Cour d'appel de Riom, 25 octobre 2016, n° 14/01124

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, 25 oct. 2016, n° 14/01124
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 14/01124

Texte intégral

25 OCTOBRE 2016

Arrêt n°

LB/DB/IM

Dossier n°14/01124

Société DUMEZ AUVERGNE suppléant la société

DUMEZ LAGORSSE

/

X Y

Arrêt rendu ce VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE par la QUATRIEME
CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

Mme Nadine VALIERGUE, Conseiller

En présence de Madame Dominique BRESLE greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Société DUMEZ AUVERGNE venant aux droits de la société DUMEZ LAGORSSE

prise en la personne de son représentant légal domicilié XXX

XXX

XXX

XXX

Représentée et plaidant par Me Z A de la SELARL
A & ASSOCIES, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

M. X Y

XXX

XXX

Représenté et plaidant par M. B C syndical CGT muni d’un pouvoir en date du

8 avril 2013

INTIME

Après avoir entendu Madame BEDOS Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 06 Septembre 2016, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le
Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE :

M. X Y a été embauché à compter du 13 mars 1989 selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de maître ouvrier maçon coffreur par la société Maillard et
Duclos, aux droits de laquelle vient la société Dumez Auvergne (anciennement dénommée Dumez
Lagorsse).

Le 19 novembre 2008, M. Y a été victime d’un accident du travail, à la suite duquel il a été placé en arrêt de travail. Il a été déclaré consolidé le 1er décembre 2010 par le service médical de la caisse primaire d’assurance maladie du
Puy-de-Dôme. Il a ensuite été placé en arrêt de maladie du 2 décembre 2010 jusqu’au 9 janvier 2013.

A l’issue de la visite médicale de reprise en date du 10 janvier 2013, M. Y a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail dans les termes suivants : « Inapte
Maçon/Coffreur. A revoir dans 15 jours. Apte dorénavant à un poste aménagé sédentaire à temps partiel, qui exclut le travail aux intempéries, le port manuel de charges lourdes, les déplacements répétitifs sur chantier ».
Lors d’un second examen en date du 24 janvier 2013, le médecin du travail a confirmé dans les mêmes termes l’inaptitude au poste du salarié.

Par courrier recommandé en date du 26 février 2013, M. Y a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant la légitimité et la régularité de la mesure prise à son encontre, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand le 6 mai 2013 pour obtenir notamment la condamnation de l’employeur au paiement des indemnités de rupture, et l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement en date du 24 avril 2014, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement de M. Y ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, condamné la société
Dumez Lagorsse à payer à M. Y les sommes de :

* 53.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

* 6.538,90 euros à titre d’indemnité de préavis, y compris les congés payés,

* 14.185 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— débouté M. Y du surplus de ses demandes,

— dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner à l’employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement,

— débouté la société défenderesse de ses demandes,

— condamné celle-ci aux dépens.

Par acte du 7 mai 2014, la société Dumez Lagorsse a régulièrement appel interjeté de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES :

La SOCIÉTÉ Dumez Auvergne dans ses conclusions développées lors de l’audience, sollicite l’infirmation du jugement et demande à la cour de:

— dire et juger que l’inaptitude n’a pas d’origine professionnelle,

— dire et juger que la procédure spécifique applicable aux salariés déclarés inaptes suite à inaptitude d’origine professionnelle n’avait pas à s’appliquer,

— dire et juger que la procédure de recherche de reclassement est complète, loyale et sérieuse,

— en conséquence, dire et juger que l’impossibilité de reclassement est caractérisée,

— dire et juger que la procédure de licenciement est régulière,

— dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, dire et juger que M. Y ne peut prétendre au versement des indemnités spécifiques de rupture prévues par l’article L.1226-14 du code du travail,

— débouter M. Y de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice subi du fait d’un licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse,

— condamner M. Y au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. Y à rembourser les sommes perçues en exécution du jugement de première instance.

Elle souligne que si l’accident dont a été victime M. Y a bien été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, la consolidation, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, a été déclarée acquise au 1er décembre 2010, ce qui a eu pour conséquence l’arrêt du versement des indemnités journalières de la sécurité sociale dues au titre de l’accident du travail.

