' la limitation majorée au niveau du membre inférieur gauche par la douleur, la laxité résiduelle, la diminution du périmètre de marche.

1.Sur les préjudices patrimoniaux

1.1 sur les préjudices patrimoniaux temporaires

les dépenses de santé actuelles

M. [Y] sollicite l’allocation d’une somme de 1 121,40 euros.

Il fait valoir que depuis l’aggravation de son état de santé, il n’a d’autres solutions pour lutter contre la douleur que d’utiliser quasi quotidiennement une pommade antalgique. Il estime avoir besoin à ce titre de deux flacons par mois soit deux fois 8,90 euros durant 63 mois.

La société Matmut s’oppose à cette demande rappelant que M. [Y], au cours de l’expertise, n’a pas fait mention de ce traitement, qui, au surplus n’a pas été retenu par l’expert judiciaire ; elle considère que seule la prise en charge du forfait hospitalier pour 270 euros peut être envisagée.

Si le tribunal a alloué à M. [Y] une somme de 270 euros correspondant au forfait hospitalier, M. [Y] expose que cette somme a été prise en charge par les organismes sociaux. Il n’y a donc pas lieu d’allouer ce montant à la victime.

S’agissant de la pommade antalgique, l’expertise mentionne, en page 20, que la victime 'rapporte des douleurs quotidiennes à la face externe du fémur droit associées à des douleurs de son genou qui s’intensifient tout au long de la journée. Ces douleurs sont accompagnées de contractions musculaires '

Si l’expert mentionne uniquement la prise de temps en temps de Doliprane 1000 par la victime, M. [Y] justifie par une attestation de la pharmacie (pièce 122) de l’achat tous les mois d’un gel phytosun pour la douleur depuis 2017.

Il convient d’admettre la nécessité de ce traitement destiné à calmer les douleurs relevées par l’expert.

Il est à tort soutenu par M. [Y] que le pharmacien fait mention expresse de l’utilisation de deux flacons par mois alors que tel n’est pas le cas. La cour confirme l’évaluation de cette dépense de santé opérée par le tribunal à hauteur de 560,70 euros (8,90 euros x 63 mois).

Le jugement est donc infirmé en ce qu’il retient une somme de 830,70 euros et la cour ramène ces dépenses de santé à la somme de 560,70 euros.

l’assistance tierce personne temporaire

Le préjudice est indemnisé selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaire. Le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance familiale ni subordonné à la justification de dépenses effectives.

Les parties discute d’une part le nombre d’heures d’assistance (415,50 heures pour la victime et 367,50 heures pour la société la Matmut) et d’autre part le montant de l’indemnisation de base (20 euros pour la victime et 15 euros pour la société la Matmut).

M. [Y] considère que le tribunal a écarté à tort le besoin d’assistance de son père durant 48 heures à son retour à domicile après ces hospitalisations en juillet 2011. Il relève que cette présence constante a été notée par l’expert. Selon lui, le besoin d’assistance évalué à 367,50 heures par le tribunal doit donc être porté à 415,50 heures.

La société Matmut estime pour sa part excessif le taux horaire de 16 euros retenu par les premiers juges et s’en tient à 367,50 heures.

Il est rappelé par l’expert que M. [Y] a été hospitalisé du 14 juin 2011 au 4 juillet 2011 (hôpital de [Localité 15], USIC cardiologie de l’hôpital [8] à [Localité 9], puis transfert dans le service de cardiologie du CHBS, puis transfert à l’hôpital [7] à [Localité 14], et enfin centre chirurgical [13]) M. [Y] est ensuite rentré à domicile en attente d’une hospitalisation à [11].

L’expert a indiqué, page 15 de son rapport, que M. [Y] lui avait dit que son père avait dû rester avec lui pendant 48 heures en permanence à son retour à la maison, qu’il avait eu aussi l’aide d’une infirmière tous les deux jours pour les pansements durant 10 jours, que M. [Y] se faisait lui-même ses injections, qu’il indiquait également qu’il pouvait prendre ses bains, les courses étant effectuées par son père jusqu’au 24 août 2011. L’expert ajoute que M. [Y] a dit être gêné dans ses tâches quotidiennes jusqu’à son entrée à [11] et le 24 août 2011 en raison des douleurs post thoracotomie.