Elle relève que tous les arrêts qui s’en sont suivis ont été délivrés pour maladie, qu’il est donc évident que les arrêts de travail de M. Y ont été délivrés pour une pathologie autre que celle résultant de l’accident du travail survenu quelques années auparavant et qu’aucune rechute liée à l’accident du travail ne peut être établie.

Elle considère que M. Y ne rapporte en aucun cas la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre l’accident du travail survenu le 19 novembre 2008 et l’inaptitude physique constatée 5 ans plus tard, le 24 janvier 2013.

Elle en déduit que les procédures de recherche de reclassement et de licenciement classiques ont pu valablement être suivies, de sorte qu’elle n’avait pas à consulter les délégués du personnel et que la procédure qui a été appliquée à M. Y est parfaitement régulière.

Elle affirme avoir procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement tant au sein de la société qu’au sein du groupe Vinci auquel elle appartient ce dont témoignent selon elle:

— le registre unique du personnel qui démontre qu’aucun poste correspondant aux nouvelles capacités du salarié n’était disponible au sein de l’entreprise Dumez Auvergne et qu’aucun recrutement sur la période concomitante au constat d’inaptitude et au licenciement et compatible avec l’état de santé de M. Y n’a été réalisé,

— le courrier de recherche de reclassement adressé aux différentes entreprises du groupe Vinci le 28 janvier 2013,

— la liste des entreprises sollicitées par la société pour tenter de maintenir M. Y en activité,

— l’ensemble des réponses reçues dans le cadre de cette recherche de reclassement.

Elle soutient avoir envisagé une recherche de reclassement au besoin par transformation et adaptation de poste en prévoyant des possibilités de formations comme cela ressort des courriers de recherche de reclassement adressés aux différentes entités du groupe Vinci le 28 janvier 2013.

Elle rappelle que le critère de permutabilité n’est retenu que s’il existe des activités identiques et/ou coordonnées entre les entreprises d’un même groupe, et précise que les entreprises du groupe Vinci recouvrent des secteurs d’activité très divers (construction et entretien des routes et autoroutes, gestion de parkings, entreprises de services) nécessitant des qualifications que M. Y ne possédait pas, puisqu’il n’avait d’expérience que dans le secteur du bâtiment comme en témoigne son curriculum vitae.

Elle ajoute que M. Y n’a pas été en mesure d’exécuter le préavis et que, l’inaptitude n’étant nullement d’origine professionnelle, il n’est pas fondé à solliciter le versement d’une indemnité à ce titre, de même qu’il ne peut prétendre à l’application des dispositions des articles L1226-10 et suivants du code du travail.

M. X Y, dans ses conclusions complétées oralement à l’audience, sollicite la confirmation du jugement de première instance excepté pour ce qui concerne le montant des dommages et intérêts accordés qu’il demande à la cour de fixer à 100.000 euros. Il réclame une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que la cause de son inaptitude est l’accident du travail du 11 octobre 2008, et qu’il importe peu que que la caisse primaire d’assurance maladie ait considéré son état de santé consolidé en 2010 et qu’il n’ait pas contesté cette décision.

Il considère en conséquence que la procédure de licenciement spécifique à l’inaptitude professionnelle devait être suivie.

Il soutient en outre que l’employeur n’a pas mené une recherche sérieuse et loyale de reclassement, rappelant que la société est une filiale du groupe Vinci.

Il explique qu’il perçoit actuellement une indemnité d’invalidité de 1.100 euros, qu’il a ainsi subi une réduction importante de sa rémunération mensuelle et que cette situation aura également un impact important sur le montant de sa retraite.

Il a précisé à l’audience renoncer à sa demande relative à l’alignement du montant de l’indemnité compensatrice de préavis sur celle versée aux cadres.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

— Sur l’origine de l’inaptitude:

Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle doivent être mises en 'uvre dès lors d’une part que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie, d’autre part que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En l’espèce, M. Y a été placé en arrêt de travail au titre de la législation sur les accidents de travail à partir du 19 novembre 2008, jusqu’au 1er décembre 2010. La déclaration d’accident du travail mentionne : 'le salarié sortait du vestiaire pour se rendre sur son poste de travail lorsqu’il sentit une douleur thoracique et une douleur dans le bras gauche (malaise cardiaque)'. M. Y a été hospitalisé en service de cardiologie du 19 novembre 2008 au 25 novembre 2008.