Il s’agit ici d’indemniser la victime des dépenses liées à la réduction d’autonomie.

Il convient de considérer que le besoin en aide humaine de M. [Y] à compter du retour au domicile, évalué à 2 heures par jour jusqu’à son hospitalisation à [11] est parfaitement conforme aux besoins de la victime décrits par l’expert, quand bien même le père de M. [Y] aurait été présent à ses côtés durant 48 heures à son retour.

Le besoin d’aide humaine avant consolidation de 367,50 heures retenu par le tribunal correspond précisément au besoin conclu par l’expert pour la période du 5 juillet 2011 au 16 mars 2016.

Il convient d’indemniser le besoin en aide humaine du 5 juillet 2011 au 16 mars 2016, en prenant une base horaire de 16 euros, somme conforme aux évaluations du coût d’une telle assistance et qui n’est nullement excessive.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

les pertes de gains professionnels actuels

Il s’agit d’indemniser la perte totale ou partielle des revenus de la victime avant la consolidation du fait de son dommage.

M. [Y] estime qu’il aurait dû percevoir du 1er décembre 2010 au 11 mars 2016 une somme de 69'893,43 euros ; ayant perçu pendant cette même période des salaires à hauteur de 7 956,41 euros, il sollicite paiement de ce chef d’une somme de 61'937,02 euros.

Il demande de prendre en considération un revenu mensuel de référence, compte tenu de l’érosion monétaire de 1 103 euros.

La société Matmut conclut à la confirmation du jugement qui a fixé cette perte de gains à la somme de 57'832,63 euros, sur la base d’un du dernier salaire perçu par M. [Y] en décembre 2010 sans revalorisation salariale, considérant qu’il n’est pas démontré une augmentation du salaire les années suivantes.

Les parties ont admis que le dernier salaire en décembre 2010 de M. [J] [Y] était de 1 042,78 euros.

Si le tribunal reconnaît, à juste titre, le principe de la prise en compte d’une revalorisation du salaire en fonction de l’érosion monétaire pendant la période antérieure à la consolidation, la cour relève que M. [Y], pas plus que devant le tribunal, ne justifie ici le bien-fondé de sa réclamation sur ce point, à défaut de présenter un calcul prenant en compte des valeurs différentes chaque année, et qu’il n’est donc pas fondé à voir fixer ce poste de préjudice sur une base d’un salaire actualisé à sa seule valeur en 2016 de 1 103 euros.

Le salaire de référence annuel est donc de 1 042,78 x 12 = 12 513,36 euros, soit un salaire journalier de 34,283 euros.

M. [Y] aurait dû percevoir pour période du 8 décembre 2010 à la consolidation (1 919 jours) :

34,283 x 1 919 = 65 789,08 euros.

Durant cette entière période, il a perçu une somme totale de 7 956,79 euros (807,28 euros perçus à titre de salaire en décembre 2010, 2 435,29 euros perçus en 2011 et 4 714,22 euros au titre des indemnités journalières).

La cour confirme le jugement s’agissant du montant de la perte de gains professionnels très justement évalué par le tribunal.

1.2 sur les préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

les dépenses de santé futures

M. [Y] estime insuffisante la somme allouée par le tribunal (4 300,19 euros) et réclame paiement d’une indemnité de 13'653,49 euros.

Il demande que lui soit remboursé le coût d’une canne soit 80 euros tous les deux ans et le coût les embouts soit 54,18 euros renouvelés trois fois par an. Il estime que cette dépense doit être viagère car il ne pourra plus se déplacer sans l’aide d’une canne et entend voir ce préjudice capitalisé en mars 2023.

Il demande également que soit retenue sa demande s’agissant de deux flacons par mois de gel antalgique, en prenant en compte les arrérages de mars 2016 à septembre 2020, puis une capitalisation à compter de cette date.

M. [Y] sollicite de la cour qu’elle fasse application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais publié en 2022.

La société Matmut s’oppose à toute demande relative à l’achat de gel antalgique. Elle considère qu’il doit être pris en compte la prise en charge du coût de la canne tous les deux ans et un remplacement trois fois par an des embouts.