Le Docteur Genesty, médecin-conseil, a considéré que l’état de santé de M. Y, en rapport avec l’accident, devait être considéré comme consolidé le 1er décembre 2010, et cette décision n’a pas été contestée. Si M. Y soutient à juste titre que la position adoptée par la caisse primaire d’assurance maladie est sans incidence sur l’appréciation du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude constatée le 24 janvier 2013, l’existence de ce lien de causalité doit toutefois être établie, et ne peut résulter du seul constat de la continuité d’arrêts de maladie entre l’accident et l’avis d’inaptitude.

Or, l’avis émis par le médecin du travail à l’issue des visites médicales de reprise en date des 10 janvier 2013 et 24 janvier 2013, dont les termes ont été rappelés ci-dessus, n’apporte aucun éclairage à cet égard, les restrictions émises étant sans lien évident avec la pathologie initiale (exclusion du travail aux intempéries, du port manuel de charges lourdes, des déplacements répétitifs sur chantier). Par ailleurs, M. Y, à l’appui de ses affirmations quant à l’origine professionnelle de l’inaptitude, ne produit aucune pièce médicale, ni aucun des arrêts de maladie délivrés, étant observé que les avis d’arrêt de travail en possession de l’employeur ne comportent aucune mention relative à la pathologie dont souffrait M. Y.

Au regard de ces explications, il ne peut être considéré que l’inaptitude du salarié, trouve son origine, au moins partiellement, dans l’accident du travail dont a été victime M. Y le 19 novembre 2008.

C’est en conséquence à tort que le conseil de prud’hommes a jugé que les règles protectrices concernant les victimes d’un accident du travail devaient être appliquées par l’employeur, qui n’étaient pas tenu, contrairement à ce que soutient M. Y, de consulter les délégués du personnel.

— Sur la recherche de reclassement :

Aux termes de l’article L1226-2 du code du travail, « lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
»

En application de ce texte, l’inaptitude physique du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi compatible avec ses capacités ne peut lui être proposé, compte tenu des indications fournies par le médecin du travail. Les recherches de reclassement, qui doivent être diligentées au sein tant de l’entreprise que du groupe auquel elle appartient, doivent être sérieuses et loyales. Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a tout mis en 'uvre pour remplir son obligation et que le licenciement est intervenu alors que le reclassement était réellement impossible.

En l’espèce, à l’issue de la seconde visite médicale de reprise en date du 24 janvier 2013, M. Y a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail dans les termes suivants :
'Inapte Maçon/Coffreur. Apte dorénavant à un poste aménagé sédentaire à temps partiel, qui

exclut le travail aux intempéries, le port manuel de charges lourdes, les déplacements répétitifs sur chantier'.

La lettre de licenciement adressée à M. Y le 26 février 2013, est motivée de la façon suivante :

'(') A la suite d’un arrêt de travail pour maladie, vous avez été reçu pour un examen médical par le médecin du travail le 10 janvier 2013, puis le 24 janvier 2013, où il a conclu à votre inaptitude définitive à votre poste de travail.

Compte tenu de l’avis médical émis par le médecin du travail, nous avons alors engagé une recherche de reclassement au sein de notre entreprise. Aucun poste compatible avec les recommandations de la médecine du travail n’était disponible dans l’entreprise. La recherche de reclassement a donc été réalisée auprès des sociétés du groupe, notamment suite aux précisions que vous avez apportées à Mme D, responsable des ressources humaines, lors de votre entrevue du 15 janvier 2013.

Malgré une recherche de solutions de reclassement auprès des filiales du groupe auquel nous appartenons, il en ressort qu’aucun autre poste approprié à vos capacités, et aussi comparable que possible à votre emploi précédemment occupé, ne peut être envisagé tant au sein de notre entreprise qu’au sein de ces sociétés.

Nous nous voyons donc dans l’obligation de vous licencier au motif de l’impossibilité de reclassement (')'.

Pour démontrer avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement, la société
Dumez Auvergne produit le courrier adressé le 28 janvier 2013 à la direction des ressources humaines de certaines entreprises du groupe, rédigé de la manière suivante:

'Veuillez nous faire part de vos possibilités de reclassement concernant : X Y

Déclaré : inapte au poste de maçon coffreur

Apte dorénavant à un poste aménagé sédentaire à temps partiel, qui exclut le travail aux intempéries, le port manuel de charges lourdes, les déplacements répétitifs sur chantier.