La cour admet, comme le tribunal, la nécessité d’une canne à remplacer tous les deux ans et l’achat d’embouts trois fois par an, et ce de manière viagère.

Elle considère également justifiée, l’expert retenant les douleurs au genou dans les séquelles, la dépense de gel antalgique dans les proportions admises pour la période antérieure à la consolidation.

La dépense annuelle est donc de :

— pour la canne : 80 euros : 2 = 40 euros

— pour les embouts : 9,03 euros x 3 = 27,09 euros

— pour le gel : 8,90 euros x 12 mois = 106,80 euros

soit un total de frais de 173,89 euros.

Il convient d’évaluer le préjudice à la date la plus proche à laquelle il est statué.

La cour retient en conséquences les arrérages dus du 16 mars 2016 au 16 mars 2023 (7 ans) et procédera à la capitalisation des sommes dues à compter de cette date, en faisant application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais publié en 2022 (taux 0). M. [Y] est âgé de 41 ans en mars 2023. Le taux applicable pour une capitalisation viagère est de 39,466.

Les dépenses de santé futures sont donc fixées comme suit :

— pour la période allant de la consolidation au 16 mars 2023 : 173,89 x 7 = 1 217,23 euros

— à compter du 16 mars 2023 : 173,89 x 39,466 euros = 6 862,74 euros

soit un total de 8 079,97 euros.

Le jugement, sur ce point, est donc infirmé.

les frais futurs

M. [Y] critique le jugement qui lui alloue une somme de 13 056,49 euros. Il fait valoir qu’il y a lieu de prendre en compte les frais suivants :

— frais de déplacements pour son suivi médical, soit avec une capitalisation selon l’euro de rente du barème de la Gazette du Palais publié en 2022, une somme totale de 4 271,41 euros,

— des frais d’aménagement du véhicule, compte tenu d’un coût d’une boîte automatique (1 900 euros) et d’un renouvellement tous les 7 ans, pour une somme totale de 11 502,87 euros,

— des frais d’entretien de son jardin pour 61 812,52 euros.

La société Matmut estime les frais de déplacements à 2 624,95 euros et propose une indemnisation des frais d’aménagement du véhicule de

11 665,95 euros calculée sur la base de l’euro de rente de 35,98 issu du BCRIV 2023 pour un homme de 45 ans pour un premier renouvellement en 2026. Elle s’oppose à la demande relative à des frais d’entretien du jardin, considérant que ce préjudice est indemnisé déjà au titre de l’assistance tierce personne.

* sur les frais de déplacements

L’expert retient que M. [Y] doit bénéficier d’une prescription de Comadine (anti-coagulants) à vie, sans préciser, comme le soutient, M. [Y] qu’il doit consulter quatre fois par an à cette fin.

Le médecin traitant de M. [Y] est le docteur [C] [I], médecin à [Localité 15], commune située à 15 km de son domicile.

La cour prendra en compte à défaut de toute autre pièce, un déplacement de 60 km par an.

En faisant application du barème kilométrique de 0,595 euros/km et de l’euro de rente en mars 2023 pour un homme de 41 ans de 39,466 (gazette du Palais 2022), il serait dû à M [Y] :

— pour la période du 16 mars 2016 au 16 mars 2023 :

60 x 0,595 x 7 = 249,90 euros

— pour la période à compter du 16 mars 2023 :

60 x 0,595 x 39,466 = 1 408,93 euros,

soit un total de 1 658,83 euros.

La société Matmut admet cependant une dépense de ce chef à hauteur de

2 624,95 euros, somme également retenue par le tribunal. La cour fixe donc ce poste de dépenses à cette dernière somme.

* sur les frais d’aménagement du véhicule

Les parties admettent un surcoût de 1 900 euros pour l’acquisition d’une boîte automatique et le renouvellement de la dépense tous les sept ans. M. [Y] a fait cette dépense en 2019, de sorte que le premier renouvellement s’effectuera en 2026, date à laquelle, M. [Y] sera âgé de 45 ans.

Ce surcoût représente une dépense de 271,42 euros (1 900 :7) par an.