A cette fin, vous trouverez ci-joint :

— les certificats d’inaptitude dressés par le médecin du travail,

— le dossier individuel de l’intéressé,

— le CV.

Nous vous précisons qu’aux termes de l’article L.
1226-2 du code du travail, le reclassement doit intervenir dans tout emploi aussi comparable que possible au précédent, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations ou transformations de poste de travail.

A cet effet, nous attirons votre attention sur le fait que des aides financières peuvent être apportées pour faciliter soit l’adaptation ou la transformation du poste, soit la formation ou le reclassement de l’intéressé, afin de rendre le poste à pourvoir compatible avec les exigences médicales ci-après mentionnées.

Merci de compléter le coupon-réponse et de nous adresser copie de la présente au plus tard le 8 février 2013.'

Il sera relevé que ce courrier, auquel est certes joint le dossier individuel du salarié, sans précisions toutefois quant au contenu de ce dossier, ne comporte aucun développement particulier et individualisé sur l’expérience et les compétences professionnelles de M. Y et ne fournit aucune indication sur les tâches concrètes qui pourraient lui être confiées ni

aucun renseignement de nature à favoriser son reclassement. Par ailleurs, le coupon-réponse figurant dans un encadré en bas de la lettre, avec la possibilité de cocher la case 'ne donne pas suite’ est peu incitatif quant à l’effort de recherche et de réflexion attendu des interlocuteurs sollicités, au demeurant dans un temps très restreint, eu égard au délai imposé pour la réponse.

La société Dumez Auvergne produit encore les 87 réponses reçues, retournées pour la plupart, avant le 8 février, voire pour certaines, le lendemain du jour de l’envoi de la lettre de l’employeur, et qui se bornent à cocher la réponse 'ne donne pas suite', sans plus de précisions, ce qui ne peut être considéré comme satisfaisant quand une recherche sérieuse de reclassement suppose que soient envisagées d’éventuelles possibilités de mutations, de transformations ou d’adaptation de postes, ce que la rapidité et le caractère lapidaire des réponses ne permettent pas de vérifier.

Par ailleurs, nonobstant le nombre important de courriers envoyés, il n’est pas justifié que le panel d’entreprises que l’employeur a choisi d’interroger constituait le seul périmètre de l’obligation de reclassement, alors qu’il résulte des documents de présentation du groupe produits que celui-ci compte environ 180.000 salariés, dont plus de 100.000 en France avec des entreprises dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, mais aussi dans d’autres secteurs d’activité : parking (Vinci Park), autoroutes (ASF,
Cofiroute, Escota), aéroports et entreprises de service, avec près de 260 implantations en région Rhône-Alpes/Auvergne.

Ainsi, la prospection menée auprès de certaines entreprises du groupe Vinci ne peut constituer un effort sérieux de recherche de reclassement de la part de l’employeur auquel il incombait d’effectuer une recherche effective et personnalisée des postes pouvant être confiés au salarié au sein du groupe et qui ne pouvait se limiter à une interrogation de portée générale avec un simple rappel du poste précédemment occupé sans fournir aucune information sur les compétences professionnelles de l’intéressé, sur les formations qu’il a pu suivre, ses expériences professionnelles et sur les tâches pouvant lui être confiées.

L’argument de la société Dumez Auvergne quant à la difficulté d’envisager une permutabilité du personnel entre les différentes sociétés du groupe Vinci est inopérant, alors que malgré la diversité des activités déployées, de nombreux postes, notamment à caractère sédentaire, recouvrent nécessairement des compétences communes.

Il convient de relever en outre que la production du registre unique du personnel ne suffit pas à démontrer la réalisation des démarches concrètes initiées par l’employeur pour tenter de reclasser le salarié au sein de l’entreprise elle-même, alors que selon l’avis du médecin du travail, M. Y conservait une aptitude résiduelle à un poste aménagé sédentaire à temps partiel, et qu’il n’est justifié d’aucune étude de poste, d’aucune recherche effective afin de proposer un emploi compatible avec les indications données par le médecin du travail, au besoin par le recours à des mesures de transformations de poste, de mutations ou d’aménagement du temps de travail.