Il est donc dû à M. [Y] :

— le premier surcoût : 1 900 euros

— à compter de 2026 : 271,42 x 35,739 (euro de rente pour un homme de 45 ans en 2026, selon le barème Gazette du Palais 2022) = 9 700,27 euros,

soit un total de 11 600,27 euros.

M. [Y] limitant sa demande à la somme de 11 502,87 euros, il lui sera alloué ce montant.

* les frais d’entretien du jardin

Comme très justement relevé par le tribunal, au regard des conclusions de l’expert quant au besoin d’aide humaine de l’intéressé, le préjudice ici invoqué relève de l’indemnisation de l’assistance par tierce personne future. La cour approuve le tribunal en ce qu’il écarte cette demande.

En conséquence les frais futurs représentent :

— les frais de déplacement : 2 624,95 euros

— les frais d’aménagement du véhicule :11 502,87 euros

soit un total de 14 127,82 euros.

La cour alloue ce montant et infirme le jugement de ce chef.

l’assistance tierce personne permanente

M. [Y] conclut à l’infirmation du jugement qui retient une indemnisation à hauteur de 33'547,64 euros et sollicite une somme de 120'094,40 euros, en retenant une indemnisation de deux heures par semaine considérant que les préconisations de l’expert sont insuffisantes. Il demande à la cour de procéder à une capitalisation à compter du mois d’octobre 2019 et de retenir une base horaire de 20 euros.

La société Matmut demande de valider l’évaluation de l’expert fondée sur l’état séquellaire de M. [Y], soit une heure par semaine et demande à la cour de procéder à un calcul de cette indemnisation sur un taux horaire de 15 euros.

L’expert a évalué le besoin d’assistance par tierce personne permanente à une heure par semaine.

M. [Y], qui verse aux débats plusieurs attestations de proches (exemple: attestation de son beau-frère, indiquant avoir aidé la victime très souvent pour des travaux d’entretien de la maison comme motoriser un portail, changer une sonnette, monter des affaires dans les combles etc… ) ne justifie toutefois pas la nécessité d’une aide plus large pour notamment effectuer des travaux de grande ampleur, comme allégué, alors que de telles doléances n’ont jamais été présentées à l’expert et n’ont donc pas permis à ce dernier de les apprécier.

La cour, comme le tribunal, retiendra donc les conclusions de l’expert sur ce point, seuls éléments objectifs, et évaluera ce préjudice en fonction d’un besoin d’assistance d’une heure par semaine, et ce, à une date proche à laquelle il est statué. Il sera fait application d’une base horaire de 16 euros.

Il est donc dû à M. [Y] :

— pour la période de mars 2016 à mars 2023 (364 semaines) : 364 x 16 =

5 824 euros,

— à compter de mars 2023 : ( 52 x 16) x 39,466 (taux de rente en mars 2023 pour un homme de 41 ans) = 32 835,71 euros,

soit un total de 38 659,71 euros.

La cour évalue ce poste de préjudice à ce montant et infirme le jugement.

les pertes de gains professionnels futurs

Elle résulte de la perte de l’emploi ou du changement de l’emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence étant le revenu net annuel imposable avant l’accident.

M. [Y] indique qu’il avait pour projet professionnel de devenir artisan chauffeur taxi, ce qui lui aurait permis un revenu moyen de 3 050 euros par mois ; il considère qu’il a perdu une chance très sérieuse de réaliser ce projet qu’il évalue à deux tiers, de sorte que selon lui le revenu mensuel de référence pour liquider ce poste de préjudice doit être arrêté à 2 033,33 euros.

Il procède au calcul de sa perte de gains professionnels futurs en retenant deux périodes, celle allant de la consolidation au 10 novembre 2020, date à laquelle le tribunal a statué, puis une capitalisation à compter de cette dernière date et sollicite en conséquence une somme totale de 1'125'640,64 euros.

La société Matmut s’oppose à une indemnisation de ce chef faisant valoir que M. [Y] n’est pas dans l’impossibilité de retrouver un emploi, comme l’indique l’expert judiciaire, qui relève en outre qu’une reconversion professionnelle sera d’autant plus aisée que M. [Y] a une formation en comptabilité.

À titre subsidiaire, si la cour retenait une impossibilité permanente à retrouver un emploi à temps complet, elle indique que ce poste de préjudice ne peut faire l’objet d’une évaluation forfaitaire, et que le juge doit se placer au jour de la décision pour fixer ses pertes de gains. Elle conteste l’application d’un revenu de référence de 2 033,33 euros, considérant que rien ne permet d’affirmer avec certitude que M. [Y] aurait effectivement un jour pu devenir artisan taxi. Elle considère que l’existence d’une perte de chance n’est pas démontrée sur ce point. Elle demande, le cas échéant, de retenir un revenu minimum de 1 173 euros nets à temps complet, et propose une somme de 245'063,16 euros au titre de ce préjudice.

L’expert conclut sur ce point :

'Il a été déclaré inapte à son poste de chauffeur de taxi par le médecin du travail puis licencié. Il n’a donc pas pu continuer la profession en raison de l’aggravation liée à son genou gauche, en revanche, il ne peut pas être déclaré inapte de manière totale et définitive à toutes fonctions. Il faudra qu’il soit orienté vers un poste sédentaire. Cette activité lui est tout à fait possible. Il ne devra pas avoir de contraintes physiques importantes. Les séquelles retenues sur le plan psychiatrique participent à la difficulté de retrouver un travail et compliquent le reclassement.'

Il est relevé par l’expert également que 'durant l’année 2004, M. [Y] a passé la qualification professionnelle de chauffeur de taxi grâce à laquelle de 2005 à 2010 il a pu travailler comme salarié dans une entreprise de taxi et de VSL du Sud Finistère à plein temps.'

L’expert relève que 'M. [Y] espérait se mettre à son compte comme artisan taxi, s’était inscrit sur une liste d’attente pour obtenir une licence gratuite auprès de la préfecture du Finistère'.

Il est constant que M. [Y] a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude en raison de son incapacité physique à poursuivre sa profession de chauffeur taxi, compte tenu de ses douleurs répétées au niveau de la jambe Il a travaillé pour la société Cel’Taxi du 18 décembre 2006 au 1er avril 2011.

La cour, comme le tribunal, estime que M. [Y] ne caractérise pas les chances qu’il aurait eues de devenir artisan taxi en l’absence d’aggravation de son état de santé à partir de décembre 2010, ce dernier ne justifiant pas la nature des démarches engagées en ce sens.

Les premiers juges ont donc retenu, à raison, que l’indemnisation des pertes de professionnels futurs devait s’effectuer sur la base d’un revenu minimum à temps complet de 1 173 euros.

Il est justifié par M. [J] [Y] qu’il ne pourra pas trouver d’emploi à temps complet compte tenu des restrictions physiques relatives à sa capacité de travail. Le médecin du travail, dans une étude effectuée le 22 octobre 2018, rappelle que l’intéressé devra bénéficier d’un poste de travail adapté, sans manutention, sans effort physique, sans élévation des membres supérieurs, sans déplacement (périmètre de marche limitée et conduite déconseillée), sans station statique et station debout prolongée et qu’il serait apte à un poste de travail portant sur des tâches administratives, des conseils clientèle, à temps partiel.

M. [Y] ne justifie pas de sa situation actuelle ni de quelconques démarches entreprises par lui pour tenter de trouver un emploi compatible avec son état de santé, se contentant d’affirmer que résidant à [Localité 6] et ne pouvant effectuer des déplacements longs et fréquents, les chances de trouver un emploi lui sont quasi nulles.

Compte tenu de la capacité résiduelle admise par l’expert judiciaire, et du jeune âge de la victime, il convient de procéder au calcul de la perte de gains en tenant compte de cette capacité, et donc d’opérer l’évaluation de ses pertes de gains sur la base d’un revenu mensuel de 586,50 euros correspondant à un mi-temps sur un revenu de 1 173 euros.

Il est donc dû à ce dernier :

— pour la période de mars 2016 à mars 2023 (84 mois) :

586,50 x 84 = 49 266 euros,

— à compter de mars 2023 : (586,50 x 12 mois) x 39,466 (euro de rente en mars 2023 pour un homme de 41 ans) = 277 761,70 euros,

soit un total de 327 027,70 euros.