Il ressort par ailleurs des éléments versés aux débats par M. Y que le groupe Vinci a créé une structure dédiée à la 'problématique du reclassement', l’association Trajeo’h, qui a pour mission d’accompagner toutes les sociétés du groupe dans le traitement des questions de maintien dans l’emploi, d’aiguiller le salarié en voie d’inaptitude, de diagnostiquer ses compétences et motivations, et de proposer les meilleures solutions envisageables, en interne et à l’externe.

Or, il apparaît que l’employeur, qui ne développe sur ce point précis aucune argumentation, n’a pris aucune initiative pour provoquer l’intervention de cette association, à laquelle peut pourtant avoir recours toute société du groupe.

Il résulte de l’ensemble de ces explications que la société Dumez Auvergne, qui n’a formulé aucune proposition, n’a pas satisfait aux exigences de l’article L 1226-2 du code du travail quant à son obligation de recherche de reclassement. En l’état des éléments d’appréciation versés aux débats, il n’est nullement démontré que tout reclassement était impossible au sein de l’entreprise ou dans l’un ou l’autre des établissements du groupe.

Le licenciement se trouve en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse, et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Par ailleurs, dès lors que l’inexécution du préavis n’est pas le fait du salarié, mais a pour cause première le manquement de l’employeur à l’obligation de reclassement consécutive à l’inaptitude, M. Y peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis, étant rappelé qu’il a renoncé à l’audience à sa demande initiale tendant à l’application à cet égard du statut cadre. Le jugement sera infirmé de ce chef et la société Dumez Auvergne sera condamnée à payer à M. Y au titre du préavis la somme de 4.359,27 euros correspondant à deux mois de salaire, cette somme incluant les congés payés afférents.

En revanche, l’inaptitude n’étant pas d’origine professionnelle, M. Y doit être débouté de sa demande relative au doublement de l’indemnité de licenciement formulée en application de l’article L. 1226-14 du code du travail, et le jugement sera infirmé de ce chef.

M. Y perçoit une pension d’invalidité mensuelle de 1.100 euros étant précisé qu’il n’est plus éligible depuis le mois d’avril 2016 à l’allocation d’aide au retour à l’emploi qu’il percevait jusqu’alors à hauteur de 300 euros par mois. Il justifie par la production de son relevé de carrière de l’impact du licenciement sur ses droits à retraite.

En considération de ces éléments, de l’âge du salarié au moment de la rupture du contrat de travail, du montant de son salaire, de son ancienneté au sein de l’entreprise, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 53.000 euros à titre de dommages-intérêts, cette somme étant de nature à réparer le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail.

— Sur le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié :

Le licenciement sans cause réelle et sérieuse est intervenu dans une entreprise comptant plus de 10 salariés et a été prononcé à l’encontre d’un salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté.

En application de l’article L1235-4 du code du travail, l’employeur devra rembourser à l’organisme Pôle emploi Auvergne, les indemnités de chômage versées à M. Y depuis son licenciement dans la limite de six mois. Le jugement, qui a exclu l’application de ces dispositions sera infirmé à cet égard.

— Sur l’article 700 du code de procédure civile:

La société Dumez Auvergne supportera les dépens d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur devra payer à M. Y, en plus de la somme allouée en première instance sur le même fondement, la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens d’appel. La société Dumez Auvergne sera elle-même déboutée de la demande formulée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement en ce qu’il a :

— dit que le licenciement de M. X Y a été prononcé sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Dumez Auvergne à payer à M. X Y la somme de 53.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

— condamné la société Dumez Auvergne à payer à M. Y la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance,

Infirme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

— déboute M. X Y de sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail,

— condamne la société Dumez Auvergne à payer à M. X Y la somme de 4.359,27 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents,

— ordonne le remboursement par la société Dumez
Auvergne à l’organisme Pôle emploi
Auvergne des indemnités de chômage versées au salarié licencié depuis le jour de son licenciement, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

Y ajoutant,

— rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

— condamne la société Dumez Auvergne à payer à M. X Y la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— déboute la société Dumez Auvergne de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

— condamne la société Dumez Auvergne à supporter les dépens d’appel

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

D. BRESLE Y.ROUQUETTE-DUGARET

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