Le jugement est donc infirmé sur ce point.

l’incidence professionnelle

M. [Y] fait valoir ses difficultés pour assumer un travail et les fonctions qui pourraient lui être confiées et demande que l’évaluation de l’incidence professionnelle soit faite au regard d’un pourcentage de son salaire antérieur, estimant que cette modalité de calcul permet une meilleure prise en considération de l’intégralité de la dévalorisation sur le marché du travail qu’il subit.

Il considère que l’augmentation des contraintes professionnelles représente a minima une proportion de 70 % d’un salaire antérieur de 1 103 euros soit une base d’incidence professionnelle mensuelle de 772,10 euros et demande de calculer les arrérages et la capitalisation dus sur cette base. Il sollicite en conséquence une somme de 141'003,99 euros.

Selon M.[Y] le pourcentage de coefficient d’incidence professionnelle doit prendre en compte l’abandon d’une profession exercée auparavant, la fatigabilité accrue, l’existence d’un syndrome de névrose post-traumatique, la limitation des fonctions cardio-respiratoires et l’astreinte à un traitement, la limitation majorée au niveau du membre inférieur gauche, la diminution du périmètre de marche, l’obligation d’un poste sédentaire, sans port de charges et à mi-temps, la dévalorisation sur le marché du travail et l’exclusion durable du corps social.

La société Matmut conclut à la confirmation du jugement et propose une indemnisation de 30'000 euros, somme réparant, selon elle, justement le préjudice subi à ce titre.

Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser, non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.

L’existence d’une dévalorisation sur le marché du travail, subie par M. [Y] est incontestable. Il est constant également que la victime a dû abandonner l’activité de taxi. Sa demande d’indemnisation au titre d’une incidence professionnelle est donc fondée à ces titres.

En retenant le salaire antérieur de M. [Y], soit 1 042,78 euros, l’incidence professionnelle à supposer calculée sur celle-ci sera évaluée à 5%, et non à 70%, taux non justifié par la victime, soit une incidence professionnelle mensuelle de 52,14 euros.

Les arrérages dus de la consolidation à mars 2023 représenteraient donc une somme de 4 379,76 euros (52,14 x 84 mois) et la capitalisation correspondrait à une somme de 24 693,08 euros (52,14 x 12 mois x 39,466) L’incidence professionnelle serait donc de 29 072,84 euros.

La société Matmut qui admet une indemnisation de 30 000 euros. Le jugement est en conséquence confirmé.

2.Sur les préjudices extra-patrimoniaux

2. 1 Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

La liquidation de ces postes de préjudice décidée par le tribunal n’est pas discutée.

2. 2 Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation

le déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours.

M. [Y] considère insuffisante la somme allouée de ce chef par le tribunal de 51 850 euros et sollicite une somme de 76'500 euros.

La société Matmut estime pour sa part que ce poste de préjudice doit être limité à une somme de 42'500 euros.

L’expert évalue le taux du déficit fonctionnel à 17 %, dont 2 % au titre de l’aggravation en lien avec les douleurs du genou gauche et 15 % en lien avec l’accident thrombo-embolique, le syndrome de stress post-traumatique et la pathologie cardiaque résiduelle.

Au vu des séquelles précédemment décrites, de l’âge de M. [Y] à la date de consolidation en l’espèce 34 ans, la fixation de ce préjudice sera de

42 500 euros. Le jugement est infirmé sur ce point.

le préjudice d’agrément

Le préjudice d’agrément est celui qui résulte d’un trouble spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.

M. [Y] critique le jugement qui écarte sa demande de ce chef et fait valoir qu’il est père depuis le 25 septembre 2017 et qu’il ne peut s’occuper de sa fille comme il le souhaiterait. Il ajoute que son périmètre de marche est une nouvelle fois réduit compte tenu de l’importance de ces séquelles liées à l’aggravation de son état de santé. Il sollicite une somme de 10'000 euros.

La société Matmut conclut à raison au rejet de cette prétention dans la mesure où les préjudices allégués de ce chef ont déjà fait l’objet d’une indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent, qui prend en compte les difficultés de la vie courante et tous les troubles engendrés par les séquelles, et dans la mesure également où il n’est ni justifié ni prétendu d’ailleurs à un quelconque exercice d’une activité spécifique de loisirs ou de sports pratiquée avant l’aggravation et qui aurait été abandonnée du fait de celle-ci.

le préjudice sexuel

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l’aspect morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction).

M. [Y] rappelle que depuis son embolie pulmonaire de juin 2011, il doit chaque jour prendre un anti-coagulant et aussi un anti-dépresseur. Il indique l’expert note ce préjudice et que la société Matmut accepte la réalité de ce préjudice ; il sollicite une indemnisation de 7 500 euros.

La société Matmut entend s’en rapporter à la cour, soulignant que ce poste de préjudice n’était pas retenu par l’expert mais qu’elle avait proposé néanmoins une indemnisation à hauteur de 5 000 euros.

L’expert conclut sur ce point : 'M. [Y] a fait état de troubles de la libido liée au traitement antidépresseur qu’il prend'.

Une indemnisation d’un tel préjudice apparaît justifiée par la cour et la somme de 5 000 euros est satisfactoire. Le jugement est infirmé sur ce point.

— sur les intérêts

Les parties n’entendent pas discuter le jugement faisant application des dispositions de l’article L 211-13 du code des assurances, en prévoyant que les sommes allouées emportant intérêts au taux légal à compter du jugement, porteront, sans déduction des provisions, intérêts au doublement du taux légal du 3 au 29 janvier 2019 compte tenu du retard avec lequel la société Matmut a présenté son offre.

La cour confirme ces dispositions et adopte la même sanction s’agissant des sommes allouées en sus par la cour, les intérêts courant à compter de ce jour.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, celle-ci étant de droit quant elle est demandée par une partie, M. [Y] la sollicitant en l’espèce.

— sur les frais irrépétibles

Le montant de ceux-ci est discuté devant la cour. M.[Y] fait valoir qu’il a participé à cinq procédures de référés, trois expertises judiciaires qui ont justifié deux déplacements à [Localité 12], deux déplacements à [Localité 16] et qu’il a engagé des frais pour la présente instance. Il entend voir confirmer le jugement qui lui alloue une somme de 10'000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et sollicite, pour ces mêmes frais en appel, une somme de 30'000 euros.

La société Matmut demande à la cour de réduire considérablement les sommes allouées de ce chef.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [J] [Y].

La condamnation prononcée à ce titre en première instance sera ramenée à 5 000 euros et une condamnation de même montant de la société Matmut sera prononcée à hauteur d’appel.

La société Matmut supporte les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce :

— qu’il condamne la société Matmut à payer à M. [J] [Y] les indemnités suivantes :

* frais médicaux actuels : 830,70 euros,

* dépenses de santé futures : 4 300,19 euros,

* frais divers futurs : 13 056,49 euros,

* aide humaine future : 33 547,64 euros,

* pertes de gains professionnels futurs : 283 378,03 euros,

* déficit fonctionnel permanent : 51 850 euros,

— qu’il rejette la demande d’indemnité pour préjudice sexuel,

— qu’il condamne la société Matmut à payer à M. [J] [Y] une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Condamne la société Matmut à payer à M. [J] [Y] les indemnités suivantes :

* frais médicaux actuels : 560,70 euros,

* dépenses de santé futures : 8 079,97 euros,

* frais divers futurs : 14 127,82 euros,

* aide humaine future : 38 659,71 euros,

* pertes de gains professionnels futurs : 327 027,70 euros,

* déficit fonctionnel permanent : 42 500 euros,

* préjudice sexuel : 5 000 euros ;

Condamne la société Matmut à payer à M. [J] [Y] une somme de

5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Dit que sur le surplus des sommes allouées par la cour, les intérêts légaux courent à compter de ce jour et seront au double des intérêts légaux pour la période du 3 au 29 janvier 2019 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Matmut à payer à M. [J] [Y] une somme de

5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Matmut aux dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente

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Cour d'appel de Rennes, 5e chambre, 15 novembre 2023, n° 20/05994